Une nouvelle Nef des folz à Strasbourg ? Réflexions autour de la version strasbourgeoise du Narrenschiff de 1494/1495
Jonas KURSCHEIDT
CESR, Tours
Un livre se produit, événement minuscule, petit objet maniable. Il est pris dès lors dans un jeu incessant de répétitions ; ses doubles, autour de lui et bien loin de lui, se mettent à fourmiller (Michel Foucault).
Quelques mois à peine après la parution à Bâle du Narrenschiff de Sebastian Brant, sort des presses de Johann Grüninger à Strasbourg un livre qui se présente comme le nüv schiffvon Narragonia1. La page de titre précise que l’ouvrage est fait « à nouveau avec un soin particulier, augmenté avec de plus beaux dictons, exemples, histoires et matières et plus clairement expliqué, à Bâle par Sebastian Brant, professeur dans les deux droits »2 (illustr. n° 7). Le colophon reprend celui du Narrenschiff en remplaçant uniquement le titre et le lieu d’impression, et en ajoutant comme sur la page de titre : « avec plusieurs prolongations et plus clairement expliqué »3. La banderole avec la devise révélatrice « Nüt on vrsach » signée Jo. B. von Olpe disparaît au profit de l’aigle à l’auréole de Jean l’Évangéliste, « Santus Iohannes », qui tient avec une griffe un livre ouvert dévoilant le monogramme de Johann Grüninger.
Tout semble destiné à faire croire au lecteur que Brant lui-même est à l’initiative de cette version augmentée de son ouvrage, imprimé pour la première fois uff die Vasenaht, le 11 février 1494, chez Johann Bergmann von Olpe4. Mais ce n’est qu’une stratégie de vente de la part de l’imprimeur strasbourgeois, qui avait vite compris le marché potentiel de l’ouvrage.
Grüninger n’est en effet pas le premier à réimprimer la Nef de Brant sans l’accord de son auteur. Dans l’année de la parution le Narrenschiff a été réimprimé quatre fois :
– à Nuremberg, le premier juillet, dans une version transposée en dialecte nurembergeois et avec quelques variantes5 ;
– deux fois à Reutlingen, autour du 23 août, dans une version très fidèle à l’original6 ;
– à Augsbourg, le 8 novembre, dans une version s’appuyant sur la version nurembergeoise7.
La version strasbourgeoise s’insère dans cette série de réimpressions, mais elle va plus loin en proposant un texte remanié et considérablement augmenté. En effet, on passe de 6 346 vers chez Brant à 10 711 vers chez Grüninger8.
LE NÜV SCHIFF DANS L’HISTOIRE DE LA RÉCEPTION DU NARRENSCHIFF
La version strasbourgeoise ouvre une branche à part dans l’histoire des éditions du Narrenschiff. Grüninger réimprimera sa version à deux reprises en 1495 et en 1497. Elle est réimprimée à Augsbourg en 1495 et en 14989. Autrement dit, avant que Brant ne sorte sa troisième édition en 1499, la version strasbourgeoise a déjà été réimprimée quatre fois.
C’est la version sur laquelle se base la traduction en moyen-bas-allemand du Narrenschiff qui paraît à Lübeck en 1497 et qui a été réimprimée en 1519 à Rostock10, de même que la traduction néerlandaise en 1500 à Paris11. Elle est aussi la source de la série de sermons autour du Narrenschiff par Johann Geiler von Kaisersberg, sermons imprimés en 1510 dans une version latine par Jakob Otther et plus tard en 1520 dans une version en langue vulgaire par Johannes Pauli12. Elle a aussi influencé la version de Jakob Cammerlander, Der Narren Spiegel, qui paraît pour la première fois en 1545 à Strasbourg et qui a été réimprimée plusieurs fois13.
Ainsi la version strasbourgeoise constitue-t-elle la première bifurcation dans l’histoire des éditions du Narrenschiff. La deuxième sera la version latine par Jakob Locher en 1497 qui rendra possible la réception européenne du livre avec des traductions en français, en anglais et en néerlandais.
STATUT DE L’OUVRAGE
Malgré son succès à l’époque, le nüv schiff von Narragonia a jusqu’à présent peu retenu l’attention des chercheurs14. Classé dès 1839 en tant que réimpression « inauthentique (unecht) [et] déformée arbitrairement par un poète fort loquace »15, l’ouvrage semble avoir eu du mal à s’émanciper de son statut incertain face à l’œuvre tant louée de Brant. Il est qualifié par les spécialistes d’« édition interpolée » ou encore de « contrefaçon augmentée ». Joseph Rauck parle en 1924 même du « plagiat strasbourgeois »16. Ces termes, qui insistent tous sur le caractère frauduleux de l’édition, méritent d’être rapidement discutés.
En aucun cas il ne s’agit en effet d’un plagiat qui consiste à faire paraître sous son propre nom un texte écrit par un autre. Nous avons vu que l’édition de Grüninger indique dès la page de titre que l’ouvrage est de Brant, ce qui n’était d’ailleurs guère le cas dans l’original, où le nom de l’auteur n’apparaissait qu’à la troisième page. Le terme de « contrefaçon » pose problème aussi puisqu’il signifie la reproduction illégale d’un objet tout en affirmant son authenticité. Grüninger reproduit bien un livre en le déclarant authentique mais, à la Renaissance, il n’y a rien d’illégal à cela tant que l’œuvre copiée n’est pas munie d’un privilège17. Le terme « interpoler » est plus neutre mais suscite également, au sens moderne, l’idée de falsification18. En revanche la racine latine du mot, le verbe interpolare, qui veut dire « donner une nouvelle forme » paraît bien adaptée. En effet, Grüninger reprend le Narrenschiff tout en lui prêtant une nouvelle forme, geste qui paraît plus constructif que destructeur. D’où vient alors la mésestime pour cette nouvelle nef ?
On a sans doute pris trop au sérieux la mise en garde que Brant joint lui-même à la troisième édition bâloise de son Narrenschiff en 1499 et où il blâme ceux qui ont dénaturé son œuvre :
Aber myn arbeyt ist verkert
Vnd ander rymen dryn gemischt
Denen / kunst / art vnd moß gebryst (...)
Es kan nit yeder narren machen
Er heiß dann wie ich bin genant
Der narr Sebastianus Brant19.
On interprète souvent cette déclaration comme une forme d’affirmation du droit de l’auteur sur son œuvre, mais il ne faut pas oublier la tradition générique dans laquelle s’inscrit l’œuvre de Brant. Même si Jakob Locher essayait, dans le paratexte de la version latine, de le rattacher au genre antique de la satire20, le Narrenschiff tel qu’il paraît en 1494 est surtout un descendant de la Sprichwortsammlung médiévale, c’est-à-dire un recueil de proverbes21. C’est dans ce sens-là que nous devons comprendre les formules de « gesamlet| zu Basell : durch Sebastianum Brant »22 et, dans la version strasbourgeoise, « vormals gesamelt vnd nun von| nüwem mit vil schöner sprüchen »23. Loin d’être des œuvres closes, ces textes didactiques sont ouverts aux changements et à la circulation. La position de Brant peut paraître très moderne et refléter la conscience naissante de l’auteur à la Renaissance mais elle semble aussi en décalage avec son environnement, qui se trouve encore dans la tradition du Moyen Âge tardif. Comme le signale Jan-Dirk Müller :
Das « Narrenschiff » wird von den Bearbeitern nur als Ausschnitt aus einem Diskurs über Narrheit betrachtet, von dem ganz selbstverständlich nach Wunsch mehr abgerufen werden kann24.
Dans cette perspective, l’édition de Grüninger mérite toute l’attention des chercheurs et ne doit pas être considérée comme une simple falsification du Narrenschiff. Il s’agira de présenter dans cette étude une réflexion autour de quelques caractéristiques propres à cette « nouvelle nef » en s’intéressant tout d’abord à des questions formelles pour ensuite approfondir l’examen du rapport entre texte et image.
UNE NOUVELLE FORME
L’édition de Grüninger abandonne la mise en page sur une colonne de l’édition originale et répartit le texte sur deux colonnes. Cela fait que, malgré les interpolations, la version strasbourgeoise consomme bien moins de papier que l’original : il y a 110 feuillets (soit 27,5 feuilles) dans l’édition de Strasbourg, contre 158 dans l’édition bâloise (soit 39,5 feuilles)25. Le gain est considérable, et justifie la disposition en colonnes.
Dans le Narrenschiff bâlois, le début de chaque chapitre est imprimé sur le verso du feuillet sauf dans vingt-neuf cas où il s’ouvre sur le recto26. Cet agencement rigoureux est abandonné dans la version strasbourgeoise, où seulement soixante et onze chapitres coïncident avec un début de page tandis que les autres s’enchaînent directement. Ainsi, il arrive que le motto se trouve isolé en fin de recto alors que gravure et titre sont rejetés à la page suivante27, ou bien que motto et gravure se trouvent en fin de recto et le titre qu’à la page suivante28, ou encore que le motto d’un nouveau chapitre suive de très près le chapitre précédent, au point qu’on a parfois du mal à les distinguer29. Les éléments qui forment chez Brant une si parfaite unité, à savoir le motto, la gravure et le titre, se trouvent ainsi couramment dissociés dans l’édition de Grüninger30. Au lieu d’une césure à chaque chapitre l’ouvrage semble être organisé en quatre parties : le chapitre 22 commence avec le vers « Ein vierteil narren ist vor hin Gefaren » et le motto du chapitre 46 avec le vers « Die halben narren sint gemelt »31. L’édition de Grüninger comporte en tout cent dix-sept chapitres (l’œuvre originale de Brant en comptait cent douze). Elle suit globalement l’ordre original à quelques exceptions près. Première modification : apparaissent deux fois les chapitres 27, 48, 49, 100 et 107. Ensuite, un nouveau chapitre est ajouté entre les chapitres 109 et 110 : sous le titre « Bös glöbig narren », il traite cependant le même sujet que le chapitre 98. En revanche il manque le chapitre 112 « Der wis man ». Enfin l’ordre des chapitres 90 à 93 est modifié dans la version strasbourgeoise (93, 92, 90, 91).
En ce qui concerne les interpolations, tous les chapitres ne sont pas augmentés de la même manière :
– jusqu’au chapitre 49 les ajouts sont très importants (jusqu’à 178 vers) ;
– les chapitres 48 et 49, lorsqu’ils sont répétés, ne sont pas retravaillés, non plus que les chapitres 50 à 55, 59 à 62, 68 à 71, 74 à 77 et 78-80 ;
– du chapitre 81 au chapitre 27 (répété après le chapitre 101) les ajouts sont minimes (jusqu’à 18 vers) ;
– à partir du chapitre 102 il y a de nouveau des ajouts plus importants (jusqu’à 114 vers)32.
Friedrich Zarncke explique cette irrégularité dans les ajouts par sa théorie des deux compositeurs. Grüninger aurait engagé d’abord un interpolateur33, lequel se trouvait loin de l’imprimerie et n’avançait pas assez vite dans le remaniement du texte. Dans la crainte que le livre pût paraître trop tard sur le marché, Grüninger aurait engagé un deuxième compositeur, qui devait reprendre le texte à partir du chapitre 48 en suivant l’original. La première partie devait donc s’achever au chapitre 47. Mais une fois le chapitre 47 composé, il restait encore deux feuillets libres pour arriver à la fin du cahier k : il aurait donc été décidé de remanier également les chapitres 48 et 49, glissés entre le chapitre 47 et le chapitre 48. C’est pour cette raison que ces deux chapitres apparaîtraient en double, d’abord dans une version modifiée, puis dans une version non modifiée. L’interpolateur aurait ensuite repris son travail à partir du chapitre 102, là où se serait interrompu le deuxième compositeur. Les quelques irrégularités dans la partie non modifiée seraient dues à l’insertion de quatre chapitres (83, 84, 93 et 107) que l’interpolateur avait déjà remaniés auparavant34.
Loek Geeraedts a exprimé ses doutes face à cette théorie et suggère que l’imprimeur avait à disposition tout le texte remanié, mais qu’on l’a réduit pour des raisons d’espace. Les passages non abrégés auraient été maintenus à cause de l’intérêt de leur contenu35. Cette hypothèse semble probable si l’on prend en compte le fait que, dans la réédition de 1495 et surtout dans celle de 1497, les ajouts se trouvent de nouveau réduits :
Die Verringerung des Umfangs einiger Kapitel ging sogar so weit, daß der Text in seine ursprüngliche Baseler Version zurückversetzt wurde36.
Pour autant, elle ne peut pas expliquer le redoublement des chapitres 48 et 49. Quelle que soit la validité de ces hypothèses, on notera que les interventions dans le texte du Narrenschiff sont de nature hétérogène. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter du texte, mais aussi de déplacer et de répartir différemment le texte déjà présent, voire de supprimer des passages. Par moment, on se met aussi à reformuler, voire à réécrire les vers du Narrenschiff (illustr. n° 8). Cette dernière pratique est particulièrement dénoncée par Brant dans sa protestation :
Myn rymen sint vil abgeschnitten
Den synn verlürt man jn der mitten37.
Le travail de repérage et de classement détaillé des différentes interventions reste à faire. On se contentera de remarquer ici que tous les ajouts n’apportent pas du contenu. À certains d’entre eux on peut en effet prêter une fonction de « remplissage » qui vise surtout à faciliter la mise en page. Tel est le cas pour le prolongement constant du motto de chaque chapitre, qui passe de trois à quatre vers à cause de la répartition du texte sur deux colonnes38. Tel est le cas aussi dans le texte du chapitre 64 « von bösen wybern », pour prendre un exemple précis : dans les dix vers insérés de façon arbitraire au milieu du chapitre, on rassure le lecteur quant au fait qu’il n’est question que de femmes méchantes, et qu’il y a bien sûr beaucoup de femmes honnêtes qui ne sont pas concernées par le propos, et auxquelles il est demandé pardon39. Cette même remarque figure pourtant déjà au début du chapitre :
Inn miner vored hab ich gtan
Ein bzügniß protestation
Ich welt der guten frowen nicht
Mit arg gedencken in min gdicht
Aber man würt bald von mir klagen
Solt ich nüt von den bösen sagen40
En outre, comme l’indique le début du passage cité, il en était déjà question dans le prologue du Narrenschiff41. Ici l’ajout n’apporte rien de nouveau et répète ce qui a déjà été dit deux fois. Sa présence s’explique par le fait qu’il fallait quelques vers supplémentaires pour combler l’espace. L’attention ainsi portée à la mise en page trouve un écho dans le travail consenti sur les illustrations, soumises à de remarquables procédés de condensation.
CONTINUITÉS : TEXTE ET IMAGE DANS LA NOUVELLE NEF
Comme chez Brant, chaque chapitre est illustré par au moins une gravure dans la version strasbourgeoise42. Trois chapitres sont pourvus de deux gravures43 et un de trois44. En tout, la version contient ainsi 124 gravures (114 chez Brant), mais le nombre de bois utilisés est moindre que dans la version bâloise. Pour la version strasbourgeoise on a fabriqué soixante-trois nouveaux bois qui imitent ceux du Narrenschiff (105 chez Brant). Les raisons expliquant ce nombre réduit de bois sont sans doute pratiques : on ne disposait pas de beaucoup de temps et il fallait limiter les dépenses45. Cela force la version strasbourgeoise à des répétitions. Loek Geeraedts nous dit que vingt-neuf gravures ont été utilisées une fois, treize deux fois, treize trois fois, six quatre fois et une cinq fois46. Ce qui n’a pas encore fait l’objet d’une étude est la disposition de ces soixante-trois gravures : quelles gravures apparaissent plusieurs fois et dans quels chapitres ? En y regardant de très près, on s’aperçoit que certaines de ces répétitions semblent suivre une logique et sont porteuses de sens.
Arrêtons-nous tout d’abord sur le chapitre 16 « von fullen und prassen », où sont déclarés fols ceux qui mangent et boivent sans limite. Dans la gravure d’origine47, une folle compagnie se tient autour d’une table. À gauche un fol arrache avec voracité un bout de la grosse cuisse qu’il tient dans ses mains, un autre au regard menaçant semble réclamer le pichet que son camarade tient fermement. Le reste de la compagnie boit copieusement, le verre à la main (illustr. n° 1). Cette gravure disparaît dans l’édition de Grüninger au profit d’une version modifiée de la gravure du chapitre 81 « von kochen und keller ». Ce chapitre condamne les domestiques qui se font la belle vie aux dépens de leurs maîtres. Dans la gravure d’origine48, quatre membres du personnel se rassemblent autour d’un foyer où une femme fait rôtir un poulet. Derrière celle-ci, un fol boit au pichet, un deuxième (peut-être le cuisinier) tend une poêle au-dessus du feu, un troisième tient un canard embroché, un quatrième se tient un peu à l’écart avec des clefs dans la main et un bâton posé sur l’épaule. Tous les cinq sont tenus en laisse par un marinier sur une petite barque, prêt à les emmener sur la nef des fols (illustr. n° 2).
Dans la version strasbourgeoise49, le marinier disparaît et avec lui les laisses ; la salle n’est plus ouverte vers l’extérieur mais fermée et les fols sont rassemblés autour d’une grande table : nous retrouvons le fol en haut à droite avec son pichet, l’homme avec les clefs et le bâton, puis la femme, déplacée vers le centre de l’image, tenant toujours son rôti indique maintenant le feu avec la main gauche50. Les deux autres fols ont été changés : à la place de celui qui tenait la broche se trouve maintenant un fol qui se dirige vers son voisin avec un verre dans la main gauche et la main droite en l’air ; à la place de celui qui tenait la poêle il y a maintenant un fol qui discute avec l’homme aux clefs (illustr. n° 3). Cela crée des interactions et un mouvement qui n’étaient pas présents dans la gravure-source, mais que l’on trouvait déjà dans la gravure d’origine du chapitre 16. Les deux figures ajoutées semblent aussi directement inspirées de la folle compagnie de cette gravure, ils ressemblent dans leurs gestes aux fols buveurs.
On a bien l’impression que le graveur a fait une synthèse des deux images : à cause de l’importance du vin dans le chapitre il a dû placer une autre figuration de la beuverie au lieu de celle de la gloutonnerie. Nous trouvons ce même procédé de fusion par exemple pour les gravures des chapitres 18 et 80 ou 29 et 5551. La seule figure qui ne semble pas être à sa place sur cette gravure est la femme. Dans la gravure d’origine nous ne voyons en effet que des hommes. Jetons un coup d’œil dans le texte : la seule femme qu’évoque Brant dans ce chapitre est Tomyris, qui aurait vaincu le roi Cyrus moyennant mets et vin52. À deux autres endroits il fait allusion à des femmes mais de façon imprécise : Judith qui a décapité Holoferne quand celui-ci avait trop bu53, et les deux filles de Loth qui ont enivré leur père pour coucher avec lui afin d’engendrer une descendance54 (Genèse, 19, 31-38).
La version strasbourgeoise va plus loin. Le texte semble mettre un accent particulier sur les femmes. Il ajoute en tant qu’exemplum le passage des Nombres (25, 1) où les filles de Moab invitent les fils d’Israël aux sacrifices de leurs dieux :
Die döchter moab luden zu gast
Die sün israhel druncken vast
Und hatten gemeinschafft mit den frowen55.
Ce sont les filles de Moab qui entraînent les hommes au péché moyennant mets et vin. La présence de la femme qui prépare un rôti sur la gravure qui illustre le chapitre de la beuverie et gloutonnerie semble un reflet de ce passage ajouté et prend ainsi du sens. Elle est une figuration de la femme rusée et séductrice qui se sert des faiblesses des hommes pour les dominer. Plus loin dans le chapitre nous trouvons un autre passage ajouté évoquant les femmes qui boivent du vin :
Das frowen nit solten drincken win
Do mit sie schamhafft möchten sin
Metellus schlug dar vm zu dot
Sin frow die win getruncken hatt56.
Ce fait est rapporté par Valère Maxime au livre VI de ses Faits et dits mémorables et par Pline l’Ancien au livre XIV de son Histoire naturelle. Un certain Egnatius Mecennius aurait tué sa femme à coups de bâtons parce qu’elle avait bu du vin au tonneau57. Le péché visé dans ces quelques vers est moins celui de boire que l’impudicité qui peut en résulter. L’ajout de passages évoquant les femmes et le remplacement de la gravure créent ainsi un jeu d’échos nouveau entre texte et illustration. Outre les chapitres 16 et 81, la gravure modifiée est réutilisée pour les chapitres 77 « Von Spylern » et 87 « Von gots lestern ». Le lien entre ces chapitres est sous-entendu chez Brant au chapitre 87 :
Mortlich schwür dut man by dem wyn
Vnd by dem spyel/ vmb wenig gelt58.
Ainsi se met en place, à travers la reprise de la même gravure, un ensemble de péchés qui vont ensemble : trop boire, trop manger, jouer, blasphémer. C’est la fonction de la gravure qui change. Elle ne propose plus, comme dans le Narrenschiff, une interprétation visuelle de chaque chapitre, mais crée, à travers la répétition une continuité entre les chapitres.
Nous rencontrons ce même procédé, pour prendre un autre exemple, dans les chapitres qui parlent de richesse et de pauvreté. La gravure utilisée dans la version strasbourgeoise est une version modifiée de la gravure qui apparaît chez Brant à deux reprises, au chapitre 3 « Von gytikeit » et au chapitre 83 « von verachtung armut »59. Deux pauvres hommes avec des bâtons demandent un don à un riche qui, assis à table, est en train de mettre des sous dans un sac. D’autres sous sont étalés sur la table. L’un des pauvres salue en ôtant son chapeau. Dans une autre pièce, séparé par des arcades, on voit un coffre fermé (illustr. n° 4).
Dans l’édition de Grüninger la gravure ne montre plus qu’une seule pièce avec une grande table au bout de laquelle, et presque au centre de l’image, est assis le riche en train de compter ses sous. Il n’y a plus qu’un seul fol-demandeur d’argent (illustr. n° 6). L’image se trouve ainsi simplifiée et met en scène plus directement la tension entre le riche et le pauvre. Cette gravure est utilisée, comme chez Brant, pour les chapitres 3 et 83, mais également pour les chapitres 6 « Von der ler der kind », 17 « Von unnutzem richtum » et 63 « Von bettleren » : elle apparaît ainsi cinq fois60. Sa réutilisation est en fait, comme dans l’exemple précédent, loin d’être arbitraire.
Le chapitre 6 parle de l’éducation des enfants, il a sa propre gravure mais une deuxième gravure est ajoutée à la fin du texte. À quoi sert la gravure représentant un riche et un pauvre dans ce chapitre ? On pourrait être amené à penser qu’il s’agit simplement de combler un espace mais en y regardant de plus près, on voit un lien se tisser. Dans ce chapitre Brant parle en effet à trois reprises de richesse :
Jr hant vff gutsamlen groß acht
Vnd achten nit vff vwer kind
De jr solich richtum samlen sindt61
Est ici pointée la négligence de l’éducation des enfants au profit de l’enrichissement,
Ein kostlich ding ist richtum gar
Aber des ist des gelückes fall
Das vff und ab dantzt wie ein ball62
le caractère éphémère de l’argent, soumis à la fortune,
Als ob er sprech/ das gewalt vnd golt
On ler der tugent nützet solt63
sans la vertu l’argent ne vaut rien.
La gravure à la fin attire l’attention sur ces passages et stimule la réflexion du lecteur. Il vaut mieux investir dans l’éducation de l’enfant que dans l’enrichissement, car cela a une valeur durable, qui est la vertu. La version strasbourgeoise parle de « sameln gelt »64, amasser de l’argent et non de « gutsammlen », amasser des biens, variante qui semble faire directement référence à la gravure où le riche est assis devant son argent étalé sur la table. Enfin la gravure renvoie aux chapitres qui parlent du même sujet. Telle une note en marge, elle semble vouloir stimuler le lecteur à tourner les pages pour retrouver la même thématique dans d’autres endroits du livre.
Passons au chapitre 1765. Est ici remplacée la gravure qui montre un riche qui fouille dans son coffre rempli d’argent à côté d’un pauvre allongé par terre et mendiant, avec deux chiens qui lèchent ses pieds et jambes (illustr. n° 5). Le titre répète celui du chapitre 83 « Von veracht armut ». Aussi le texte de ce même chapitre est presque entièrement repris et inséré à l’intérieur du chapitre 17. En revanche le chapitre 83 intègre quelques vers du chapitre 3 (illustr. n° 8). Ainsi ces trois chapitres qui traitent de la pauvreté se trouvent assimilés. Contrairement à l’œuvre de Brant où chaque chapitre est renfermé sur soi et constitue une cellule autonome, nous trouvons ici une ouverture, une continuité. Dans les quelques vers ajoutés au chapitre 17, l’interpolateur établit par ailleurs un lien avec deux autres chapitres. Si Brant parle déjà du riche qui, plus que la sagesse, honore l’argent, et qui a facilité d’entrer au conseil, l’interpolateur évoque le tribunal où l’on juge les gens selon leur richesse :
Stelt man ein armen an dz gericht
Von erst man im die tesch an sicht66.
Ce passage renvoie au chapitre 2 « Von güten retten » où la thématique de la pauvreté a été insérée à son tour par les vers suivants :
Man richtet zwischen rich und arm
Als vnglich/ das es gott erbarm67.
Se dessine ainsi une relation réciproque entre les deux chapitres à travers un jeu de rappels. Selon un procédé semblable, le nouveau chapitre 17 tisse également un lien avec le chapitre 93 qui parle du « wuchrer », celui qui s’enrichi au détriment des pauvres :
Von recht solt man me glouben han
An eynen armen frumen man
Dann eim wuchrer der do wer rich
Und gewünnen hett syn gut böstlich68.
En faisant référence aux modes injustes de l’enrichissement l’interpolateur donne une raison de plus de se fier davantage au pauvre qu’au riche.
CONCLUSION
Ainsi le modèle brantien des chapitres isolés n’est-il pas simplement « abandonné » dans la version strasbourgeoise, comme on a pu le dire. Il se trouve plutôt remplacé par un nouveau modèle. Au niveau formel la succession continue de nombreux chapitres donne à l’ouvrage l’aspect d’un long discours ininterrompu sur les folies du monde. Le traitement des gravures et des vers dévoile lui aussi un souci de composition de l’ensemble. La fusion des gravures crée de nouveaux liens entre texte et images et la répétition des gravures crée une continuité en regroupant les chapitres, tout comme l’ajout et la permutation des vers. De ce point de vue nous pouvons considérer l’édition de Grüninger effectivement comme une « nouvelle nef des fols ».
Ces quelques aperçus font d’autant plus regretter qu’il n’existe toujours pas une édition critique de cet ouvrage. Pour localiser les passages ajoutés et déplacés, il faut se reporter à l’aperçu un peu vague proposé par Friedrich Zarncke dans l’introduction de son édition du Narrenschiff de 1854. Il faut reconnaître que, pour rendre compte des rapports tissés entre l’édition originale et la version strasbourgeoise, une édition papier ne constitue pas nécessairement la meilleure solution, en particulier si l’on veut mettre en valeur les différentes couches du texte et les nombreuses variation : à l’ère de la troisième révolution du livre et des bibliothèques virtuelles, une édition numérique enrichie de l’ouvrage constituerait la solution éditoriale la plus efficace.
Nach armut fragt yetz nyeman mer | Sunder wie du gut heist gmacht |
5 Gar kum uff erd ietz kummen uß | Man acht kein sünd/ mort/ wucher schand |
Die tugend hant/ sunst nüt im huß | Des glich verretery der land |
Man dut wisßheit kein ere me an | 45 Das ietz gemein ist in der welt |
Erberkeyt muß verr hydan stan | All boßheit / fyndt man ietz vmb gelt |
Und kumbt gra kum uff grunen zwig | Gerehtikeit / vmb gelt ist feil |
10 Man wil yetz das man ir geschwig | Durch gelt kem mancher an eyn seil |
Und man nit vil sag ouch dar von | Wann er mit gelt sich nit abkoufft |
Wisßheit mit armut hatt nit plon | 50Vmb gelt vil sünd blibt vngestrofft |
Und der rich/ armans red nit acht | Vnd sag dir tütsch wie ich das mein |
Hettes im schon salomon gmacht | Man henckt die kleinen dieb allein / |
15 Und red geben in sin sinn | Ein brem nit jn dem spinnwep klebt |
Doch hatt armans red kein gewinn | die kleinen mücklin es behebt |
Er hetz den ouch in der teschen ligen | 55 Achab ließ nit benügen sich |
So würt man im hörn und schwigen | Mit sinem gantzen künig rich |
Aber zu letst würt man doch innen | Er wolt ouch nabuhts garten han |
20 Welcher sich recht wil besinnen | Des starb on recht der arm frumm man |
Der merck har uff gar eben | Allein der arm muß in den sack |
Dann her nach ist ein an der leben | 60 Was gelt gytt / das hat guten gschmack |
Das nit würt um gellt kofft | Armüt die ietz ist gantz vnwerd |
Zwar böß richtum würt gestrofft | Was ettwan liep / vnd hoch vff erd |
25 Dan wer uff richtum flisset sich | Vnd was genem der gulden welt |
Der lug ouch das er bald werd rich | Do was nyemans der achtet gelt |
[32]Und hatt dar by kein frid noch mut | 65 Oder der ettwas hett allein |
[31]Ist wol ein narr der so samelt gut | All ding die woren do gemein |
[33]Und weiss nit wem er solichs spartt | Vnd ließ man des benügen sich |
30 [34]So er über die lang bruck fart | Was /on arbeit das erterich |
[39]Und dar umb rechnung geben muß | Vnd die natur on sorgen trug / |
[310]Die me gilt dan ein an der buß | 70 Noch dem man bruchen wart den pelug |
[311]Ein narr verlast sin fründen vil | Do fing man an / ouch gyttig sin |
Die dan sin gdencken kürtz zur yll | Do stund ouch vff / wer min das din / |
35 [313]Noch förchstu dir gebrest hie gut | All tugend worent noch vff erd / |
[314]Nit sorgst was das ewig dut | Do man nüt dan zymlichs begerdt / |
[317]Gar mancher in sünd gut gwint | 75 Armur die ist eyn gob von gott |
[318]Dar umb er in der hellen brint | Wie wol sie yetz ist der welt spott |
[319]Sein erben achten es gar klein | Das schafft alleyn das nyeman ist |
40 [320]Si hülfen im nit mit eim stein | Der gdenck / das armut nüt gebrist |
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1 Pour la présente étude, j’ai travaillé sur l’exemplaire numérisé de la Bibliothèque universitaire de Fribourg et sur le fac-similé de l’exemplaire de Colmar, publié par Loek Geeraedts en 1981 : Das neue Narrenschiff (Dortmund, Éd. XV.-XVI. Jahrhundert). La longue préface reprend en partie un article qu’il a publié un an auparavant : « Die Straßburger Narrenschiff-Ausgabe und ihre Holzschnitte » dans Philobiblon, Jahrgang XXIV, Heft 4, Hamburg, Dr. Ernst Hauswedell & Co. Verlag, 1980, pp. 299-327. Le nüv schiff von Narragonia sera désormais désigné par l’abréviation NSN dans les notes.
2 Das nüv schiff von Nar|ragonia. mit besunderem|fliß ernst vnd arbeit. von nüwen. mit vil schöner|sprüch / exempeln / vnd zugesezten hystorien. vnd mate|rien erlengert. vnd schinbarlicher erklert zu Ba=|sel durch Sebastianum Brant lerer beider rechten.
3 « Hie endet sich dz nüw schif|vß Narragonia So zü nutz| heilsamer ler / ermanung / vnd eruolgung / der wißheit|vernunfft / vnd guter sytten / Ouch zu verachtung / |vnd stroff der narrheit / blintheit / Irrsal / vnd dorheit / |aller stedt / vnd geschlecht / der menschen / mit besun / |derm fliß / müg / vnd arbeit / gesamlet ist / mit merer er=|lengerung / vnd schinbarlicher erklerung / durch Se|bastianum Brant In beiden rechten doctorem / Ge=|druckt zu Straßburg vff die Vasenacht / die man der|narren kirchwich nennet / Im iar nach Cristisgeburt / | Tusent vierhundert vier vnd nüntzig » (en gras les modifications).
4 Pour toute référence au Narrenschiff, nous utiliserons l’édition de Joachim Knape qui est la plus accessible : Stuttgart, Philipp Reclam jun., 2005.
5 Chez Peter Wagner, Am abent vnser lieben frawen heymbesuchung 1494 (GW 5042. Cf. Sebastian Brants Narrenschiff (éd. de Friedrich Zarncke), Leipzig, Georg Wigands Verlag, 1854, pp. LXXXI & CV-CVI).
6 Chez Michael Greyff, vff den samßtag vor Bartholomei 1494 (GW 5043 & 5044 : cf. ibid., pp. LXXXI & CIV-CV).
7 Chez Johann Schönsperger, am naechsten samstag vor sant Martis tag 1494 (GW 5045 : cf. ibid., p. LXXXI).
8 Friederike Voss, Das Mittelniederdeutsche Narrenschiff (Lübeck 1497) und seine hochdeutschen Vorlagen, Köln, Weimar & Wien, Böhlau Verlag, 1994, p. 30.
9 Sous le titre Hie vahet sich an das neü narrenschiff von narrogonia zu nutz vnd beylsamer ler czu vermeiden straff der narheit mit mer erneürung vnd lengrung durch Sebastianus Brand doctor in beiden rechten, chez Johann Schönsperger, Am sampstag vor unsers herren auffart [23 mai] 1495 & Am afftermontag nach vnsers herren auffart [29 mai] 1498. Le colophon dans les deux éditions reconnaît la version strasbourgeoise comme modèle : « Gedruckt czu Straßburg auff die Vasenacht. dye man der narren kyerchweich nennt. Im iar nach Cristgeburt Tusent vierhundert vier vnnd neütig Vnd dar nach gedruckt auß dem selbigen Straßburgerschen exemplar zu Augspurg ».
10 Dat narren schyp (GW 5053) & Dat nye schip van Narragonien, chez Ludwig Dietz, 1519 (cf. Zarncke, ouvr. cité, pp. XCVIII-XCIX).
11 Dit is der zotten ende der narrenscip, chez Guy Marchant (GW 5066).
12 Navicula sive speculum fatuorum, Strasbourg, Matthias Schürer & Des hochwirdigen doctor Keiserspergs narenschiff, Strasbourg, Johann Grüninger.
13 Voir Zarncke, ouvr. cité, pp. XC & CX-CXI et Jan-Dirk Müller, « Literarischer Text und kultureller Text in der Frühen Neuzeit. Am Beispiel des Narrenschiffs von Sebastian Brant », dans Mediävistische Kulturwissenschaft. Ausgewählte Studien, Berlin, New York, Walter de Gruyter, 2010, p. 36. Cette version mériterait une étude plus poussée.
14 Pour un aperçu détaillé des quelques parutions évoquant le NSN d’une manière ou d’une autre, voir Voss, ouvr. cité, 1994, pp. 32-35. Plus récemment : Jan-Dirk Müller, « Das nüv schiff von Narragonia. Die interpolierte Fassung von 1494/95 », dans Sébastien Brant, son époque et « la Nef des fols », Strasbourg, Gonthier-Louis Fink, 1995, pp. 73-91.
15 « von einem unbekannten, äusserst redseligen Poeten willkürlich entstellt » (Das Narrenschiff von Dr. Sebastian Brant, nebst dessen Freiheitstafel, éd. Adam Walther Strobel, Quedlinburg, Leipzig, Gottfried Basse, [s. d.], pp. 38 et 39-40).
16 Joseph Rauck, Das Straßburger Plagiat von Sebastian Brants « Narrenschiff » verglichen mit dem Baseler Original. Ein Beitrag zur Verskunst des ausgehenden 15. Jahrhunderts, Frankfurt am Main, [s. n., s. d.].
17 Le premier privilège allemand connu a été distribué en 1501 pour l’édition nurembergeoise des œuvres de Hrotsvita de Gandersheim (Ludwig Gieseke, Vom Privileg zum Urheberrecht. Die Entwicklung des Urheberrechts in Deutschland bis 1845, Göttingen, Otto Schwartz & Co., 1995). Dans un article récent, Jean-François Gilmont fait appel à la prudence dans l’usage du terme « contrefaçon » : « Vivant dans un monde où le droit d’auteur est fixé par la loi, les historiens actuels abusent d’un vocabulaire contemporain pour désigner ces copies d’éditions. Ils donnent ainsi une note péjorative à des gestes parfaitement légaux en multipliant des mots tels que contrefaçon, piratage, vol de copie, faussaire, etc. » (Jean François Gilmont, « Peut-on parler de contrefaçon au XVIe et au début du XVIIe siècle ? La situation de Genève et d’ailleurs », dans Bulletin du bibliophile, 2006, n° 1, p. 19). Voir aussi l’article de Christine Bénévent, « Érasme et ses “contrefacteurs” », dans Auteur, traducteur, collaborateur, imprimeur... qui écrit ?, dir. Martine Furno, Raphaële Mouren, Paris, Classiques Garnier, 2012, pp. 267-300, et les actes du colloque Copier et contrefaire à la Renaissance. Faux et usage de faux, dir. Pascale Mounier, Colette Nativel, Paris, Honoré Champion, 2014.
18 « Insérer par erreur ou par fraude (un mot, une phrase) dans un texte » (Dictionnaire historique de la langue française, 2006).
19 Knape, ouvr. cité, pp. 532-533, v. 18-20 et 38-40.
20 Particulièrement dans « Prologus Iacobi Locher Philomusi in Narragoniam incipit » (Nina Hartl, Die Stultifera Navis. Jakob Lochers Übertragung von Sebastian Brants Narrenschiff. Band I.2 Teiledition und Übersetzung, Münster, Waxmann, 2001, pp. 38-39).
21 Voir Andreas Bässler, Sprichwortbild und Sprichwortschwank, Berlin, New York, Walter de Gruyter, 2003, pp. 74 et suiv. Ulrich Gaier a démontré que le Narrenschiff est bien une « satire romaine » et que la structure de chaque chapitre suit rigoureusement les règles de la rhétorique classique (Studien zu Sebastian Brants « Narrenschiff », Tübingen, Niemeyer, 1966). Cette démonstration est convaincante, mais il faut bien prendre en compte la précision suivante : « Es geht hier nur um die Schreibart, d. h. um die Frage : wollte Brant eine Satire schreiben und hielt er sich dabei an die Vorbilder der römischen Satire ? Und diese Frage kann nun positiv beantwortet werden » (Satire. Studien zu Neidhart, Wittenwiler, Brant und zur satirischen Schreibart, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1967, p. 328). Au niveau stylistique Brant voulait peut-être écrire une satire romaine mais le fondement sur lequel est bâtie cette satire est un amas de proverbes considérable et unique. Et c’est précisément à cet aspect qu’ont été sensibles les lecteurs de Brant, les finesses du style n’étant perceptibles que pour un lectorat extrêmement réduit.
22 Knape, ouvr. cité, p. 107, v. g-h.
23 NSN, a2r.
24 Müller, ouvr. cité, 2010, p. 33.
25 Le format des éditions étant de l’in-4°, chaque feuille est pliée deux fois de façon à procurer 4 feuillets. « La notion de feuille est essentielle pour l’historien du livre, tout comme pour l’imprimeur d’autrefois. La feuille constitue l’unité qui passe sous la presse. Les contrats ne parlent jamais de pages, ni même de cahiers, puisque ces notions varient suivant les formats. Par contre, la feuille est une unité qui reste constante, de l’in-32 à l’in-plano. Cela veut dire quatre pages in-folio, huit pages in-quarto, seize pages in-octavo, etc. La feuille est un indicateur précis de la quantité de papier exigée par un exemplaire. Comme le papier constitue à peu près la moitié de l’investissement exigé par une impression, ce facteur n’est pas négligeable » (J.-F. Gilmont, « Les mesures du livre », dans Le Livre et ses secrets, Genève, Droz, 2003, p. 285).
26 Chapitres 76-81, 83, 87-92, 96-104, 106-112.
27 NSN, b1r, f3r, h2r, i2r.
28 Ibid., a8r, c2r, d5r, i1r, p2r.
29 Ibid., c2r, f2v, g1v, h1v, i5r, r1v.
30 Sur le phénomène de dissociation entre texte et image dans les adaptations du Narrenschiff voir Anne-Laure Metzger Rambach, « Le texte emprunté ». Étude comparée du Narrenschiff de Sebastian Brant et de ses adaptations (1494-1509), Paris, Honoré Champion, 2008, pp. 330 et suiv.
31 NSN, e2v et i1r.
32 Voir Zarncke, ouvr. cité, pp. LXXXIV-LXXXVI et Voss, ouvr. cité, p. 30.
33 Au sens moderne « celui qui altère un texte » (Dictionnaire historique de la langue française, 2006).
34 Zarncke, ouvr. cité, p. LXXXII.
35 Geeraedts, ouvr. cité, 1981, pp. 21-22. Remarquons tout de même que les deux arguments que propose Geeraedts pour mettre en question l’hypothèse de Zarncke sont plus que problématiques. Il présente comme non réglée une question à laquelle Zarncke avait pourtant répondu, à savoir la présence des quatre chapitres remaniés dans la partie présentée comme non-interpolée. Ensuite il considère l’idée selon laquelle, à partir du chapitre 109, l’interpolateur se serait remis au travail comme illogique étant donné que celui-ci, selon Zarncke, habitait probablement à l’extérieur de Strasbourg. Outre que cet argument est un peu vague il témoigne d’un manque d’attention puisqu’il n’a jamais été question d’une reprise à partir du chapitre 109 mais à partir du chapitre 102.
36 Ibid., 1981, p. 18.
37 Knape, ouvr. cité, p. 532, v. 21-22.
38 À une exception près, le motto du chapitre 13 « von buolern » compte huit vers (NSN, c4v ).
39 Ibid., m1v, v. 55-64.
40 Ibid., m1r, v. 1-6.
41 Knape, ouvr. cité, p. 111, v. 123-128.
42 Sauf le chapitre 49 « Bös exempel der alten » qui apparaît deux fois (voir supra) et qui n’a ni titre ni gravure dans la première version (NSN, i5r ).
43 Les chapitres « Von ler der kind » (ibid., b3r-b4r ), « Abnemung des globens » (ibid., r3v-r5r ) et « Schluraffen schiff » (ibid., s6v-t1v ).
44 Le chapitre « Von falscheit. » (ibid.,sr-s3r ).
45 Geeraedts, ouvr. cité, 1981, pp. 27-28.
46 Ibid., p. 26. En vérité, 30 gravures ont été utilisées une fois.
47 Knape, ouvr. cité, p. 160.
48 Ibid., p. 385.
49 NSN, d2r.
50 Ce détail apparaît pour la première fois dans la réimpression nurembergeoise et a été ensuite repris dans la réimpression augsbourgeoise. Serait-ce un indice que l’édition strasbourgeoise se base également sur (l’une de) ces deux réimpressions ?
51 Dans la gravure du chapitre 18, « Vom dienst zweyer herren », le fol chasseur au lieu de tenir la corne dans sa main tient la flasque du chapitre 80, « Narrehte bottschafft ». Dans la gravure du chapitre 29, « Der ander lut vrteilt », la femme priant à côté du mourant est remplacée par le fol médecin du chapitre 55, « Von narrechter artzny », tenant dans sa main droite un flacon qu’il désigne avec la main gauche.
52 « Thamyris riecht zu spiß vnd tranck|Do sie den künig Cyrum zwang » : cf. Knape, ouvr. cité, p. 162, v. 37-38.
53 « Do holofernes truncken wart|Verlor den kopff er / zu dem bart » (ibid., v. 35-36).
54 « Lotth sündt durch wyn zur andern fart » (ibid., p. 161, v. 23).
55 NSN, d2r, v. 25-27.
56 Ibid., d3r, v. 109-112.
57 Valère Maxime, Faits et dits mémorables, t. II, Paris, Les Belles Lettres, 1997, pp. 163-164 ; Pline l’Ancien, Histoire naturelle, t. XIV, Paris, Les Belles Lettres, 1958, p. 53. Le premier parle d’Egnatius Mecennius, le second d’Egnatius Maetennius. Il semple y avoir eu une sorte de confusion autour de ce nom : « Hic dictus est Egnatius Mecennius, non Metentinus vt in Plinio male legitur libro xiiii. cap. xiii. Nec Egnatius Metellus vt apud Vale. Maxi. scibitur » (Versificatoria Io. Despauterii ab ipso plus mille annotatis aucta. Premissa isagoge ascensiana, estque in calce, in aemulum recriminatio, Paris, Josse Bade, 1532, f ° 67v ).
58 Knape, ouvr. cité, p. 412, v. 17-18.
59 Ibid., pp. 118 et 393.
60 NSN, a6v, b4r, d2v, l6r, p3v.
61 Knape, ouvr. cité, p. 129, v. 52-54.
62 Ibid., p. 130, v. 76-78.
63 Ibid., p. 130, v. 93-94.
64 NSN, b3v, v. 112.
65 Ibid., d3v.
66 Ibid., d4r, v. 11-12.
67 Ibid., a5v, v. 28-29.
68 Ibid., d4r, v. 23-26.