Les soleils de la Fronde : analogies stellaires dans les mazarinades
Malte GRIESSE
Université de Constance
Je me propose d’étudier le recours au mythe solaire dans les mazarinades. Dans un premier temps, je situerai l’analogie entre soleil et pouvoir dans le champ plus large des différentes métaphores politiques au milieu du XVIIe siècle. Ensuite, je montrerai comment le jeune Louis XIV est comparé au Soleil dans les mazarinades dès 1649, c’est-à-dire bien avant la « fabrication du Roi-Soleil » à la cour, qui se fera après la Fronde. En même temps, je retracerai, au sein de ce jeu métaphorique, les qualifications de nuages, miasmes, éclipses, comètes, etc. attribués aux prétendus adversaires du roi, et je montrerai comment le mythe solaire servit à « illuminer » le passé récent, jusqu’à Henri IV. Finalement je mettrai en relief les attributions solaires à d’autres acteurs politiques en vue de la Fronde, qui contestèrent ainsi au roi le monopole du recours à un mythe qui ne sera établi que par la suite.
MÉTAPHORES POLÉMIQUES ET ÉMERGENCE DU MYTHE SOLAIRE
Les métaphores politiques sont particulièrement riches et propices pour décrire et justifier les liens sociaux et la distribution du pouvoir dans une société. Ceci vaut d’autant plus pour des situations de guerre civile et de mise en cause d’un ordre établi, quand les métaphores deviennent de puissants outils de critique des rapports politiques et de prescription de changement1. Pendant la Fronde les pamphlets sont le lieu d’une véritable guerre de l’information, au cours de laquelle les acteurs politiques échangent des polémiques et se diffament mutuellement devant un large public. Même si à la vérité, au lieu d’écrire eux-mêmes, ils ont tendance à embaucher des gens de plume2.
Même si dans leur grande majorité ces libelles sont publiés de manière anonyme, ils sont donc souvent le fait de lettrés professionnels. C’est une des raisons pour lesquelles ils regorgent de métaphores, qui constituent ainsi un champ de bataille sui generis, où sont gérés les conflits de légitimité majeurs. Différents champs de métaphores sont utilisés pour caractériser le désordre de l’État : la navigation (conduire le navire de l’État à travers les tempêtes), la météorologie (les révoltes vues comme des intempéries), la médecine (qui s’occupe des maladies du corps politique). Classiquement, l’analogie (médicale) entre le corps humain et le corps politique est la plus importante, d’une part, parce qu’elle est inclusive (c’est-à-dire que tous les membres d’une société sont censés faire partie du même corps) 3, et d’autre part parce que le corps propose un large inventaire de possibilités pour la distribution des pouvoirs (et des biens), et offre donc un « lieu » propice à la confrontation de conceptions politiques divergentes. Cette analogie peut servir à justifier des hiérarchies plutôt rigides comme dans la parabole classique de la rébellion des membres contre l’estomac (racontée par Menenius Agrippa aux plébéiens de Rome pour les apaiser, d’après Tite-Live), ou à fonder un pouvoir absolu (tiste), comme dans le fameux frontispice du Léviathan de Thomas Hobbes4. Mais elle peut également soutenir un ordre plus égalitaire comme pour Adriaen Stikke (Leedenstrydt, 1630), où le « cul », méprisé par tous les autres, finit par faire la grève et « fermer les portes » – avec des effets désastreux pour le tout5.
Les allusions à l’astronomie et à l’astrologie (disciplines alors peu distinctes), fréquentes dans le discours sur les révoltes, ne relèvent pas tout à fait de la catégorie métaphorique. Selon le modèle hippocratique et ses dérivations, les constellations stellaires ou les comètes créent des miasmes, des pollutions de l’air, qui ont un impact direct sur la nature et la conduite des êtres humains6. Au lieu de faire analogie entre deux champs lexicaux ou d’images, l’astronomie-astrologie établit donc des liens de cause à effet et se hasarde souvent à prédire non seulement des épidémies ou des intempéries (au sens non-figuré), mais aussi des guerres et des révoltes. En même temps, étant donnée la richesse du langage métaphorique, il ne faut pas sous-estimer les glissements aussi bien entre analogie et causalité qu’entre différents champs de métaphores. L’image de l’État comme navire qu’il faut conduire vers le port sûr a beaucoup à voir avec la météorologie. Et les intempéries sont souvent renvoyées à des constellations stellaires rendues responsables en même temps de mauvaises récoltes, d’épidémies et, par le biais de la bile humaine, de l’ébranlement de l’équilibre des humeurs dans les corps humain et politique.
À la lecture de nombreuses mazarinades, c’est l’image du soleil qui a retenu mon attention, d’une part parce qu’elle constitue l’une des métaphores dominantes7, d’autre part parce qu’elle semble préfigurer en quelque sorte l’image de Louis XIV comme Roi-Soleil, qui deviendra le socle de l’autoreprésentation de la cour dans la seconde moitié du XVIIe siècle. En effet, l’analogie du pouvoir avec le soleil est beaucoup plus absolutiste que les métaphores liées à l’idée du corps politique : si, dans le corps, les membres ont besoin de l’estomac et vice versa, le soleil fait vivre la nature et toute créature (les sujets) sans en avoir besoin lui-même. Il est donc surprenant de constater que l’image du soleil semble jouer un rôle éminent pendant la Fronde, alors qu’elle est généralement interprétée par l’historiographie comme le dernier sursaut d’une résistance corporatiste contre les efforts centralisateurs et modernisateurs de l’État, résistance souvent considérée comme orientée vers le passé8.
Les études sur la représentation de Louis XIV comme Roi-Soleil retracent la (re-) naissance du mythe solaire après la Fronde, à partir du moment où Louis XIV prend en main le gouvernement. Elles ne parlent de la Fronde qu’ex negativo comme une expérience traumatique (du roi et du gouvernement), à surmonter et à refouler9. Dans les ballets de cour d’Isaac Benserade, où le jeune roi danse pour la première fois l’Apollon (en 1651), la Fronde est figurée comme le Python à vaincre, de même dans la fameuse sculpture de Gilles Guérin, Louis XIV terrassant la Fronde (1653), où les hideux rebelles, déjà à terre, sont piétinés par le roi triomphant (en 1687 le groupe sera retiré de la cour de l’Hôtel de ville et remplacée par la statue de Louis XIV par Antoine Coysevox, d’où toute trace de la Fronde est absente10). Kantorowicz a retracé la filiation antique du mythe solaire, le culte du monarque comme Soleil s’étant rencontré dans les grands empires orientaux puis à Byzance. Par ce biais, il a été adopté en France : les premiers efforts, rudimentaires et épars sous Henri IV et Louis XIII, ont été rapidement abandonnés. Et selon Kantorowicz, c’est Louis XIV revenu au pouvoir qui aurait revigoré l’ancien mythe11.
L’ÉMERGENCE D’UN ROI-SOLEIL DANS LES MAZARINADES
Il faut toutefois relativiser cette genèse proposée par Kantorowicz, car le soleil comme métaphore du pouvoir royal est déjà bien présent dans les mazarinades. Puisque c’est en 1651 que le roi se produit pour la première fois comme Apollon à la cour, concentrons nous sur les mazarinades antérieures. De nombreux exemples existent dès 1649 au moment de l’essor de la production pamphlétaire, lorsque la cour a fui Paris et que Mazarin a fait assiéger la capitale par les troupes du prince de Condé. Curieusement la grande majorité des textes qui propagent l’image d’un Roi-Soleil sort alors de la plume des frondeurs.
Les Importantes veritez pour le parlemens (1649) sont publiées avant le retour de la cour à Paris. Elles font partie des mazarinades les plus longues et sont remplies de métaphores célestes et de références au roi comme soleil de son Royaume. Le libelle est signé par les initiales I. A. D. et, dans sa dédicace, l’auteur déclare qu’il a débuté comme avocat au Parlement de Paris. Le sous-titre fait déjà état de ses allégeances : les Parlements sont les « protecteurs de l’estat, conservateurs des loix, et pères du peuple », et le récit cite in extenso les arrêts du parlement de Paris du 8 janvier jusqu’au 18 février 1649. Il s’adresse directement au roi mineur :
Reuenez IEVNE PRINCE, les Dieux et les Rois n’ont pas des peuples pour les faire languir. Le Soleil chasse la tristesse du Ciel, et resioüist toute la terre, et la présence du Roi n’apporte que de la joie et du soulagement à ses Subjets ; C’est une lumière esclattante, dit Salomon, qui dissipe et perce tous les nuages, lumière, marque de la Royauté, d’où les Empereurs de Constantinople faisaient toujours porter devant eux une lampe ardente, pour dire que la lumière n’esclairant jamais pour soi, mais pour faire voir les autres, aussi que la Royauté ne regarde que le bien des Sujets12.
L’héritage byzantin est explicitement invoqué, ainsi que le bien commun. La lumière, les rayons de soleil ne sont pas là pour eux-mêmes, mais pour éclairer tout le Royaume et apporter joie et soulagement à tous les sujets.
… nous pouvons dire que l’absence de notre ROI, comme l’Eclipse du Soleil naissant de cette Monarchie, fera ressentir à l’état de perilleux effets. La terre cache quelquefois le Soleil à nos yeux, mais ne le rauit pas aux hommes : Et ce jeune Prince a été arraché des bras de ses Sujets, il est demeuré la proie de ses Rauisseurs, et son Royaume exposé par de mauvais Ministres, aux seditions et aux reuoltes13.
L’adversaire du soleil entre en jeu, celui qui projette l’ombre et provoque ténèbres et éclipse. Certes, il ne peut pas nuire au soleil directement. Mais dans la mesure où la lumière du soleil a pour fonction de montrer le chemin aux autres (cf. la lampe de l’empereur byzantin), la rupture du lien avec ses sujets affecte aussi le soleil lui-même et sa raison d’être, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une rupture purement éphémère comme celle de la nuit. Le « soleil naissant de cette monarchie » est « ravi » à ses sujets et les « mauvais ministres » en sont coupables. L’éclipse durable qui en résulte est à l’origine des « séditions et révoltes ». Dans cette veine, l’auteur reproduit la résolution du Parlement du 8 janvier (1649) qui affirme « que le Cardinal Mazarin est notoirement l’auteur de tous les désordres de l’état et du mal présent » et le « declare Perturbateur du repos public, Ennemi du Roi et de son Estat14 ». La fuite de la cour à Saint-Germain-en-Laye est interprétée comme enlèvement du Roi et éclipse du soleil. L’idée se trouve dans beaucoup de libelles de la période : selon cette interprétation, Mazarin veut accaparer l’autorité royale ; le roi est son prisonnier, et les lois ou arrêts qui émanent de la cour ne sont pas pris au gré du monarque.
Au sujet du roi, le libelliste articule la théorie aristotélicienne du premier moteur immobile à l’héliocentrisme copernicien : « Lui (le roi) sous la puissance duquel se meut toute la disposition de la nature elementaire, il est unique, l’on ne voit point deux Soleils dans le Ciel. 15 » Un autre libelle, le Discours addressé aux soldats françois, spécifie que la « France a toujours été gouvernée par un Monarque fidèle à son pays, et par un Roi non étranger. C’est un état Monarchique ressemblant au Ciel qui ne peut souffrir qu’un Soleil16 ».
L’image d’une autorité indivisible, comme celle du soleil en tant qu’unique source de lumière, est qualifiée davantage dans la suite des Importantes veritez, selon lesquelles l’autorité royale ne peut être déléguée qu’aux cours souveraines, et seulement à des conditions très restreintes :
Or comme l’ordre des états n’est que l’ombre de l’ordre éternel de la Sagesse Divine, qui découle en terre par l’esprit des Rois, comme par des canaux choisis par la Divinité pour se communiquer aux hommes. Nous voyons que nos Rois n’ont jamais fait part de leur authorité qu’à leurs Cours Souveraines, pour se decharger d’une partie de leurs obligations et de leurs soins ; de même que le Soleil ne communique sa lumière qu’aux Astres, afin que par leurs influences ils cooperent avec lui à la conservation et à l’administration de l’univers17.
Néanmoins, même si l’auteur a écrit « qu’on ne voit point deux Soleils dans le Ciel », il allègue qu’il y a néanmoins de « faux soleils » :
Mais notre France doit imputer tous ses troubles à ces nouveaux Genies, puisque n’ayant reçu que de benignes influences sous le gouvernement de nos Rois et de leur Parlement, lors que ces faux Soleils se ioignent à leur puissance tout le Ciel est en feu, Crebris micat ignibus æther. La terre fume de sang, le Royaume est en proie, et ceux qui étaient plus estroittement obligez au service du Roi par le devoir du sang et par le droit de leur naissance, ce sont eux qui employent tous leurs efforts à renverser son authorité18.
Qui sont donc les « nouveaux génies » et les « faux soleils » ? Ici ce sont très clairement « les ministres », et en tout premier lieu le cardinal Mazarin comme premier ministre qui s’attacherait à la puissance (royale) et chercherait à la manipuler pour servir ses intérêts particuliers et souvent criminels.
Le Cantiqve de reiovissance des bons François, povr l’hevrevx retovr du Roy dans sa bonne ville de Paris est orienté, lui aussi, contre Mazarin, même si le Cardinal n’y est pas explicitement mentionné. Mais le libelle s’adresse aussi à la régente Anne d’Autriche. Le sous-titre l’indique bien : « Auev une tres-humble Remonstrance à la Reyne regente. » Le pamphlet fait appel à la reine : « acheuez une si glorieuse entreprise, donnez le calme entier à la Chrétienté, et relaschant quelque chose de vos intérêts mondains, auancez ceux de Iesus Christ, qui vous presche la paix et qui déclare bien heureux ceux qui la pourchassent. » Cette remontrance renvoie aux rumeurs sur une relation d’amour entre la régente et le premier ministre, raison pour laquelle elle aurait choisi Mazarin comme premier ministre. Les « intérêts mondains » d’Anne d’Autriche sont ceux de la chair. De la pure volupté découleraient ainsi ses faveurs pour un « voleur » qui « fait périr le Royaume19 ».
Pourtant le pamphlet se voulut, comme le titre l’affirme, un « cantique de réjouissance » à l’occasion du retour du roi. C’est dans ce contexte que l’on trouve le monarque comparé au soleil. La ville de Paris, dont l’état se serait progressivement dégradé par l’absence « du soleil », attend tout de son retour :
La divine et misericordieuse providence du Roi des Rois, ayant inspiré le retour tant souhaitté de ton jeune et incomparable Monarque, te va redonner une nouvelle splendeur beaucoup plus éclatante que la precedente ; et comme les jours calmes et sereins qui succedent aux pluyes et aux orages, paroissent avec plus d’éclat, et resioüissent beaucoup davantage, ainsi la présence de ce bel Astre se fera sentir plus lumineuse et plus charmante après un si long et si ennuyeux éclipse. Ouï notre jeune Roi est un Astre bening, ou plutôt un Soleil dont l’apparition doit ravir tous ses Sujets : car ses rayons et ses influences dissipent les tour billons les plus espais, et reduisent à néant les plus obscures nuées de nos confusions et de nos mal-heurs. C’est l’anchre ferme de notre espérance qui nous deliure du naufrage, et le havre et port le plus assuré de notre salut20.
Le texte glisse ainsi du mythe solaire dans un cadre astronomique-astrologique, vers la météorologie (qui est elle-même influencée par les astres), et de là vers la navigation qui dépend largement de la précédente. En même temps, il renvoie aux « tourbillons » et « nuées » qui veulent masquer la lumière du soleil – allusions au cardinal.
Dans d’autres pamphlets Mazarin est présenté explicitement comme une « comète » funeste. La lettre du sieur Pepoly… au cardinal (1649) demande : « Et qui n’aurait preueu que Mazarin serait à la France autant pernicieux et dommageable qu’une sinistre Comete le peut être aux regions, ou parties de son aspect21 ? » À propos des négociations de paix sur la conférence de Rueil (mars 1649) et au traité de paix qui y est envisagé entre le Parlement, la ville de Paris et les troupes gouvernementales, un pamphlet désigne le ministre comme une comète parmi des astres qui brillent :
le Cardinal a imité l’adresse de ce Peintre, qui graua son nom sur son ouvrage, en un endroit où on ne pouvait l’effacer, sans défigurer la Deesse que son tableau representoit : Je souhaitterois, Ariste, que son seing ne deshonnora point le Traité, et que ce Comete n’eût point paru parmi les Astres qui y brillent […]22.
Et, bien plus tard, pendant la Fronde des princes, Le labyrinte de l’Estat évoque l’ascension de Mazarin comme une « grande exhalaison » poussée en haut par sa chaleur, « où elle est même attirée par le Soleil » :
[Cette] exhalaison qui était serrée auparavant, lors qu’elle était en pays ennemi, venant à s’eslargir et s’étendre en la haute region de l’air qui lui est amie, forme souvent un comete qui pour être plus proche de nous que le Soleil paraît à nos yeux plus grand et plus lumineux que cet astre, et nous étonne d’autant plus que son éclat est extraordinaire et menassant23.
En 1652, cette analogie est encore alimentée par la véritable éclipse qui se produit le 8 avril. La voix du peuple (1652) fait le lien :
[…] je crois que l’Eclypse qui nous a paru viens moins de l’interposition de la Lune entre le Soleil et la Terre, que des vapeurs du sang encore fumant de vos Sujets, lesquels aux derniers abois, et rendans leurs âmes, demandent instamment à Dieu, de ne trouver point de Mazarin dans le pays où ils vont […], ils ne font que marmoter en begayant, point de Mazarin, et la plus grande injure que l’on puisse faire à une personne, c’est de l’appeler de ce nom, croyant par ce mot, signifier qu’il est un fourbe, un ambitieux, un auare, un boutefeu, enfin le cloaque de tous les crimes et les vices24.
L’ASCENSION DE MAZARIN COMME LE VOL D’ICARE
L’ascension de Mazarin, qui a l’insolence de se rapprocher par trop du soleil royal, est comparée au vol d’Icare25. La grande majorité des libelles met tout l’espoir en la saisie du gouvernement par le roi, surtout à partir du moment (9 septembre 1651) où sa majorité est proclamée. Le soleil est censé briller plus clairement et chauffer davantage, et les libellistes espèrent la chute de Mazarin comme celle d’Icare dont les ailes fondent à cause de la chaleur. La voix de Peuple (1652) proclame ainsi :
C’est assez de tempête, et le boreas qui flestrit vos lis, se changeroit en zephir, quand le gouvernement des affaires changeroit de mains, et quand cet Icare aura fondu ses aisles près de ce beau Soleil, qui ne nous a paru encore qu’éclipsé par les exhalaisons d’un mauvais cerveau, et d’une tête cacochine26.
La comparaison des comparaisons aux Mazarins (1652) raconte en détail toute l’histoire de Dédale et Icare. D’un côté, elle étoffe l’analogie avec Mazarin, de l’autre elle la relativise et la met en cause, essentiellement avec deux arguments. Premièrement, Icare était loin d’avoir fait autant de mal que Mazarin : « j’avais entrepris de parler / De Mazarin, et l’esgaler / A cet Icare de la Fable, / Qui ne fut pas si détestable / Que ce Ministre Cardinal, / Car il ne fit jamais qu’un mal, / Qui fut une trop forte envie, / Mais ce mal lui cousta la vie. » Deuxièmement, le père d’Icare (Dédale), homme noble et modèle de vertu, est juxtaposé aux parents de Mazarin qui sont peints, dans ces vers burlesques, comme des escrocs et des voleurs. Ce jeu de mots sur le verbe « voler » est davantage développé, lorsque le vol d’Icare est rapproché des vols de Mazarin, en Sicile, à Rome, en France où l’expansion de sa carrière s’est accompagné d’un considérable enrichissement : « Les trop grandes richesses, et les honneurs excessifs peuvent être justement comparez à la chaleur du Soleil. » Finalement, les destins sont différents parce que Mazarin tire les leçons de la fin d’Icare.
Ce pauvre Icare à tête verte, / Traisna lui même son mal-heur / Volant trop haut ; Notre voleur / En fera tout un et de même, / Car Mars n’est jamais sans Caresme : / Mais suiuons la comparaison, / Et vous verrez si j’ai raison. […]
Le fils [Mazarin] qui avait la prudence, / Je dis prudence de vaurien, / Prudence pour chose mauvaise, / Pour s’en aller plus à leur aise, / Fut d’avis qu’il fallait voler, / Son père voulut controller / Cette entreprise temeraire, / Non, non, dit-il, laissez moi faire, / Je sais bien en venir à bout, / Reposez-vous sur moi de tout ; / Je ferai comme Icare en Crete, / Mais je ne serai pas si beste / De prendre les aisles qu’il prit, / De peur de faire ce qu’il fit ; / I’en ferai d’une autre matière, / Que la chaleur tant soit-elle fiere, / Ne dissoudra aucunement ; / C’est d’or ; Je sais fort bien comment / L’on emmanche cette machine, / Nous en avons grâce divine, / Grâce divine, le coquin, / Dieu n’assiste point un faquin […].
Si Icare est tombé dans la mer, c’est la potence qui attend Mazarin, du moins dans l’espoir du libelliste27.
RÉTROSPECTIVE HISTORIQUE : RÈGNES SOLAIRES ET LUNAIRES
Comme bien d’autres libelles, Le labyrinte situe les origines de la chute, provoquant « ce siècle des monstres et des prodiges », à la fin du règne de Henri IV. Ce dernier est rétrospectivement rapproché du soleil et proposé comme modèle à Louis XIV : « la France acheva de perdre sa tramontane à la mort de Henry le Grand. Ce grand Astre n’étant pas [ou plus] sur notre horison, les ténèbres s’espandirent par tout où ses lumières avaient jeté leur éclat. » La régence de Marie de Médicis est comparée à un « règne lunaire ». On y sent la misogynie, qui conteste aux femmes la capacité de gouverner, préjugé plus répandu dans le contexte français de primogéniture masculine que dans d’autres royaumes européens28 :
prenant la Régence du Royaume sous la minorité de son Fils, [elle] s’efforça bien de les dissiper en quelque façon ; mais on connut bien tôt que ce qu’elle avait de brillant dans son action, comme celle de toutes les autres Regentes, se pouvait comparer à cette sombre clarté du corps de la Lune, qui par une certaine qualité maligne inconnuë ; et par sa froide humidité corrompt les mêmes sujets, à qui le Soleil donnait l’âme et l’action, et qui dans l’air où cet Astre entretient la chaleur et la serenité, n’excite que des orages et des tempêtes.
Le libelliste ne reproche pas à Marie de Médicis son « humidité », qui lui semble être le corollaire inéluctable de son sexe. Il la loue même pour avoir dissipé les troubles causés par le mécontentement des princes. Pourtant, il voit le vrai malheur dans l’avènement du règne des ministres-cardinaux : « la France n’a rien vu de pareil à ce qu’elle vient d’esprouver sous le mynistere de deux cardinaux qui nous ont véritablement plongez dans le labyrinte où nous respirons à présent sans aucun espoir d’en sortir que par le secours de la mort29. »
La juxtaposition du soleil comme figure du règne bénéfique du roi, et de la lune comme figure du règne des femmes, se dessine plus nettement encore dans la Dernière et très importante remonstrance à la Reine, et au seigneur Jules Mazarin (1652) :
C’est pour vous dire [i. e. à Mazarin], que comme votre puissance ne subsiste que par celle de la Reine, qui dépend de celle du Roi, et que vous tirez votre avantage de l’aveuglement de ce Prince, qui ne lui peut plus gueres durer en l’âge où il est, et dans les connoissances qu’on tâche de lui donner des désordres que vous excitez dans son Estat : elle est certes mal assurée, puis que ce discours est déjà presque en la bouche de tous. Que puis qu’une Eclypse de Soleil cause nos mal-heurs par votre moyen, une Eclypse de Lune nous est nécessaire pour les guérir30.
INCARNATIONS CONCURRENTES DU SOLEIL
Revenons à notre première hypothèse, à savoir que l’image de Louis XIV comme roi soleil a été préparée sous la Fronde et qu’elle a de surcroît été lancée et véhiculée en tout premier lieu par des Frondeurs. Pourquoi Louis XIV retient-il cette image après la prise des pleins pouvoirs royaux, alors que ses prédécesseurs, comme le montre Kantorowicz, l’avaient rejetée ?
Dans quelques-uns des pamphlets que nous avons cités, il était déjà question d’une multiplicité de soleils, toujours dénoncés comme « faux soleils » aux effets pernicieux. Mais dans certaines mazarinades, l’image solaire a pu être attribuée positivement à d’autres acteurs politiques prééminents. En 1649, sont publiés Les Triomphes de Louis le Juste XIII du nom, avec Corneille parmi les auteurs principaux31. C’est une sorte d’hagiographie du feu roi qui relate, en français et en latin, les grands événements héroïques auxquels il a participé, et qui est accompagnée des portraits de ses serviteurs les plus importants. Même si Mazarin n’a joué pratiquement aucun rôle sous Louis XIII, il y figure juste après Richelieu. Il y est célébré à plusieurs reprises pour avoir empêché, en tant que nonce du pape, la bataille de Casale en 1630, où il se serait interposé, avec tout son charisme et un courage énorme, entre les troupes rangées d’où les balles commençaient déjà à siffler… Le récit s’oppose à deux stéréotypes négatifs du Cardinal propagés dans les mazarinades : celui du couard et celui du fauteur de guerre. Même l’Envie ne saurait l’atteindre, qui « comme les chiens qui osent bien aboyer à la lune… ne jappent jamais contre le soleil32 ».
Mais Mazarin ne fut pas le seul à avoir été comparé au soleil, et à avoir fait ainsi concurrence au naissant mythe solaire du jeune Louis XIV. Des analogies solaires s’appliquent également à Pierre Broussel et au prince de Condé, ce dernier notamment dans les phases tardives de la Fronde. Les louanges de Broussel apparaissent dans les mazarinades pendant le blocus de Paris. Elles font écho à l’arrestation du populaire conseiller du Parlement de Paris. L’événement suscita une vague de solidarité des habitants de Paris, en août 1648, qui contribua largement à sceller l’alliance du Parlement avec la ville33. Une sorte de cantique en vers adressé à Broussel recourt entre autres métaphores au mythe solaire. Il évoque les puissances du mal (« une troupe de gens que l’Enfer a produite ») qui cherchent à l’éclipser et à priver la population du bénéfice de sa lumière. Le parallèle avec le roi s’impose, surtout dans le contexte de 1649, étant donné que le libelle parle de l’enlèvement du « Pilote généreux de l’Empire Gaulois » ou du « Père [de] sa Patrie » :
Votre rage a vomy contre lui sa furie,
Et le plus grand effort de votre barbarie
Produisit son effet quand il fut enlevé :
Cet énorme attentat, cette lâche industrie
L’ont mis dedans les fers, qu’en est-il arrivé ?
Les Français ont rendu le Père à sa Patrie.
Parmi les legions des soldats tous en armes,
Parmi le bruit confus du peuple en ses alarmes
Qui demandait avoir ce Soleil eclipsé :
Qu’on fut ravi voyant esclater sa lumière
Lors que plus on croyait qu’il était oppressé
Ou qu’il fut le butin de quelque cimetiere34.
Pareillement, c’est l’emprisonnement du prince de Condé pendant l’année 1650 qui donne lieu à des analogies stellaires. Le Discours sur le sujet des défiances de Monsieur le Prince (1651) déplore le destin du chef militaire qui a remporté à la France tant de victoires sur le champ de bataille, et dont on ferait maintenant « le sujet de sa disgrâce ». Encore une fois, Mazarin apparaît comme une comète funeste, mais cette fois, opposé au prince de Condé :
pour faire mieux réussir le dessein qu’on a formé, d’arrêter le cours de cet Astre si favorable à toute la France, lors qu’il a été dans son jour et dans son midy ; il n’y a point de supposition que l’on n’invente, et qu’on ne debite dans le public, pour faire passer cette lumière qui refletrit de ses Victoires pour le brillant d’une Comete, qui doit être funeste à cette Monarchie […]35.
L’astre favorable n’est pas forcément le soleil, même s’il est question de la France « dans son jour et dans son midi ». La métaphore solaire est plus explicite dans la Harangue faite a Monseigneur le prince, par les députez des trois estats des villes de Stenay, Clermont, Dun & Jamets (1651), apanages récents de Condé. Imprimée juste après la libération du Prince, elle constitue une sorte de « cantique de réjouissance » pour son retour :
Monseigneur,
Comme il n’y a rien de plus insupportable que de souffrir la rigoureuse absence de la chose que nous aimons le plus passionnément ; aussi n’y a-t’il rien de plus désirable que de recouvrer la possession & la jouissance de l’objet dans lequel nous avions établi les dernières de nos félicités : Cela se voit dans ces Régions sublunaires, qui sont six mois de l’année sans voir l’agréable clarté du jour ; mais de même que le Soleil vient à poindre sur leur Horizon & fendre de sa gaie clarté l’épaisseur sombre des ténèbres qui les enveloppaient, la joie renaît en leurs cœurs & paraît sur leurs visages […] :
Et nous, MONSEIGNEUR, nous avons souffert pendant le cours d’une année toute entière la rude Éclipse de Votre Altesse & de nos Princes, causée par cette Comète de mauvais augure, si fatale & funeste à toute la France, qui s’était élevée & opposée contre le flambeau de vos rares vertus ; Comète qui nous a coûté tant de larmes tirées du plus précieux de notre sang, que nous avons donné à votre captivité, & lors que vous gémissiez sous le faix insupportable des mauvaises influences dérivantes de cet Astre malin ; Mais à présent que cette Éclipse est dissipée, son Auteur anéanti & mis en fuite, & que l’appui & le suppôt de la Monarchie Française a passé si heureusement de l’esclavage à la liberté, notre tristesse s’est tournée en joie & en allégresse36…
Le mythe solaire est non seulement une métaphore phare dans les mazarinades, mais pendant la Régence et la minorité du roi, il existe une véritable compétition entre les acteurs politiques principaux qui se voient attribuer l’image du soleil. Cette concurrence attise les convoitises, et rend l’image plus désirable que jamais. C’est sur le fond de cette concurrence qu’il faut observer la monopolisation progressive du mythe par le « Roi-Soleil », jusqu’à la prise des pleins pouvoirs.
CONCLUSION
Ce sont donc en tout premier lieu les frondeurs, et en particulier les partisans du Parlement de Paris, qui ont propagé l’analogie du pouvoir royal avec la lumière du soleil, ranimant ainsi une des métaphores politiques les plus absolutistes. Cette observation se heurte aux interprétations de la Fronde comme mouvement corporatiste qui chercherait à inverser le cours de l’histoire, à enrayer le mouvement centralisateur de l’État et à ré-encadrer et le pouvoir royal. Certes, dans les mazarinades, nous trouvons bien des revendications en faveur de l’encadrement du gouvernement par les organes corporatifs, notamment le Parlement de Paris. Mais en général, ces revendications ne se rapportent qu’à la Régence, c’est-à-dire au « règne lunaire » des reines-mères et des ministres, à celui de la « comète funeste » Mazarin, ainsi qu’à celui de Richelieu. Le but ultime déclaré est pratiquement toujours la saisie du gouvernement par le roi, qui ne doit plus le partager ou le déléguer à des favoris dont l’engagement pour le bien commun semble douteux. Les renvois à Henri IV comme modèle ne sont donc pas de nature rétrograde ; ils constituent un appel au roi, au seuil de la majorité, pour gouverner l’État lui-même. Et Louis XIV suit le « conseil », qui ne désignera plus de successeur à Mazarin après sa mort. Il ne comblera certes pas les espoirs de paix et d’allègement des impôts ; mais en dépit des énormes charges qui continuent à peser sur la population et, en réalité, ne cessent d’augmenter, la fréquence et l’ampleur de révoltes reculeront significativement en comparaison de celles des « règnes » des cardinaux-ministres37.
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1 Hans Blumenberg, Paradigmen zu einer Metaphorologie, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1999 ; Paul Ricœur, La métaphore vive, Paris, Seuil, 1975 ; George Lakoff, Mark Johnson et Astrid Hildenbrand, Leben in Metaphern : Konstruktion und Gebrauch von Sprachbildern, 6e éd., Heidelberg, Carl-Auer-Systeme-Verl, 2008.
2 Pendant les premières années de la régence (et de son ministère), Mazarin a plutôt sous-estimé l’importance de la presse et de l’imprimé, et a par conséquent négligé les gens de plume. Mécène des beaux-arts, il investit beaucoup moins dans les Belles-Lettres qu’un Richelieu, ce qui lui aliéna nombre de gens de plume au bord de la misère. La Fronde les fit revivre, car ils furent souvent recrutés par le camp frondeur. L’image d’un Mazarin ambitieux poussé par la cupidité, qui laisse périr la population, est alors pour ces auteurs un sujet de prédilection. Surtout pendant la première phase de la Fronde, lorsque la censure n’avait pratiquement plus d’impact, les libelles frondeurs primèrent sur ceux en faveur du ministre, déséquilibre qui ne fut que progressivement atténué (Georges Couton, Corneille et la Fronde : théâtre et politique il y a trois siècles, Clermont-Ferrand, Imprimerie G. de Bussac, 1951, p. 112). La Gazette de France resta pourtant le principal organe de propagande du gouvernement (à l’exception du temps du blocus de Paris, quand les fils de Renaudot restés à Paris imprimèrent la Gazette sous la domination des frondeurs), mais comme l’essentiel de la presse périodique de l’époque, elle couvrait moins la politique intérieure que les affaires internationales (Cf. Stéphane Haffemayer, L’information dans la France du xviie siècle : La Gazette de Renaudot de 1647 à 1663, Paris, Champion, 2002. Pour une analyse comparée, voir Sonja Schultheiss-Heinz, « Contemporaneity in 1672-1679 : The Paris “Gazette”, the “London Gazette”, and the “Teutsche Kriegs-Kurier” (1672-1679) », dans The dissemination of news and the emergence of contemporaneity in early modern Europe, éd. Brendan Maurice Dooley, Farnham, Ashgate, 2010, p. 115-135.
3 Ce n’est pas le cas de la métaphore du navire de l’État, par exemple, qu’il faut conduire à travers les tempêtes, car souvent le peuple révolté y est représenté agité comme la mer, donc extérieure au navire.
4 David George Hale, The body politic : A political metaphor in Renaissance English literature, La Haye, Mouton, 1971 ; Horst Bredekamp, Thomas Hobbes, der Leviathan : Das Urbild des modernen Staates und seine Gegenbilder ; 1651-2001, 3e éd., Berlin, Akad.-Verl, 2006.
5 Adriaen Stikke, Leedenstrydt, La Haye, Aert Meuris, 1630. Bien entendu, il y a plusieurs lectures possible de cette variation du locus classicus, mais une interprétation contemporaine explicitement démocratique se trouve dans Pieter Baerdt, Democratia corporis humani ; dat is, Leden-stemminghe des menscheliicken lichaems ; gevoegt op een democratike regieringe sommiger republicken, Leeuwarden, Fonteyne, 1640. Voir à ce sujet Helmer Helmers, « Illness as Metaphor. The Sick Body Politic and Its Cures », article à paraître. Je remercie l’auteur de m’avoir communiqué le manuscrit de sa remarquable étude.
6 Lucinda Cole, « Of Mice and Moisture : Rats, Witches, Miasma, and Early Modern Theories of Contagion », Journal for Early Modern Cultural Studies, 2010, vol. 10, no 2, p. 65-84 ; Sabine Kalff, Politische Medizin der frühen Neuzeit : Die Figur des Arztes in Italien und England im frühen 17. Jahrhundert, Berlin ; Boston, De Gruyter, 2014.
7 Les occurrences du mot « soleil » (959) dans le corpus numérisé des Mazarinades priment même sur celles du mot « malade(s) » et « maladie(s) » (941). Si l’on tient compte du fait que le soleil est fréquemment décrit comme un « astre bénin », il n’est pas sans importance de noter la fréquence du mot « astre(s) » (690 occurrences). Voir le site du Projet Mazarinades : http://www.mazarinades.org.
8 Cette interprétation a une longue tradition, qui commence avec Voltaire. Voir Marc S. Rivière, « Voltaire and the Fronde », Nottingham French Studies, 1987, vol. 26, no 1, p. 1-18 ; Yves Marie Bercé, « Political Vacuum and Interregnum in Early Modern Unrest », dans From Mutual Observation to Propaganda War. Premodern Revolts in their Transnational Representations, éd. Malte Griesse, Bielefeld, transcript, 2014, p. 81-91.
9 Louis Hautecœur, Louis XIV, Roi-Soleil, Paris, Plon, 1953, p. 46 p. ; Peter Burke, The fabrication of Louis XIV, New Haven, Yale University Press, 1994.
10 Isaac Bensérade, Ballet de Cassandre. Récit de l’Apollon du Pont-Neuf & de Caquet bon bec la poule à ma tante, qui viennent publier l’arrivée de Cassandre à la Cour du Roy Guyon, Paris, Bureau d’Adresse, 1651, p. 221-232.
11 Ernst H. Kantorowicz, « Oriens Augusti. Lever du Roi », Dumbarton Oaks Papers, 1963, vol. 17, p. 117-177.
12 Importantes veritez… Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. Dediée au Roy. Par I. A. D, Paris, Jacques Villery, 1649, p. 7-8.
13 Ibid., p. 16-17.
14 Ibid., p. 14.
15 Ibid., p. 19.
16 Discours addressé… Dedié a Mr Deslandes-Payen, Conseiller en Parlement, Paris, Louis Sevestre, 1649, p. 6.
17 Importantes veritez…, op. cit., p. 19, 21.
18 Ibid., p. 34. La même image de l’incendie est tournée contre le prince de Condé qui confesse dans un pamphlet de 1650 : « SACRÉ flambeau qui donne le jour pendant la nuit à cette Cour, pour en découurir les infidelitez, vous savez qu’a la faveur de vos flammes j’ai porté le feu par tout votre Empire, et ai excité une telle incendie dans toutes vos villes qu’il ni reste plus de leur embrasement que les funestes marques de mon injuste indignation » (Dialogue sur l’emprisonnement du prince de Condé, [s. l. n. d.], 4 p.
19 Peu avant, en juillet 1649, un pamphlet avait fait scandale, qui évoquait les relations entre Mazarin et la reine en termes assez grossiers : « Peuple, n’en doutez pas, il est vrai qu’il la fou / Et que c’est par ce trou que Julle nous canard. » [Claude de Chauvigny de Blot], La custode de la reyne sui dit tout, [Paris, Claude Morlot], 1649, p. 3. L’auteur ne fut pas identifié mais l’imprimeur Claude Morlot, pris en flagrant délit, fut condamné à être pendu, condamnation confirmée par le Parlement de Paris, mais une émeute populaire libéra l’imprimeur de la potence. (Moreau 856).
20 Cantiqve de reiovissance des bons François, povr l’hevrevx retovr du Roy dans sa bonne ville de Paris. Auev une tres-humble Remonstrance à la Reyne regente, Paris, Remy (veuve de Jean), 1649, p. 5-6.
21 Marco Flaminio Pepoly, La lettre du sieur Pepoly comte Bolognois, escrite au cardinal Mazarin, touchant sa retraite hors du royaume de France, [s. l.], [s. n.], 1649, p. 3.
22 Il n’est pas tout à fait clair si la déesse est censée représenter la reine, le roi, ou bien les deux à la fois. En tout cas, la stratégie attribuée à Mazarin de s’associer à la majesté de façon à ce qu’on ne puisse le chasser qu’en nuisant en même temps au pouvoir suprême semble tout à fait juste. Paris, [s. n.], 1649, p. 9.
23 La labyrinte de l’estat, ou les veritables causes des malheurs de la France. A Ctesiphon, Paris, [s. n.], 1652, p. 25. Voir aussi P.M.D.C., La Comete royal pronostiquant a la Reine vn deluge des vengeances du Ciel, en punition, I. Des Incestes. II. Des Violements. III. Des Sacrileges. IV. Des Sodomies. V. Des Brutalités. Qui se cometent dans la guerre qu’elle fomente, pour soustenir l’Ennemy de la Chrestienté, [s. l.], [s. n.], 1652, 40 p. Le mot « comète » ne figure que dans le titre ; il est plutôt de mauvais augure car il annonce des punitions contre la reine qui a si longtemps soutenu Mazarin qu’elle a plongé le royaume dans la guerre civile et la misère.
24 La voix de Peuple au roy, pour la paix generale, Paris, [s. n.], 1652, p. 33-34.
25 Le miroir françois representant la face de ce siècle corrompu. Où se void si le Courtisan, le Politique, le Partisan, & le Financier, sont necessaires au maintien & conseruation d’vn Estat, Paris, [s. n.], 1649, p. 6 ; Le Rétorquement du foudre de Jupinet, contre luy-mesme : par l’eternelle solidité du veritable Donjon du Droict Naturel Diuin : voire contre toutes les nouuelles furies des Demons meridionaux : & futures irruptions des bestes feroces, à cornes, & autres. « Si Deus pro nobis quis contra nos ? » Ad Rom. Ch. 8. « Vir qui errauerit à via doctrinæ, in cœtu gigantium commorabitur ». Prou. C. 21. v. 16. « Qui fodit foueam, incidet in eam : & qui dissipat sepem, mordebit eum Coluber. » Eccl. 10. v. 8, Paris, [s. n.], 1649, p. 3. Cf. aussi L’estonnement de la cour, de l’esprit qui va de nuict, [s. l.], [s. n.], 1652, p. 5-6. On rencontre aussi, plus rarement, la comparaison d’Icare avec Condé : M. L., Discours et considérations politiques & morales sur la prison des princes de Condé, Conty, et duc de Longueville, Paris, Sébastien Martin, 1650, p. 8-9. Ce pamphlet stigmatise les motifs cachés de Condé : ceux qui l’ont arrêté sont « des aigles, qui savent regarder le soleil et qui verroient des tasches s’il y en avait en sa lumière. Ce sont ces Aigles auxquelles il n’a pu faire siller les yeux par l’éclat de ses grands exploits, qui en ont recognu les deffauts. Ce sont eux qui ont remarqué que l’esprit qui le portait dedans les batailles n’était pas le vrai génie de la pure générosité, et qu’il y avait beaucoup d’intérêt et beaucoup d’ambition meslez parmi son courage. […] Ses victoires ont été de beaux effets, qui ont eu de mauvaises causes ; elles n’étaient pas la fin de ses desseins, mais seulement le moyen pour y parvenir. Il a servi l’état et son Roi, mais son premier motif était de se servir Soi-même ; et bien loin d’abandonner sa vie aux ennemis pour le salut de la patrie, comme faisaient ceux qui chez les Romains se voüoyent à la mort pour elle, il n’a risqué souvent de se perdre, et ne s’est precipité que pour s’agrandir. »
26 Voix de peuple, op. cit., p. 43.
27 La comparaison des comparaisons aux Mazarins. Burlesque fait à Descain, Paris, [s. n.], 1652, 27 p. Le même texte se trouve sous le titre : L’Icare sicilien ov la cheute de Mazarin…
28 Pour une critique plus explicite des régences des reines, voir Claude Dubosc-Montandré, Le Sceptre de France en quenouille par les Regences des Reynes, faisant voir par de naifves representations d’Histoires. I. Les desordres du pouvoir absolu des femmes en France, par. II. La mauvaise Education des Roys. III. La pernicieuse conduitte de l’Estat. IV. Les horribles factions qui s’y sont eslevées, & qui ont souvent mis cette Monarchie à deux doigts de sa ruine. V. Et le moyen infaillible de remedier à tous ces desordres, si l’on veut s’en servir efficacement & dans l’usage des Loix Fondamentales, [s. l.], [s. n.], 1652, 122 p. Voir aussi les polémiques subtiles, pendant les guerres de religion, contre Henri III qui se sont appuyées sur son incapacité à engendrer des successeurs, pour ne pas parler de ses prétendues inclinaisons homosexuelles. Valentin Groebner, « Körpergeschichte politisch : Montaigne und die Ordnungen der natur in den französischen Religionskriegen 1572-1592 », Historische Zeitschrift, 1999, vol. 269, p. 281-304. Pour une comparaison avec d’autres pays européens, plus enclins à approuver un règne féminin, voir Isolde THYRÊT, Between God and tsar : Religious symbolism and the royal women of Muscovite Russia, DeKalb, Northern Illinois Univ. Press, 2001.
29 Labyrinte de l’Estat, op. cit., p. 26.
30 Dernière et très-importante remonstrance à la reine, et au seigneur Jules Mazarin, pour haster son depart de la France, Paris, [s. n.], 1652, p. 16.
31 Pierre Corneille, Les Triomphes de Louis le Juste, XIII. du nom, roy de France et de Navarre, contenans les plus grandes actions où S. M. s’est trouvée en personne, représentées en figures aenigmatiques, exposées par un poème héroïque de Charles Beys, et accompagnées de vers françois sous chaque figure, composez par P. de Corneille, avec les Portraits des rois, princes et généraux d’armées qui ont assisté ou servy ce belliqueux Louis le Juste combattant, et leurs devises et expositions en forme d’éloges, par Henry Estienne,… sieur des Fossez… ensemble le Plan des villes, sièges et batailles, avec un Abrégé de la vie de ce grand monarque, par René Barry,… le tout traduit en latin par le R. P. Nicolai,… ouvrage entrepris et finy par Jean Valdor,… calcographe du Roy…, Paris, Imprimerie royale, 1649.
32 Cit. d’après G. Couton, Corneille et la Fronde…, op. cit., p. 21.
33 Cette alliance est décrite de manière burlesque comme un contrat de mariage entre « l’illustre & sage Seigneur le Parlement de Paris » et la « puissante & bonne Dame la Ville de Paris ». Voir Contract de mariage du parlement avec la ville de Paris, [s. l.], [s. n.], 1649, 8 p.
34 A Monsieur de Broussel conseiller du roy au parlement de Paris, Paris, François Noël, 1649, p. 3.
35 Discours sur le sujet des défiances de Monsieur le prince, qui l’ont obligé de se retirer à Sainct Maur, Paris, Nicolas Vivenay, 1651, p. 3-4.
36 Harangue faite à monseigneur le prince, par les députez des trois estats des villes de Stenay, Clermont, Dun & Jamets, Paris, Nicolas Bessin, 1651, p. 3-5.
37 Dans ma thèse d’habilitation, je montre que l’observation de la révolution anglaise, et notamment de l’exécution de Charles Ier, jouèrent un rôle crucial dans ce tournant pris par l’argumentaire des frondeurs. Et je développe, plus amplement qu’à propos du seul mythe solaire exposé ici, une réévaluation des mouvements contestataires de la Fronde (Malte Griesse, Frühneuzeitliche Revolten als Kommunikationsereignisse. Die Krise des 17. Jahrhunderts als Produkt der Medienrevolution, thèse d’habilitation, Université de Constance, 2015, chap. 8.