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Amitiés, topographies et réseaux savants

Les Strasburgische gelehrte Nachrichten (1782-1785) et la République des lettres

Claire GANTET

Université de Fribourg, Suisse/Universität Freiburg, Schweiz

Au début des années 1780, lorsque les Strasburgische gelehrte Nachrichten (Nouvelles savantes strasbourgeoises) virent le jour, la presse savante était en pleine recomposition1. Dans le dernier tiers du XVIIe siècle, les premiers journaux savants avaient servi de forum à la République des lettres, cette communauté intellectuelle des lettrés voulue comme indépendante (idéalement) des frontières politiques et nationales2. Avec ses recensions des récentes parutions et ses nouvelles du monde savant (expériences, projets, annonces, nominations, nécrologes, etc.), la presse savante devait rapidement et régulièrement porter à la connaissance du public cultivé toute l’information dont il avait besoin pour ses travaux. La multiplication de la production imprimée vers 1770, la différenciation du lectorat, les changements de la figure du savant – du lettré caractérisé par son savoir universitaire à l’autodidacte ou à l’intellectuel qui intervient sur la scène publique en faveur de valeurs communes au nom de son savoir – soumirent la République des lettres à de profondes tensions. Nombreux furent ceux qui blâmèrent le pouvoir des recenseurs, à même de faire ou défaire les réputations, voire de bannir du canon scientifique certaines œuvres, et réclamèrent une restriction du débat aux savants professionnels, voire un retour au latin comme idiome savant.

Tout en renonçant à rendre compte de l’ensemble de la production imprimée, plus que jamais pléthorique, les Strasburgische gelehrte Nachrichten restaient fidèles à l’idéal de la Respublica litteraria en refusant de souscrire à la tendance à la spécialisation disciplinaire. Dans un contexte marqué par la démultiplication des périodiques et une concurrence acharnée sur le marché de l’édition, il importait de définir un profil. La raison d’être du nouveau journal strasbourgeois, affirmée avec force dans la préface du premier volume, était double : faire connaître au public les productions intellectuelles du Sud-Ouest du Saint-Empire (Alsace, Rhénanie, Cantons helvétiques) en lui conférant une identité savante, intensifier les échanges entre la France et l’Allemagne en communiquant au lectorat allemand plus régulièrement et plus vite les parutions et nouvelles françaises. Ainsi, ajoutaient les rédacteurs en chef, « par ces liens pluriels entre ces savants, on donnerait plus de valeur à l’ancienne expression de République des lettrés3 ». Thématiquement, le périodique se voulait sensible aux pratiques religieuses, surtout luthériennes, aux lettres anciennes et à la science moderne – la météorologie, la chirurgie, l’électricité par exemple.

Un siècle après l’annexion de Strasbourg à la France (réunion en 1681, annexion en 1697), l’ambition de donner forme au lien entre la France et l’Allemagne peut être interprétée comme la volonté de lutter contre une marginalisation croissante de la capitale alsacienne. L’acte de capitulation avait certes garanti l’exercice du culte luthérien et le maintien des privilèges de l’université protestante, et un préteur avait été institué pour arbitrer les relations avec Versailles. Mais le mélange des langues, voire des confessions s’était imposé au cours du temps. L’université protestante et germanophone restait à la fin du XVIIIe siècle une sorte d’« école des princes » (Christine Lebeau) même si ceux-ci, au long de leur Grand tour ne restaient pas toujours longtemps ; la quête identitaire alimentait dans les débats universitaires la recherche historique ainsi que l’étude juridique du droit public en Europe4.

Jusqu’en 1791, Strasbourg fut une province à l’instar de l’étranger effectif, séparée de la France par une frontière douanière qui longeait les Vosges, tandis qu’il n’existait pas de douane vis-à-vis du Saint-Empire. Entre Spire et Bâle, le seul pont sur le Rhin, un fleuve alors très irrégulier, passait entre Strasbourg et Kehl, située dans le margraviat de Bade. Cette situation avait favorisé la formation d’un fructueux commerce de contrebande, notamment d’imprimés, auquel s’adonnaient non seulement des colporteurs et des relieurs, mais aussi les répétiteurs de la faculté de droit et des professeurs de l’université. Jusqu’en 1786, Strasbourg put du reste échapper aux règlements de censure parisiens, la décision en la matière étant partagée entre le Magistrat et le préteur royal. Les journaux strasbourgeois, auxquels les préteurs s’intéressaient personnellement, bénéficièrent d’une censure plus indulgente5.

La plus belle réussite de la presse savante strasbourgeoise fut les Strasburgische gelehrte Nachrichten. Elles rencontrèrent un tel écho que l’historien du livre Reinhard Wittmann en fait « le journal de ce type le plus couronné de succès6 ». Conformément au genre du périodique savant, elles furent éditées par une Société de gens de lettres, dont l’identité n’était pas plus dévoilée, et, à partir de 1783, par une maison d’édition fondée ad hoc, la Librairie académique ou Akademische Buchhandlung. En 1799, à l’issue d’une décennie de turbulences révolutionnaires et éditoriales, lorsque la Librairie académique dut déposer son bilan, elle possédait encore 21 365 ouvrages, issus avant tout des grands centres intellectuels et éditoriaux allemands du XVIIIe siècle : Berlin, Leipzig et Göttingen7. Le succès de l’entreprise strasbourgeoise reposait moins sur son assise financière somme toute très étroite que sur la dynamique des « liens pluriels entre ces savants » destinés à « donner plus de valeur à l’ancienne expression de République des lettrés ». Cet article se propose d’explorer la nature de ces liens – estudiantins, religieux, francs-maçons, journalistiques notamment – et les inscriptions spatiales et médiatiques du périodique qui en résultèrent. Ce faisant, il s’inscrit dans une histoire du livre ouverte à l’histoire des savoirs et à l’histoire intellectuelle de même qu’aux modes d’interrogation numériques. À cette fin, il sonde le secret de la presse savante germanophone, qui à la brillante exception du périodique de Göttingen près, les Göttingische gelehrte Anzeigen, nous reste opaque.

DES « LIENS PLURIELS » D’AMITIÉ ET DE RIVALITÉ

Les tout premiers « liens » – en même temps les plus stables et durables – étaient formés de communautés lâches unies par l’amitié. L’amitié peut être définie comme un lien volontaire reposant sur une certaine égalité, un engagement mutuel entre alliés, et sur un idéal auquel elle renvoie constamment ; elle se caractérise par son omniprésence et sa souplesse d’adaptation, relativement indépendante des motivations des acteurs, de leurs positions sociales et de leur tempérament8. Dans des communautés peu soudées telle la République des lettres, qui reposait sur l’engagement mutuel entre savants9, l’amitié était une valeur cardinale.

Amitiés estudiantines et de voyages

Les individus qui orchestrèrent la parution des Strasburgische gelehrte Nachrichten avaient lié lors de leurs études et de leurs voyages savants de nombreux liens, intensifiés au fil du temps. L’initiative revint à Johann Lorenz Blessig (1747-1816), un orphelin de père issu d’un milieu pauvre, qui avait pu faire des études au Gymnase de Strasbourg grâce à l’appui financier des banquiers von Türckheim ; après sa thèse de philosophie à l’université de Strasbourg en septembre 1770, il poursuivit – comme nombre de ses camarades – ses études à Göttingen puis entreprit un voyage en Allemagne et en Hollande. De retour à Strasbourg, il soutint une thèse en droit en 1784 et en théologie en 1788. Professeur extraordinaire de philosophie à Strasbourg, il séjourna à Paris en 1778 où il noua de nombreux contacts. Il s’installa ensuite à Strasbourg, où il devint un prédicateur très estimé du Temple-Neuf et professeur extraordinaire de théologie (1783), puis professeur de théologie (1785)10. Adepte d’un luthéranisme rationaliste, il avait un ami d’enfance dont l’origine et la sensibilité étaient tout autres : Friedrich Rudolph Salzmann (1749-1821).

Salzmann grandit dans une famille établie de pasteurs alsaciens qui entretenait une longue amitié avec le pasteur de Zurich Johann Caspar Lavater (1741-1801). Il étudia la théologie puis, en raison d’une crise religieuse, le droit, et soutint une thèse en 1773. Pour compléter et financer ses études, il travailla en tant que précepteur du jeune Karl vom und zum Stein11 auquel il devait enseigner le français et qu’il devait accompagner dans ses études à Göttingen. La correspondance quotidienne que Salzmann échangea avec Henriette Karoline vom Stein le montre complètement dépassé par la tâche. Impérieux et impétueux, Karl vom Stein mena une vie turbulente à Göttingen, dépensant sans compter, n’hésitant pas à courtiser les dames ni même, une fois, à provoquer un collègue en duel. Les relations entre le précepteur et son pupille s’exacerbèrent de plus en plus, sauf à l’hiver 1773-1774 lorsque Salzmann, sur la recommandation d’un maître de langue strasbourgeois, adhéra à la loge Auguste aux trois flammes ; sur la demande instante de son élève, Salzmann introduisit Stein dans la loge de la stricte observance12. Après cette brève accalmie, le conflit reprit néanmoins si violemment que Salzmann se démit de sa fonction et resta un an à Göttingen pour étudier à ses propres frais la jurisprudence, en espérant obtenir à terme un poste de professeur de droit à l’université de Strasbourg.

Salzmann n’obtint jamais le poste convoité. Le séjour à Göttingen s’avéra néanmoins décisif. À Göttingen étudiaient et logeaient ensemble les Strasbourgeois Johann Lorenz Blessig et les frères Johann et Friedrich von Türckheim qui, en dépit de sensibilités divergentes, restèrent soudés par une solide amitié. Salzmann, alors un adepte de Jean-Jacques Rousseau, noua une amitié durable avec le professeur de philosophie Johann Georg Heinrich Feder (1740-1821), le traducteur et introducteur allemand du philosophe genevois. Son cercle de connaissances englobait le pédagogue Carl Friedrich Meisner (1722-1788), l’historien, publiciste et pédagogue August Ludwig von Schlözer (1735-1809) et le juriste et publiciste Johann Pütter (1725-1807). C’est à Göttingen encore que Salzmann s’essaya à la plume, le libraire-éditeur de l’université Johann Christian Dieterich (1722-1800) cherchant à publier un almanach francophone. Simple compilation de textes déjà parus, l’Almanach des muses de Salzmann ne parut que trois ans durant. Ses études finies, l’Alsacien entreprit un tour de l’Allemagne qui le mena à Berlin, Leipzig, Gotha, à Meiningen où il resta quelques mois en tant que conseiller secret à la cour de Saxe-Meiningen-Cobourg, enfin à Mannheim où il rendit visite à de nombreux savants qui partageaient une certaine approche critique de la religion.

De retour à Strasbourg et sans poste universitaire, Salzmann retourna son ambition dans la création d’une société savante. Il existait depuis 1743 une Société allemande (sur le modèle de celle de Johann Christoph Gottsched), dont Salzmann prit la tête en 1776 et à laquelle il adjoignit une bibliothèque. Le rayonnement de la Société allemande strasbourgeoise restait néanmoins très limité13.

En 1767 s’était formée une autre société savante, destinée à rassembler d’anciens élèves du Gymnase qui poursuivaient leurs études à l’université : les frères Johann et Friedrich von Türckheim, Friedrich Rudolph Salzmann, Johann Lorenz Blessig, les frères Spielmann, voire, à l’occasion, Heinrich Leopold Wagner (1747-1779), Jakob Michael Reinhold Lenz (1751-1792) et Johann Wolfgang von Goethe, si bien qu’elle fut surnommée la tablée du Sturm und Drang14. Certains membres firent sécession sous la direction de Blessig et formèrent une Literarische Übungsgesellschaft, dédiée aux questions scientifiques plus que proprement littéraires et ancrée sur une base plus solide. Avec Johann von Türckheim, il soumit au préteur le projet d’une académie provinciale qui, sous les auspices du roi de France, animerait une discussion scientifique sur les dernières parutions francophones et germanophones. Voyant ses privilèges contestés par une telle entreprise, l’université la bloqua, si bien que Blessig se rabattit sur une association informelle d’érudits, qui se rassembla une fois par semaine dans le domicile du préteur d’Autigny à partir de 1769, puis chez Blessig lui-même à la fin des années 1770, sans la présence du préteur. Sous la direction de Blessig se réunirent Salzmann et Türckheim dans le cadre de la Gelehrtengesellschaft ou Société de gens de lettres. En tant qu’ammestre (ou échevin) de Strasbourg, Türckheim assurait à cette société fermée un fort soutien politique15.

Blessig obtint que Salzmann devienne le rédacteur en chef des Strasburgische gelehrte Nachrichten, le journal de la Société de gens de lettres. Les fondateurs formaient un cercle assez divers, de libraires de profession, d’enseignants et de Strasbourgeois. Il semble que le Chapitre de Saint-Thomas et la loge La Candeur, deux institutions strasbourgeoises de renom, aient joué un rôle non négligeable dans l’intégration rapide du périodique dans la vie intellectuelle locale.

Milieux rivaux

L’acceptation du journal n’allait pourtant pas de soi. Strasbourg comptait cinq libraires qui, en raison du quasi-monopole de Paris sur le marché du livre français, orientaient leurs affaires vers l’Allemagne16. Au départ, les Strasburgische gelehrte Nachrichten parurent chez divers libraires-éditeurs17. Lorsqu’après un mariage favorable, Salzmann eut une assise financière plus stable, il ouvrit sa propre maison d’édition, la Librairie académique. À cette fin, il alla voir le grand éditeur et publiciste Friedrich Nicolai à Berlin pour apprendre auprès de lui le métier de libraire. Après avoir fondé un cabinet de lecture, une bibliothèque et un comptoir de journaux, il s’attacha à conquérir le monopole du marché de journaux à Strasbourg pour s’abstraire de la concurrence éditoriale. À Strasbourg, il avait un rival redouté en la personne de l’éditeur François-Georges Levrault (1722-1798) qui, avec ses cinq presses et 16 employés, avait le vent en poupe.

Les Strasburgische gelehrte Nachrichten ne furent pas imprimées à Strasbourg, mais par la mystérieuse Zeitungs-Expedition de Kehl, un fort frontalier du margraviat de Bade relativement libéral en matière de censure. Cet ancrage peut expliquer la valorisation très changeante de l’œuvre de Voltaire. Lors de ses études de droit, Salzmann lisait plus volontiers les ouvrages du philosophe de Ferney que les traités des grands professeurs strasbourgeois Schöpflin, Koch et Lorenz. Le premier volume des Strasburgische gelehrte Nachrichten enchaîna donc sur l’éloge de Voltaire. Or, dès 1783 et de plus en plus, le ton devint acerbe. Dans le volume 1785, Voltaire, nommé avec dédain « Monsieur Arouet », fut constamment qualifié de « faux philosophe » et sa quête de gloire fermement condamnée. Cette condamnation récurrente, sept ans après la mort de l’incriminé, peut s’expliquer dans le contexte local. Beaumarchais éditait alors précisément à Kehl la première édition intégrale des œuvres de Voltaire, en grande partie interdites en France18. Cette version luxueuse eut un tel succès en France que l’éditeur strasbourgeois Levrault commença à fabriquer une contrefaçon.

Le deuxième milieu rival était l’université de Strasbourg, qui refusa de se joindre en tant qu’institution au journal de Salzmann. Contrairement à ce qu’annonçait son nom, la Librairie académique ne fut donc pas l’émanation de l’université, ce qui contraignit les fondateurs à rechercher des appuis externes.

Les collaborateurs : identités, cercles

En l’absence de protocole des réunions de la Société des gens de lettres, il faut interroger le journal lui-même et les correspondances disponibles pour percer le secret du périodique savant. Salzmann entretenait des échanges épistolaires avec tous les centres éditoriaux et intellectuels européens. Ainsi Joseph Branks (1743-1820), le président de la prestigieuse Royal Society, commanda-t-il deux exemplaires du périodique, l’un pour la bibliothèque royale, l’autre pour sa propre bibliothèque19. La composition des collaborateurs réfracte la double orientation, régionale et rhénane d’une part, et franco-allemande d’autre part même si au vu du faible nombre de correspondants en France, il semble que les nouvelles de France transitèrent parfois via la presse savante francophone plus qu’elles n’émanèrent d’une source première. Les liens avec Colmar, où Gottlieb Konrad Pfeffel dirigeait une société de lecture germanophone, une société savante secrète et une Académie militaire sur le modèle du Philanthropinum de Dessau, semblent sporadiques, sinon distants20. On ne peut donc pas à proprement parler affirmer l’existence d’un « paysage de sociétés savantes21 ».

Tableau n° 1 – Les collaborateurs des Strasburgische gelehrte Nachrichten22.

SiglesNomDates, activités
Université de Strasbourg
Bl. ou Blessig, J. L.Blessig, Johann Lorenz1747-1816, professeur de théologie
H.Hermann, Johann1738-1800, professeur de science naturelle
M. . . r. ou Müller, P.J.Müller, Philipp Jakob1732-1795, professeur de théologie et philosophie
Ob. ou Prof. OberlinOberlin, Jeremias Jacob1735-1806, professeur de langues anciennes et philosophie, de logique et métaphysique
Sch . . r.Schweighäuser, Johannes1742-1830, professeur de littérature grecque et de langues orientales
Sp. . . Prof.Spielmann, Jakob Reinbold1722-1783, professeur de médecine, chimie et botanique
Spielmann, Johann Jakob1745-1810, professeur de médecine à partir de 1785
Ehrmann, J. F.Ehrmann, Johann Friedrich1739-1794, professeur de clinique (1782-85)
Reißeißen, Johann Daniel1735-1817, professeur de droit ecclésiastique
E-hEmmerich, Johann Michael1751-1819, étudiant en théologie
Kramp. ou K.Kramp, Christian (Chrétien-Charles)1760-1826, étudiant en mathématiques
Strasbourg
S.Salzmann, Friedrich1749-1821, Etudes de droit, libraire
Rudolph 1749-1824, Etudes de droit, Ammestre, Conseil XXI
Türckheim, Johann vonlibraire originaire d’Ulm, quitta la Librairie
Bartholomäi, Albert Friedrich ?Académique en juin 1785.
Keck, Johann Jakob ?libraire
Grandidier, Philippe-André1752-1787, chanoine-cathédral, historien
Sch.Scherer, Johann Benedikt1741-1824, diplomate, membre du Sénat, historien
Massenet, Pierre-Jean1748-1824, précepteur en in Courlande, en 1781-82 de passage à Strasbourg
Stuber, Johann Georg1722-1797, diacre de Saint-Thomas
Simon.Simon, Johann Friedrich1747-1829, grammairien, fondateur et directeur d’école
Alsace
Pfeffel.Pfeffel, Gottlieb Konrad1736-1809, poète, directeur de l’Académie militaire de Colmar
S. . d. ou S . . d. ou S. . . d. ou S . . . d. ou S. . . . d. ou Seybold, D.C.Seybold, David Christoph1747-1804, philologue, recteur à Bouxwiller
Allemagne
Böckmann, Johann Lorenz1741-1802, professeur de mathématiques et science naturelle à Karlsruhe
Posselt, Ernst Ludwig1763-1804, professeur de droit au Gymnasium illustre de Karlsruhe
Bossler, Heinrich Philipp Karl1744-1808/12, Conseiller brandebourgeois, éditeur de musique et écrivain à Spire
Cotta.Cotta, Christoph Friedrich1758-1838, Étudiant de droit à Tübingen, thèse en 1786
Hemmer.Hemmer, Johann Jakob1733-1790, Chapelain, météorologue et linguiste à Mannheim
Göze, Johann August Ephraim1731-1792/93, diacre, zoologue, auteur de livres pour enfants à Quedlinburg
Binninger, FrédéricMort en 1828 à Besançon, précepteur en Allemagne
Confédération helvétique
Lavater, Johann Caspar1741-1801, pasteur réformé, écrivain, physiognomiste, Zurich
Pfenninger, Johann Konrad1747-1792, prédicant, auteur de chants religieux, diacre à Saint-Pierre, Zurich
Hess, Johann Jakob1741-1828, diacre à la cathédrale de Zurich et président de la Société Ascétique
Tobler, Johannes1732-1808, Zurich
Armbruster, Johann Michael1761-1814, secrétaire de Lavater, Zurich/Constance
Iselin, Isaak1728-1782, participa à l’élaboration du premier volume, Bâle
« France de lintérieur »
Anse de Villoison, Jean-Baptiste Gaspard Court de Gébelin, Antoine Pallas, Peter Simon1750/53-1805, Helléniste, professeur de philologie classique au Collège de France ca. 1728-1784, pasteur réformé, Académie française, censeur royal Naturaliste, expéditions de recherche en Sibérie
Saint-Pétersbourg
Sigles non identifiésPossibles collaborateurs
— *** D K D-r L . R.Koch, Christoph
Wilhelm (1737-1813) ;
Lorenz, Johann Michael
(1723-1801) ; Lamey,
Andreas (1726-1802) ;
Crollius, Georg
Christian (1728-1790) ;
Duttenhofer, Christian
Friedrich (1742-1814) ;
Schubart, Christian
Daniel Friedrich
(1739-1791) ; Schwab,
Johann Christoph
(1743-1821)

Comment ces hommes – puisqu’on ne décèle aucune femme, alors que certaines étaient actives comme traductrices – étaient-ils entrés en contact ? Comme je l’ai laissé entendre, la fréquentation du Chapitre Saint-Thomas avait formé une instance de socialisation, ceci au moins pour Philipp Jakob Müller, Jeremias Jacob Oberlin, Jakob Reinbold Spielmann et Johann Daniel Reißeißen. Les affiliations académiques contribuèrent à étendre la toile des liens. Ainsi Jean-Baptiste Gaspard Anse de Villoison fut-il peut-être contacté par Johannes Schweighäuser, et Peter Simon Pallas par Jakob Reinbold Spielmann. Les Suisses formaient un groupe à part, uni à Strasbourg par Lavater et son secrétaire Armbruster. Plus encore que ces associations segmentaires, la franc-maçonnerie semblait représenter un important vivier commun.

Dans la Loge aristocratique La Candeur, qui recrutait ses membres en particulier auprès des professeurs et des étudiants (lesquels souvent devaient s’inscrire personnellement auprès de leurs professeurs et suivre leurs cours dans leur domicile) ainsi que des étrangers de passage lors de leur Grand Tour, se retrouvaient la majorité des collaborateurs strasbourgeois du périodique savant23.

Tableau n° 2 – Affiliations à la franc-maçonnerie24.

Collaborateurs des Strasburg. gelehrte NachrichtenLoges maçonnesSociete philanthropiqueOrdre des illuminés
StrasbourgLyonParis
CaneurFerdinandIrisAmitiéEgyptienneOCBCSPhilalètheAmis réunisNeuf sœurs
Salzmannx xx x x x
Türckheimxx x x
Blessig x
Keckxx x
Böckmannxx x
Ehrmannxx x
Spielmannx
Spielmann[corr.] x
Massenetxx x x
Simonx xx [Hazon]
Grandicherx xxxx
Iselin x
Court de Gébelin x

En dépit de son origine roturière, Salzmann avait un rôle de premier plan dans la Loge La Candeur. Il était non seulement membre du Directoire écossais, mais aussi commissaire pour le Nord, l’Allemagne et la Suisse, si bien qu’il représenta la franc-maçonnerie de la Stricte observance au Convent de Wilhelmsbad, à Göttingen, Gotha, Weimar et Heidelberg. Au Couvent de Wilhelmsbad étaient aussi présents les frères Johann et Bernhard von Türckheim de même que Diethelm Lavater, le frère de Johann Caspar.

Les francs-maçons strasbourgeois entretenaient des relations étroites avec la loge francfortoise Zur Einigkeit (L’Unité) ; Francfort-sur-le-Main était l’une des plaques-tournantes de l’édition d’ouvrages maçons qui transitaient via Strasbourg vers la France. Des liens maçons, financiers et matrimoniaux unissaient les deux villes ainsi que certains collaborateurs des Strasburgische gelehrte Nachrichten25. En quoi ces cercles contigus du Chapitre Saint-Thomas, d’affinités personnelles ou institutionnelles, et de la franc-maçonnerie s’emboîtaient-ils pour former le vivier personnel et intellectuel du périodique savant strasbourgeois ?

LA TOPOGRAPHIE SAVANTE DES STRASBURGISCHE GELEHRTE NACHRICHTEN

Dans son ouvrage majeur La Topographie des Évangiles en Terre sainte (1941), Maurice Halbwachs partait en quête des multiples liens spatiaux et sémantiques qui avaient donné ancrage à une mémoire collective. C’est dans ce sens d’inscription spatiale, de sémantisation de l’espace, et de réseaux personnels et conceptuels que je souhaiterais interroger la topographie savante des Strasburgische gelehrte Nachrichten.

Géographies savantes

Comme il était de règle dans la presse savante, les articles et recensions du périodique strasbourgeois n’étaient pas introduits par un thème ou un auteur, mais simplement par une indication de lieu, laquelle renvoyait au site où se trouvait le correspondant du journal ou à l’endroit d’où venait la nouvelle (un lieu de publication, un lieu d’édition). Dans le cadre de référence de l’« ancienne République des lettrés » dans lequel se mouvaient Salzmann et ses collègues, cette indication de lieu avait une valeur publique d’affiche et de mesure de scientificité. Il s’agissait de révéler au public l’étendue des sources d’informations du journal, fondement de sa crédibilité scientifique auprès du public et par rapport aux nombreuses autres revues. Une très grande attention était donc accordée à ces indications.

La carte des indications de lieux pour le volume de 1785, que j’ai dépouillé dans le cadre du projet de l’Académie des sciences et lettres de Göttingen « Gelehrte Journale und Zeitungen der Aufklärung » (Journaux et périodiques savants de l’époque de l’Aufklärung, http://www.gelehrte-journale. de), manifeste la volonté de couvrir l’ensemble des centres scientifiques étrangers, de Paris à Saint-Pétersbourg, de Londres à Naples, et de Florence à Madrid (cf. carte). Au-delà, on ne peut qu’être frappé par la finesse du relais français qui ne se résume pas à Paris, là où la plupart des autres périodiques germanophones se contentaient de relayer les discours parisiens ; les Strasbourgeois démontraient par là leur bonne connaissance des débats français.

La carte manifeste aussi l’axe sud-ouest allemand recherché par les éditeurs. Vers Tübingen existaient d’anciennes relations universitaires et éditoriales, vers Mannheim et son Académie des sciences (Churfürstlich-baierische Akademie der Wissenschaften, fondée en 1763 sur la recommandation du Strasbourgeois Johann Daniel Schöpflin) de solides échanges, vers Deux-Ponts et sa maison d’édition de classiques latins en grecs, la Societas Bipontina26, un intense commerce intellectuel. L’Allemagne du Nord en grande partie luthérienne, et ses grands centres d’édition – Leipzig et Berlin – sont bien représentés. En ceci, la géographie scientifique du périodique répond aux buts déclarés des rédacteurs en chef.

Un réseau médiatique

Les Strasburgische gelehrte Nachrichten ne parurent pas isolées mais dans un paysage médiatique dense et polarisé par des relations complexes de rivalité et de collaboration mêlées. Il fallait bien sûr s’imposer face aux autres périodiques potentiellement concurrents. Souvent néanmoins, les savants collaboraient à plusieurs journaux, si bien que s’instauraient de fait des relations de collaboration entre journaux concurrents, qui pouvaient prendre la forme d’emprunts (déclarés ou non), de plagiats, de traductions, de répliques, de critiques ou d’éloges.

Au total, j’ai pu identifier 39 collaborateurs et attribuer 200 recensions. La récurrence des sigles semble dénoter une participation très inégale, de un article (ou recension) à 77 par collaborateur. La plupart d’entre eux livraient des contributions à d’autres périodiques, de façon anonyme comme toujours. À l’issue d’un travail précis de recoupe de données, j’ai pu déterminer leur participation à 160 périodiques, parfois en commun. La complexité du réseau rend incontournable le passage par une solution graphique (cf. ci-contre)27.

Le graphique est riche de trois enseignements. Il montre tout d’abord que le rôle de Salzmann fut certes central, mais avant tout local et organisationnel. À l’échange journalistique, au débat d’idées donc, il ne participa qu’avec le soutien de Blessig. Un important segment apparaît ensuite très fortement, en forme de grand « V ». Il unit trois naturalistes non-strasbourgeois, Johann Lorenz Böckmann de Karlsruhe, Johann August Ephraim Göze de Quedlinburg et Johann Jakob Hemmer de Mannheim. Or la structure de ce sous-segment montre que c’était Göze, très excentré géographiquement, qui jouait le rôle central. Par Böckmann, ce sous-réseau se prolonge d’une part vers David Christoph Seybold, un Alsacien auteur de 77 recensions au moins d’ouvrages de philologie et d’histoire, d’autre part vers Peter Simon Pallas, qui depuis Saint-Pétersbourg recensait apparemment ses propres ouvrages de botanique russe. Hemmer n’est en revanche pas relié à d’autres collaborateurs. À ce réseau intégré se greffe enfin un troisième sous-réseau, ici quasiment vertical, de collaborateurs suisses intensément reliés entre eux, Lavater jouant le rôle de broker, de passerelle entre des sous-réseaux qui s’ignorent en grande partie.

Un réseau conceptuel : la météorologie

L’épaisseur des traits du graphique, qui indique l’intensité des liens journalistiques entre les collaborateurs, est corrélée à la noirceur des points correspondant aux collaborateurs, qui, elle, manifeste le nombre de recensions attestées. Plus le trait entre deux collaborateurs est épais, plus le point est foncé. Autrement dit, il existe une relation directe entre le lien journalistique (la participation à des périodiques communs) et l’engagement personnel (le nombre d’articles ou de recensions rédigées dans les Strasburgische gelehrte Zeitungen). En l’absence de ressources numérisées permettant une lecture en plein texte et une interrogation sémantique systématique, on peut considérer en première approximation que ce graphique manifeste des liens personnels et conceptuels ou du moins thématiques, dont on propose une toute première interprétation d’après le « V » unissant Johann Lorenz Böckmann de Karlsruhe, Johann August Ephraim Göze de Quedlinburg, et Johann Jakob Hemmer de Mannheim.

L’absence de sigles pour Böckmann et Göze, et le recours très sporadique à une signature par Hemmer entravent malheureusement l’attribution sûre des recensions à tel d’entre eux. On ne peut toutefois qu’être frappé au fil de la lecture par la récurrence des articles et recensions consacrés à la météorologie. Or, les contemporains recevaient non pas un volume relié – qui nous est resté –, mais chaque semaine deux cahiers, l’un d’une feuille imprimée entière (soit 16 pages en in-octavo) pour les articles et recensions, l’autre d’une demi-feuille imprimée en in-octavo d’articles et recensions jointe à 12 tables climatiques en in-quarto réalisées expressément par Böckmann28. Lorsque ces cahiers furent reliés en volume en fin d’année, on omit les feuillets climatiques, d’un format peu aisé. Or avec ces tableaux climatiques (depuis disparus), les Strasburgische gelehrte Nachrichten avaient une orientation scientifique bien plus affirmée que les thématiques des recensions, avec leur accent traditionnel sur la théologie, les belles-lettres et arts, et les volumes reliés restants – dont il faut souvent collationner les exemplaires, la plupart lacunaires – ne le laissent entendre.

Böckmann avait édité en 1780 les Carlsruher meteorologische Ephemeriden vom Jahr 1779 (Göttingen, Maklot). Ces Éphémérides météorologiques, achevées par une série de tables climatiques très précises et complètes, émanaient d’un réel projet scientifique, Böckmann voulant fonder un institut destiné à opérer une série de mesures systématiques en 16 lieux régionaux, de Bâle à Pforzheim29. Cette entreprise n’ayant néanmoins pas trouvé de suite, on peut supposer qu’il se servit du périodique strasbourgeois comme fenêtre éditoriale à ses propres recherches. Le terrain venait en effet d’être pris par Hemmer, premier secrétaire de la Societas meteorologica palatina, précisément fondée en 1780 en tant que troisième section de l’Académie des sciences de Mannheim. Grâce à l’appui politique et financier du prince-électeur palatin Charles-Théodore, il put progressivement mettre en place un réseau de 39 stations météorologiques, de la Nouvelle-Angleterre au Groenland et à l’Oural, dont 14 en Allemagne. Pour chacune d’elles, il avait fait élaborer des instruments et imposé des méthodes et moments identiques de relevé. Jusqu’en 1788, deux ans avant sa mort, il prit enfin soin de publier rapidement les résultats, en particulier dans le périodique qu’il fonda à cette fin, les Palatina Ephemerides Societatis Meteorologicae Palatinae30.

Disciplines des articles et recensions, 1785.

Si des relations de collégialité et de concurrence semblaient unir Böckmann et Hemmer, Hemmer et Göze s’entendaient bien, si bien même qu’à l’issue des Strasburgische gelehrte Nachrichten, ils fondèrent ensemble un nouveau périodique, la Monatsschrift für allerlei Leser (Mensuel pour toute sorte de lecteurs, édité à Nuremberg à partir de 1787). L’éclectisme les unissait certes, Hemmer partageant sa passion pour les mesures climatiques avec un idéal de réforme de l’orthographe et de la grammaire allemande. De ces liens, Göze est toutefois l’élément le plus surprenant. Pasteur à Quedlinburg (au nord de la forêt du Harz, à une centaine de kilomètres à l’est de Göttingen), Göze répugnait à publier ses sermons et idées. Par curiosité, il était de longue date amateur de science naturelle, mais sans jamais l’avoir étudiée. La découverte d’un microscope le plongea soudainement dans la lecture des naturalistes. Il noua une intense correspondance avec le fabricant d’optique Hofmann de Leipzig et se fit construire des instruments. Ses observations microscopiques sur les insectes eurent bientôt un tel renom que Göze entra dans le débat savant. Des savants ayant pignon sur rue, comme Friedrich Heinrich Wilhelm Martini (1729-1778) à Berlin, recherchèrent un échange épistolaire et l’intégrèrent à leurs périodiques savants ; Göze non seulement fut le traducteur des traités de Bonnet sur les insectes et de Trembley sur les polypes, mais ses Entomologische Beyträge zu des Ritters Linné zwölften Ausgabe des Natursystems (4 t., 1777-1781) devinrent un classique de la science des insectes. Entraîné vers l’observation microscopique des entrailles d’animaux par un ami médecin, il publia un ouvrage sur les vers des viscères puis sur une quantité de sujets, notamment pédagogiques et religieux31.

Hemmer, le savant sis auprès de son puissant prince, et Göze, le lointain pasteur autodidacte étaient des amis unis par des liens épistolaires et journalistiques. De cet étroit cercle d’amis résultèrent dans les Strasburgische gelehrte Nachrichten de nombreux articles sur le paratonnerre, sur l’électricité et sur les premiers essais aérostatiques, que Böckmann enrichit par des considérations sur le magnétisme, autant de sujets qui passionnaient les lecteurs32.

CONCLUSION : TRADITIONS ET RENOUVELLEMENTS DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES ?

Reprenons notre interrogation de départ. En quoi les Strasburgische gelehrte Nachrichten donnèrent, par des « liens pluriels entre ces savants […] plus de valeur à l’ancienne expression de République des lettres » (vol. 1, 1782, p. 3-4) ? Dans leur manuel sur la République des lettres, Françoise Waquet et Hans Bots rappellent deux critères posés habituellement comme marquant la fin de la République des lettres à l’issue du XVIIIe siècle : la victoire des langues vernaculaires comme idiomes savants, l’affirmation des États-nations comme creusets d’identité collective. Se démarquant de l’historiographie récente qui souligne la rupture d’avec l’idéal collectif prôné par la République des lettres, ils voient dans l’émergence de la figure de l’intellectuel un certain héritage de la République des lettres, en ce qu’elle s’appuie sur la culture et des valeurs universelles33. En quoi les Strasburgische gelehrte Nachrichten confirment ou infirment-elles ces propos ?

Les sciences naturelles et les récits de voyage sont certes bien représentés dans le journal strasbourgeois, à l’écoute des attentes de ses abonnés. Mais si la production en langue vernaculaire s’avérait dans le volume 1785 très prédominante, les ouvrages en latin arrivaient en deuxième place parmi les écrits recensés derrière le français certes, mais loin devant l’espagnol, l’italien et le grec ; parmi les ouvrages traduits, ceux en latin occupaient la première place, devant les livres en langue anglaise, grecque puis française34. Le périodique météorologique de Hemmer parut en latin de 1783 à 1795. Quant à l’affirmation des États, elle est un préalable à l’idéal de « pont » (Brückenideal) entre la France et l’Allemagne concrétisé par ce périodique. Mais bien sûr, ce pont reliait deux pays dotés d’une identité politique et d’une structure étatique très différentes l’une de l’autre. Il serait trop hâtif de parler d’État-nation. L’idéal encyclopédique porté par le périodique – selon la tradition du polymathe, incarnation de la République des lettres – s’adapta à ces évolutions en se resserrant à partir de 1785 sur les échanges entre la France et le Saint-Empire, aux dépens de l’axe sud-ouest allemand régional. Face à la spécialisation croissante des disciplines et des discours scientifiques, un journal polyvalent offrait l’avantage de mettre la science à la portée de tout le monde – ou presque.

Dans un article brillant, Jean-Luc Chappey a caractérisé le régime de scientificité français entre 1780 et 1810 par le passage, vers 1780, de la « science mondaine » vers la « science sévère ». Tandis que la première se caractérisait par la dimension spectaculaire de la preuve, réservée à un public restreint de savants et d’amateurs dans des lieux précis et normés par des codes (les salons, la civilité, la politesse) et consignée dans une rhétorique dite littéraire, la seconde affirmait un détachement social et épistémologique, fondé sur le recours à la mathématisation et aux classifications35. Or là aussi, le périodique strasbourgeois ne répond pas clairement à cette partition. Franz Anton Mesmer et sa doctrine du magnétisme animal furent très positivement reçus à Strasbourg, notamment dans les loges maçonnes et dans les salons qui, s’ils sont mal connus, existaient bel et bien. C’est à Strasbourg que l’officier franc-maçon Puységur, sous l’influence de Mesmer, élabora la doctrine du somnambulisme magnétique36. Deux nouvelles sociétés d’inspiration maçonne se développèrent à Strasbourg dans les années 1780 : la Société philanthropique, fréquentée par la majorité des collaborateurs des Strasburgische gelehrte Nachrichten, et la Société harmonique des amis réunis, consacrée à l’étude du magnétisme animal. Parmi les collaborateurs des Strasburgische gelehrte Nachrichten, au moins Johann Friedrich Ehrmann, Johann Lorenz Böckmann et Johann Caspar Lavater étaient particulièrement acquis au système du médecin autrichien. Mais jamais leurs recensions du mesmérisme et de ses attaques ou défenses et illustrations ne quittèrent le domaine proprement médical. Jamais par exemple, la thématique de la divination ne fut évoquée. De façon générale, le souci de « vulgarisation », de science concrète, alla de pair avec la recherche de mathématisation et de classification, comme en témoigne la météorologie, objet de nombreuses mesures et tableaux mis au service de la connaissance, de la prévision et de l’usage paysans. L’amitié entre Hemmer et Göze témoigne enfin de la porosité sociale et intellectuelle pérenne du monde scientifique au milieu des années 1780. Le périodique strasbourgeois semble au total témoigner de la grande souplesse avec laquelle certaines valeurs héritées de la République des lettres furent adaptées au monde nouveau des années 1780.

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1 Strasburgische Gelehrteund Kunst-Nachrichten, vol. 1, Strasbourg, 1782, ca. 1200 p. À partir du volume 2 (1783) le périodique, qui renonce à rendre compte du marché de l’art, est rebaptisé Strasburgische gelehrte Nachrichten. Il parut deux fois par semaine jusqu’en 1785. Un périodique lui succéda, exclusivement centré sur les échanges entre l’Allemagne et la France : l’Avant-Coureur Oder Woechentliches Verzeichnis der neuesten franzoesischen Bücher (1785-1790).

2 Cf. Anne Goldgar, Impolite Learning. Conduct and community in the Republic of Letters, 1680-1750, New Haven, Yale University Press, 1995. Rappelons que la presse savante naquit en 1665 avec le Journal des sçavans de Denis de Sallo puis les Philosophical Transactions d’Henry Oldenburg, émanation de la Royal Society, et se développa rapidement, notamment en Italie et plus encore dans le Saint-Empire, à la faveur de son polycentrisme politique, partant universitaire.

3 « Den alten Ausdruk Republik der Gelehrten durch mehrere Verbindungen unter diesen Gelehrten […] mehr Bedeutung […] geben », Strasburgische Gelehrte und Kunstnachrichten, vol. 1, 1782, p. 3-4.

4 Strasbourg comptait 45 000 habitants et 10 000 à 12 000 soldats stationnés. En 1770, 21 500 catholiques et 20 000 luthériens coexistaient. Le luthéranisme domina jusque 1750 : 74 % des bourgeois étaient de confession luthérienne contre 26 % de catholiques. Cf. Louis Châtellier, « Religion et esprit des Lumières à Strasbourg vers 1770 », dans Goethe et l’Alsace, éd. Roger Bauer, Strasbourg, Istra, 1971 (Publications de la Société savante d’Alsace et des régions de l’Est, Recherches et documents, 16), p. 66-83, ici p. 68-71 ; Franklin Lewis FORD, Strasbourg in Transition 1648-1789, Cambridge (Mass.), Harvard UP, 1958, p. 102-130 ; Ingeborg Streitberger, Der königliche Prätor von Straßburg 1685-1789. Freie Stadt im absoluten Staat, Wiesbaden, Franz Steiner, 1961 (Veröffentlichungen des Instituts für europäische Geschichte Mainz, 23, Abteilung Universalgeschichte) ; Johann Daniel Schöpflin. wissenschaftliche und diplomatische Korrespondenz, éd. Jürgen Voss, Stuttgart, Thorbecke, 2002 (Francia, Beihefte, 54).

5 Cf. Martin Elloy, « Le livre à Strasbourg au XVIIIe siècle », Bulletin de la Société Académique du Bas-Rhin pour le Progrès des sciences, des lettres, des arts et de la vie économique, 94/95 (1973-1974), p. 1-71, ici 15. Sur Jean-Frédéric Stein, cf. Louis Châtellier, « Un libraire et ses livres à Strasbourg à la fin du XVIIIe siècle », Recherches germaniques, 6 (1976), p. 188-204.

6 « Das erfolgreichste aller derartigen Journale », Reinhard Wittmann, « Der “Avantcoureur” und zwei verschollene Buchhändlerblätter », dans id., Die frühen Buchhändlerzeitschriften als Spiegel des literarische Lebens, Francfort-sur-le-Main, Buchhändler-Vereinigung, 1973 (Archiv für Geschichte des Buchwesens, 13), col. 786-790, ici 786.

7 Cf. Philippe CLAUS, « Un centre de diffusion des ’Lumières’ à Strasbourg : la Librairie académique (1783-1799) », Revue d’Alsace, 108 (1982), p. 81-102. Sur l’édition à compte d’auteur, qui se développa à partir de 1777 en France, voir Marie-Claude Felton, Maîtres de leurs ouvrages. L’édition à compte d’auteur à Paris au XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2014 (Oxford University Studies in the Enlightenment) ; Stephanie rahmede, Die Buchhandlung der Gelehrten zu Dessau. Ein Beitrag zur Schriftstelleremanzipation um 1800, Wiesbaden, Harrassowitz, 2008 (Mainzer Studien zur Buchwissenschaft, 16).

8 Bertrand Haan, Christian Kühner, « D’intérêt comme d’émotion. L’amitié, lien social et politique par excellence en France et en Allemagne du XIIe au XIXe siècle », perspectivia.net, Discussions 8 (2013), http://www.perspectivia.net/content/publikationen/discussions/8-2013/ haan-kuehner\_interet (consulté en juillet 2014), § 1.

9 Pour une vue de l’intérieur, voir Anne Goldgar, op. cit. Pour une approche décentrée, voir Martin Mulsow, Die unanständige Gelehrtenrepublik. Wissen, Libertinage und Kommunikation in der Frühen Neuzeit, Stuttgart, Metzler, 2007.

10 Cf. Edouard Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, 1909, vol. 1, p. 172-173.

11 Karl vom und zum Stein (1757-1831) issu de Nassau près de l’Alsace, fit des études de droit, d’histoire et de sciences camérales à Göttingen (1773-1777), entra en 1780 dans l’administration des mines prussiennes et, en 1787, dans celle de la guerre et des domaines. Entre 1803 et 1806, il fut le grand réformateur de l’État de Prusse, puis, en 1815, une figure majeure du Congrès de Vienne.

12 Salzmann fut recommandé par Johann Benedikt Scherer (1741-1824) et fut reçu le 12.12.1773. La loge Augusta zu den drei Flammen avait été fondée en 1763. Karl vom Stein ne devint pleinement franc-maçon que le 20.03.1774, à Wetzlar. Cf. Jules Keller, Le théosophe alsacien Frédéric-Rodolphe Saltzmann et les milieux spirituels de son temps. Contribution à l’étude de l’illuminisme et du mysticisme à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, Berne, Francfort-sur-le-Main et al., Peter Lang, 1985, p. 87. Anne-Louise Salomon, Frédéric-Rodolphe Saltzmann 1749-1821. Son rôle dans l’histoire de la pensée religieuse à Strasbourg, Paris, Berger-Levrault, 1932. Ces deux études rabattent les convictions théosophiques que Saltzmann acquit dans les années 1790 sur le jeune Saltzmann, alors en pleine crise athéiste.

13 Son organe fut le journal Der Bürgerfreund (1776-1777). Cf. Claudie Villard, « Der Bürgerfreund. Eine Straßburgische Wochenschrift (1776-1777). Contribution à l’étude de la presse périodique en Alsace à la veille de la Révolution française », dans L’Allemagne des Lumières. Périodiques, correspondances, témoignages, éd. Pierre Grappin, Paris, Didier Érudition, 1982, p. 265-297.

14 Elle adopta différents noms au cours des ans : « Gelehrte Übungsgesellschaft », « Gesellschaft der schönen Wissenschaften ». Goethe l’appelait simplement « Tischgesellschaft ». Cette société, avec le théologien Franz Christian Lerse et le juriste Johann Daniel Salzmann, neveu de Friedrich Rudolph, joua un rôle essentiel lors du séjour de Goethe à Strasbourg (1771-1772). Elle fut aussi fréquentée par Jung-Stilling. Cf. Joseph Lefftz, Die gelehrten und literarischen Gesellschaften im Elsass vor 1870, Colmar, Verlagsgesellschaft Alsatia, 1931 (Schriften der Elsass-lothringischen wissenschaftlichen Gesellschaft zu Strassburg, A, VI).

15 Elle eut jusqu’à 32 membres. Cf. Martine Elloy, art. cit., p. 32.

16 Cf. Frédéric Barbier, Trois cents ans de librairie et d’imprimerie. Berger-Levrault, 1676-1830, Genève, Droz, 1979 (Centre de Recherches d’Histoire et de Philologie de la IVe Section de l’École Pratique des Hautes Études, 6, 11) ; Id., « L’imprimerie strasbourgeoise au siècle des Lumières (1681-1789) », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 24 (1977), p. 161-188. Les cinq libraires-éditeurs étaient Le Roux, Heitz, Steinmann, Levrault, Lorentz.

17 Le volume 1782 parut chez Lorenz et Schuler, le volume 1783 chez Kürßner.

18 Beaumarchais acquit chez Panckoucke les manuscrits non imprimés de Voltaire et s’installa à Kehl en décembre 1780 où le premier volume parut en 1783. En tout sortirent des presses 162 volumes jusqu’en 1790, qui furent acheminés en France avec l’autorisation tacite de Maurepas. Voir la thèse soutenue en novembre 2014 de Linda Gill, L’édition Kehl de Voltaire. Une aventure éditoriale et littéraire au tournant des Lumières (1779-1789), sous la direction de Michel Delon (université Paris IV).

19 Hans Molz, Die elsässische Presse im 18. Jahrhundert bis zum Ausbruch der Revolution, Strasbourg, Elsass-Lothringische Wissenschaftliche Gesellschaft, 1937 (Schriften der Elsass-Lothringischen Wissenschaftlichen Gesellschaft zu Strassburg, A, XVII), p. 43.

20 Il n’y a qu’une entrée dans le livre de visites de Pfeffel : Heino Pfannenschmid, Gottlieb Konrad Pfeffel’s Fremdenbuch, Colmar, Pfannenschmid, 1892, n° 373, p. 179-180. Voir aussi Ernst Baumann, Straßburg, Basel und Zürich in ihren geistigen und kulturellen Beziehungen im ausgehenden 18. Jahrhundert. Beiträge und Briefe aus dem Freundeskreise der Lavater, Pfeffel, Sarasin und Schweighäuser (1770-1810), Francfort-sur-le-Main, Diesterweg, 1938 (Schriften des Wissenschaftlichen Instituts der Elsaß-Lothringer im Reich an der Universität Frankfurt, Neue Folge 20).

21 Expression lancée par Holger Zaunstöck, Sozietätslandschaft und Mitgliederstrukturen. Die mitteldeutschen Aufklärungsgesellschaften im 18. Jahrhundert, Tübingen, Niemeyer, 1999 (Hallesche Beiträge zur europäischen Aufklärung, 9) ; Id., Markus Meumann (éd.), Sozietäten, Netzwerke, Kommunikation. Neue Forschungen zur Vergesellschaftung im Jahrhundert der Aufklärung, Tübingen, Niemeyer, 2003 (Hallesche Beiträge zur europäischen Aufklärung, 21) (rééd. 2012).

22 Liste constituée d’après les correspondances mentionnées dans Jules Keller, op. cit., p. 134, et d’après les ouvrages suivants : Georg Christoph Hamberger, Johann Georg Meusel, Das gelehrte Teutschland oder Lexikon der jetzt lebenden teutschen Schriftsteller, 5e éd., Lemgo, Meyer, t. 1. 1, 1796, notices « Blessig (Johann Lorenz) » et « Böckmann (Johann Lorenz) » ; t., 1797, « Hermann (Johann) » ; t. 4, 1797, « Hess (Johann Jakob) » et « Lavater (Johann Kaspar) » ; t. 5, 1797, « Oberlin (Jeremias Jacob) » ; t. 6, 1798, « Pallas (Peter Simon) » et « Pfeffel (Gottlieb Conrad) » ; t. 8, 1800, « Tobler (Johannes) » ; t. 10, 1803, « Seybold (D. C.) » ; t. 22/1, 1829, « Bossler (H. Ph. K.) ». Johann Georg Meusel, Lexikon der verstorbenen vom Jahr 1750 bis 1800 teutschen Schriftsteller, Leipzig, Fleischer, t. 4, 1804, notice « Goeze (Johann August Ephraim) » ; t. 6, 1806, « Iselin (Isaak) » ; t. 13, 1815, « Spielmann, Jacob Reinbold » ; t. 20, 1825, « Scherer (Johann Benedikt) ». Johann Jacob Gradmann, Das gelehrte Schwaben, Ravensbourg, Gradmann, 1802, notices « Böckmann, Johann Lorenz » et « Seybold, David Christoph ». Balthasar Haug, Das gelehrte Wirtemberg, Stuttgart, Hohe Carlsschule, 1790, notice « Seybold (David Christoph) ». Nekrolog für Freunde deutscher Literatur. 1793, 3 (1797), notice « Goeze (Johann August Ephraim) ». Friedrich Carl Gottlob Hirsching, Historisch-literarisches Handbuch, Leipzig, Schwickert, t. 3, 1797, notice « Iselin (Isaac) » ; t. 13, 1809, notice « Spielmann, Jacob Reinbold ». Christian Gottlieb Jöcher, Allgemeines Gelehrten-Lexicon, Fortsetzungen und Ergänzungen von J. C. Adelung, Delmenhorst, Jönhen, t. 2, 1787, notice « Iselin, (Isaac) » ; t. 3, 1810, « Lavater (Johann Kaspar » ; Ibid., Fortsetzungen und Ergänzungen von H. W. Rotermund, t. 5, 1816, notice « Pallas (Peter Simon) ». Neuer Nekrolog der Deutschen. 1828, 6 (1829), notice « Heß (Johann Jakob) » ; Dictionnaire biographique universel et pittoresque, t. 1, Paris, André, 1834, p. 241. Eugène et Emile Haag, La France protestante, t. 4, Paris, Charbuliez, 1853, p. 95-98. Michel Nicolas, Nouvelle biographie générale, éd. Jean Chrétien Ferdinand Hoefer, t. 12, Paris, Firmin, 1852, col. 216-219. Hartmut Lohman, « Lavater, Johann Kaspar », dans Biographisch-bibliographisches Kirchenlexikon, éd. Friedrich Wilhelm Bautz, t. 4, Herzberg, Bautz, 1992, p. 1259-1267. Hans Molz, op. cit., p. 37-39, 51, 56-57. Wilhelm Kreutz, « Der Rheinische Zuschauer (1778). Ein rheinisch-pfälzisches Aufklärungsjournal », dans Literatur und Kultur im deutschen Südwesten zwischen Renaissance und Aufklärung. Neue Studien, Walter E. Schäfer zum 65. Geburtstag gewidmet, éd. Wilhelm Kühlmann, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1995 (Chloe, Beihefte zum Daphnis, 22), p. 373-394, ici 377-394. Silvia Eichhorn-Jung, Aufklärung und Universalitätsanspruch in der Zweibrücker Gazette universelle de littérature (1770-1780), Francfort-sur-le-Main, Berne et al., Peter Lang, 2000 (Saarbrücker Arbeiten zur Romanistik, 10). Christel HESS, Presse und Publizistik in der Kurpfalz in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1987 (Europäische Hochschulschriften, 3). Gelehrtennetzwerke in Straßburg am Ende des 18. Jahrhunderts. Jérémie-Jacques Oberlin – Jean Baptiste-Gaspard d’Ansse de Villoison, éd. Marie-Renée Diot, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2007 (Deutsch-französische Kulturbibliothek, 25).

23 Apparue dans les années 1740 à Strasbourg, la franc-maçonnerie ne s’y développa qu’à partir de 1763. De 1763 à 1792, Strasbourg compta 15 loges, qui eurent en tout (mais pas simultanément) 1 000 à 1 500 membres. La Loge La Candeur (majoritairement catholique) fut fondée en 1763. Elle tenta rapidement de dominer les autres loges strasbourgeoises et de s’émanciper, si bien qu’en 1765, elle rompit ses relations avec la Grande-Loge parisienne (responsable en 1773 du Grand-Orient de Paris). Elle fusionna en 1772 avec la franc-maçonnerie de Dresde et forma en 1772-1773 le Directoire écossais de la Ve province ou Stricte observance, d’inspiration ésotérique. L’Europe avait été divisée sur le papier en neuf provinces, dont cinq étaient actives. Cf. Pierre-Yves Beaurepaire, art. cit., repris dans Id., L’Autre et le Frère. L’étranger et la franc-maçonnerie en France au XVIIIe siècle, Paris, Champion, 1998 (Les dix-huitièmes siècles, 23), p 399-443. Bertrand Diringer, op. cit., p. 43-82. Winfried Dotzauer, Freimaurergesellschaften am Rhein. Aufgeklärte Sozietäten auf dem linken Rheinufer vom Ausgang des Ancien Régime bis zum Ende der napoleonischen Herrschaft, Wiesbaden, Steiner, 1977. Margaret C. Jacob, Living the Enlightenment. Freemasonry and Politics in Eighteenth-Century Europe, New York/Oxford, Oxford University Press, 1991, p. 179-202.

24 Outre les ouvrages mentionnés dans la note 22, ces données ont été élaborées grâce à Pierre-Yves Beaurepaire, « Un creuset maçonnique dans l’Europe des Lumières : la loge de la Candeur, orient de Strasbourg », Revue d’Alsace, 124 (1998), p. 89-120, ici 107-115. Bertrand Diringer, Franc-maçonnerie et société à Strasbourg au XVIIIe siècle, mémoire de maîtrise, Université Strasbourg II, 1980, p. 24, 82, 172, 179, 188-189, 196. Dictionnaire de la franc-maçonnerie, éd. Daniel Ligou, Paris, Presses universitaires de France, 2005 (1987) (Quadrige), p. 320-321 et 406. Marie-Joseph BOPP, « L’activité maçonnique en Alsace pendant la Révolution française », Revue d’Alsace, 94 (1955), p. 125-144. Hermann Schüttler, Die Mitglieder des Illuminatenordens, 1776-1787/93, Munich, Ars Una, 1991. Alec Mellor, Dictionnaire de la franc-maçonnerie et des francs-maçons, Paris, Belfond, 1971, notice 524.

25 Les familles Türckheim et Spielmann étaient unis par de tels liens matrimoniaux. Cf. Karl Demeter, Die Frankfurter Loge Zur Einigkeit 1742-1966. Ein Beitrag zur deutschen Geistesund Sozialgeschichte, Francfort-sur-le-Main, Kramer, 1967, p. 71.

26 Sur cette société, cf. Marie Drut, Contribution à l’histoire sociale de l’Aufklärung : étude comparative du processus dans les milieux catholiques et protestants. L’exemple des communautés de Deux-Ponts et de Trèves, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2002, p. 483-488.

27 Ces résultats ont été obtenus par la consultation des ouvrages cités dans la note 22. Le graphique a été réalisé avec le logiciel Gephi, avant tout au moyen de l’algorithme Fruchtermann Reingold.

28 Voir l’annonce en début du volume : « Von diesen gelehrten Nachrichten erscheinen wöchentlich zwey Stükke, eines von einem ganzen Bogen, das andere von einem halben Bogen in gr. 8. nebst zwölf Witterungstafeln von Hrn Hofrath Böckmann in 4. Der Preis des Jahrgangs ist vorausbezahlt 12 Liv. oder zwey neue Laubthaler in der Stadt Strasburg und im Elsaß. Auswärtige bezahlen 6. Gulden, oder vier Reichsthl. Sächsisch. Mann kann sie vierteljährig, oder monatlich von der akad. Buchhandl. in Strasburg, oder von der gelehrten Zeitungsexpedition in Kehl, oder von C. A. Serini in Basel, oder von A. F. Böhme in Leizpig, wöchentlich aber von den Löbl. Postämtern jedes Orts erhalten. Man kann zu allen Zeiten sich abonnieren ; man muß sich aber gefallen lassen, den ganzen Jahrgang fortzunehmen, indem man keine halbjährige, vierteljährige oder monatliche Aufkündigung annehmen kann », Strasburgische gelehrte Nachrichten, 1785, 1vo. On peut supposer que ces tables climatiques ont été effectivement réalisées et distribuées au moins durant quelques livraisons. L’exemplaire numérisé de ce périodique a malheureusement négligé ces tables, dont seules quelques-unes sont jointes en fin du volume relié.

29 Carlsruher meteorologische Ephemeriden vom Jahr 1779, Göttingen, Maklot, 1780, p. 4.

30 Gerhard Bauer, Kai Budde, Wilhelm Kreutz, Patrick Schäfer, « Di fernunft siget ». Der kurpfälzische Universalgelehrte Johann Jakob Hemmer (1733-1790) und sein Werk, Berne, Peter Lang, 2010 (Jahrbuch für internationale Germanistik, Reihe A Kongressberichte, 103) se concentre exclusivement sur les questions orthographiques.

31 Voir notamment Johann August Ephraim Göze, Versuch über die Naturgeschichte der Eingeweiderwürmer thierischer Körper, mit 44 Kupfertafeln, Blankenburg, 1782. Nekrolog auf das Jahr 1793, éd. Friedrich Schlichtegroll, notice « Johann August Ephraim Göze ».

32 Sur l’intérêt de Hemmer pour l’aérostatique, voir Marie Drut, op. cit., p. 257. Sur le débat sur le paratonnerre, voir Flemming Schock, « Donnerstrahl und Eisenstangen. Die Debatte über den Blitzableiter in den Journalen der Gelehrtenrepublik », Aufklärung, 26 (2014), p. 67-99. Sur la passion pour ces sujets, cf. Bruno Belhoste, Paris savant. Parcours et rencontres au temps des Lumières, Paris, Colin, 2011.

33 Françoise Waquet, Hans Bots, La République des lettres, Paris, Belin, 1997 (Europe & histoire), p. 160. Cf. aussi Kirill Abrosimov, Aufklärung jenseits der Öffentlichkeit. Friedrich Melchior Grimms « Correspondance littéraire » (1753-1773) zwischen der « république des lettres » und europäischen Fürstenhöfen, Ostfildern, Thorbecke, 2014 (Francia, Beihefte, 77).

34 Langues de parution en 1785 : français (102), latin (46), espagnol (8), grec (4), italien (3), hébreu (1). Langue originaire des ouvrages traduits : latin (30), anglais (25), grec (24), français (22), allemand (13), etc.

35 Jean-Luc Chappey, « Enjeux sociaux et politiques de la “vulgarisation scientifique” en Révolution (1780-1810) », Annales historiques de la Révolution française, 338 (2004), p. 11-51.

36 Rappelons que tandis que Mesmer effectuait des traitements publics, mixtes et très coûteux autour dudit baquet, mettant les intéressés en état de transe, Puységur provoquait un sommeil artificiel (appelé hypnose à partir de 1843) dans lequel les patients formulaient eux-mêmes leur thérapie. Amand Marie Jacques de Chastenet, marquis de Puységur (1751-1825) était membre de la loge La Candeur depuis 1769. Cf. Jean-Pierre Peter, « De Mesmer à Puységur. Magnétisme animal et transe somnambulique, à l’origine des thérapies psychiques », Revue d’histoire du XIXe siècle, 38 (2009), p. 19-40.