« Plumes bien taillées » contre « livres très pernicieux à l’État » : Gabriel Naudé et les mazarinades
Fabienne QUEYROUX
Conservateur en chef à la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art
« Enfin, Monseigneur, si l’on pouvoit désabuser je ne diré pas tout le peuple mais la plus grande part d’iceluy, ce qui ne seroit pas difficile à faire, vous verriez incontinent la fronde et toux ceux qui les fomentent aussy mols que tripes. Mais pour ce faire il fault mettre la main à la plume1 ». Tel est le conseil, l’instance répétée sans relâche que Gabriel Naudé adresse à Mazarin pendant la Fronde et l’exil du cardinal, tandis que les mazarinades déferlent. Fasciné par la politique, comme observateur, commentateur, critique, et théoricien, aspirant même, auprès de Mazarin, au rôle de conseiller, Naudé est hautement conscient du pouvoir de la propagande. Adversaire déterminé des « libelles séditieux », c’est-à-dire des écrits qui peuvent troubler l’ordre public, il considère le pamphlet comme un instrument essentiel pour influencer, convaincre et même gouverner ce qu’il désigne par « le peuple ». Son intérêt pour le genre pamphlétaire se manifeste des premières expériences de sa jeunesse jusqu’au Mascurat, sa dernière œuvre publiée, ainsi que dans sa correspondance et dans sa pratique même de bibliothécaire-secrétaire au service de grands personnages directement impliqués dans la vie publique.
« … Ces écrits médisants… volent et dérobent la bonne renommée de leur prince, aigrissent les esprits de ses peuples contre lui, et tâchent par ces pommes de discorde de les préparer à une gigantomachie et rébellion manifeste2… »
Tous les premiers ouvrages de Naudé s’inscrivent directement dans une veine polémique et persuasive, ne serait-ce que par leur contexte de création et les termes principaux de leurs titres : « Marfore », « instruction », « apologie »… En 1620 paraît Le Marfore, ou discours contre les libelles. À Rome, la statue surnommée Marforio, placée en face de Pasquino, servait de support aux réponses faites aux pasquinades : Le Marfore, par son titre, par l’anonymat de la publication seulement signée des initiales GNP (pour « Gabriel Naudé Parisien »), son format in 4° et son petit nombre de pages (22, en 3 cahiers), est bien un pamphlet – dirigé contre les pamphlets3. Sa rédaction a été provoquée par une campagne de libelles attaquant le duc de Luynes, favori de Louis XIII, au début de l’année 1620. Le titre de l’œuvre (anti-pasquin) indique clairement le parti pris royaliste de l’auteur, qui veut « faire boulevard et résistance à ce torrent de calomnie » (p. 3) et, « courant au plus prompt remède qui est la plume, fidèle messagère de nos conceptions, [préparer] un remède cordial et antidote pour résister au souffle de ces basilics… » (p. 4). Naudé offre une démonstration, appuyée sur des autorités et des exemples historiques, du droit du roi, prince éclairé, à avoir des favoris ; il met aussi vigoureusement en garde contre le pouvoir délétère de la chose écrite4.
Première œuvre attribuée à Naudé, alors âgé de vingt ans, Le Marfore est en fait une récidive. En effet, trois ans plus tôt, en 1617, après l’assassinat du maréchal d’Ancre, Naudé, étudiant au collège d’Harcourt, a publié deux pamphlets anti-Concini, jusqu’à présent non répertoriés dans sa bibliographie et que nous avons découverts : Le voyage de maistre Guillaume touchant le Marquis d’Ancre et le Discours de Bruscambille avec la description de Conchini Conchino5. Les deux textes s’inscrivent, comme le Marfore, dans une production abondante et très conjoncturelle. Leurs auteurs ostensibles, Maître Guillaume, le fou de Henri IV et de Louis XIII, et Bruscambille, c’est-à-dire Deslauriers, comédien chargé des prologues à l’hôtel de Bourgogne, tous deux bien vivants et actifs en 1617, servent fréquemment de prête-nom aux libellistes et pamphlétaires, en exprimant toujours un point de vue royaliste ou s’opposant aux « perturbateurs de l’Etat6 ».
En 1623, Naudé publie l’Instruction à la France sur la vérité de l’histoire des frères de la Roze-Croix7. Il s’agit à nouveau d’une réaction rapide à un événement d’actualité, cette fois des placards apposés à Paris (certains sur les murs même du Louvre), invitant à joindre la Fraternité Rose-Croix, où l’on apprendra les secrets de l’invisibilité, de la fabrication de l’or, etc. Ces placards ont semé la panique à Paris8. Première œuvre signée de Naudé, l’Instruction à la France… est un véritable traité, extrêmement documenté, sur la fraternité des Rose-Croix, mais comme dans le Marfore, l’auteur explique dans son avertissement au lecteur qu’il a voulu « mettre la main à la plume » pour « dessiller les yeux de vostre [du lecteur] entendement, abattre les tayes et cataractes du mensonge » et qu’il a travaillé dans l’urgence. De fait, ses deux premiers chapitres ressortissent clairement au propos pamphlétaire et fustigent la crédulité populaire, tandis que le dernier conclut « que tous les faux bruits… sont préjudiciables à tous les royaumes, états et monarchies9 ». Deux ans plus tard, dans l’Apologie pour tous les grands hommes faussement soupçonnés de magie, composée en réponse à un traité du Père Garasse, le pouvoir de la rumeur et la crédulité sont encore combattus.
Utiliser sa raison et démasquer les impostures, en faisant appel à la démonstration, appuyée sur la critique historique10 : pour Naudé, la lutte contre le mensonge concerne aussi bien les superstitions que les rumeurs séditieuses.
Le jeune Naudé de 1620 conclut dans le Marfore qu’une répression menée contre les auteurs de libelles en réduirait peut-être le nombre, mais les rendrait « plus furieux et sanglants » et que, par conséquent, la meilleure attitude à adopter est de les ignorer, « estant tres-certain que quand ces escrivains recognoistront le peu de conte que l’on fait de leurs conceptions, ils cesseront de plus se travailler à bastir des mensonges11 ». Plus tard, le Naudé théoricien de la Bibliographia politica et des Considérations politiques sur les coups d’État recommande aux « politiques » la lecture et l’étude des pamphlets, parce qu’ils permettent d’observer à l’œuvre les diverses modalités du mensonge et du secret politique12. La persuasion, tout particulièrement sous sa forme écrite, est toute puissante : « Et ce que les armes ne peuvent bien souvent obtenir sur les hommes, ceux-ci le gagnent par une simple déclaration ou manifeste », Naudé donnant de nombreux exemples historiques de conflits ayant produit « une infinité de libelles autant préjudiciables aux uns que favorables aux autres », parmi lesquels il cite, pour son époque, des pamphlets contre Concini et le duc de Luynes aux « merveilleux effets13 ». Quant au Naudé de la Fronde, il réclame une punition impitoyable pour les auteurs, imprimeurs et vendeurs de « livres très pernicieux à l’État14 ». Il s’engage aussi directement dans la bataille pamphlétaire par l’écriture ou l’édition de pièces pro-Mazarin, en combattant simultanément sur plusieurs fronts.
« Naudé, qui n’est pas sorty de Paris pendant les troubles, afin, comme je le crois, de conserver ladite bibliotheque15… »
Le premier front ouvert concerne la bibliothèque de Mazarin, que Naudé a commencé à rassembler en 1643. De loin la plus fournie d’Europe avec plus de quarante mille volumes, elle a été conçue dès son origine comme devant s’ouvrir au public. La constitution d’une telle bibliothèque en si peu de temps, nécessairement à fort grands frais, a beaucoup frappé les contemporains, et les mazarinades s’en font l’écho : en 1649, Mazarin est traité d’« homme à bibliothèque16 », celle-ci lui sert à masquer son inculture (il place d’ailleurs les muses au-dessus du fumier, puisque la bibliothèque occupe dans le palais de Mazarin l’étage au-dessus des écuries17), ou bien elle est, comme tout son palais et ses collections artistiques, une preuve des dépenses somptuaires du cardinal18. Comme tous les autres biens de Mazarin, elle est menacée dès le début de 1649. Ce n’est que grâce aux désaccords sur son sort entre les membres du Parlement qu’au contraire des meubles du cardinal elle échappe à la vente – ce dont se félicite l’auteur de la Lettre à Monsieur le Cardinal, burlesque, qui (rejoignant sur ce point au moins l’opinion du bibliothécaire) estime que la bibliothèque doit servir « à tous les sçavans de Paris19 ». Naudé, qui avait été officiellement commis à sa garde par arrêt du parlement, a fait de son mieux pour en retarder l’inventaire ordonné en mars ; la conclusion de la paix de Saint-Germain la sauve momentanément20.
En revanche, dès le départ de Mazarin de Paris en février 1651, les menaces reprennent. La bibliothèque excite la convoitise des collectionneurs (dont celle de certains membres du Parlement, bibliophiles passionnés) et sa valeur marchande pourrait servir à satisfaire les créanciers de Mazarin. Naudé multiplie les démarches, cherche à se concerter avec les autres amis du cardinal et les membres de sa maison, mais se plaint d’être peu soutenu21. Il agit donc par lui-même en publiant plusieurs textes, justement comptés parmi les mazarinades par Célestin Moreau parce qu’ils ont valeur d’appel à l’opinion : ils mettent en valeur la générosité de Mazarin, qui a désiré faire profiter le public des richesses incomparables de sa bibliothèque – argument également très présent dans les deux éditions du Mascurat22.
Tout d’abord la Remise de la bibliothèque de Monsieur le cardinal Mazarin par le sieur Naudé entre les mains de M. Tubeuf23. Jacques Tubeuf, président à la Chambre des comptes, a en effet fait saisir le palais de Mazarin dès le 13 février 1651, comme gage de sûreté d’une créance de plus de 600 000 livres. Sorte de procès-verbal de la visite et de la remise de clefs ayant eu lieu le lendemain de la saisie, le texte de Naudé, non signé, donne une description détaillée de la bibliothèque et se termine par un vibrant éloge de Mazarin. D’après Célestin Moreau, la pièce est rarissime. Naudé la mentionne dans une lettre à Mazarin du 23 juin 1651 comme dûment donnée au public, et ses comptes montrent qu’il a versé 8 livres à Cramoisy pour l’impression de 300 exemplaires24. Cependant ce petit tirage fait penser davantage à une diffusion ciblée qu’à une vente en librairie ou par des colporteurs25.
Au tout début de l’année 1652, alors que la dispersion en vente publique de la bibliothèque est imminente, Naudé écrit encore et fait imprimer un Advis à Nosseigneurs du Parlement sur la vente de la bibliothèque de M. le cardinal Mazarin, signé des initiales G. N. P. Il y supplie le Parlement d’épargner sa « fille », « l’œuvre de ses mains, le miracle de sa vie26 », mais n’ose le répandre immédiatement. Juste après la fin de la vente, il affirme qu’on lui en demande de plus en plus de copies et qu’il peut « asseurer [Son] eminence que cette petite piece n’a pas peu servie à rendre cette action [la dispersion de la bibliothèque] criminelle et à concilier la hayne d’une infinité de personnes à ceux qui en ont esté la cause27 ». De fait, cet Advis a été diffusé, au moins à l’étranger puisqu’il a immédiatement été traduit en anglais et deux ans après en allemand28. Il est bien tentant de supposer que le passage du texte outre-Manche pourrait être dû au savant, collectionneur et bibliophile John Evelyn, qui vit à Paris entre 1649 et le début de l’année 1652, appartient aux cercles royalistes anglais en exil, fréquente assidûment les cercles intellectuels français, et connaît personnellement Naudé dont il traduira plus tard l’Advis pour dresser une bibliothèque29. Enfin, Naudé publie anonymement début 1652 la Bibliotheca venalis seu Mazarinus proscriptus. Il s’agit d’un tout petit recueil de vers latins et français (quatre pages) qui lui sont donnés par ceux qui s’indignent de la dispersion de la bibliothèque. Imprimé encore à 300 exemplaires par Cramoisy, pour la somme de 8 livres, sa diffusion a dû rester limitée30. Notons cependant que d’autres mazarinades de 1652, pro-gouvernementales, reprennent le motif31. Un écho des efforts de Naudé se retrouve aussi dans une mazarinade datable de début janvier 1652. Dans un passage fantastique, un menuisier désireux de toucher la récompense promise pour la tête du cardinal fend à la hache le crâne de Mazarin ; le personnage de Naudé en jaillit pour aussitôt courir « en poste dans un mannequin percé porter la clef de la bibliothèque aux deux cautions32 ».
Conséquence directe des difficultés rencontrées pour faire imprimer des pièces pro-Mazarin, prudence personnelle ou stratégie libertine de dissimulation33 ? Toutes les publications de Naudé en faveur de la bibliothèque sont semi-confidentielles, et leur impact ne doit pas se mesurer à la même aune que celui des « chansons du Pont-Neuf34 ».
« Mais puis que nous avons parlé de Naudé que je cognois, à cause de son Apologie pour tous les grands hommes soupçonnez de magie, & de beaucoup d’autres livres qu’il a composez, dis-moi un peu, que veut dire qu’il ne fait maintenant rien pour la défense de son maître35 ? »
Naudé, en sus de la défense de la bibliothèque, se consacre aussi à une action de propagande plus générale. D’abord, dès 1648, il collectionne les mazarinades, pour mieux en préparer les réponses. On le sait par le Mascurat ; on trouve aussi dans les comptes de Naudé des mentions d’achats de libelles, avec leurs prix36. Dans pratiquement toutes ses lettres au cardinal, entre le mois de juin 1651 et jusqu’en décembre 1652 (alors qu’il a quitté la France pour devenir le bibliothécaire de la reine Christine de Suède), Naudé, comme dans ses écrits de jeunesse, revient sans cesse sur le thème des mensonges à réfuter et donne des conseils pour, comme il l’écrit très souvent, « destromper les peuples », cette foule dont il se méfie tant, inconstante, violente, aux pulsions irrationnelles37. Ainsi, il commente pour Mazarin les nouvelles parutions, et donne les exemples de la propagande du Prince de Condé et de Retz, dans l’espoir d’inciter le cardinal à l’action38. Puisque Mazarin hésite à écrire lui-même, Naudé lui fait des propositions pour le recrutement de « plumes bien taillées » : des hommes capables ou bien d’aider le cardinal à mettre en forme ses défenses (par exemple François Colletet39, fils d’un vieil ami de Naudé) ou bien de composer des pièces en sa faveur – en somme, il plaide pour la mise en place d’un bureau de presse40. Naudé cite ainsi en juin 1651 les noms de La Mothe Le Vayer, Colletet père, La Milletière, Christophe Balthasar ; il approche aussi Mathieu de Morgues ; plus tard, en décembre, il mentionne les noms de Denis-Anthime Cohon et de Silhon41. Il prépare un mémoire préconisant divers moyens de répondre aux libelles, qu’il tente de faire parvenir à la reine42. Il s’emploie aussi à obtenir le soutien du monde érudit : il parle en faveur du Cardinal aux membres du Cabinet Dupuy, conseille de ménager certains personnages (Ismaël Boulliau ou Jean Chapelain, par exemple), et recueille des lettres de savants favorables au cardinal afin de les publier43.
Surtout, Naudé offre ses services pour composer ou faire imprimer des réponses aux libelles anti-gouvernementaux. Il suggère des thèmes pour des écrits de propagande44. Il rassemble des pièces justificatives, et tous les éloges composés antérieurement à la Fronde, que Mazarin lui avait fait conserver à la bibliothèque45. S’il se plaint souvent d’être restreint dans ses initiatives (« le seul moyen est d’écrire et de parler, en quoy si je n’avois besoing du secours d’autruy je ferois bien ma part sans en prendre ny attendre l’advis de personne46 »), cependant le bureau de presse commence à fonctionner. À partir du mois d’août 1651 et jusqu’au printemps 1652, Naudé contribue à la rédaction et à l’impression de pièces que lui fait parvenir Mazarin (par exemple, Lettre du cardinal à La Reine, Lettre au roi, Lettre de Mazarin au Prévôt des marchands47).
« … Une defense toute faicte et la plus belle et plus particulière et plus agréable à lire qui ait jamais esté faicte pour personne48 ».
Pour Naudé, l’une des pièces maîtresses de la défense de Mazarin devrait être le Mascurat. À plusieurs reprises pendant l’été 1651 et encore fin 1652, il tente de persuader le cardinal de l’utiliser. Il faudrait le diffuser en France, en le vendant publiquement et en offrant aussi une trentaine d’exemplaires « bien reliés » aux « plus obstinez frondeurs » ; il faudrait le réimprimer et aussi le traduire en latin et en allemand, pour en assurer une diffusion à l’étranger ; il faudrait aussi l’abréger, en supprimant les « digressions » pour en faire une agréable édition portative ; bref, il faudrait « le mettre en toutes sortes de saulces » pour « le rendre aussy commun que les almanachs49 ».
La critique, de Célestin Moreau à Hubert Carrier et Christian Jouhaud, a reconnu sans hésiter au Mascurat le statut de mazarinade : le cœur de l’ouvrage est bien une réfutation des attaques contre Mazarin, son style est bien celui d’un pamphlet, même s’il se distingue assurément de l’ensemble de la production, ne serait-ce que par son volume et la diversité des sujets abordés dans ses célèbres digressions50.
Deux amis, l’imprimeur Mascurat et le libraire Saint-Ange, se livrant tous deux au colportage de mazarinades, dialoguent pendant une journée entière, attablés au cabaret tandis qu’ils attendent la fin de l’impression d’un libelle qu’ils iront vendre. Au fil de centaines de pages, l’intarissable Mascurat défend le cardinal Mazarin contre les accusations portées par les libelles, tandis que Saint-Ange, adversaire rusé et bien informé, objecte, réclame des précisions, traque les failles de l’argumentation, tout en veillant à ce que lui-même et son interlocuteur soient régulièrement approvisionnés en boisson et nourriture. Mascurat examine ainsi la généalogie de Mazarin pour réfuter l’accusation de roture, justifie sa politique étrangère et loue son talent diplomatique, dément les accusations d’enrichissement personnel, insiste sur la générosité du cardinal envers les hommes de lettres et sur sa mansuétude envers ses ennemis. La défense de Mazarin donne lieu à un examen critique étayé des mazarinades de la première Fronde (précieuse source d’information quant à leur création, leur diffusion et leur réception), mais bien d’autres sujets sont évoqués, en de nombreuses digressions, brèves ou longues, parfois vertigineusement enchâssées les unes dans les autres : dénonciations de la magie et de ses impostures, femmes savantes, proverbes et présages, académies italiennes, allusions érudites, discussions bibliographiques… de l’avis de Guy Patin, le premier lecteur : « grande quantité de belles et rares curiosités51 ». Pour Sainte-Beuve en 1843, le Mascurat de Naudé est « une espèce de salmigondis épais et noir, un vrai fricot comme nos aïeux l’aimaient, où il y a bien du fin lard et des petits pois52 », tandis qu’un siècle plus tard, René Pintard parle de « l’étrange Mascurat et sa bizarre composition, […] ce paradoxe d’une verve polémique qui s’ensevelit sous l’érudition et du fatras qui aspire à la légèreté53 ».
De fait, le Mascurat, invariablement cité dès lors que l’on s’intéresse aux mazarinades, paraît déconcertant, en lui-même et par rapport à l’œuvre de Naudé. Les dates exactes et les modalités de sa publication et de sa diffusion sont encore mal connues. De plus, jusqu’à une période récente, il n’avait guère intéressé les lecteurs modernes de Naudé, et à présent qu’il est étudié pour lui-même, son interprétation fait question.
Il existe deux éditions du Mascurat, toutes deux ostensiblement anonymes, toutes deux sans date ni nom d’imprimeur, et qu’on ne distingue extérieurement qu’à leur nombre de pages, respectivement 493 et 718 (en comptant les pages de corrections). Elles ont toutes deux été imprimées par Sébastien Cramoisy, comme le prouvent les comptes de Naudé, corroborés par l’étude du matériel typographique54.
La première édition, rédigée sans doute pendant le siège de Paris55, est tirée à 250 exemplaires et soumise fin août à Mazarin pour approbation, ainsi qu’à plusieurs amis de Naudé : les frères Dupuy, Omer Talon, Guy Patin et deux autres dont les noms ne sont pas connus. Guy Patin explique que, si Mazarin l’approuve, le livre sera mis en circulation56. Le petit nombre d’exemplaires imprimés laisse néanmoins supposer une diffusion adressée uniquement à des destinataires ciblés.
La seconde édition est datée de 1650, depuis la première bibliographie de Naudé publiée par le Père Louis Jacob, reprise dans les Naudaeana de 170357. Elle serait même datable selon nous de la fin de l’été 1650. En effet, Naudé envoie fin septembre 1650 aux cardinaux Barberini un ouvrage de 90 feuilles in quarto, qu’il vient de faire imprimer en défense de son patron : or ce nombre de feuilles correspond exactement aux 718 pages de la seconde édition du Mascurat58. Par ailleurs, Guy Patin évoque dans sa correspondance de l’été 1650 une étude en cours de rédaction par Naudé sur l’histoire de l’imprimerie, qui semble achevée en octobre et s’opposer à un traité de Jacques Mentel fraîchement publié : or l’un des longs excursus ajoutés au Mascurat entre les deux éditions concerne précisément ce sujet59. Le tirage n’est pas connu mais a été largement supérieur à celui de la première édition, comme le prouve, irréfutablement, le registre de la bibliothèque Mazarine de 1690, qui mentionne la présence d’un stock de 547 exemplaires en blanc, dont 5 subsistent aujourd’hui sur les rayons de la bibliothèque (ill. 1) 60.
Cependant, première ou seconde édition, le Mascurat est rare, et il est rapidement devenu un objet de fascination pour les bibliophiles. Dès le XVIIIe siècle, on s’interroge sur l’existence d’une ou deux éditions, on en dresse des tables des matières, on le commente ; aujourd’hui encore, lorsqu’il arrive qu’un exemplaire apparaisse sur le marché, il fait l’objet d’une longue notice insistant sur son histoire, son originalité et sa rareté61.
Le Mascurat a été très peu diffusé et même, dans sa seconde édition, interdit. Ce fait, répété par tous les bibliographes, n’est cependant jamais justifié ; l’on suppose implicitement que l’interdiction est due au contenu politique de l’œuvre. La première édition aurait-elle échappé à la condamnation parce qu’elle n’a connu qu’une diffusion très restreinte ? Serait-ce parce qu’elle a paru dans un contexte d’apaisement du conflit entre le ministre et le Parlement, quelques mois à peine après la paix de Saint-Germain ? Cette situation est encore stable lorsque paraît la seconde édition. En décembre 1650 le Parlement de Paris prend un arrêt donnant mission aux commissaires au Châtelet de saisir les libelles et d’en emprisonner les imprimeurs. Mais la répression contre les publications clandestines est menée par le lieutenant civil de Paris, qui dépend de l’autorité royale et concentre ses efforts vers les pièces les plus violentes, les plus injurieuses et les plus susceptibles de porter trouble à l’ordre public, et de fait, très peu de mazarinades ont fait l’objet d’une interdiction par le Parlement62. La seconde édition du Mascurat comporterait-elle donc des éléments beaucoup plus offensants que la première ? La comparaison des différences dans le texte nous fait douter de cette motivation. La seconde édition présente quelques retranchements, qui concernent surtout la décision de continuer la guerre contre les Espagnols. Les ajouts peuvent se classer en trois catégories principales : des développements élogieux sur la biographie et la généalogie de Mazarin et sur le fait qu’un étranger peut gouverner la France ; des références érudites, soit relatives aux amis de Naudé (par exemple une citation de Leo Allacci), soit consistant en des accumulations bibliographiques ; enfin, plusieurs digressions, dont l’une assez longue relativisant le luxe du palais de Mazarin, en insistant sur le fait que le cardinal a rassemblé ses collections pour le bien public et que son train de maison n’a rien de fastueux si on le compare à l’ordinaire des cardinaux italiens. En somme, un contenu politique qui ne diffère pas fondamentalement de la première édition, et paraît même assez inoffensif, et en tout cas peu neuf, en 1650 et 1651. Nous posons donc l’hypothèse que l’interdiction du Mascurat a d’autres causes. Nous pensons qu’elle résulte du procès de Naudé avec les Bénédictins de Saint-Maur dans le contexte de la violente querelle sur l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ.
Pour Naudé, c’est un troisième front sur lequel il combat avec acharnement pendant la Fronde63. Depuis l’édition par l’Imprimerie royale de l’Imitation de Jésus-Christ en 1643, les Bénédictins voudraient faire attribuer le texte à un auteur bénédictin jusque-là inconnu, l’abbé Gersen, suivant l’opinion de leur confrère le Père Constantino Caetani (1560-1650). Ce savant respecté, grand promoteur de la gloire de son ordre, appuie sa thèse sur le témoignage de quatre documents qu’il a découverts en Italie dans les années 1615. Naudé, qui a procédé à une expertise de ces documents dès 1641, nie l’existence de Gersen et penche pour une attribution à Thomas à Kempis. Cette querelle religieuse et érudite prend la forme de traités, lettres publiées, réfutations réciproques, au ton de plus en plus vif, et finit par aller devant la justice, en un long procès compliqué commencé en 1649. Force factums et requêtes émanent des adversaires, requérant suppression et saisie de leurs écrits respectifs. Ainsi, l’ordre bénédictin demande au Parlement la censure des factums de Naudé et du Mascurat, parce qu’ils contiennent des paroles injurieuses contre l’ordre et contre Caetani :
… [Qu’]il soit dit, & ordonné que tous les mauvais discours, & paroles injurieuses, contenues tant en la lettre écrite par ledit Naudé audit Père Jean Fronteau, que dans le livre intitulé Jugement des pièces imprimées, […] contre le défunct Abbé Constantin Cajetan, & les Religieux de la Congrégation de Sainct Maur, seront supprimez, rayez & biffez desdits liures, & que défenses seront faites audit Naudé, de plus tenir semblables discours, & de plus croire telles impostures contre l’honneur & réputation desdits Religieux Bénédictins64…
Notons au passage que l’anonymat de l’auteur du Mascurat est bien de pure forme, et constatons que, de fait, l’abbé, sans jamais être nommé, est traité, dès la première édition, de « moine crotté, rabougri, ratatiné, fol, & enragé à médire de tout le monde », de « plus grand fourbe et imposteur qui soit en Italie65 », etc. Caetani avait écrit naguère du père de Mazarin qu’il était marchand chapelier, boutonnier et qui plus est banqueroutier. Pour Naudé, l’occasion était belle d’attaquer son ennemi dans la querelle sur l’auteur de l’Imitation sous le couvert de la défense de son patron.
La requête des Bénédictins a été présentée le 13 février 1651, soit une semaine après la fuite de Mazarin, et le jour même de la saisie du palais de Mazarin par Jacques Tubeuf : il est permis de penser que cette temporalité n’est pas le fait du seul hasard. Le procès s’achève le 12 février 1652, par une décision de la Chambre des Requêtes du Parlement, qui renvoie dos à dos les adversaires quant à la diffusion de leurs publications respectives.
Depuis la requête des Bénédictins, le Mascurat est donc de facto « supprimé », et Sébastien Cramoisy ne lui « lâche pas la bride », malgré les instances de Naudé auprès de Mazarin qui souligne son utilité pour la défense du cardinal : avec le Mascurat, « l’on auroit eu de quoy fermer la bouche au moins à toutes les calomnies quae sunt ad hominem », « puisque l’on veoit par iceluy tout ce qui est du detail de sa personne [c’est-à-dire de Mazarin] », et aussi « parce que c’est une defense toute faicte » « joinct qu’ayant esté faicte dès le temps du siège comme un chascun sçait elle en sera bien moins soubçonnée66 ».
Certes… Mais, aussi efficace soit-elle aux dires de son auteur, la défense de Mazarin ne contient pas le Mascurat, et à la lumière des recherches récentes sur le libertinage, la lecture de l’œuvre s’est profondément renouvelée et enrichie67. À commencer par le décryptage des noms des deux protagonistes : selon l’interprétation traditionnelle, donnée dès le XVIIIe siècle, « Mascurat » ferait référence à Camusat, libraire officiel de l’Académie française, mort en 1639, et « Saint-Ange » désignerait Naudé lui-même68. Plutôt qu’une anagramme approximative, « Mascurat » serait-il une allusion à « Maschurat », pseudonyme de Théophraste Renaudot, évidemment propagandiste de la Cour69 ? Est-ce un terme ancien signifiant « barbouillé70 » ? Il nous semble que ce nom pourrait aussi être une francisation de l’italien « mascherato », « masqué ». Quant à « Saint-Ange », un glissement vers « Ange Gabriel » puis « Gabriel Naudé » est effectivement possible71 ; d’ailleurs l’avis de « l’imprimeur au favorable lecteur » fait bien tenir la plume à Saint-Ange, et nous avons pour notre part constaté que Naudé fait référence à lui-même de manière codée sous ce nom dans une lettre à Mazarin en 165172.
Les noms pourtant ne suffisent pas pour distribuer les rôles. Ainsi, Naudé lui-même fait plusieurs apparitions dans le texte, soit explicitement comme un personnage évoqué par les deux protagonistes, soit de manière voilée73. Ensuite, des éléments bien attestés dans la biographie de Naudé sont parfois attribués à Saint-Ange, mais parfois aussi à Mascurat74. Mascurat ressemble à Naudé : il est écrivain, il manie l’érudition, et surtout il défend à toute force le cardinal, mais c’est pourtant Saint-Ange, qui se moque de Mascurat à cause de sa monomanie et le met même en défaut sur la validité de ses preuves, qui joue un rôle essentiel pour faire progresser le dialogue75.
La critique actuelle, qui examine en détail le Mascurat en relation avec les autres œuvres de Naudé en s’attachant particulièrement au repérage des stratégies d’écritures, souligne la complexité du texte et propose plusieurs lectures bien différentes de celle qui prévalait traditionnellement. Pour Hartmut Stenzel, dans le contexte de la Fronde, le défenseur de la raison d’État est impuissant à agir par la seule force du raisonnement factuel ou logique et se réfugie donc dans l’usage de l’érudition humaniste. Pour Sophie Gouverneur, le Mascurat, lu à la lumière des Considérations politiques sur les coups d’État comme un exemple d’écriture dis/simulée, exprimerait un point de vue anti-Mazarin. Pour Isabelle Moreau, il s’adresserait principalement aux parlementaires, pour les convaincre, au nom de la logique supérieure de la raison d’État et pour préserver l’ordre, de se rallier à Mazarin. Pour Bruno Roche, le Mascurat servirait à Naudé dans son entreprise de mise à distance des preuves historiques comme des vérités révélées, pour étendre le champ de l’incrédulité. Le Mascurat prend ainsi de plus en plus de place dans l’étude du corpus naudéen, très concentrée depuis le dernier quart du XXe siècle sur le commentaire des Considérations politiques sur les coups d’État, et, dans une moindre mesure, sur l’Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie et l’Avis pour dresser une bibliothèque. L’édition critique actuellement en préparation sous la direction d’Isabelle Moreau est donc très attendue76.
Le public visé par le Mascurat est un public lettré. Le texte multiplie d’ailleurs les clins d’œil envers la communauté des savants, et nous avons vu que Naudé se place assez naturellement comme l’intermédiaire et le relais entre Mazarin et les hommes de lettres, milieux érudits comme milieux plus mondains77. En effet, le Mascurat ne s’intéresse pas qu’au contenu politique des mazarinades anti-gouvernementales, il examine aussi longuement leur valeur d’un point de vue esthétique78, et Naudé prend visiblement plaisir à leur foisonnement syntaxique et lexical79.
Désespéré de voir son « grand livre » privé d’audience, Naudé se déclarait prêt à braver d’éventuelles poursuites pour le voir diffusé. Ses instances répétées à Mazarin en ce sens peuvent sans doute se lire aussi comme celles d’un auteur frustré80. Cependant, Naudé espérait que l’on ferait du Mascurat des versions allégées, en le réduisant à la stricte défense de Mazarin pour démultiplier son efficacité et le rendre susceptible de toucher des publics plus variés. Remarquons néanmoins qu’il ne propose jamais à son patron de s’y employer lui-même. Car la coupe de ces digressions aurait supprimé une dimension essentielle de son œuvre : son caractère « plaisant », ses « propos entrelardez81 » – pour tout dire, sa dimension burlesque. C’est d’ailleurs dans la plus longue digression du Mascurat que l’on trouve la toute première définition et étude française du burlesque, solidement argumentée… et exprimée de manière burlesque82.
Des œuvres de jeunesse jusqu’au Mascurat, en passant par les pièces rédigées lors de la querelle sur l’Imitation, la verve, le comique, l’ironie, voire l’autodérision sont très présents dans l’écriture pamphlétaire et polémique de Naudé83. Sa réflexion théorique et sa pratique se rencontrent ainsi au croisement d’une philosophie politique, d’une littérature d’action, d’une érudition de combat et d’une veine facétieuse et burlesque.
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1 2 ou 3 août 1651, publiée dans Considérations politiques sur la Fronde : la correspondance entre Gabriel Naudé et le cardinal Mazarin, éd. Philip WOLFE et Kathryn Willis WOLFE, Paris, Seattle, Tübingen, Papers on French seventeenth century literature, 1991, p. 54 (Biblio 17 ; 64).
2 Le Marfore, ou discours contre les libelles, Quae tanta insania cives ? par G. N. P., Paris, L. Boulenger, 1620, p. 3-4.
3 Cf. la communication de Christian Kuhn dans le présent volume.
4 Sur le contexte de rédaction, voir Sharon Kettering, Power and reputation at the court of Louis XIII : the career of Charles d’Albert, duc de Luynes (1578-1621), Manchester, Manchester University Press, 2008, p. 217-242. Le Marfore, op. cit., p. 3-8 ; 9-20 ; 21.
5 Le voyage de maistre Guillaume touchant le Marquis d’Ancre (Paris, Jean Sara, 1617), a fait l’objet d’une autre impression, à Lyon la même année « prins sur la copie à Paris » ; le Discours de Bruscambille avec la description de Conchini Conchino, Dédié à tous ses amis (Paris, A. Champenois, 1617) n’a connu qu’une seule édition. Nous préparons une édition critique de ces deux pamphlets, pour la collection des œuvres complètes de Naudé (éditions Garnier).
6 Le roi hors de page et autres textes : une anthologie, sous la direction de Bernard Teyssandier, annotations de Delphine Amstutz et Jean-François Dubost, avec Jean-Raymond Fanlo, Reims, EPURE, 2013 (Héritages critiques ; 2). Alain Mercier, Le tombeau de la mélancolie : littérature et facétie sous Louis XIII, Paris, Champion, 2005 (Lumière classique ; 63), t. 1, p. 89-92, 249-252 et 266-268.
7 Paris, chez François Julliot, 1623, 12°, [12]-xxiv-117 p.
8 L’étude la plus complète est celle de Didier KAHN (en attendant l’édition critique qu’il a entreprise), « The Rosicrucian hoax in France (1623-1624) », dans Secrets of nature : astrology and alchemy in early modern Europe, éd. par William R. Newman et Anthony Grafton, Cambridge (Ma.), The MIT Press, 2001, p. 235-344.
9 Instruction à la France…, op. cit., p. 106-115.
10 Lorenzo Bianchi, Rinascimento e libertisnismo : studi su Gabriel Naudé, Naples, Bibliopolis, 1996 (Istituto italiano per gli Studi Filosofici. Serie Studi ; XVII), p. 102-107. Anna-Lisa Schino, Battaglie libertine. La vita e le opere di Gabriel Naudé, Florence, Le Lettere, 2014, p. 92-100. Le thème de la dénonciation des impostures traverse l’époque : Jean-Pierre Cavaillé, Les déniaisés. Irréligion et libertinage au début de l’époque moderne, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 18-21.
11 Marfore, op. cit., p. 20-21.
12 Bibliographia politica, Venise, Francesco Baba, 1633, p. 108-109. Considérations politiques sur les coups d’Estat, Paris, 1639, p. 25-26. Sophie Gouverneur, Prudence et subversion libertines : la critique de la raison d’État chez François de La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé et Samuel Sorbière, Paris, Honoré Champion, 2005 (Libre pensée et littérature clandestine ; 25), p. 424-425.
13 Considérations politiques sur les coups d’Estat, op. cit., p. 174-176.
14 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 35, 41, 87, 95, 128, 158.
15 Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin, depuis le sixième janvier jusques à la déclaration du premier avril mil six cent quarante-neuf, [s. l. n. d.] (ci-après désigné comme le Mascurat), 1650, p. 105.
16 Le passe-port et l’adieu de Mazarin en vers burlesques, Paris, chez Claude Huot, attribué à Scarron (Moreau 2730).
17 Lettre du chevalier Georges de Paris à Monseigneur le prince de Condé, Paris, chez Nicolas Boisset (Moreau 2099). La lettre du sieur Pepoly comte Bolognois, escritte au cardinal Mazarin touchant sa retraitte hors du royaume de France, [s. l. n. d.] (Moreau 2205) ; Lettre d’un religieux à Monsieur l’abbé de La Rivière : où luy sont enseignez les faciles moyens de faire sa paix avec Dieu & le peuple, [s. l. n. d.] (Moreau 1893). La Nazarde à Jule Mazarin, Paris (Moreau 2527). Dialogue de Rome et de Paris au sujet de Mazarin, [s. l.], 1649 (Moreau 1083).
18 La fuitte des maltotiers après Mazarin, Paris, [s. n.] (Moreau 1455).
19 Paris, Arnould Cotinet, signée Nicolas Le Dru, pseudonyme de l’abbé de Laffemas (Moreau 1813).
20 Alfred Franklin, Histoire de la bibliothèque Mazarine et du palais de l’Institut, 2e éd., Paris, H. Welter, 1901, p. 55-62.
21 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 24, p. 52.
22 Mascurat, 1649, p. 188-198 ; 1650, p. 242-256. Sur les divers moyens juridiques envisagés pour protéger la bibliothèque, voir Yann SORDET, « Le premier acte de « donation au public » de la bibliothèque de Mazarin (1650) », Histoire et civilisation du livre, 10, 2014, p. 93-111.
23 [S. l.], 1651, in-4° (Moreau 3289). Titre forgé par Louis Jacob, premier bibliographe de Naudé et repris par Moreau : la pièce est non titrée et commence par les mots « Aujourd’huy 14 febvrier… ».
24 BnF, Mss, Italien 478, f. 30 v°.
25 Hubert Carrier, La presse de la Fronde, op. cit., t. 2, p. 130.
26 Advis à Nosseigneurs du Parlement sur la vente de la bibliothèque de M. le cardinal Mazarin, janvier 1652, p. 1 (Moreau 476).
27 Considérations politiques sur la Fronde, op. cit., p. 114 (12 janvier 1652), p. 122 (17 février 1652).
28 News from France. Or, a description of the library of cardinal Mazarini : before it was utterly ruined. Sent in a letter adressed to the Parliament of Paris from Monsieur G. Naudaeus, keeper of the public library, Londres, Timothy Garthwait, 1652. Gabrielis Naudaei Vermahnung an die Parlamente Herrn in Parisz über die Verkaufung der Bibliothec des Herrn Cardinalis Mazarini geschehen um 29. Decembris 1652, Francfort, S. Beckenstein, 1654.
29 Instructions concerning erecting of a library, presented to my lord the president De Mesme, Londres, G. Beddle, T. Collins, et J. Crook, 1661. Sur John Evelyn, voir la biographie de Gillian Darley, John Evelyn. Living for ingenuity, New Haven, Londres, Yale University Press, 2006.
30 Moreau 582. Publication annoncée le 17 février 1652 (Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 122). Hubert CARRIER, La presse de la Fronde…, op. cit., t. 2, p. 130.
31 Requeste des peuples de France, affligez des presens troubles, à Nosseigneurs de la Cour de Parlement, [s. l. n. d.] (Moreau 3490). Advis sincère aux bourgeois de Paris, [s. l. n. d.], p. 32 (Moreau 543).
32 Le procez du cardinal Mazarin tiré du greffe de la cour avec les chefs d’accusation proposez par la France, contre l’insolence de son ministère. Présenté à son Altesse royale par le sieur de Sandricourt, Paris, 1652 (Moreau 2887), republié sous le titre Le complot et entretien burlesque sur l’arrêt du 29 décembre… (Moreau 729), sans doute paru vers juin 1652. Sur Sandricourt, voir Hubert Carrier, La presse de la Fronde…, op. cit., t. 2, p. 60-66.
33 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 73, p. 75 (Naudé souhaite prendre des précautions en cas d’éventuelles poursuites), 92, 114 ; Hubert Carrier, La presse de la Fronde…, op. cit., t. 2, p. 130. Sophie Gouverneur, Prudence et subversion libertines…, op. cit., p. 431.
34 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 100.
35 Mascurat, 1649, p. 94 ; 1650, p. 131.
36 Mascurat, 1650, p. 105-106. BnF, Mss, n.a.f. 5765, notamment f. 26-27 (cité par Alfred Franklin, Histoire de la bibliothèque Mazarine…, op. cit., p. 36). Naudé s’arrête cependant à une date indéterminée : Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 143.
37 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 22, 39, 80, 93, 128 ; on trouve aussi « désabuser les peuples » : p. 17, 28, 54. Sur le thème de la « populace », voir Anna-Lisa Schino, Battaglie libertine…, op. cit., p. 262-263.
38 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 14, 38, 78, 80-81.
39 Ibid., p. 32, 63-64, 70, 72-73.
40 Hubert Carrier, La presse de la Fronde, op. cit., t. 1, p. 148-204. Voir dans le présent volume la contribution de Stéphane Haffemayer.
41 Ibid., p. 33, 44, 48, 54, 70, 100.
42 Ibid., p. 62, 70, 72, 77, 80, 85, 94.
43 Ibid., p. 8, 16, 28, 30-31, 33-34.
44 Ibid., p. 39-40, 48, 64, 96-97, 148.
45 Ibid., p. 33-34 ; aussi p. 74, 77-78, 82, 143.
46 Ibid., p. 77 ; voir aussi p. 22, 28, 32, 40, 41, 99.
47 Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, recueillies et publiées par M. A. Chéruel, Paris, Imprimerie nationale, 1872-1906, tome 4, p. 581-582 ; pièces parues sans lieu ni date. Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 21, 32, 62, 73, 80, 92, 97.
48 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 64.
49 Ibid., p. 23, 64, 75, 158.
50 Moreau 1769. Hubert Carrier, La presse de la Fronde…, op. cit., t. 1, p. 65. Christian Jouhaud, Les Pouvoirs de la littérature. Histoire d’un paradoxe, Paris, Gallimard, 2000, p. 262 ; et Mazarinades : la Fronde des mots, Paris, Aubier, 1985, p. 32-36.
51 Lettre de Guy Patin à Charles Spon, 1er /3 septembre 1649, http://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0195 [page consultée le 2 septembre 2015].
52 « Écrivains critiques et moralistes de la France. XI. Gabriel Naudé », Revue des Deux Mondes, 10, 1843, p. 754-789, p. 781-782.
53 Le libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, Paris, 1943 ; nouvelle édition, 1983, p. 463.
54 Comptes de Naudé pour la bibliothèque de Mazarin, rubrique « Recognoissance et présens » : « À Mr Cramoisy pour la première impression du Mascurat suivant les parties de sa quittance : 540 livres 3 sols ; plus aux garçons imprimeurs libraires etc. : 10 livres. Pour la seconde édition, aux mesmes : 12 livres », Bibliothèque nationale de France, Mss, n.a.f. 5764, f. 11 : cité par Alfred Franklin, Histoire de la bibliothèque Mazarine…, op. cit., p. 36 ; Hubert Carrier, La presse de la Fronde, op. cit., t. 2, p. 130. Voir aussi Yann Sordet, « Le premier acte de donation au public… », art. cit., p. 105.
55 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 64 : « … ayant esté faicte dès le temps du siège comme un chascun sçait… » ; p. 75 : « Pour le Mascurat c’est autre chose parce que la premiere edition en fut faicte pendant le siege… ».
56 Lettre citée supra note 51.
57 Louis JACOB, « Catalogus omnium operum Gabrielis Naudaei », Gabrielis Naudaei tumulus complectens elogia, epitaphia carmina … variorum virorum, Parisiis, Cramoisy, 1659, p. 108. Naudaeana et Patiniana, ou Singularitez remarquables prises des conversations de Mess. Naudé & Patin. Seconde édition revüe, corrigée & augmentée d’additions…, Amsterdam, F. van der Plaats, 1703, p. 238.
58 Rome, Bibliothèque Corsini, Correspondance de Cassiano dal Pozzo, vol. 35, fol. 178.
59 Lettres de Guy Patin à Charles Spon, 12 août (http://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0238), 16 septembre (http://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0242) et 18 octobre 1650 (http://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0246) (pages consultées le 2 septembre 2015). Mascurat, 1649, p. 133 ; 1650, p. 172-179.
60 Ces éléments ont été signalés par Christophe Vellet, http://www.bibliotheque-mazarine.fr/fr/ collections/fonds-particuliers/mazarinades (page consultée le 2 septembre 2015). Par ailleurs, il subsiste beaucoup plus d’exemplaires de la seconde édition que de la première : une première enquête dans les catalogues en ligne des grandes bibliothèques révèle une proportion de 1 à 5 environ.
61 Jacques Lelong, Bibliothèque historique de la France, contenant le catalogue de tous les ouvrages tant imprimez que manuscrits qui traitent de l’histoire de ce roïaume ou qui y ont rapport, avec des notes critiques et historiques, Paris, G. Martin et C. Osmont, 1719, p. 479, colonne 2, no 9196. Barthélémy Mercier, abbé de Saint-Léger, « Table alphabétique des matières contenues dans le Mascurat de Naudé, édition de 717 pages in-4° », manuscrit édité dans Annales du bibliophile, du bibliothécaire et de l’archiviste, 8, 1863, p. 113-116. Livres anciens et du XIXe siècle : une collection de livres de fêtes : vente, Paris, Salle Rossini, vendredi 27 juin 2014, Paris, Alde, 2014, n° 86.
62 Hubert Carrier, La presse de la Fronde…, op. cit., t. 2, chapitre V.
63 Édition et diffusion de l’Imitation de Jésus Christ, 1470-1800, dir. Yann Sordet et Martine Delaveau, Paris, Éditions de la BnF, 2011, voir notamment les articles de Mario Ogliaro, « L’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ : une longue controverse » (p. 21-34) et de Fabienne Queyroux, « La bibliographie comme arme de guerre contre la “sophistiquerie” et “l’imposture” : la constitution du fonds d’Imitation de Jésus-Christ à la bibliothèque Mazarine », p. CXXIX-CXXXVI.
64 Jugement contradictoire de nosseigneurs des Requestes du Palais… sur la contestation meue entre les chanoines réguliers de saint Augustin de la Congrégation de France et les religieus Bénédictins de Saint-Maur…, du 12 février 1652, p. 7-8 (nous soulignons).
65 Mascurat, op. cit., 1649, p. 39-42 ; 1650, p. 45-48.
66 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 64 et 75.
67 Comme le montrent les analyses de Sophie Gouverneur, « Le Mascurat : un exemple d’écriture libertine », Libertinage et philosophie au XVIIe siècle, no 2, 1997, p. 131-145, ainsi que Prudence et subversion libertines…, op. cit., p. 419-435 ; Hartmut Stenzel, « Apories de l’humanisme et raison d’État dans le Mascurat de Gabriel Naudé », Cahiers du Centre de Recherches historiques, no 20, avril 1998, p. 79-96 ; Isabelle MOREAU, Guérir du sot. Les stratégies d’écriture des libertins à l’âge classique, 2007 (Libre pensée et littérature clandestine ; 30), p. 757-876, ainsi que « Le Mascurat de Naudé : usages des fictions juridiques », dans Doute et imagination. Constructions du savoir de la Renaissance aux Lumières, éd. par Geneviève Goubier, Bérangère Parmentier et Daniel Martin, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 331-342 ; et Bruno Roche, Le rire des libertins dans la première moitié du XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2011 (Libre pensée et littérature clandestine ; 45), p. 337-367.
68 Père Lelong, Bibliothèque historique de la France…, op. cit., no 9196.
69 Sophie Gouverneur, « Le Mascurat… », op. cit., p. 134.
70 Hartmut Stenzel, « Apories de l’humanisme… », op. cit., p. 84.
71 Sophie Gouverneur, Prudence et subversion libertines…, op. cit., p. 420.
72 Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 62.
73 Mentions explicites : Mascurat, 1650, p. 46, 105, 129-130, 131-133, 175-176, 240, 246-256. Allusion : p. 289, un « homme sensé » croisé par Saint-Ange chez le libraire Blaise, et qui place Bodin et Charron au-dessus de tous les autres auteurs… exactement comme Naudé, et pour les mêmes raisons, au témoignage de Guy Patin – qui cite d’ailleurs peut-être (sans le dire, ou même inconsciemment ?) le Mascurat (portrait posthume de Naudé, lettre à Charles Spon, 17 octobre 1667, http://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/ ? do=pg&let=0925, consulté le 29 septembre 2015).
74 Mascurat, 1650 : par exemple, p. 7, 284, 290, 398, 425 (Saint-Ange élève d’Émeric Crucé), p. 579 (Saint-Ange a « étudié les prologues de Bruscambille », allusion au pamphlet anti-Concini écrit par Naudé en 1617), p. 667-668 (Mascurat relatant son examen du bois fossile d’Acquasparta) ; Mascurat a appartenu à l’entourage de Mazarin, et il a vécu en Italie.
75 Sur ce dernier point, voir Philip J. Wolfe, « Le Mascurat de Gabriel Naudé », Revue du Pacifique, II, no 2, 1976, p. 103-116.
76 Collection des œuvres complètes de Gabriel Naudé, aux éditions Garnier.
77 Mascurat, op. cit., 1650 : mentions élogieuses d’érudits (passim, exemple p. 227) ; liste des savants fréquentant la bibliothèque, p. 245-246 ; liste des auteurs pensionnés ou récompensés par Mazarin, p. 236-240. Patrick Latour, « “Donné et dédié”, image et réalité du mécénat littéraire de Mazarin en 1643-1644 », dans L’écrivain et ses institutions, dir. Roger Marchal, Paris, Adirel, 2006 (Travaux de littérature ; XIX), p. 127-143.
78 Mascurat, op. cit., 1649, p. 148-163 ; 1650, p. 194-209.
79 Ibid., p. 171-172 ; 1650, p. 218-220.
80 « Pour le Mascurat c’est autre chose parce que la premiere edition en fut faicte pendant le siege et qu’elle a esté suivie de l’amnistie et que pour la seconde Mr Cramoisy pourroit tesmoigner en un besoing qu’elle a esté faicte par un ordre exprez de VE en parlant de luy-mesme, et ainsy je n’apprehende pas la publication de celuy-là. [… ] … si je parle de la sorte pour autre interest que celuy seul de VE je prie Dieu de me faire mourir tout presentement », Considérations politiques sur la Fronde…, op. cit., p. 75. Aussi : « Et VE au nom de Dieu ne s’imagine pas que je dise cela pour l’advantage de l’autheur puisqu’en ce temps-cy il doibt plus craindre qu’espérer de la publication d’un tel livre », p. 64. Christian Jouhaud, « Les libelles en France dans le premier XVIIe siècle : lecteurs, auteurs, commanditaires, historiens », XVIIe siècle, no 195, 1997, p. 203-217, p. 211-213.
81 Mascurat, 1650, p. 166, 215 (« plaisant ») ; p. 164 (« entrelardez »).
82 Mascurat, 1649, p. 163-183 ; 1650, p. 210-233. Claudine Nédélec, Les États et empires du burlesque, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 155-156, 161-162, 175-180, 270-275.
83 Isabelle Moreau, Guérir du sot…, op. cit., p. 854-876, notamment p. 856-859 et 875. Fabienne Queyroux, « La bibliographie comme arme de guerre… », art. cité, p. 133-134. Bruno Roche, Le rire des libertins…, op. cit., notamment p. 74-90.