Strasbourg et l’exportation des livres vers l’Est de l’Europe au XVIIIe siècle
Claire MADL
CEFRES, Centre français de recherche en sciences sociales, USR 3138, Prague/Institut de littérature tchèque, Académie des sciences de la République tchèque
NdA. Étude effectuée avec le soutien de l’Agence tchèque pour la Recherche (projet GAČR n° 15-222535 : « The making of a Nation of Readers. Networks, Firms and Protagonists in the Bohemian Book Market (1749-1848) »).
Bien qu’au XVIIIe siècle l’intégration de la librairie strasbourgeoise au marché français du livre soit problématique et que son rayonnement ait pu sembler limité à l’échelle régionale durant les deux premiers tiers du siècle1, Strasbourg n’en demeure pas moins une des rares villes provinciales de France à être perceptible depuis les bibliothèques d’Europe centrale. Elle l’est mieux que Rouen et mieux que Lyon, par exemple. Il est vrai que l’intégration traditionnelle de Strasbourg aux marchés allemands, les liens commerciaux de ses libraires avec les centres de Francfort et de Leipzig entre autres, permirent à la ville de diffuser sa production savante vers l’Est de l’Europe dès le XVIe siècle2. Mais Strasbourg est aussi potentiellement un centre de transferts entre les sphères intellectuelles et littéraires française et germanique, au croisement desquelles se trouvent justement les élites d’Europe centrale du XVIIIe siècle, en particulier la noblesse.
En effet, tout au long du XVIIIe siècle, le marché de l’imprimé dans les pays de la monarchie des Habsbourg, mais aussi en Pologne-Lituanie, est particulièrement ouvert du fait du cosmopolitisme des élites, de leur connaissance de la production intellectuelle allemande et de leur soif de livres français, c’est-à-dire d’ouvrages en français, quel que soit leur lieu d’impression et leur qualité3. À partir des années 1760, le commerce de librairie est une branche économique en pleine expansion, dans un mouvement en phase avec l’évolution de l’imprimerie strasbourgeoise4. La libéralisation de la censure sous Joseph II, dans les années 1780, accélère enfin l’afflux d’imprimés que les souverains qui lui succèdent, soucieux de préserver leurs pays de la « contagion » des idées révolutionnaires, auront bien du mal à contrôler à coup de lois, de décrets, de réorganisation administrative et par la mise en place d’une censure rétroactive systématique5.
Pour analyser le rôle de Strasbourg dans l’approvisionnement en livres de l’Europe centrale, nous verrons que la diffusion des livres strasbourgeois est certes un phénomène minoritaire, mais qu’elle reflète le rayonnement de son université. Ce rayonnement est réinvesti au milieu du siècle grâce aux relations personnelles et institutionnelles entretenues par des professeurs éminents de l’Université avec les milieux de cour viennois, particulièrement avec les aristocrates engagés dans les affaires politiques du Saint-Empire. Ainsi, dans les années 1780, certains libraires strasbourgeois sont-ils particulièrement réactifs, saisissent l’opportunité de l’expansion du marché et parviennent à procurer leurs services à une élite bilingue dont ils connaissent parfaitement les centres d’intérêt, les besoins et les goûts.
LA DIFFUSION DES LIVRES DE STRASBOURG EN EUROPE CENTRALE : UN PHÉNOMÈNE MINORITAIRE QUI REFLÈTE LE RAYONNEMENT UNIVERSITAIRE DE STRASBOURG
Une présence ténue et très contrastée
Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, la présence des livres imprimés à Strasbourg dans les catalogues des libraires approvisionnant les marchés des pays habsbourgeois est très discrète (avant 1750 cette source est quasiment inexistante). Bien souvent, les libraires locaux ne proposent aucun livre originaire de Strasbourg dans un assortiment composé en grande partie à Leipzig. Certains en possèdent quelques-uns, toujours en allemand ou en latin, jamais en français. Dans son catalogue de nouveautés de 1775, le libraire Wolfgang Gerle6, qui n’hésitait pas à faire venir des livres des villes allemandes, de France, des Pays-Bas et de Suisse, ne propose que quatre titres imprimés à Strasbourg sur les 700 que compte son assortiment. C’est un peu plus néanmoins que ses collègues, puisque Franz August Höchenberg7 n’en propose qu’un seul dans son catalogue de nouveautés de 1772 et Johann Mangold8, qui dispose de contacts à Nuremberg et Leipzig, n’en a aucun. À la fin de la décennie suivante, le libraire viennois Johann Thomas Trattner9 n’a toujours que six imprimés de Strasbourg parmi les 650 titres de ses nouveautés allemandes et latines de 1789. Johann Ferdinand Schönfeld10, installé à Prague et à Vienne, n’en a pas plus parmi ses nouveautés de 1785 (4 sur 600 titres). Ainsi, le livre strasbourgeois est certes présent, mais sa part est très modeste parmi l’offre accessible aux lecteurs qui se fournissent uniquement chez les libraires locaux et ne peuvent s’offrir les services d’un libraire étranger.
Les grandes bibliothèques encyclopédiques, quant à elles, ne sont pas forcément bien dotées en livres strasbourgeois au XVIIIe siècle. On en trouve une petite centaine seulement au couvent des prémontrés de Strahov à Prague, tandis que cette bibliothèque possède 181 incunables strasbourgeois11. Dans les bibliothèques particulières conservées, celles des membres de la noblesse qui se fournissaient chez des libraires diverses, locaux et étrangers12, la présence des livres imprimés à Strasbourg reste ténue mais parvient à constituer un échantillon observable. Nous avons pour cette étude analysé entre autres les bibliothèques des familles aristocratiques des Fürstenberg (bibliothèque de Křivoklát, en allemand Pürglitz13), des Metternich (bibliothèque de Kynž-vart/Königswart14), des Waldstein (aujourd’hui bibliothèque de Mnichovo Hradiště/München Grätz15), des Chotek (bibliothèque du château de Kačina/ Katschina16) et la bibliothèque des archevêques d’Olomouc (Olmütz), conservée au château de Kroměřiž (Kremsier17). Notre échantillon comporte ainsi 700 volumes originaires de Strasbourg.
Les caractéristiques des livres strasbourgeois présents dans les bibliothèques sont difficiles à synthétiser. Les données doivent être croisées pour mettre en lumière les informations significatives. Par exemple au point de vue des langues représentées, 41 % des ouvrages sont en latin, 49 % en français et 9 % en allemand. Cela semble confirmer le caractère local de la production strasbourgeoise en langue allemande et expliquer en partie la faible présence de ces livres dans les catalogues de libraires dont l’offre est très majoritairement de langue allemande.
La répartition par discipline est, elle aussi, irrégulière. Au total nous avons près d’un tiers de livres de droit, un gros quart d’histoire (27,5 %) puis 17 % de livres de sciences et arts et enfin 10 % seulement de belles-lettres, dont la moitié relève du rayon de la linguistique, avec beaucoup de dictionnaires de langue. La théologie ou les ouvrages de piété forment eux-aussi 10 % des impressions strasbourgeoises.
Mais une analyse chronologique de ces proportions montre tout d’abord que la plupart des livres datent, soit du premier, soit du dernier quart du XVIIIe siècle. Or le premier quart est représenté presqu’exclusivement par des ouvrages en latin, tandis que le dernier quart de siècle représente quasiment uniquement des ouvrages en français ou en allemand. Ces résultats témoignent donc d’une importante rupture dans la réception des livres originaires de Strasbourg entre le début et la fin du siècle, rupture que l’effacement général de la production latine au cours du XVIIIe siècle ne suffit pas à interpréter. Le croisement des données thématiques et chronologiques montre en outre que les ouvrages de droit, presque tous en latin, tous issus de l’Université, forment le gros des impressions des années 1700-1725, tandis que l’histoire est la discipline reine des années 1775-1800 et qu’elle est majoritairement présente en français. Nous avons donc affaire à deux types différents de lecture correspondant à des circulations intellectuelles distinctes.
La diffusion des ouvrages universitaires
Cet échantillon est particulièrement riche tout d’abord en livres pédagogiques et en imprimés issus de l’Université, principalement de la faculté de droit. Il s’agit de thèses, de mémoires, mais aussi des manuels, des compendiums ou des traités des professeurs strasbourgeois. Notons les noms de Johann Schilter18 (1632-1705) ou de Johann Heinrich Feltz19 (1665-1737), dont on possède les manuels dans leurs rééditions successives ainsi que leurs commentaires. Les thèses de leurs étudiants sont présentes. Nous trouvons aussi les rééditions strasbourgeoises d’ouvrages de droit issus d’autres universités mais très utilisés à l’époque, comme ceux de Johann Gottlieb Heinecke20 (1681-1741) ou encore des commentaires de Grotius élaborés à l’université de Strasbourg par des étudiants ou des professeurs21. Les ouvrages de médecine, en latin, forment un petit groupe identifiable bien que réduit et enfin, en matière de théologie, des ouvrages du théologien catholique Johann Nicolaus Weislinger22 (1691-1755) sont à mentionner pour leur présence chez les archevêques d’Olomouc.
Singularité des collections
Si l’on examine ce fonds d’imprimés latins du premier quart du XVIIIe siècle, son poids dans l’ensemble de l’échantillon se révèle très peu représentatif. En effet, ses livres sont le fait de deux grandes bibliothèques constituées par de véritables collectionneurs de thèses universitaires, majoritairement des thèses de droit. Les comtes de Waldstein en possèdent 94 et l’échantillon issu de la bibliothèque des Fürstenberg en rassemble 84 (sur un ensemble de 22 000 thèses recensées chez lui, mais pas toutes cataloguées). Malgré l’exceptionnalité du phénomène, il convient de constater que pour les lecteurs intéressés par la production universitaire, l’université de Strasbourg est nettement visible dans le premier quart du XVIIIe siècle tandis que sa présence s’atténue par la suite.
RÉSEAUX ARISTOCRATIQUES ET INTELLECTUELS
Une tradition universitaire déclinante réinvestie
Les ouvrages savants juridiques en latin ou les manuels en allemand forment une part minime mais constante des fonds strasbourgeois des bibliothèques de la noblesse. Afin de mieux évaluer le rayonnement de l’Université de Strasbourg, il nous a semblé utile de comparer la répartition chronologique de ces ouvrages (fig. 2) avec un comptage des étudiants inscrits dans l’institution et provenant des capitales d’Europe centrale23.
La Pologne n’est ici représentée que de façon très ténue : de 1621 à 1793, Varsovie envoya à Strasbourg cinq étudiants seulement. De Silésie, Hongrie et Transylvanie, l’on envoie bien moins souvent étudier à Strasbourg au XVIIIe siècle qu’on ne le faisait pendant la guerre de Trente Ans et jusqu’aux années 1660. Entre ces trois pays néanmoins, de grandes différences existent. Les étudiants de Herrmannstadt en Transylvanie (onze au total) sont pour la plupart inscrits en théologie et c’est donc pour former une élite protestante que l’on a recours à Strasbourg, alors qu’en la matière, la monarchie des Habsbourg soumise à la « recatholicisation » n’offre pas de ressource comparable. Quant aux étudiants de Presbourg (trente au total), ils sont souvent inscrits en droit (plus de la moitié d’entre eux) puis en médecine et enfin en théologie. À l’opposé du cas de ces trois pays, il vient entre 1700 et 1775 plus d’étudiants des capitales nettement catholiques de la monarchie, Prague et Vienne, qu’il n’en venait au siècle précédent. Ceux de Prague (vingt étudiants) s’inscrivent principalement en médecine, alors que ceux de Vienne (79) s’inscrivent le plus souvent en droit. Mais surtout, il y a à cette époque (1700-1775) un nombre non négligeable de nobles qui s’inscrivent hors toute faculté, ce qui est une nouveauté sur laquelle nous reviendrons. Pour tous les pays, il n’y a presque plus d’étudiants envoyés à Strasbourg durant le dernier quart de siècle. Il faut voir là aussi bien une conséquence de la perte de prestige de l’Université24 que l’impact des réformes menées dans la monarchie des Habsbourg qui ont permis de moderniser les cursus universitaires et de proposer un enseignement attractif dans des académies nouvellement fondées.
Le phénomène « nouveau » que représente au milieu du XVIIIe siècle la fréquentation par des jeunes nobles de l’université de Strasbourg, hors toute faculté, mérite d’être souligné. Cet intérêt doit être mis en parallèle avec les relations très étroites entretenues par des universitaires de Strasbourg avec des membres de la cour habsbourgeoise. Jean-Daniel Schoepflin, tout d’abord, était en relation avec certains grands commis de la cour de Vienne comme son ancien élève Ferdinand Bonavantura Harrach (1708-1778) et le père de ce dernier, puis Johann Karl Philipp Cobenzl (1712-1770), ministre plénipotentiaire de l’empereur à Bruxelles. Schoepflin, comme l’a reconstitué Grete Klingenstein, fut à plusieurs reprises sollicité pour s’installer à Vienne, en particulier lors de la création de l’Académie thérésienne destinée à l’éducation des jeunes nobles (1746) et dans le cadre du projet de création d’une société savante qui aurait été placée sous le patronage de la cour viennoise25. Cette proximité au plus haut niveau de la hiérarchie aulique ressortit à une communauté de centres d’intérêts en matière de politique, aussi bien en termes d’objets de connaissance que de champ d’action. L’intérêt pour l’histoire et surtout le droit du Saint-Empire est très vif à Strasbourg comme à Vienne. Outre la position de Schoepflin, la présence du strasbourgeois Johann Christoph Bartenstein (1689-1767) aux côtés de Charles VI au moment de la mise en œuvre de la Pragmatique Sanction (1713), ou encore comme secrétaire d’État du grand chancelier Philipp Ludwig Wenzel Sinzendorf (1671-1742), situe l’influence de ces érudits strasbourgeois au sommet de l’appareil étatique. Pour notre propos, remarquons que la thèse de Bartenstein est présente dans plusieurs bibliothèques nobiliaires – chose singulière pour un imprimé de ce genre26.
Une des manifestations de cette communauté de centres d’intérêt est le succès qu’eut l’Académie diplomatique créée à Strasbourg par Jean Daniel Schoepflin27 : elle constitue un nœud des relations universitaires au XVIIIe siècle entre l’Europe centrale et Strasbourg car elle fut fréquentée par un certain nombre d’aristocrates, en particulier ceux qui se destinaient à être actifs dans le cadre de la chancellerie et du conseil d’Empire à Vienne ou dans les postes diplomatiques dans le Saint-Empire. C’est la raison pour laquelle les Cobenzl, Harrach, Fürstenberg, Starhemberg, Metternich, Trauttmannsdorf y envoient leurs enfants. Les carrières de ces derniers se déroulent ensuite entre Mayence, Wetzlar, Ratisbonne, Vienne, Bruxelles ou Paris. Voici le programme d’enseignement de cette académie tel que décrit par Christophe Guillaume Koch :
C’était une École vouée plus particulièrement à la politique où la jeunesse française et étrangère venait puiser les principes des négociations et les connaissances qui y sont relatives. À l’étude du droit naturel public, universel et des gens, on y joignait les parties historiques, les traités de paix, la statistique, les antiquités, les mathématiques, les sciences naturelles et l’art des fortifications (...) Cette institution servit aussi à nous amener un grand nombre d’étrangers de distinction. Outre l’usage des deux langues et la parfaite liberté des cultes, ces étrangers trouvaient dans notre ville une société agréable28...
Koch donne là les raisons mêmes du succès de l’école et les directions que les éditeurs n’avaient qu’à suivre pour retenir l’attention de leurs clients aristocrates. Ainsi, même après l’ouverture de l’Académie thérésienne à Vienne, étudier à Strasbourg, suivre en outre les cours particuliers de Schoepflin puis de Koch, restait particulièrement attrayant pour l’aristocratie. Cette communauté d’intérêts en termes de savoirs politiques, historiques et juridiques est justement ce dont témoignent les fonds de livres strasbourgeois conservés dans les pays de la monarchie des Habsbourg. Nous ne trouvons pas d’ouvrages datant des débuts de l’École diplomatique29, mais bien des ouvrages de Schoepflin, ou le catalogue de sa collection30, certains de Koch31. Nous avons en outre des ouvrages de référence qui correspondent à de coûteux projets éditoriaux : un Droit public d’Allemagne en français en six volumes32 et une encyclopédie très répandue dans son édition originale, la Géographie universelle d’Anton Friedrich Büsching en quatorze tomes33. Cette dernière sera rééditée par Treuttel dans les années 1780. Notons que l’Introduction à la connaissance géographique et politique des États de l’Europe du même auteur, éditée par la Société typographique de Neuchâtel en 1779, se vendit elle aussi très bien. Mais on voit que les Strasbourgeois furent à la fois précurseurs et plus ambitieux, s’adressant à un public moins mélangé que les Neuchâtelois. Les Œuvres, éditées par Koch, de Valentin Jamerey-Duval, originaire de Lorraine et attaché à la cour de Vienne témoignent aussi de la proximité entre cette cour et les professeurs de l’université de Strasbourg34.
La diffusion des ouvrages d’histoire et de politique
L’histoire est un domaine de la production strasbourgeoise qui satisfaisait particulièrement les besoins d’une tranche de l’aristocratie de la monarchie des Habsbourg. Elle occupe une place remarquable avec des classiques tout d’abord, comme l’édition de Dom Calmet de 1735-174135, ou bien des ouvrages qui semblent devoir séduire les lecteurs aristocrates d’Europe centrale car ils concernent des régions qui leur sont proches. Ils sont parfois en français, comme la Vie de Frédéric II36 et les Anecdotes originales de Pierre le Grand37, ou en allemand, comme une Histoire de Gustave II par l’historien Ernst Ludwig Posselt, docteur de l’Université de Strasbourg38.
Enfin tout un rayon concerne l’histoire et l’actualité des conflits contemporains, comme l’ambitieuse édition des Plans et Journaux des Sieges de la dernière Guerre de Flandres39, la réédition par Doulssecker en 1735 des Mémoires et traité militaire du général de l’Empereur Raimondo de Montecuccoli, avec un long chapitre sur la guerre contre les Turcs, et des écrits de circonstances plus réduits concernant par exemple le début de la guerre de Sept Ans40. Cette production concernant les guerres contemporaines et l’actualité en général constitue la majorité des livres que Strasbourg exporte dans les années 1790 alors que les événements militaires et politiques sont d’audience européenne. Ainsi trouve-t-on dans les bibliothèques de la noblesse une traduction allemande de la Constitution française de 179141 et le Précis des événements militaires des guerres du Rhin publié par Treuttel et Würtz en association avec Frédéric Perthes de Hambourg en 180042. Plus surprenantes sont peut-être des lettres de 1799 (en allemand) sur la police secrète de Paris43.
Les accointances ou la simple curiosité envers les milieux émigrés français sont enfin révélées par le poème du cardinal de Bernis, « La Religion vengée », imprimé pour la première fois par Bodoni à Parme en 1795, réédité par Armand König en 1798, et que l’on trouve chez Chotek.
L’intérêt pour l’Alsace et les visites effectives qu’on lui rend, peut-être sur le chemin de Paris, sont attestés par la présence répétée de livres d’histoire et de géographie régionales : L’Histoire de la province d’Alsace de Louis Laguille44, de nombreux guides touristiques de la ville de Strasbourg, les Vues pittoresques de l’Alsace de l’abbé Grandidier (Librairie académique, 1785) et les descriptions de la cathédrale de Strasbourg45. Témoin enfin que certains événements de la vie strasbourgeoise étaient d’audience européenne, le Discours prononcé par ordre du magistrat de Strasbourg à l’occasion de la translation du corps de M. le Maréchal de Saxe dans l’église de St. Thomas le 30 août 1777 se trouve chez Chotek46.
Les impressions strasbourgeoises chez les aristocrates – transferts et spéculation
Outre les livres directement liés à la politique et à l’histoire, les éditeurs de Strasbourg produisent des ouvrages qui exploitent son potentiel de ville-intermédiaire entre la France et les pays allemands par une activité modeste mais perspicace d’édition de traductions des auteurs les plus en vogue. Notre échantillon compte une cinquantaine de titres traduits tantôt en français tantôt en allemand, aussi bien du français, de l’allemand que de l’anglais. Ainsi les Fables de Gellert en français47, et inversement la traduction allemande, dès leur parution, des Délassemens de l’homme sensible de Baculard d’Arnaud48, ou encore un certain nombre de pièces de théâtre françaises traduites en allemand comme la tragédie de Marie-Joseph Chénier, Charles IX49, laquelle déclencha une campagne publique contre la censure. Quelques traductions de l’anglais ont aussi trouvé leur chemin jusqu’en Bohême : les Pièces de Shakespeare éditées en allemand par Levrault (en 177850, date à laquelle on jouait et éditait Shakespeare à Prague), les œuvres d’Alexander Pope en allemand51, en français52 et dans une édition polyglotte53, le théâtre de Fielding en allemand54 ou encore un livre propre à séduire les lecteurs aristocrates : la traduction d’une Vie de Laurent de Médicis de 179955.
Les ouvrages de linguistique apparaissent comme une spécialité des Strasbourgeois bien adaptée à un lectorat toujours au moins bilingue (allemand et français). Ainsi trouve-t-on des manuels de langue56 et des dictionnaires57, le plus célèbre étant celui du professeur de Leipzig Johann Christoph Gottsched, publié par König en 176058. Une revue dédiée à l’art des jardins témoigne que les goûts de la clientèle aristocratique dans des domaines ni universitaires ni pédagogiques étaient bien connus et donnèrent lieu à des ouvrages d’une certaine ampleur, publiés en coédition59.
Certaines éditions des années 1790 témoignent enfin du potentiel strictement rémunérateur de la vente du livre français à l’étranger. C’est le cas de l’édition des fameuses lettres de Mirabeau, dont le titre accrocheur Lettres (...) contenant tous les détails sur sa vie privée, ses malheurs, et ses amours avec Sophie Ruffei60 assura un bon débit, d’une histoire du Masque de fer61, des Anecdotes de la cours de Louis XIV62 ou bien, pour ceux qui ne les avaient pas encore, de L’Homme des champs de Jacques Delille édité en 180063 et des Œuvres de Saint-Simon de 179164.
LES STRASBOURGEOIS ET LES RÉSEAUX DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE EN EUROPE CENTRALE
Les libraires d’assortiment strasbourgeois fournisseurs des grandes bibliothèques
Lieu intermédiaire entre les sphères intellectuelles allemande et française, Strasbourg avait de forts atouts pour devenir un centre d’exportation du livre français dans les pays allemands et au-delà en Europe centrale. Comme on le sait, ce potentiel demeura néanmoins contraint, jusqu’à la Révolution française, d’une part du fait de la politique en matière de librairie qui veillait au maintien de la suprématie des imprimeurs et libraires parisiens, et d’autre part à cause de la concurrence menée par des centres tout aussi bien placés que Strasbourg pour produire des livres français, des traductions du français ou pour faire commerce de livres français (pensons aux sociétés suisses65 ou au libraire Fontaine installé de l’autre côté du Rhin, à Mannheim66). Strasbourg n’est pas non plus un lieu de la « librairie périphérique » qui vendait ses livres, non seulement en France, mais aussi à l’Est de l’Europe.
Il ne fait aucun doute que les libraires strasbourgeois pratiquaient le commerce d’assortiment pour des clients étrangers, même si les sources à ce propos manquent et si nous sommes contraints de rassembler des informations éparses, en particulier celles concernant les bibliothèques ici étudiées. Notre connaissance des fournisseurs des grandes bibliothèques n’a rien de systématique mais l’on devine, plus qu’on ne le sait, que ces lieux intermédiaires sont les plus sollicités67. Le comte Franz Anton de Hartig (1758-1797) est client de la Librairie académique de Strasbourg, dont il reçoit les catalogues, et à laquelle il règle des commissions considérables de 150 et 200 florins par an au début des années 179068. En 1798, Treuttel et Würtz lui envoient un prospectus pour relancer les échanges interrompus par la guerre69. Le comte Josef Nikolaus de Windischgrätz (1745-1802) est à la fois en contact avec Levrault et Treuttel70. Tous ceux qui ont fait leur droit à Strasbourg en ont certainement ramené des livres et peut-être des contacts privilégiés avec les libraires de la ville. On trouve enfin chez le comte de Chotek71 deux catalogues des frères Gay et un certain nombre de leurs éditions portant les deux adresses de Vienne et de Strasbourg. Le cas des frères Gay renvoie néanmoins à un phénomène qui lie par un autre moyen les pays de la monarchie des Habsbourg à la librairie strasbourgeoise et aux pays alsaciens et lorrains en général.
Vienne un marché ouvert et attractif pour les libraires strasbourgeois
Certains professionnels du livre strasbourgeois ont en effet été attirés par la capitale impériale, où ils se sont installés, en particulier à l’époque de la libéralisation des métiers sous le règne de Joseph II (1780-1790) 72. Il n’est pas indifférent de rappeler que le fondateur d’une des principales maisons d’édition de livres en français installé à Vienne dès 1671, Johann Van Ghelen, est originaire des Pays-Bas, autre région intermédiaire entre les pays francophones et la monarchie des Habsbourg.
Certains entrepreneurs sont véritablement expatriés. C’est le cas d’Étienne Briffaut, originaire de Saulxure en Lorraine, qui s’installe à Vienne dès les années 1730 et se spécialise dans l’édition de cartes73 : il publie par exemple un état des guerres au Banat de Temesvar et en Italie, des cartes de la Bosnie et un atlas général74. Il sert l’université, car il est en outre libraire importateur et d’antiquariat, spécialisé dans les articles scientifiques ou de luxe. Le catalogue de vente de sa collection de 1758 compte un grand nombre de livres anciens75. Près de la moitié de son fonds est constitué d’in-folio, souvent illustrés de gravures, la plupart en latin, beaucoup en français et très peu en allemand. Son succès passe donc par une spécialisation pointue.
Cette stratégie est adoptée par un autre libraire d’origine lorraine : Philipp Joseph Schalbacher (né à Lischeim en 1760), installé à Vienne comme libraire dans le courant des années 1790, mais sans doute arrivé dès avant dans la ville en tant que précepteur employé dans des familles nobles. Il se distingue par sa connaissance de nombreuses langues et constitue un fonds polyglotte inégalé, riche notamment en articles d’antiquariat. Il devient d’ailleurs président du Gremium des libraires dans les années 1817-1819.
Dans les années 1780, la libéralisation du commerce de librairie attire quelques individus, parmi lesquels ceux de Strasbourg ou de l’est de la France forment un petit groupe professionnel réactif mais dont la présence à Vienne est éphémère. Le premier est Albert Frédéric Bartholomeï76, qui semble actif à Vienne de 1785 à 1788 comme libraire d’assortiment. Il était l’associé de Frédéric Rodolphe Salzmann dans la Librairie académique, responsable du dépôt dont la Librairie disposait à Leipzig, ce qui lui avait permis d’acquérir une solide connaissance des réseaux d’approvisionnement de l’Europe centrale. On ne lui connaît pas d’impression viennoise mais il édite par exemple, sous son nom et à l’adresse de Strasbourg en 1785, une histoire en allemand de la Révolte de Transylvanie de 1784 qui témoigne d’une ouverture à l’actualité des pays habsbourgeois77. Il est principalement connu de nous pour ses contacts avec la Société typographique de Neuchâtel (S.T.N.). Johann Mangot est lui aussi client de la S.T.N. Originaire de Toul, il est actif à Vienne de 1787 environ à 1793. Il semble néanmoins que sa veuve ait pris sa suite et le catalogue qu’elle édite en 1795 montre que le commerce de livre interdit n’est pas le seul que sa maison ait pratiqué – comme l’étude des canaux d’approvisionnement en livres interdits pourrait le laisser penser78.
L’affaire la plus importante est néanmoins celle des frères Gay (Jakob, né à Lübeck en 1762, et Johann, mort en 1800). Installés à Vienne de 1783 à 1789, ils ne sont pas originaires de Strasbourg mais y sont installés à partir de 1780 semble-t-il, de même qu’à Paris. Ils sont aussi en contact avec la S.T.N. Ils éditent des livres en français qui portent des adresses diverses : « Vienne et Strasbourg », « Vienne », « Strasbourg, place d’armes » ou encore Paris « rue du Vieux Colombier, Faubourg St Germain ». L’entreprise Gay se présente parfois en association à Leipzig avec Gräffer, à Paris avec Durand (1780), Méquignon (1784), Cellot (1784). Ils éditent à Vienne par exemple un Mariage de Figaro dès 1785, le Journal de Vienne mais aussi les Wiener Ephemeriden (1786) d’Otto von Gemmingen. Un Mémoire raisonné sur la circulation intérieure et le commerce dans les États de la maison d’Autriche porte en revanche l’adresse de Strasbourg79. Ils s’enfuient en 1789 : si l’on trouve Jakob à Moscou en 1789, puis comme imprimeur et libraire de l’armée du Rhin, Jean-Baptiste Gay publie à l’adresse de Strasbourg seule à partir de 1794.
Ce que les frères Gay publient à Vienne est caractéristique de l’activité et des goûts d’une communauté d’auteurs et de lecteurs nobles cosmopolites80. Aux yeux des quelques auteurs qui publiaient en français à Vienne, un éditeur viennois ayant des liens avec Strasbourg permettait de faire l’économie d’une correspondance fastidieuse, en même temps que d’avoir la garantie que l’édition serait d’une qualité linguistique satisfaisante et que l’ouvrage bénéficierait d’une meilleure diffusion. C’est cette assurance qui attira certainement Ignaz Born, pour publier en français chez Gay une Méthode d’extraire les métaux parfais des minerais (1788). Ceux qui ont la possibilité d’établir des liens directs avec Strasbourg, n’hésitent pas à le faire : ainsi le comte de Windischgraetz fit-il appel directement à la fois à Treuttel et à Levrault pour faire imprimer la même année deux de ses traités, les Principes métaphysiques de l’ordre social, de la loi et de la religion naturelle (Levrault, 1790) et De l’âme, de l’intelligence et de la liberté de la volonté (Treuttel, 1790). Cette stratégie peut être mise en regard de celle du comte Franz Anton Hartig qui achetait ses livres français à Strasbourg mais faisait imprimer ses ouvrages en français dans la principauté de Liège, à proximité des Pays-Bas autrichiens. Pour ces milieux aristocratiques, Strasbourg apparaît comme un lieu de contact marqué aussi bien par son ouverture aux pays allemands que par son appartenance à la librairie française.
Pour mieux évaluer la place de Strasbourg sur le marché international du livre au XVIIIe siècle, il est possible de prendre pour point de comparaison la Suisse, ou plutôt certaines villes de Suisse, comme Genève ou Bâle. Comme ces deux villes, Strasbourg jouit en Europe centrale au début du XVIIIe siècle de l’image de centre intellectuel ancien, marqué par la Réforme. Comme les centres suisses, Strasbourg est aussi potentiellement un centre de transferts entre les sphères intellectuelles et littéraires française et germanique, au croisement desquelles se trouvent de gros lecteurs, les élites, les nobles en particulier, d’Europe centrale. Or, au XVIIIe siècle, la Suisse aux yeux de l’Europe centrale, vit en quelque sorte hors d’elle-même. Elle traduit peu, exporte beaucoup de contrefaçons d’ouvrages très demandés mais initialement conçus ou édités pour la première fois ailleurs. Strasbourg au contraire à su réinvestir une tradition universitaire, grâce à des figures comme Schoepflin et Koch, et grâce à sa participation aux débats juridiques du Saint-Empire, et maintenir une image de centre intellectuel auprès d’une élite. Son potentiel en tant que lieu de transferts est bien mieux exploité que dans la plupart des villes suisses car ses éditeurs et libraires participent au marché du livre français à l’étranger pour une clientèle dont ils connaissent parfaitement les goûts et les besoins81.
Mais, à la fin du XVIIIe siècle, ce qui est manifeste, c’est le désintérêt des autorités françaises pour l’université protestante de Strasbourg et le renoncement à ce qui fut le fondement du rayonnement de la ville.
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1 Frédéric Barbier, « L’imprimerie strasbourgeoise au siècle des Lumières », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine XXIV, 1977, pp. 161-188, ici p. 169 où l’auteur mentionne le « rétrécissement du cadre géographique de Strasbourg ». Voir aussi du même auteur : Trois-cents ans de librairie et d’imprimerie Berger Levrault 1676-1830, Genève, Droz, 1979, pp. 69-74, et encore « Une librairie “internationale” : Treuttel et Würtz à Strasbourg, Paris et Londres », dans Revue d’Alsace n° 111, 1985, pp. 111-123.
2 Miriam U. Chrisman, « L’édition protestante à Strasbourg, 1519-1560 », dans (dir. Jean-François Gilmont) La Réforme et le livre. L’Europe de l’imprimé (1517-v. 1570), Paris, Les Éditions du Cerf, 1990, pp. 217-238.
3 Voir en général les chapitres sur le livre français hors de France dans : Roger Chartier, Henri-Jean Martin (dir.) Histoire de l’édition française. Vol. 2, Le livre triomphant, Paris, Fayard ; Cercle de la librairie, 1990 (1984), pp. 302 et suiv. Olga Granasztói, « Diffusion du livre en français en Hongrie : bilan et perspectives des recherches sur les bibliothèques privées de l’aristocratie (1770-1810) », dans Histoire et civilisation du livre X, 2014, pp. 181-206. Claire Madl, « Les importations de livres français en Bohême à la fin du XVIIIe siècle », dans Est-Ouest : transferts et réceptions dans le monde du livre en Europe. Actes du colloque de Lyon des 6-8 décembre 2001. Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2005, pp. 61-75 (« L’Europe en réseaux »). Vera Oravetz, Les Impressions françaises de Vienne (1567-1850), Szeged, Institut français de Szeged, 1930.
4 Norbert Bachleitner, Franz Eybl, Ernst Fischer, Geschichte des Buchhandels in Österreich, Wiesbaden, Harrassowitz, 2000, pp. 103-157 ; György Kökay, Geschichte des Buchhandels in Ungarn, Wiesbaden, Harrassowitz, 1990, pp. 80-107. Zdeněk Šimeček, Geschichte des Buchhandels in Tschechien und in der Slowakei, Wiesbaden, Harrassowitz, 2002, pp. 34 et suiv.
5 Les ouvrages synthétiques en allemand restent, par ordre chronologique des périodes traitées : Grete Klingenstein, Staatsverwaltung und kirchliche Autorität im 18. Jahrhundert. Das Problem der Zensur in der theresianischen Reform, Wien, Verl. für Geschichte und Politik, 1970. Oszkár Sashegyi, Zensur und Geistesfreiheit unter Joseph II. Beitrag zur Kulturgeschichte der habsb. Länder, Budapest, Akadémiai Kiadó (Studia Historica Academiae Scientiarum Hungaricae. 16), 1958, et Julius Marx, Die österreichische Zensur im Vormärz, Munich, Oldenbourg, 1959.
6 IV. Verzeichniss neuer deutschund lateinischer Büchern, welche um beygesezte Preise zu haben sind bey Wolfgang Gerle, Buchhändler. in der Altstädter Jesuiter Gasse Nro 550, Prag, 1775.
7 Continuatio I. universalis catalogi deutsch und lateinischer Bücher, welche um den dabey gesetzten Preiss in Franz. Aug. Höchenbergs Handlung auf der Kleinen Seite zu bekommen sind. Prag, 1772.
8 Catalogus neuer deutschund lateinischer Bücher, welche nebst vielen anderen um den beygesetzten billigen Preis zu haben sind in der Mangoldischen Buchhandlung in Prag 1773. In der Altstadt auf dem kleinen Ringel N. 226, Prag, 1773.
9 Nro I. [-XII] 1789. In des Herrn Edlen von Trattnern k.k. Hofbuchhandlung allhier in Prag, sind folgende neue Bücher um beygesetzte billige Preise zu haben, Prag, 1789.
10 Neue Bücher, welche sich die von Schönfeldsche Handlung in Prag bei der letzten Leipziger Ostermesse neu angeschaft und daselbst um beigesetzte Preise zu haben sind, Prag, 1789.
11 Nous avons travaillé à partir du catalogue en ligne de la bibliothèque, qui donne accès à plus des trois quarts du fonds (des lettres A à R du catalogue auteurs/titres) : http://knihovna. strahovskyklaster.cz/.
12 Concernant les réseaux et pratiques d’acquisition de livres de la noblesse, nous nous permettons de renvoyer à : Claire Madl, « L’aristocrate client, complice et concurrent des libraires. Quelques traits de l’approvisionnement des bibliothèques nobiliaires de Bohême dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », dans (dir. Johannes Frimmel, Michael Wögerbauer) Kommunikation und Information in 18. Jahrhundert. Das Beispiel der Habsburgermonarchie. Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2009, pp. 173-187.
13 Le propriétaire principal au XVIIIe siècle fut Karl Egon Fürstenberg (1729-1786), président du tribunal d’Empire à Wetzlar dans les années 1760, puis grand burgrave de Bohême à partir de 1775.
14 Le propriétaire collectionneur principal est ici le chancelier Klemens Wenzel Metternich (1773-1859), mais aussi son père Franz Georg Karl (1756-1818) qui était déjà un diplomate de haut rang.
15 Au XVIIIe siècle, la bibliothèque se trouvait à Duchcov/Dux, où l’un des propriétaires collectionneurs, Josef Karl Emanuel Waldstein (1755-1814), avait permis à Giacomo Casanova de finir ses jours, lui conférant justement la charge (sinécure) de bibliothécaire.
16 Johann Rudolf Chotek (1748-1824) fut grand chancelier de la chancellerie de Bohême et d’Autriche.
17 Toutes ces bibliothèques sont gérées par le Département des bibliothèques de châteaux de la Bibliothèque du Musée national de Prague, qui en assure en particulier le catalogage. La constitution et la numérisation de ce dernier est en cours. Dans notre échantillon, la bibliothèque de Křivoklát n’a pu être étudiée que partiellement. Notre travail s’apparente donc plus à un sondage qu’à une enquête exhaustive. Soulignons néanmoins que ces bibliothèques n’ont pas été constituées exclusivement à partir des pays tchèques mais aussi le plus souvent de Vienne, ou encore au gré des voyages et des offices occupés par leurs propriétaires. Une présentation de chaque fonds est disponible en ligne à l’adresse : http://fabian.sub.uni-goettingen.de/fabian? Schlossbibliotheken.
18 De pace religiosa, Dulssecker, 1700. De S. R. G. imperii comitum praerogativa, Dulssecker, 1702 Commentatio ad libri secundi consuetudinum feudorum titulum (s. t., s. a.), ou encore les travaux de ses élèves.
19 De statu nobilitatis immediatae S. R. I. De superiorit. territ. nobilitatis S.R.I., Dulssecker, 1725 (Křivoklát, Mnichovo-Hradiště).
20 Elementa Juris Civilis Secundum Ordinem Pandectarum, Stein, 1732. Historia Iuris Civilis Romani ac Germanici, Bauer et Heitz, 1765. Antiquitatum Romanarum Iurisprudentiam, Strasbourg, Dulssecker ; Leipzig, Jacobäer, 1755. Il est l’auteur de livres juridiques imprimés à Strasbourg, les plus répandus (dans sept bibliothèques).
21 Par Kaspar Ziegler (Dulssecker 1706) ou dans une thèse de Johann Heinrich Boeckler, imprimée par Dulssecker en 1704.
22 Außerlesene Merckwürdigkeiten, Von alten und neuen Theologischen Marckschreyeren, Le Roux, 1738 ; Armamentarium Catholicum, ex amore Veritatis salutiferae referatum, notis historico-Theologicis Latino-Germanicis illustratum et Cathalogus Bibliothecae Ordinis Sti Joannis Hieroso-lilmatiani, Le Roux, 1749.
23 Gustav C. Knod, Die alten Matrikeln der Universität Strassburg 1621-1793, Strasbourg, Verlag von Karl J. Trübner, 1897-1902, 3 vol., principalement le vol. 3, Personenund Ortregister. 1621 est la date à laquelle est véritablement née l’Université avec ses quatre facultés et où commence l’enregistrement systématique des étudiants.
24 François-Georges Dreyfus, « L’Université protestante de Strasbourg durant la seconde moitié du XVIIIe siècle », dans Revue d’Allemagne III, n° 1, janv.-mars 1971, pp. 84-97.
25 Grete Klingenstein, « Johann Daniel Schöpflin und Wien », dans (dir. Bernard Vogler) Strasbourg, Schoepflin et l’Europe au XVIIIe siècle. Actes du colloque organisé en coopération avec l’Université des Sciences humaines de Strasbourg (Strasbourg 15-17 septembre 1994), Bonn, Bouvier Verl., 1996, pp. 128-162 (« Pariser Historische Studien hrsg vom Deutschen Historischen Institut Paris », 42).
26 Dissertatio historico-juridica de belle Imperatori Carolo V. (...) praeside (...) Johanne Henrico Boeclero..., Strasbourg, Daniel Maag, 1709.
27 Jürgen Voss, Universität, Geschichtswissenschaft und Diplomatie im Zeitalter der Aufklärung : Johann Daniel Schöpflin (1694-1771), Munich, Wilhelm Fink Verlag, 1979, pp. 156-185 ; en Français : Jean-Daniel Schoepflin (1694-1771) : Un Alsacien de l’Europe des Lumières, Strasbourg, Société savante d’Alsace, 1999, pp. 163 et suiv. Et, du même auteur : « L’École diplomatique de Strasbourg et son rôle dans l’Europe des Lumières », dans (dir. Lucien Bély) L’Invention de la diplomatie. Moyen Âge, Temps modernes, Paris, PUF, 1998, pp. 363-372.
28 Christophe Guillaume Koch, Discours sur l’ancienne gloire littéraire de la ville de Strasbourg, Strasbourg, Levrault, 1809, pp. 18-19, cité par François-Georges Dreyfus, « L’Université protestante de Strasbourg durant la seconde moitié du XVIIIe siècle », ouvr. cité, p. 90.
29 Jürgen Voss indique par exemple La Véritable politique des gens de qualité (1752) et de Johann Jakob Schmauss, Kurzer Begriff der Historie der vornehmsten europäischen Reiche und Staaten (1755) : « L’École diplomatique de Strasbourg l’ENA de l’Ancien Régime ? », art. cité, p. 209.
30 De sacris Galliae regum in Orientem expeditionibus commentatio historica, Dulssecker, 1726 (Kačina), Vindiciae Celticae, König, 1754 (Mnichovo Hradiště), Museum Schoepflini recenset par Jérémie Jacob Oberlin publié en 1770 (Kačina).
31 Abrégé de l’histoire des Traités de Paix entre les puissances de l’Europe depuis la paix de Westphalie, Bâle, Decker, 1796-1797, 4 vol. ; Tables généalogiques des maisons souveraines de l’Europe, Treuttel, 1782.
32 Par Simon Jacquet, Simon Kuerssner, 1782 (bibliothèque de Horšovský Týn, de la famille Trauttmannsdorf).
33 Bauer & Cie, Heitz, 1773-1779, 14 vol. (Horšovský Týn)
34 Jamerey ou Jamerai-Duval, attaché à François III, duc de Lorraine puis grand duc de Toscane et enfin empereur (de 1745 à 1765), il devint directeur du Cabinet Impérial. Cf. l’article de Hans-Jürgen Lüsebrink dans ce volume, pp. 147-160. Ses œuvres parurent chez Treuttel en 1784 (Horšovský Týn, Kačina).
35 Imprimé par Doulssecker, présent chez les archevêques d’Olomouc et dans trois autres bibliothèques.
36 Treuttel 1787-1789 (chez les Metternich, les archevêques d’Olomouc et dans quatre autres bibliothèques).
37 Traduction française de Jakob von Stählin, Treuttel, 1787 (chez les archevêques d’Olomouc et autres).
38 Geschichte Gustavs III. Strasbourg, F. Spach, 1793 (bibliothèque de Kačina).
39 Strasbourg, Melchior Pauschinger, 1750 (Bystřice et Klasterec nad Ohří 1758).
40 Lettre du 6 novembre 1756 sur le mémoire raisonné et ses piéces justificatives, 1756 (Mnichovo Hradiště).
41 Die Französische Constitution, oder Urkunde der französischen Regierungsverfassung, 1791 (Kačina).
42 De Mathieu Dumas : Paris et Strasbourg, Treuttel et Würtz ; Hambourg, Frédéric Perthes, 1800 avec cartes et plans, les différents volumes portent des titres différents (bibliothèques de Horšovský Týn, Jaroslavice)
43 Pierre Louis Manuel, La Police de Paris dévoilée, Par Pierre Manuel, L’un des Administrateurs de 1789. Tome I. – II., Paris, chez J. B. Gernery ; Strasbourg, Treuttel ; Londres, de Boffe, 1794.
44 Doulssecker 1727. L’ouvrage se trouve dans les bibliothèques de Kačina, Kynžvart, Opočno.
45 Josef Schweighaeuser, Description nouvelle de la Cathédrale de Strasbourg, Simon Kürsner, 1770 ; François Miler, Description nouvelle de la Cathédrale de Strasbourg, et de sa Fameuse Tour, Franc. Antoine Haeusier, 1788.
46 Édition de Jean Lorenz Blassig, Bauer et Treuttel, 1777.
47 Édition de Bauer, 1750.
48 François Thomas Marie Baculard d’Arnaud, Erholungsstuden des Mannes vom Gefühl, Librairie académique, 1784 (bibliothèque de Mimoň de la famille Hartig).
49 André Chénier, Karl der Neunte, oder die Pariser Bluthochzeit, Amand König, 1790.
50 Bibliothèque de l’Académie des sciences, Prague, bibliothèque personnelle de Václav Tham n° 248.
51 Sämmtliche Werke mit Wilh. Warburtons Commentar, Heitz et Dannbach, 1778-1779, 13 vol.
52 Lettres choisies, Jean Godefroi Bauer, 1753.
53 Essai sur l’homme, Amand König, 1772 (1re éd. 1762).
54 Der Ehemann nach der Mode, Levrault, 1781, Die Liebe inter verschiedenen Larven, Levrault, 1782.
55 Par l’auteur britannique William Roscoe (Paris, Strasbourg, Treuttel et Würtz, 1799).
56 Neueingerichtete Grundsätze der englischen Sprache zum gebrauche der Deutschen, Strassburg, König, 1758 (Kroměříž).
57 Nouveau parlement françois et allemand = Kurze Einleitung zur französischen und deutschen Sprache, Strasbourg, vve Louis Hougard ; Metz, Collignon, v. 1780 (Červený Hradek).
58 L’édition du traité de Gottsched en français : Le Maitre allemand ou nouvelle grammaire allemande de M. le prof. Gottsched, König, 1760 (Kačina) ; Nouveau dictionnaire portatif français-allemand, Strasbourg, 1775. Voir aussi dans le présent volume la contribution d’Emmanuelle Chapron, pp. 127-146.
59 Ideenmagazin für Liebhaber von Gärten, Englischen Anlagen, Leipzig, Baumgärtner ; Paris, Fuchs ; Paris, Strasbourg, König, 1796-1806, 5 vol., et de même un Recueil d’architecture, Paris, Jombert ; Lyon, L. Rossets ; Strasbourg, Treuttel, 1791 (Kačina).
60 Coédition de Treuttel avec Boffe à Londres et J. B. Garnery à Paris, 1792.
61 Librairie académique, 1790.
62 Anekdoten vom Französischen Hofe vorzüglich aus den Zeiten Ludwigs des XIV, Strasbourg, s. n., 1795 (1re éd. allemande, 1789).
63 Jacques Delille, L’homme des champs, Starsbourg, Levrault, 1800.
64 Œuvres complettes, Strasbourg, Paris, Treuttel, 1791 (Kynžvart, Dačice, Bystřice, etc.)
65 Claire Madl, « De l’image de la Suisse aux réseaux commerciaux. La circulation des livres suisses en pays tchèques à la fin des Lumières », dans Histoire et civilisation du livre, VII, 2011, pp. 233-247.
66 Jürgen Voss, « Un centre de diffusion de livres français dans l’Allemagne du XVIIIe siècle : la librairie Fontaine à Mannheim », dans (dir. Michel Espagne, Michael Werner) Les Relations interculturelles dans l’espace franco-allemand (XVIIIe et XIXe siècle), Paris, Recherches sur les civilisations, 1988, pp. 261-272.
67 Claire Madl, « Les aristocrates clients, complices... », art. cité, pp. 175 et 179-182 : le prince Karl Egon de Fürstenberg se fournit, entre autres libraires, chez Fontaine de Mannheim et chez Gräffer de Vienne.
68 Claire Madl, « Tous les goûts à la fois ». Les engagements d’un aristocrate éclairé de Bohême, Genève, Droz, 2013, pp. 92-93 (« Histoire et civilisation du livre »). Archives de la région de Litoměřice (CZ), Archives de la famille Hartig, n° inv. 123, cart. 11, livre de compte : 35 florins réglés en mai 1790, 135 en 1791 et 234 en janvier 1792. Ainsi doit-on sans doute réévaluer le rôle de la Librairie académique comme exportateur de livres français. Cf. Philippe Claus, « Un centre de diffusion des Lumières à Strasbourg : la Librairie académique” », dans Revue d’Alsace, n° 108, 1982, pp. 81-102, ici p. 90.
69 Claire Madl, « Tous les goûts à la fois », ouvr. cité, p. 93.
70 Cf. infra.
71 Addition aux catalogues et supplémens des freres Gay, libraires, S. l. Vienne ; Strasbourg ; Paris, v. 1780, 50, 16 p. (Bibliothèque du Musée national, Kačina).
72 Dans le paragraphe qui suit, nous tenons nos informations du répertoire des imprimeurs libraires installés à Vienne : Peter R. Frank, Johannes Frimmel, Buchwesen in Wien 1750-1850. Kommentiertes Verzeichnis Buchdrucker, Buchhändler und Verleger, Wiesbaden, Harrassowitz, 2008. Nous indiquons ci-dessous uniquement les sources complémentaires à cet ouvrage de référence.
73 Il est en effet mentionné comme co-auteur par plusieurs éditeurs de recueils de cartes : celles éditées à Nuremberg en 1729 par Johann Baptist Homann (Landgraviat[us] Thuringiae Tabula Gener[a]lis) ou à Amsterdam par Gérard Valk vers 1700 (Nova Totius Geographica Telluris Proiectio).
74 L’État de la Guerre présente en Italie, Vienne, Briffaut, 1734 ; Théatre de la Guerre dans la Bannat de Temesvar, Vienne, Briffaut, 1739 ; Le Royaume de Bosnie dans son entier, Vienne, Briffaut, 1738, Théatre de la Guerre en Hongrie, Bosnie, Servie et Tartarie, Crimeé, en II Grandes feuilles, Wien, 1738.
75 Catalogus Seu Collectio D. Briffaut a Slawietin, Vienne, Van Ghelen, 1758.
76 Ou Bartholemy : cf. Philippe Claus, « Un centre de diffusion des Lumières à Strasbourg », art. cité, p. 82 ; Peter R. Frank, Johannes Frimmel, Buchwesen in Wien, ouvr. cité, p. 16.
77 Kurze Geschichte der Rebellion in Siebenbürgen : nebst historischgeographischen Erläuterungen ; mit den Schattenrissen der beyden Rebellen Horia und Gloczka, Strasbourg, Bartholomä, 1785 (bibliothèque des Metternich).
78 Les dates d’activité de Johann Mangot sont données par R. R. Frank, J. Frimmel, Buchwesen in Wien, ouvr. cité, p. 175, mais on connaît un catalogue de « la veuve Mangot » de 1795 : Catalogue des livres français qui se trouvent chez la veuve Mangot libraire en foire sur le Hoff Nr. 319, novembre 1795, 57 p. (Bibliothèque du Musée national, Kačina).
79 Mémoire raisonné sur la circulation intérieure du commerce dans les états de la maison d’Autriche..., ou, Plan général de navigation par des routes d’eau de toutes les mers de l’Europe à la ville de Vienne, Strasbourg, Gay, 1786. Mais il porte la mention au verso de la p. de titre : « Cet Ouvrage se trouve À Paris, chez Bélin, Libraire, rue Saint-Jacques. À Vienne, (Autriche) chez J. Gay, Imprimeur-Libraire. En Foire de Leipsig, chez Græffer, Libraire ». L’ouvrage, qui se trouve quatre fois dans notre échantillon, fut édité en parallèle en allemand avec l’adresse de Strasbourg et Leipzig.
80 Par exemple : Catalogue des contrats de mariage et testament conservés dans les Tables des États de Basse-Autriche (1788).
81 Comparer avec : Frédéric Barbier, « Buchhandelsbeziehungen zwischen Wien und Paris zur Zeit der Aufklärung », dans (dir. Johannes Frimmel, Michael Wögerbauer) Kommunikation und Information im 18. Jahrhundert. Das Beispiel der Habsburgermonarchie, Wiesbaden, Harrassowitz, 2009, p. 34.