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Detlef Haberland, avec la collaboration de Weronika Karlak et Bernhard Kwoka, Kommentierte Bibliographie zum Buch-und Bibliothekswesen in Schlesien bis 1800

Munich, Oldenbourg Verlag, 2010 (« Schriften des Bundesinstituts für Kultur und Geschichte der Deutschen im östlichen Europa », Bd. 39.)

István Monok

Académie des sciences, Budapest

La parution d’une telle bibliographie est un événement important. Certes, personne ne penserait à discuter de son importance si la mode de portait à croire à l’exclusivité des bases de données en ligne. Or, à étudier la table des matières de ce volume, on appréhende l’histoire silésienne du livre exposée dans une structure incompatible avec celle que proposeraient les bases de données informatisées – certains renseignements ne pouvant être obtenus dans celles-ci qu’à la faveur d’une recherche avancée, nécessairement complexe. La disposition topographique du matériau bibliographique appelle la même remarque. Rappelons également que la pérennité des bases de données informatiques, enjeu décisif, suscite encore nombre d’interrogations.

L’ouvrage expose la documentation bibliographique d’un territoire qui, sur la période concernée, fut un pays germanique autonome, mais dont l’unité territoriale et surtout culturelle furent progressivement gommées par la tendance naturelle des peuples et des cultures au métissage et à la mobilité. Les ravages des guerres, puis la vengeance politique après 1945, ont supprimé la communauté qui avait porté cette culture. Il reste, à ceux qui furent chassés, à former des archives pour documenter le passé. En agissant ainsi, ils rendent un signalé service à la communauté culturelle restée sur place : ces sources leur permettent de comprendre les influences qu’ils ont subies et les éléments constitutifs de leur propre culture.

Les Allemands ne sont pas les seuls à soigner cet héritage : les Polonais, les Tchèques et les représentants de communautés moins nombreuses (comme les Juifs) le font également. Les auteurs du présent volume n’ont nullement ignoré les auteurs centre-européens dont les ouvrages peuvent être reliés – parfois indirectement – à l’histoire silésienne du livre.

Nous avons devant nous une bibliographie annotée, qui fournit un bref résumé des livres et des études recensés. Puisque la jeune génération de chercheurs a parfois du mal à lire les anciens imprimés allemands, une telle récapitulation est particulièrement bienvenue. Mais si les auteurs avaient été davantage préoccupés de l’intérêt des plus jeunes, ils auraient annoté les éléments bibliographiques en anglais, puisque de plus en plus nombreux sont ceux qui croient qu’on peut étudier l’histoire de la Silésie (ou de toute autre région d’Europe centrale) sans connaître la langue allemande.

La bibliographie porte sur le territoire entier de la Silésie historique : Schlesien, Oberlausitz et Mährisch-Schlesien. Elle ne se contente pas d’enregistrer les données relatives aux plus grandes villes (Breslau/Wrocław, Görlitz/Zgorlelec, Brieg/Brzeg, Liegnitz/Legnica, Neisse/Nysa), mais signale également toutes les études d’histoire locale portant sur les villages où les chercheurs ont localisé l’activité d’une imprimerie, d’un éditeur ou d’une bibliothèque. Au total, 1 652 livres, études ou catalogues sont signalés et analysés dans ce répertoire.

L’histoire moderne de la Silésie est riche en péripéties, puisque le territoire fut convoité par le royaume de Pologne et l’empire des Habsbourg (auquel elle a appartenu de 1526 à 1747). Particulièrement mouvementée fut la période de la guerre de Trente Ans. Au moment de la Réforme, la majeure partie de la population rejoignit l’église luthérienne ; l’essentiel de la population polonaise demeura pour sa part fidèle à l’église catholique. Et l’histoire des établissements ecclésiastiques se reflète bien dans la littérature consacrée à l’histoire des bibliothèques. Grâce à la réforme de l’enseignement supérieur imposée par Napoléon, l’université de Francfort-sur-Oder fut transférée (avec sa bibliothèque) à Breslau, ce qui a doté la ville d’une importance dépassant le cadre local ou régional (ce dont le volume rend très bien compte ; en témoigne, par exemple, la bibliographie consacrée à l’histoire des bibliothèques, préparée par Andreas Dudith qui a passé les dernières années de sa vie à Breslau). Du point de vue hongrois, on accordera une attention particulière à la documentation bibliographique relative aux premières années de la Réforme, puisque les représentants de l’église luthérienne de Silésie ont contribué à la création de l’église de Hongrie (plusieurs membres de la première génération de pasteurs se sont vu ordonnés à Brieg).

La structure de ce répertoire bibliographique est déterminée par la logique de l’histoire du livre. Les ouvrages généraux de synthèse et les bibliographies sont suivis des études consacrées à l’histoire de l’imprimerie et du papier. Par la suite, le lecteur aborde la littérature secondaire portant sur le territoire dans son ensemble, puis les études locales. Pour les grandes villes, le volume sépare distinctement l’histoire de l’édition et de la librairie de celle des bibliothèques privées et institutionnelles.

Auteur et principal rédacteur, Detlef Haberland, s’appuyant sur un excellent réseau de collaborateurs allemands, polonais, tchèques et hongrois, a pu réaliser un excellent ouvrage qui rend compte non seulement des études parues dans les langues de rayonnement international, mais aussi des travaux centre-européens.