La diffusion des connaissances utiles au XVIIIe siècle : Élie Bertrand, la Société économique d’Yverdon, sa bibliothèque et son cabinet de curiosités
Thierry DUBOIS
Bibliothèque de Genève
Réunis par des princes pour le prestige, des savants pour l’étude ou de simples amateurs pour le plaisir des yeux, publics ou privés, les cabinets de curiosités fleurissent dès la Renaissance. Microcosmes du visible, théâtres du monde, abrégés de l’univers, inventaires de la Création, ils illustrent le goût pour le beau, l’étrange, le rare et l’exotique ; spécimens naturels, monstres et merveilles côtoient tableaux, antiques et instruments mécaniques. Les collections comprennent deux grandes catégories d’objets, les naturalia, qui regroupent des spécimens des trois règnes, et les artificialia, autrement dit des « sauvageries » (des objets ethnographiques), des œuvres d’art (antiques, tableaux, estampes, pierres gravées, etc.), des médailles et monnaies, ainsi que des instruments scientifiques.
Au XVIIIe siècle, les collections de curiosités tendent à se spécialiser. Le nombre des cabinets, des ouvrages et des cours d’histoire naturelle croît à mesure que les cabinets de numismatique perdent du terrain1. À Paris on compte dix-sept cabinets de ce type en 1742, vingt en 1757, cinquante en 1767, cent trente-cinq en 17802. Certains se spécialisent même dans une branche particulière de l’histoire naturelle, par exemple la conchyliologie ou la minéralogie. Peu à peu les vestiges de l’histoire de l’univers supplantent les monuments de l’histoire des hommes, l’antiquaire s’efface devant le naturaliste, même si tous deux fouillent les entrailles de la terre. Si des amateurs continuent de recueillir les productions de la nature pour la montre ou par simple curiosité, les savants sont de plus en plus nombreux à se passionner pour l’histoire naturelle dans une double perspective épistémique et utilitaire. Directement liés à leur pratique scientifique, les ensembles qu’ils constituent doivent servir la connaissance de la nature et conduire à une exploitation rationnelle de ses richesses. L’impératif est de rendre la nature intelligible et utile, de la faire entrer dans des catégories rationnelles et de la discipliner. Dans les cabinets savants, les exigences de la science prennent le pas sur le goût de la merveille et l’accent se déplace de l’exception à la règle, du singulier à l’universel et de l’exotique à l’indigène. Il ne s’agit plus tant de collecter les jeux de la nature que de dégager ses lois. Si les lointains ne perdent pas de leur attrait, la priorité est au quadrillage du territoire et à l’inventaire exhaustif de ses ressources exploitables3.
À partir de 1740, le goût de la curiosité évolue vers la constitution de lieux de savoir publics à visée pédagogique4. Sociétés savantes, bibliothèques et cabinets sont comme trois pièces d’un même dispositif d’utilité publique. Les collections particulières de productions de la nature accueillent visiteurs et cours magistraux ; leur agrégation à des institutions telles que sociétés savantes ou bibliothèques publiques élargit leur ouverture à la collectivité. C’est dans le même temps que se constituent les disciplines scientifiques et la profession de naturaliste. La formation des savoirs s’accompagne de l’institutionnalisation des collections et de la professionnalisation du monde savant. Au siècle suivant, un mouvement inverse détachera le cabinet de la bibliothèque pour donner naissance à des musées spécialisés, administrés par les pouvoirs publics.
UN SAVANT COSMOPOLITE
En 1759, des patriciens bernois fondent la Société économique de Berne, une société d’utilité publique destinée à promouvoir le développement de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. Deux ans plus tard, cinq bureaux de correspondance voient le jour dans le Pays de Vaud. Dès ses débuts, la Société économique d’Yverdon se constitue, pour l’essentiel par le biais de dons en nature de ses membres, une bibliothèque de travail qui devient publique en 17635. Dans le même temps, elle recueille les premières pièces d’un cabinet de curiosités. Élie Bertrand (1713-1797) fait partie non seulement des premiers et des plus généreux bienfaiteurs de la bibliothèque, mais il a littéralement posé la première pierre du cabinet de curiosités en lui faisant présent en 1764, par l’intermédiaire de son fils, de ses doublets minéralogiques.
À travers la figure singulière de ce savant et l’exemple d’Yverdon, cet article ambitionne de mettre en évidence trois types de liens : entre les espaces privé et public dans la constitution des collections de livres ou d’objets ; entre les sociétés savantes, les cabinets d’histoire naturelle et les bibliothèques publiques dans la diffusion des connaissances utiles ; entre les savoirs théoriques et leurs applications pratiques au XVIIIe siècle.
Né à Orbe, issu d’une famille de réfugiés huguenots originaires du Languedoc, Élie Bertrand fut diacre puis pasteur de l’église française de Berne et secrétaire français de la Société économique de Berne dès ses débuts. Précepteur de deux comtes polonais, les frères Joseph et Michel Mniszech, de 1762 à 1768, il renonce à la carrière ecclésiastique en 1765, au moment où le roi de Pologne Stanislas-Auguste le nomme conseiller aulique. Alarmé par les troubles qui déchirent la Pologne quatre ans avant son premier partage, Bertrand quitte ce pays à l’automne 1768, couvert d’honneurs – admis à l’indigénat par la Diète, anobli et gratifié du titre de baron. Retiré dans le Pays de Vaud, il coule le reste de ses jours entre Yverdon et sa maison de campagne, à Champagne. Dès 1773, il siège dans la Société littéraire qui administre la bibliothèque publique d’Yverdon, dont il est le boursier pendant dix ans, il tient salon et continue d’écrire et de publier6.
De son vivant, Élie Bertrand occupe une place de choix dans la république des lettres : c’est un savant reconnu dans l’Europe entière. Ami d’Albert de Haller, il est en correspondance avec Voltaire, Linné, Formey et Maupertuis. Très tôt il déploie une activité scientifique importante. Outre des recueils de sermons, des ouvrages de morale, de philologie, des textes liturgiques et ecclésiologiques, il publie cinq ouvrages de géologie et de sismologie qui lui valent d’être agrégé à une douzaine de sociétés savantes ou académies étrangères avant 1763. Il est aussi l’un des principaux collaborateurs de l’Encyclopédie d’Yverdon (1770-1780), qu’il enrichit de quelque cent quatre-vingts articles d’histoire naturelle, de géographie, de morale, de philosophie, d’histoire de la langue et de théologie. Dans la mesure où il tente de concilier les résultats d’une étude empirique de la nature avec le plan divin que révèlent les Saintes Écritures, son approche relève de la théologie naturelle, chère à William Derham, dont il offrit la Théologie astronomique et la Théologie physique à la bibliothèque de la Société économique d’Yverdon en 17637.
Dans le parcours d’Élie Bertrand, sociétés savantes, bibliothèques et cabinets de curiosités naturelles sont indissolublement liés au désir de servir l’intérêt général. À ses yeux, les productions de la nature et celles de l’esprit vont de pair, les objets font pendant aux livres dans la transmission du savoir. Membre de dix-sept sociétés savantes ou académies à la fin de sa vie, il constitue plusieurs cabinets d’histoire naturelle au fil du temps. Sans être le fondateur ni de la Société économique d’Yverdon, ni de sa bibliothèque publique, comme on le lit souvent, il leur a donné ou légué tant des livres que des minéraux. En 1758, le roi du Danemark l’invite en vain à présider une académie et à former un cabinet d’histoire naturelle à Copenhague. Sa première collection minéralogique, qu’il vend à l’Electeur palatin en 1764, doit orner l’académie récemment fondée à Mannheim. En 1766, il jette sur le papier le projet d’une autre académie qui doit abriter une bibliothèque et un cabinet d’histoire naturelle à Varsovie8.
LES CABINETS D’ÉLIE BERTRAND
Bibliothèques et cabinets d’histoire naturelle coexistent souvent au XVIIIe siècle, trahissant le même souci de savoir encyclopédique, de nomenclature systématique et de classement méthodique. Les objets et les instruments jouxtent les livres, doublant les collections d’œuvres de l’esprit d’échantillons des productions de la nature et de l’art, comme le suggérait déjà Gabriel Naudé en parlant du décor des bibliothèques9.
Les grandes bibliothèques de Suisse romande possèdent toutes un cabinet de curiosités. Celle de l’Académie de Genève a enrichi le sien en recevant en 1725 celui que le naturaliste Louis Bourguet avait réuni à Neuchâtel10. Alexandre-César Chavannes, professeur de théologie (1766-1800) et bibliothécaire (1772-1781 et 1788-1799), a constitué à l’Académie de Lausanne un cabinet d’histoire naturelle et de numismatique dont les objets ont été déposés au Musée de zoologie et au Musée monétaire cantonal au XIXe siècle11. En 1788, dès que le Conseil de Neuchâtel forme le projet d’employer une partie de l’immense legs du baron David de Pury, négociant et banquier à Lisbonne, à la fondation d’une bibliothèque publique, il est question d’y adjoindre un cabinet d’histoire naturelle. L’idée prend corps lorsqu’en 1795 le colonel Charles Daniel de Meuron fait présent à la ville du riche cabinet d’histoire naturelle et d’ethnographie qu’il possède à Saint-Sulpice. Embryon des collections des musées d’histoire, d’histoire naturelle et d’ethnographie de Neuchâtel, il jouxte la bibliothèque. Le bibliothécaire est conservateur ex officio du cabinet, qui ne sera séparé de la bibliothèque qu’en 182912.
Mais la vogue de l’histoire naturelle fleurit surtout chez les particuliers. Parmi beaucoup d’autres, les grands géologues genevois, Horace-Bénédict de Saussure et les frères Jean-André et Guillaume Antoine Deluc, possèdent un cabinet minéralogique13. À La Ferrière, dans l’évêché de Bâle, Abraham Gagnebin et son frère Daniel constituent une collection d’histoire naturelle qu’on accourt visiter de l’Europe entière. Hétéroclite, elle comprend un herbier vivace de plus de huit mille plantes, plus de deux mille cinq cents fossiles et minéraux, sept cents médailles et monnaies antiques, des oiseaux empaillés, des insectes, des poissons, des crustacés, des coquillages, des gravures, un automate et des squelettes humains14.
De son côté, Élie Bertrand rassemble successivement plusieurs cabinets d’histoire naturelle par le biais de récoltes sur le terrain, d’achats et d’échanges avec d’autres collectionneurs, notamment Jean-Jacques de Sandoz à Neuchâtel, Henri de Sandoz au Locle, à Berne l’avocat Gottlieb Sigmund Gruner, auteur de Die Eisgebirge des Schweizerlandes (1760-1762), et les frères Gagnebin15.
Des trois branches de l’histoire naturelle, la zoologie, la botanique et la minéralogie, qui correspondent aux trois règnes de la nature, Bertrand s’intéresse avant tout à la dernière. En principe, animaux et végétaux ne se rencontrent dans ses collections que sous une forme fossile. La minéralogie se distingue des deux autres branches de cette science, essentiellement descriptives, par le fait qu’elle s’inscrit dans une perspective diachronique : elle nourrit la « théorie de la terre », car les minéraux « dispersés dans les viscères stratifiés16 » de la planète racontent l’histoire de l’univers et de sa formation, ils sont les témoins des révolutions du globe (les cataclysmes, la genèse des reliefs montagneux) ou les vestiges d’espèces animales ou végétales disparues. Toutefois Bertrand se prive de ces « subtils chronomètres de l’histoire de la Terre17 » en s’obstinant à reporter l’origine des montagnes et des fossiles à la Création.
Bertrand comptait donner aux autorités bernoises sa première collection, qu’il avait commencé à rassembler vers 1739, à son retour de Hollande, où il avait étudié à Leyde tout en officiant comme précepteur à La Haye pendant trois ans :
J’avois depuis 25 ans rassemblé des fossiles de tous les genres, surtout de la Suisse ; j’avois dit et répété que je serois très charmé de remettre cette collection à LL. EE. J’aurois pu faire chaque hiver 4 ou 5 démonstrations, avec un discours public sur une partie. Insensiblement j’aurois parcouru la minéralogie. Je n’aurois point demandé de pension ni d’aumône. J’ai vu que rien ne prenoit, et j’ai remis cette collection à l’électeur Palatin, qui m’a sollicité à aller la ranger...18
C’est au début de 1764, peu avant d’entamer un tour d’Europe avec ses pupilles polonais, que Bertrand vend l’essentiel de son premier cabinet d’histoire naturelle à l’électeur palatin, Karl Theodor von Pfalz-Sulzbach, qui vient de fonder l’Académie des sciences de Mannheim l’année précédente19.
En 1758, sa réputation de naturaliste et de collectionneur est déjà bien établie en Europe lorsque le roi de Danemark et de Norvège Frédéric V le gratifie d’une médaille d’or en l’invitant à « être à la tête d’un cabinet que l’on commençait à former et dans une académie qu’on voulait établir sur un nouveau plan20 » à Copenhague. Bertrand décline l’offre du roi mais, sans doute pour se dédouaner, il lui dédiera son Dictionnaire oryctologique cinq ans plus tard.
En 1764, le fils d’Élie Bertrand, Jean-Charles (1746-1811), qui entame des études de théologie à l’Académie de Lausanne, fait don à la Bibliothèque publique d’Yverdon d’un « cabinet de curiosités naturelles avec l’inventaire fourni par lui-même21 ». Les pièces doivent être assez nombreuses puisqu’elles parviennent de Berne renfermées dans deux ballots22. Il s’agit en réalité des doublets du cabinet de Bertrand père, comme son fils le précise dans une lettre adressée à la Bibliothèque :
J’ai rangé depuis peu de tems le cabinet d’histoire naturelle de mon cher père, et j’en ai séparé les pièces à double. Il a eu la complaisance de me permettre de disposer de ce superflus. Instruit que l’on formoit une bibliothèque dans une ville, dont je fais gloire d’être né citoyen, je n’ai point hésité de vous prier, Monsieur, d’ofrir à votre Illustre Société œconomique, ce tribut de mon dévouement et de ma considération23.
Cette lettre confirme qu’Élie Bertrand n’avait pas vendu l’intégralité de son cabinet à l’électeur palatin. Présenté à la Société économique d’Yverdon par Jean-Charles Bertrand, le catalogue manuscrit des doubles qui lui ont été cédés a disparu24. Il s’agissait avant tout de corps marins et de fossiles, que Bertrand fils rangea lui-même, séparément, dans une armoire qu’au début de 1765 Pierre Perrinet de Faugnes, receveur général des sels de France pour la Suisse, offrit à la Société économique d’Yverdon, dont il était membre honoraire depuis 176125 :
Monsieur de Faugnes vient de me remettre de votre part, Monsieur, une grande pinne marine, une plante marine du genre des fucus, un grand buccin, apellé triton, et un grand rocher. Il veut proposer à l’assemblée prochaine un meuble, dont il fournira le dessein, pour ranger toutes nos curiosités dans l’ordre rélatif à votre catalogue26.
Quand Bertrand s’installe à Yverdon à son retour de Pologne en 1768, il rassemble un nouveau cabinet d’histoire naturelle :
M. Élie Bertrand (...) possède à Yverdon, dans le canton de Berne, un très-beau cabinet d’histoire naturelle, dont il a publié une description sommaire à la suite de son Recueil de divers traités sur l’histoire naturelle de la terre. Ce cabinet consiste principalement en fossiles et en minéraux de toute espèce : il les divise en fossiles propres et en fossiles accidentels ou pétrifications, parmi lesquels ceux de la Suisse tiennent un rang distingué. Sa nombreuse collection de testacées et autres corps marins, contient des morceaux rares et est rangée suivant une méthode qui approche de celle de M. d’Argenville27.
À sa mort en 1797, Élie Bertrand, par disposition testamentaire, lègue l’ensemble de son second cabinet d’histoire naturelle à la Direction de la Bibliothèque, à laquelle il appartenait :
Pour prévenir la dispersion, et par là même la nullité de son cabinet d’histoire naturelle, le testateur le donne en entier à la Bibliothèque publique d’Yverdon, avec les meubles qui le contiennent, savoir une armoire à deux portes, et trente-six tiroirs, une grande comode à plusieurs tiroirs, et planches à rebords, avec le catalogue in-folio, manuscript, suivant la méthode de d’Argenville et de Valérius28.
Le catalogue de cette donation a disparu. La réponse que la Bibliothèque d’Yverdon fournit à l’enquête sur les bibliothèques diligentée par le ministre des Arts et Sciences de la République helvétique, Philippe Albert Stapfer, rappelle les bienfaits de Bertrand :
Lors de l’établissement de la Bibliothèque à la Maison de Ville, Mr. Bertrand, cy-devant pasteur à Berne, fit un présent considérable de pièces d’histoire naturelle dans les 3 genres [règnes] ; quelques autres personnes y ajoutèrent différentes pièces curieuses. Mais à la mort dudit Mr. Bertrand, il légua son cabinet très complet et curieux, en sorte que l’on est très assorti, et riche dans cette partie29.
Selon l’inventaire dressé en septembre 1881 par Louis Rochat, conservateur du Musée d’Yverdon, qu’il a grandement enrichi de ses propres trouvailles archéologiques locales, la collection Bertrand a fourni cent quatre-vingt-cinq minéraux simples, quarante-six roches, quelque six cents fossiles, dont la plupart sont indéterminables et sans mention de provenance et dont « il n’y en a pas un sur dix qui puisse être placé dans une collection scientifique » selon Rochat, et sept spécimens zoologiques (deux œufs de raie, trois de requin, les mâchoires d’un poisson herbivore et une langouste)30. Le catalogue de Bertrand manquait en 1881 déjà. Parmi les fossiles qu’il a collectés, seuls sont identifiables ceux qui portent une diagnose indubitablement écrite de sa main. Il s’agit pour l’essentiel de pièces régionales.
Parmi les premiers souscripteurs de la Bibliothèque, d’autres que Bertrand lui font présent de curiosités au XVIIIe siècle. Quelque quatre-vingt trois autres pièces trouvent leur chemin vers le cabinet de curiosités entre 1764 et 1783, dont une cinquantaine de médailles et de monnaies, un squelette d’enfant et deux bézoards31. En 1765, retour de Bornéo, où il a travaillé pour la compagnie des Indes orientales pendant une douzaine d’années, Jacob Duthon fait don d’un œuf d’autruche gravé, d’une corne de rhinocéros du cap de Bonne-Espérance, d’une rose de Jéricho, de coquillages, d’un morceau de crocodile, d’un bol en forme de noix de coco, de quatre objets chinois (un abaque, un livre dans un étui de bambou, une balance romaine pour peser l’or et les diamants, et une boussole de marine) et d’un manuscrit en malais32. Avant la fin de l’Ancien Régime, peut-être le cabinet de la Bibliothèque accueillit-il également un ensemble de pièces ethnographiques provenant des Indiens du Nord-Est de l’Amérique, lequel aurait pu être donné par le général Frédéric Haldimand, gouverneur de la province de Québec (1777-1784), après 1783, date à laquelle s’interrompt le registre des dons33. Le Musée d’Yverdon conserve un globe terrestre donné par le général Haldimand34 avec son pendant céleste, qui a disparu, ainsi qu’un planétaire qui a appartenu à Élie Bertrand35.
Dans son récit de voyage, Mme de Gauthier évoque en 1790 un don de Jean-Rodolphe de Treytorrens, à qui on devrait également des objets provenant d’Amérique du Nord, de Chine et d’Inde36 :
On trouve à l’Hôtel-de-Ville une bibliothèque formée et entretenue par une société de particuliers riches et généreux. On voit dans la même salle, des antiquités qui ont été trouvées en creusant une cave en 1769 : n’ayant pu les voir, je transcris ce qui a déjà été dit à ce sujet :
« En creusant près d’un moulin, on découvrit plusieurs squelettes bien conservés dont le visage étoit uniformément tourné à l’orient. Ils étoient dans une couche de sable, sans qu’il y parût aucun reste de planche, ni de vestige d’aucun tombeau. Ils avoient entre leurs jambes, de petites urnes de terre ou de verre ; elles étoient accompagnées de petits plats de terre, où il restoit encore des os de volaille bien conservés. Les fragmens de ces plats sont en terre rouge. II s’est aussi trouvé à côté des squelettes, des médailles en cuivre et en argent, du tems de Constantin et antérieurs. Ces monumens sont déposés dans la bibliothèque publique. »37
Dans le cabinet de curiosités d’Yverdon, les productions de la nature, dans les trois règnes, côtoient les prouesses de l’art, des trouvailles archéologiques, des monnaies et des médailles antiques ou modernes, des instruments scientifiques, des objets ethnographiques, un portrait gravé de Rousseau, mais aucun tableau ni mobilier précieux. Les dictionnaires géographiques et les récits de voyage du tournant des XVIIIe et XIXe siècles s’appesantissent avant tout sur la présence d’antiquités romaines38. Un voyageur des Lumières souligne que « cette bibliothèque est l’une des plus curieuses, et des plus visitées de toutes celles qui honorent la République39 ».
COLLECTER, CATALOGUER ET CLASSER
Au XVIIIe siècle, le champ d’étude pour lequel Bertrand se passionne se nomme minéralogie, terme qui a une extension beaucoup plus large qu’aujourd’hui puisqu’il inclut la géologie – c’est-à-dire aussi bien la minéralogie au sens où nous l’entendons que l’orographie et la paléontologie –, et ses sciences annexes, la sismologie et la vulcanologie par exemple :
Sous quelque point de vue que l’on envisage la minéralogie, son objet est très-vaste, et ses branches très-étendues. Elle s’occupe des substances dont est composé le globe que nous habitons ; elle considère les différentes révolutions qui lui sont arrivées ; elle en suit les traces dans une antiquité souvent si réculée, qu’aucun monument historique ne nous en a conservé le souvenir ; elle examine quels ont pu être ces événemens surprenans par lesquels tant de corps appartenant originairement à la mer, ont été transportés dans les entrailles de la terre ; elle pèse les causes qui ont déplacé tant de corps du règne animal et du règne végétal, pour les donner au règne minéral ; elle fournit des raisons sûres et non hasardées de ces embrasemens souterrains, de ces tremblemens sensibles, qui semblent ébranler la terre jusques dans ses fondemens ; de ces éruptions des volcans allumés dans presque toutes les parties du monde, dont les effets excitent la terreur et la surprise des hommes : elle médite sur la formation des montagnes, et sur leurs différences ; sur la manière dont se sont produites les couches qui semblent servir d’enveloppe à la terre ; sur la génération des roches, des pierres précieuses, des métaux, des sels, etc.40
Pour Bertrand, la minéralogie est coextensive à l’oryctologie. Ce terme, qu’il utilise pour la première fois dans le « Discours liminaire » de son Dictionnaire en 1763, apparaît dans la langue française en 1755 chez Dezallier d’Argenville41, qui l’a peut-être emprunté au Supplément de la Cyclopaedia de Chambers (1753), précurseur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert42. Bertrand propose de renommer le règne minéral « règne fossile », tous les fossiles n’étant pas des minéraux43. Comme le révèle le titre complet de son Dictionnaire universel des fossiles, se fondant sur le sens étymologique aussi bien du latin fossilia que du grec ὀρυκτός (« tiré de la terre », d’un verbe signifiant « creuser, fouiller ») pour donner au mot « fossile » une extension beaucoup plus large qu’il n’a de nos jours, Bertrand distingue les « fossiles propres », ou natifs, des pétrifications, qu’il appelle « fossiles accidentels » :
Nous prenons le nom de FOSSILE dans l’acception la plus étenduë, pour désigner tout ce qui se tire de la terre, ou qui se trouve dans son sein ; soit qu’il y soit propre, comme les sables, les terres, les pierres, les sels, les soufres, les bitumes, les minéraux, les métaux ; soit qu’il s’y rencontre accidentellement, comme les coquilles fossiles, et les pétrifications des animaux, des végétaux, des lithophytes et des zoophytes44 .
Dans un sens plus étroit, il définit les fossiles comme « tout ce qui croît ou se forme en terre, sans paroître avoir de vie », et les pétrifications comme « des végétaux ou des animaux devenus fossiles, et pour la plupart changés en pierre. Ce sont des fossiles adventices, ou accidentels, qui ont fait primitivement partie d’autres règnes45 ». Aujourd’hui, les premiers relèvent de la géologie, alors que les seconds, qui seuls méritent l’appellation de fossiles, ressortissent à la paléontologie. Dans le catalogue de son premier cabinet d’histoire naturelle, Bertrand appelle les uns « corpora quae e terra effodiuntur fossilia », et les autres, « corpora quae terrae adventitia ex ea effodiuntur : petrefacta46 », mais la classification n’est pas la même dans le Museum et dans le Dictionnaire. En l’espèce, tout comme dans son Essai sur les usages des montagnes, qui fait le départ entre les « corps originaires de la terre » et les « advénaires » (du latin advena, qui signifie « étranger »), Bertrand ne fait que reprendre la distinction entre les « fossiles naturels à la terre » et « les fossiles étrangers à la terre » que Dezallier d’Argenville opère dans son Histoire naturelle en 1755 et qu’il a peut-être empruntée à Chambers, qui oppose en 1728 les native fossils, or fossils properly so called , aux adventitious or foreign fossils, dans sa Cyclopaedia47.
L’intérêt de Bertrand pour la minéralogie se matérialise non seulement dans la constitution successive de plusieurs cabinets d’histoire naturelle, mais aussi dans une volée de publications qui s’étirent sur une vingtaine d’années et se développent le long des deux grands axes de la classification scientifique : la systématique et la nomenclature. Bertrand n’a pu mener à terme le projet de publier une Bibliothèque minéralogique, c’est-à-dire une bibliographie de cette science48.
Plus que tout, Bertrand cède à la fureur classificatoire de son époque. Au XVIIIe siècle, dans l’arrangement des collections, un classement fondé sur un système abstrait, issu d’une démarche comparatiste, remplace progressivement le principe de l’analogie sensible qui prévalait au siècle précédent. Les correspondances morphologiques entre les objets naturels cèdent le pas à une concordance entre leur ordonnancement intellectuel et leur disposition spatiale, entre leur classification et leur classement.
En 1752, Bertrand publie à Berne un premier catalogue abrégé de son cabinet d’histoire naturelle, en latin et en français49. Dans le premier ouvrage de géologie qu’il fait paraître la même année, les Mémoires sur la structure intérieure de la Terre, il se contente de dénier une origine organique aux « pierres figurées », notion désuète qui désigne les fossiles ressemblant à des animaux ou à des plantes vivant dans la mer50. Deux ans plus tard, le chapitre XVI de son Essai sur les usages des montagnes contient une « Idée générale d’un arrangement méthodique des fossiles », et se clôt par un inventaire méthodique des ressources naturelles du canton de Berne51. Entre 1758 et 1766 paraissent cinq éditions du second catalogue sommaire de son cabinet d’histoire naturelle, d’abord dans trois périodiques différents, puis dans une édition séparée, enfin dans un recueil d’essais52. Entre 1759 et 1760, Bertrand publie dans des journaux trois mémoires sur les bélemnites, l’amiante et le salpêtre53. En 1763 voit le jour son Dictionnaire universel des fossiles, plus connu sous le titre conventionnel de Dictionnaire oryctologique. Le Recueil de divers traités sur l’histoire naturelle de la terre et des fossiles (1766) ne contient aucun inédit. Il convient de mentionner encore les Elémens d’oryctologie en 177354, sans oublier une centaine d’articles de géologie parus dans l’Encyclopédie d’Yverdon entre 1770 et 1776. Bertrand ne fait plus rien paraître sur le sujet durant les vingt dernières années de sa vie.
Dans toutes les éditions successives du Museum Bertrandi, la nomenclature latine, suivie d’une traduction française succincte, ne descend pas plus bas que le niveau de la famille, sans même s’embarrasser de préciser le nombre de pièces que comptait chacune d’entre elles. Le caractère générique de ce catalogue, dénué de diagnoses, à l’inverse du catalogue de vente du cabinet des frères Gagnebin55, par exemple, l’assimile à une classification et explique sa réédition après la vente de la collection. En somme, sur la base de sa collection particulière, Bertrand crée un cadre de classement universel.
Au fil du temps, le savant élabore plusieurs systèmes de classification des minéraux. En 1763, dans le Museum Bertrandi, il les répartit en trois catégories (les fossiles, les pétrifications et les corps marins), divisées respectivement en treize, neuf et cinq classes. À deux reprises, en 1754 et en 1773, Bertrand adopte simultanément deux systèmes différents. En 1754, dans le chapitre XVI de son Essai sur les usages des montagnes, il répartit les fossiles en cinq classes (les terres, les sels, les bitumes, les minéraux et les métaux), en six dans l’« Index » qui clôt l’ouvrage (les terres, les sels, les bitumes et les soufres, les pierres, les minéraux ou demi-métaux, et les métaux). En 1763, il les distribue en dix classes dans l’article fossile de son Dictionnaire oryctologique universel (les terres, les pierres, les sels, les soufres, les minéraux, les métaux, les concrétions, les pétrifications, les pierres peintes et figurées, et les calculs). En 1773, dans l’article fossiles de l’Encyclopédie d’Yverdon, passant en revue d’un œil critique les systèmes de classification élaborés par ses prédécesseurs, pour les écarter un à un, Bertrand range à nouveau les fossiles en six classes, mais différentes (les terres, les pierres, les sels, les soufres, les minéraux et les concrétions), alors que dans les Elémens d’oryctologie, parus la même année, il en décrit neuf (les terres, les sables, les pierres, les sels, les pyrites, les demi-métaux, les métaux, les soufres et bitumes, et les pétrifications)56.
Pour couronner le tout, le testament d’Élie Bertrand précise que le classement de sa collection obéit aux méthodes de Dezallier d’Argenville et de Wallerius... Sans doute faut-il comprendre qu’il combine ces deux systèmes de classification, qui ne se recoupent pas. Dans son Oryctologie, Dezallier d’Argenville élabore une « Nouvelle méthode de distribuer tous les fossiles, suivant leurs qualités naturelles et apparentes, dans les classes qui leur conviennent ». Sa classification comprend sept classes en tout57. Quant à Johann Gottschalk Wallerius dans sa Minéralogie, il « divise les fossiles ou minéraux en quatre classes : savoir, les terres, les pierres, les mines et les pétrifications58 ». Si l’ordre règne à l’intérieur de chacune de ces classifications, il faut bien admettre que le désordre règne entre elles, tant la nature résiste aux tentatives de systématisation.
Dans le domaine de la nomenclature, Bertrand est connu par son Dictionnaire oryctologique. Comme il le relève lui-même, « on peut dire que nous sommes dans le siècle des lexicographes : il est peu d’art et de science, qui n’ait le sien59 ». À la tentative holistique de l’Encyclopédie s’oppose dans le même temps une tentative de compartimentation du savoir en disciplines discrètes. Qu’on pense, entre autres, au Dictionnaire de physique (1758) d’Aimé Henri Paulian ou au Dictionnaire de chimie (1766) de Pierre-Joseph Macquer. Le Dictionnaire des fossiles de Bertrand, comme l’Encyclopédie, mais dans les limites d’une discipline en cours de constitution, entend combiner systématique et nomenclature. Le dictionnaire est une collection de vocables livrant une synthèse à visée universelle d’un champ circonscrit du savoir, de même que le cabinet est une collection d’objets présentant un abrégé de la nature dans un espace clos et un ordre méthodique. Si le cabinet est un « magazin de la nature », qui offre « le moyen de raccourcir et d’applanir la surface de la terre60 », le dictionnaire est un cabinet de papier. Bertrand s’y fixe trois objectifs principaux : proposer une synthèse d’une multitude d’ouvrages de minéralogie dont le nombre croissant complique à proportion l’étude de la discipline ; simplifier le système de classification des fossiles ; réduire la tour de Babel des nomenclatures à l’unité de la langue française, « devenue peut-être la plus commune », en posant des équivalences synonymiques avec le latin et les principales langues vivantes (l’allemand, l’anglais et l’italien) :
Rassembler (...) les divers synonymes des divers auteurs et des différentes nations, saisir les caractères génériques et les principales différences spécifiques, diminuer le nombre des divisions et des subdivisions, rapprocher les choses qui se ressemblent, abréger les méthodes et fixer les noms des individus61.
Dans ses Elémens d’oryctologie, Bertrand, selon ses propres dires, « expose un système fort abrégé, mais très-lumineux, tiré des apparences sensibles, jointes aux expériences ou aux qualités découvertes par ses expériences, réunissant ainsi la méthode naturelle avec la méthode artificielle62 ». Il insiste sur la nécessité de combiner la méthode comparatiste du naturaliste avec la démarche analytique du chimiste pour procéder à une classification des minéraux, l’une se fondant sur leurs caractères extérieurs, l’autre reposant sur leurs propriétés révélées par des expériences scientifiques :
Il est constant que le coup d’œil extérieur ne suffit point pour nous faire connoître les corps du règne minéral (...) comme l’histoire naturelle doit avoir pour objet l’utilité de la société, il faut avoir une connoissance des qualités internes des substances minérales, pour savoir les usages auxquels ils [sic] peuvent être employés ; et ce n’est que la chymie qui puisse procurer cette connoissance63.
INSTRUIRE PAR LES YEUX
Le mot cabinet désigne aussi bien une pièce que la collection qu’elle renferme ou un meuble à tiroirs dans lequel on « serre » les objets. Dans un autre sens encore, cabinet désigne un lieu où l’on se retire pour étudier. Un cabinet d’histoire naturelle est à la fois un instrument de recherche et un outil de vulgarisation et de diffusion des connaissances scientifiques. Du cabinet d’étude, il fait un lieu ouvert sur le monde extérieur en accueillant aussi bien des naturalia ou des artificialia que le public. La leçon de choses y emprunte la voie de la démonstration : le maître met les objets de son discours savant sous les yeux de ses élèves, qui acquièrent par l’observation un savoir fondé sur une pratique intime des realia. Rappelons-nous que Bertrand aurait prodigué des cours publics si l’État de Berne avait accepté qu’il lui donnât sa collection en 1764. De même, à Varsovie comme à Copenhague, le cabinet devait être intimement lié à une académie, c’est-à-dire à un lieu de production et de diffusion du discours savant. L’Encyclopédie d’Yverdon dit bien que « la science de l’histoire naturelle fait des progrès à proportion que les cabinets se complètent » et qu’« un cabinet d’histoire naturelle est fait pour instruire ; c’est là que nous devons trouver en détail et par ordre, ce que l’univers nous présente en bloc64 ».
Aux yeux de Bertrand, si féru de classification, le cabinet doit obéir à un classement méthodique qui facilite l’enseignement et l’apprentissage :
Un cabinet est donc un livre toûjours ouvert, où l’observateur curieux et attentif s’instruit avec d’autant plus de facilité et de plaisir, qu’il le fait sans effort et plus promptement. La mémoire est soulagée par les yeux, et l’attention est soutenue par le plaisir de voir. L’ordre par conséquent fait un des plus grands mérites d’une collection pour l’histoire naturelle65.
Ici se noue le lien entre société savante, cabinet de curiosités naturelles et bibliothèque. Le cabinet est à la fois l’amphithéâtre où le savant enseigne l’histoire naturelle et un livre en permanence ouvert dans lequel le curieux peut s’instruire sans peine. La nature elle-même est un grand livre et le « théâtre immense de recherches utiles et trop négligées66 » :
Un cabinet bien rangé seroit certainement le vrai théâtre, où un maître pourroit enseigner l’histoire naturelle, et où un observateur pourroit en prendre le goût et les premières instructions : mais pour cela il faudroit que tout y fût placé dans la vûe d’instruire, et non pas seulement de plaire aux yeux [...] autant qu’il est possible, il faut sacrifier la symétrie à la méthode, et l’agrément de la vûe à la facilité de l’instruction (...). Si un cabinet est un lieu et un magazin d’instruction, la méthode, qui en doit déterminer l’arrangement, est l’âme de la vraye science, et le flambeau de celui qui veut s’instruire. Les caractères propres des choses, d’où naissent les différences d’avec les autres, font la base d’un systême méthodique, comme les dénominations convenables en sont le lien67.
Dans leur tour d’Europe, il initie les frères Mniszech aux sciences naturelles comme des nobles amenés à exercer des fonctions dirigeantes, et donc à œuvrer au bien public. Ensemble ils visitent aussi bien les cabinets de curiosités que les manufactures :
Le vrai bon goût ne peut se former que par la comparaison, ou par l’observation. Un jeune homme s’instruit mieux en une heure dans un cabinet d’histoire naturelle, qu’il ne pourroit le faire en dix ans de voyage, et d’observations particulières. Il seroit donc à souhaiter que dans tous les Hôtels de Ville on eût un recueil de toutes les espèces d’eau, de terre, de sable, de demi-métaux, de métaux, etc., qui se trouvent dans la province68.
La systématique doit primer la symétrie : il faut instruire l’esprit par les yeux et non flatter l’œil par les apparences ; l’art doit céder le pas à la science, la visée pédagogique l’emporter sur le goût esthétique. L’opposition entre le savant et le curieux se double d’une tension entre la systématique et l’esthétique :
Nous croyons en effet que le véritable arrangement d’un cabinet de fossiles doit être exactement selon le systême d’une distribution méthodique. Ce n’est pas les yeux, ou la symmétrie, qu’il faut consulter pour cet arrangement ; c’est une méthode exacte. Alors les cabinets peuvent instruire par les yeux ceux qui les visitent avec attention. Ainsi un curieux qui seroit à portée de former un cabinet de fossiles, ou en état de se le procurer, pourra trouver ici un plan d’arrangement systématique [...] Tout seroit placé dans chaque classe avec une suite de numéros correspondans à un catalogue méthodique, qui deviendroit lui-même, quand le cabinet seroit assez complet, un cours d’oryctologie69.
Pour Bertrand, rassembler un cabinet d’histoire naturelle et rédiger un traité scientifique sont deux opérations complémentaires, à visée avant tout didactique. Identifier, décrire et classer des objets naturels dans un traité ou un dictionnaire reconduit dans le discours le geste de les ranger dans un ordre méthodique dans les casiers étiquetés d’un cabinet. Comme le révèle le Museum Bertrandi, le catalogue systématique d’un cabinet bien fourni est en soi un cours d’oryctologie.
Mais la fréquentation des cabinets ne saurait suffire pour s’instruire, ils n’offrent « qu’une esquisse de la nature70 ». Comme dans les Elémens d’oryctologie, le curieux ne peut y recueillir que les premières notions de la science minéralogique. Pour parfaire ses connaissances, il doit effectuer des va-et-vient entre le livre de la nature, le cabinet d’histoire naturelle qui en fournit un abrégé organisé, les estampes, qui transportent les naturalia dans le monde de la mimésis, et leur catalogue méthodique, qui les arrache à leur chaos natif pour les subsumer dans l’abstraction arbitraire de la classification savante :
Pour apprendre à distinguer les fossiles, ce n’est point assés de lire un catalogue, fût-il même raisonné et détaillé, il faut le secours des planches et mieux encore la vue des cabinets. Ces collections sont surtout instructives, quand elles sont rangées systématiquement et non pas seulement pour l’œil...71
L’Encyclopédie abonde dans ce sens :
Les spéculations tranquilles du cabinet, les connoissances acquises dans les livres ne peuvent point former un minéralogiste ; c’est dans le grand livre de la nature qu’il doit lire ; c’est en descendant dans les profondeurs de la terre pour épier ses travaux mystérieux ; c’est en gravissant contre le sommet des montagnes escarpées ; c’est en parcourant différentes contrées, qu’il parviendra à arracher à la nature quelques-uns des secrets qu’elle dérobe à nos regards72.
La mise au jour des ressources naturelles enfouies dans le sein de la terre est un processus de révélation de ce qui est caché, de dévoilement des secrets de la nature. C’est le geste critique de la découverte de la structure et du sens.
Que de terres, dont on pourroit tirer parti pour des engrais, pour la perfection de l’agriculture, ou pour quelques fabriques, et sur lesquelles il faudroit faire des épreuves73 ?
LA RECHERCHE DU BIEN PUBLIC
Le simple titre de l’Essai sur les usages des montagnes (1754) révèle le parti pris utilitaire de son auteur. Par l’effet d’une mise en abyme, l’ouvrage lui-même se prête à un double usage pratique : c’est à la fois un manuel destiné aux amateurs qui souhaitent former un cabinet d’histoire naturelle et un guide pour les curieux qui visitent des collections pour s’instruire :
Je n’ai pas cru devoir toujours joindre la description à la nomenclature : j’eusse par là trop augmenté l’ouvrage. J’ai pensé qu’il suffisoit de décrire ce qu’il importe le plus de connoître, soit pour arranger un cabinet, soit pour reconnoître ce qui y est rangé74.
Or les traités d’oryctologie et les cabinets d’histoire naturelle visent un but autrement plus ambitieux, à la fois éducatif et économique. Dans son Dictionnaire, Bertrand se targuait de fournir un « plan systématique d’une science élémentaire, qui puisse servir à tout le monde75 ». Dix ans plus tard, la préface et le titre de son dernier ouvrage scientifique, les Elémens d’oryctologie, confirment qu’il s’agit de dispenser à tous les notions premières d’un enseignement général. Ce souci didactique ne saurait surprendre de la part d’un pasteur et précepteur qui est l’auteur d’au moins deux manuels destinés à ses pupilles76. Mais, qui plus est, pour Bertrand la démarche épistémique et pédagogique du naturaliste est indissociable d’une visée utilitaire subordonnée à un impératif civique. La théorie ne vaut qu’autant qu’elle sert un but pratique. Les sciences naturelles ont pour finalité leurs applications dans « les arts utiles », elles sont directement liées à la production des biens et à l’amélioration des conditions de vie. De même que le botaniste étudie les vertus des plantes afin d’enrichir la matière médicale et de contribuer aux progrès de la thérapeutique, le naturaliste analyse les propriétés des minéraux déterminant les usages qui leur confèrent une valeur économique. Il a le devoir civique de contribuer au bien public en instruisant les acteurs du secteur primaire.
À l’instar de la Société économique de Berne, Bertrand donne une prééminence absolue à l’agriculture. Promue « premier des arts », elle « suppose la connaissance physique des terres. » Si les agriculteurs ne jouissent pas de ce savoir, c’est aux curés, aux pasteurs, aux seigneurs et aux propriétaires terriens d’étudier l’histoire naturelle pour « instruire le peuple par des règles sûres, ou par des résultats pratiques, tirés des observations théorétiques77 ». À une époque où l’histoire naturelle tend à se constituer en profession, tout homme instruit est un naturaliste en herbe appelé à cultiver ce champ du savoir pour éduquer les masses ignorantes. Bertrand en vient même à souhaiter que les autorités supervisassent l’inventaire systématique des ressources naturelles du territoire par des observateurs qualifiés78.
Comme les connaissances du naturaliste influent directement sur la prospérité de l’État et de ses sujets, on comprend qu’« il n’est aucune académie, où l’on ne dût enseigner l’histoire naturelle79 », car cette science commande tout le champ de l’économie :
Toute l’économie, relative aux besoins des hommes, à ses [sic] jouissances, se rapporte à l’histoire naturelle ; l’économie minérale, l’économie végétale, l’économie animale. Il n’est donc aucune science plus nécessaire à l’homme80.
Si Bertrand fait présent aussi bien de livres que de productions de la nature à la bibliothèque de la Société économique d’Yverdon, première société savante du lieu, c’est qu’à ses yeux ces deux catégories d’objets s’éclairent mutuellement, qu’elles forment un couple d’instruments didactiques qui doivent mener à une meilleure connaissance des ressources naturelles locales, dans le but ultime de les exploiter rationnellement pour augmenter le rendement de l’agriculture et développer « l’industrie », afin de diminuer le niveau des importations et d’assurer l’autonomie économique et politique de la République, conformément aux vues que poursuit la Société économique de Berne81 :
Puisque l’on ne peut mettre au nombre des richesses d’un territoire que les productions de la terre, qui se renouvellent, et les matières utiles, que l’on tire de son sein, c’est par là même enrichir véritablement un pays, que d’étendre la connoissance, la découverte et l’emploi de ces richesses naturelles et intérieures82.
Membre du comité directeur de la Société économique de Berne depuis 1759, et responsable en son sein du département de l’histoire naturelle, de la minéralogie, de la métallurgie et de la physique83, Bertrand inscrit ses recherches et ses travaux géologiques dans le droit fil du programme qu’il a lui-même dressé pour cette société d’utilité publique en 1761, le « Tableau systématique des principaux objets des recherches qui regardent l’agriculture, les arts et le commerce dans la Suisse84 ». Plusieurs des quatre cent seize questions que pose ce « plan systématique des connoissances nécessaires pour perfectionner l’agriculture, les arts nécessaires et le commerce utile » portent sur l’étude de la nature du terroir et des productions intérieures de la terre (marne, glaise, tourbes, houille, marais, sources minérales, pierres à bâtir, ardoise, grès, marbre, gypse, pierre à chaux, métaux tel que le fer, le plomb ou le cuivre, etc.)85. En rappelant que la terre à foulon est une argile smectique utilisée pour le dégraissage des draps de laine, Bertrand rejoint les recherches d’un médecin yverdonnois auquel la Société économique de Berne décerna une médaille en 1764 pour le mémoire qu’il rédigea sur ce sujet et qu’elle publia dans son organe86.
Le naturaliste a pour devoir d’inventorier les ressources naturelles de sa région, d’en déterminer les propriétés et d’en encourager l’exploitation. À l’instar du chimiste, il doit décomposer l’objet de son étude pour en découvrir les éléments et les premiers principes :
Pour se convaincre combien l’étude de l’oryctologie, ou la connoissance des fossiles et de leur nature sont utiles à l’homme, il suffiroit de dire en général qu’il n’est aucun art, aucun métier, aucune manufacture, aucune fabrique87, où les fossiles, ou la matière que l’on en tire, n’entre comme instrument, ou comme matière première et principale (...) l’oryctologie a donné la naissance à une multitude de sciences et d’arts. La perfection de ces sciences dépend encore des progrès qu’il reste à faire aux oryctologistes...88
Les artificialia n’intéressent Bertrand qu’autant qu’ils servent une même fin utilitaire que la connaissance des minéraux, c’est-à-dire les progrès de l’agronomie et de l’industrie. C’est ainsi que, lors de son passage à Berne en 1763, le voyageur Johann Gerhard Reinhard Andreae rapporte avoir vu dans le cabinet de Bertrand des modèles réduits de machines mises au point par des agriculteurs – des charrues, un semoir et une machine à déraciner les arbres dont l’invention valut à son auteur, un paysan bernois, d’être reçu membre honoraire de la Société économique de Berne89. À lui seul le principe de réduction auquel obéit le cabinet d’histoire naturelle justifie la présence de ces maquettes. Le cabinet est à la fois un microcosme qui permet au savant et au curieux d’embrasser d’un coup d’œil la diversité et la singularité des productions de la nature, et le matériau que la pensée organise pour en réduire la variété brute en système classificatoire. Réduire la nature en système, c’est bien le projet que trahit le titre de l’œuvre maîtresse de Linné (1735), à l’égard de qui Bertrand reconnaît sa dette.
Le « Discours préliminaire » des Elémens d’oryctologie est tout entier consacré aux applications pratiques des connaissances théoriques accumulées dans le domaine de la minéralogie. Comme « il n’est point de substance fossile qui ne soit utile ou nécessaire à l’homme90 », toutes les classes du règne minéral ont leurs domaines d’application dans les arts et métiers : on emploie les terres dans la teinturerie, la « briquerie », la tuilerie, la poterie ; les sables, dans la verrerie, l’émaillerie et la maçonnerie ; les métaux, dans la joaillerie et l’orfèvrerie, la dinanderie, l’horlogerie, le tréfilage, la passementerie, la ferronnerie, la ferblanterie, la serrurerie, la maréchalerie, la mécanique, la quincaillerie, la taillanderie, l’armurerie, la miroiterie, etc.
Publications savantes et cabinets d’histoire naturelle ambitionnent d’exciter la curiosité du lecteur et du visiteur et d’éveiller l’émulation. À une époque où fleurit le goût des lointains, Bertrand prône la découverte des richesses naturelles de son propre pays dans le but civique de l’enrichir :
On conçoit combien il importeroit que ces corps fussent mieux connus, et c’est pour exciter les curieux, que nous publions ces essais, quelqu’imparfaits qu’ils soient encore. Voyager dans son pays pour le connoître, est une curiosité peu connue, quoique si raisonnable et si utile. C’est cette curiosité que nous voudrions faire naître, et nous avons lieu d’espérer qu’on nous tiendra au moins quelque compte de nos vûes et de nos efforts. Une connoissance plus exacte de ce que notre pays, si fécond en fossiles de toutes les espèces, renferme, serviroit, sans contredit, à exciter l’industrie, à former des entreprises, et à occuper utilement diverses personnes. C’est dans ces vûes, que les curieux de chaque pays devroient voyager dans leur patrie91.
Bertrand appelle de ses vœux la création d’un cabinet « national », comme Antonio Carlo Dondi dall’Orologio le fera dans son Prodromo dell’istoria naturale de’ monti Euganei en 178092.
Si dans chaque pays il y avoit un cabinet ainsi rangé, principalement des fossiles du pays même, on parviendroit à une connoissance plus sûre et plus étendue de l’oryctologie. Tant de personnes riches, qui dépensent beaucoup en inutilités, pourroient, en formant ces cabinets, servir leur patrie et favoriser les progrès de la science oryctologique. Cette dépense, de luxe si l’on veut, seroit plus glorieuse, plus honorable, plus éclatante que tant d’autres bien plus considérables, par lesquelles on ne cherche qu’à se distinguer, sans se procurer des jouissances réelles pour soi, ni d’utilité pour les autres93.
La finalité utilitaire que Bertrand assigne à l’étude de l’oryctologie explique plusieurs des caractéristiques de son cabinet que des visiteurs ont relevées, notamment l’imperfection des pièces, l’incomplétude des séries, la multiplicité des spécimens d’une même espèce, leur manque de rareté et leur provenance locale, toutes caractéristiques qui sont en elles-mêmes des preuves de la primauté de la valeur didactique de sa collection. Le critère de collecte n’est pas esthétique : ni pierres gravées ni pierres précieuses. Le cabinet d’histoire naturelle qu’il projetait de créer pour l’Académie des sciences et des arts utiles de Varsovie en 1766 obéissait aux mêmes impératifs locaux et utilitaires puisqu’il devait réunir « les productions et les diverses curiosités de la Pologne, terres de toutes les espèces et pour tous les usages, sables, pierres de tous les genres, soufres et bitumes, sels, métaux et minéraux, plantes et animaux particuliers dans ces climats, etc. ». À terme, l’Académie devait publier un inventaire des ressources naturelles du pays, comme Bertrand l’avait fait pour le canton de Berne, dans l’ordre alphabétique des noms de lieu94.
Quant à la multiplicité des pièces d’une même espèce, elle est la pierre de touche qui permet de distinguer une collection savante de celle d’un amateur, au dire de Bourguet :
J’ajouterai, par rapport aux cabinets, que les personnes qui en forment pour le plaisir et la simple curiosité, ad oculum, comme je les appelle, peuvent se contenter d’une ou deux pièces de chaque sorte ; mais que quant à ceux qui sont destinés pour la science, ad scientiam, il faut qu’ils soient fournis abondamment de pièces de même espèce, en quelqu’état qu’elles puissent être, parce que les pièces défectueuses et imparfaites, qui ont subi de grands changemens, sont ordinairement beaucoup plus instructives pour des philosophes, que celles qui sont entières et sans défaut95.
Soucieux, comme tout voyageur, de décrire avant tout les curiosités d’exception qu’il découvre dans les collections qu’il visite, l’astronome Jean Bernoulli relève qu’il n’a pas aperçu « des choses bien remarquables en fait d’histoire naturelle dans le cabinet de Mr Bertrand96 », confirmant l’impression du pharmacien allemand Andreae, lui-même propriétaire d’un cabinet minéralogique, lors de son séjour à Berne en 1763 :
Il a eu la complaisance de me faire voir sa collection d’histoire naturelle. Elle consiste en un certain nombre de coquillages médiocres, quelques coraux, quelques minéraux, et le plus en marbres, en belles pierres dures, et autres choses de ce genre. Il y a aussi quelques cristaux et une grande quantité de pétrifications ; sans que je puisse dire cependant d’avoir remarqué parmi celles-ci des pièces particulièrement rares ; les plus considérables peut-être sont une couple de grandes cornes d’Ammon et un de ces ammonites à jour où l’on voit les concamérations ouvertes ; mais une moitié manquoit. La collection des trochites tant simples que composés m’a paru assés défectueuse, il ne s’y trouve aucun encrinite97.
Le départ s’accuse en l’occurrence entre l’amateur et le savant, entre les collections faites pour flatter l’œil et celles qui satisfont l’esprit, pour reprendre la distinction de Bourguet : « L’ordre méthodique qui, dans ce genre d’étude, plaît si fort à l’esprit, n’est presque jamais celui qui est le plus avantageux aux yeux98. » À Yverdon, ce contraste oppose le cabinet d’histoire naturelle de Bertrand au coquillier de Jean-Rodolphe de Treytorrens, que Bernoulli visite tous deux en 1774 :
Le voisinage d’Yverdun aussi m’a procuré la vue de la belle collection de coquillages que possède Mr. le capitaine de Traytorens et le cabinet d’histoire naturelle et d’antiquités de Mr. Élie Bertrand. Je n’ai vu nulle part une si grande quantité d’huîtres rares et de concrétions d’huîtres, de St. Domingue, de Marseille et d’autres lieux, que dans le premier de ces cabinets99.
Jean-Rodolphe de Treytorrens, fils et petit-fils de secrétaire baillival, apparenté à deux professeurs de philosophie, de mathématiques et de physique à l’académie de Lausanne, son oncle François-Frédéric de Treytorrens et le fils de ce dernier, Théodore-Louis, était capitaine de milice, après avoir été précepteur en Russie. Membre fondateur de la Société économique d’Yverdon en 1761 et de la Société littéraire qui lui succède en 1773, il fait don à la bibliothèque publique d’Yverdon d’antiques (six médailles, trois urnes, un morceau d’un plat de terre) et de deux grands murex épineux100. Son frère David-Philippe-Barthélemy avait été officier au service de France à Saint-Domingue jusqu’en 1771 et avait pu le fournir en pièces exotiques. C’est peut-être ce cabinet qui fut mis en vente sans succès en 1768 :
On offre de vendre à Yverdon un cabinet d’histoire naturelle, consistant en 600 coquillage de toutes grandeurs, tant des Indes que d’Europe, avec différents groupes de coquillages et de madrépores, et environ 100 morceaux de pétrifications, dont quelques groupes ; outre cela diverses madrépores, litophites, marcassites, pierres berboires [berbères] et mousses et plantes marines, quelques marbres et jaspes, pierres de Florence, et quelques autres articles d’histoire naturelles, etc.101
Le coquillier de Treytorrens prend l’exact contrepied du cabinet savant : il réunit sans finalité des exotica qui brillent par la variété de leurs formes et de leurs couleurs ; l’esthétique y prime l’utilitarisme et la pédagogie. Faisant pièce au goût du siècle pour les lointains, Bertrand souligne la provenance locale de la plupart des spécimens de sa collection :
Ce sont, en grande partie, les richesses du païs, pourquoi les laisserions-nous dans l’obscurité ? Des curieux éloignés les demandent, pourquoi, plus à portée de les choisir, les mépriserions-nous ? Des curiosités étrangères nous plaisent ; celui-ci rassemble et cultive des plantes exotiques ; un autre veut des productions marines ; un troisième recueille des ouvrages de l’art ; un quatrième des peintures, des estampes ; plusieurs des ouvrages antiques, des médailles, que scai-je encore ? Négligerions-nous des curiosités en tous les genres de fossiles, qui nous environnent, que nous pouvons, à moins de frais, nous procurer, et qui doivent servir à nous faire admirer la création, et à nous faire connoître le païs, que nous habitons ? Tandis que par tout, dans tous les cabinets, on montre, comme une chose digne d’attention, des fossiles de la Suède, en ferions-nous assés peu de cas pour ne pas au moins imiter la diligence de ces étrangers à les rassembler, et ces productions de nos montagnes perdront-elles à nos yeux prévenus tout leur prix, pour ne pas venir de fort loin102 ?
BIBLIOTHÈQUE ET CABINET
Aussi bien la bibliothèque que le cabinet de curiosités de la Société économique d’Yverdon obéissent au modèle évergétique de constitution des collections publiques, c’est-à-dire que leurs fonds résultent de donations103. À l’époque hellénistique, l’évergète est un puissant qui fait don d’édifices d’utilité publique à la cité. À partir de 1763, date à laquelle la bibliothèque de la Société économique devient publique, des notables aisés et cultivés, par civisme, dans un souci de mise en commun des objets d’étude et des outils d’accès au savoir, font présent d’échantillons de leurs collections à cette institution naissante, afin qu’ils profitent à la collectivité. Pour l’essentiel, les fonds de livres et de curiosités se sont constitués organiquement par accrétion de fragments de collections particulières. 95 % des livres que répertorie le premier catalogue de la bibliothèque, imprimé en 1765104, ont été donnés, au même titre que toutes les curiosités entrées dans son cabinet avant la fin du siècle.
Sur les trente titres achetés avant 1766, seuls quatre ne concernent pas l’économie rurale. À sa fondation, la Société économique d’Yverdon prie Élie Bertrand de lui fournir une liste des meilleurs monographies et périodiques sur l’agronomie, qu’elle entend acquérir pour enrichir sa bibliothèque. L’un de ses premiers bienfaiteurs, Élie Bertrand lui fait présent de quarante-deux titres prélevés sur les rayons de son cabinet d’étude en 1763105 :
J’ai appris avec plaisir que le projet pour l’établissement d’une bibliothèque publique à Yverdon commençoit à se réaliser, et come citoyen qui connoit le prix des lettres et les avantages infinis que tous les ordres de la société peuvent en retirer, je voudrois être en situation de procurer à un plan si louable l’acroissement le plus étendu et le plus promt. Je serai très flatté, Monsieur, que quelques-uns de mes petits ouvrages trouvent une place dans votre collection naissante. Je joins à ce tribut quelques autres livres dans divers genres, et je souhaite que vous trouviez dans le zèle de nos combourgeois les recours que méritent vos vues si sages et d’une utilité si générale106.
Un an plus tard, Bertrand devient membre de la Société économique d’Yverdon, mais il n’est en mesure d’y siéger qu’à son retour de Pologne, en 1768. Entre 1763 et 1776, il aura fait don à la bibliothèque publique d’Yverdon de 223 titres en tout (soit 207 volumes), dont tous ses propres travaux dans le domaine de la sismologie et de la minéralogie, ainsi qu’un recueil manuscrit contenant « Deux mémoires sur les mines par Mr. M. O. Bertrand, seignr. de Tuffaud, MDCCXXXIII107 sans doute l’un de ses parents, que son nom de terre prédestinait à l’étude des richesses souterraines. Parmi les autres ouvrages se trouvent des classiques de la minéralogie, la Physica subterranea de Johann Joachim Becher et l’Introduction à la minéralogie de Johann Friedrich Henckel, outre le Neues und vollkommenes Berg-Buch de Christoph Herttwig108.
Conseiller aulique du roi de Pologne depuis 1765, Élie Bertrand rédige l’année suivante un projet pour l’établissement d’une académie des sciences et des arts utiles à Varsovie, qui serait dotée à la fois d’une bibliothèque et d’un cabinet d’histoire naturelle, et qui procéderait à un inventaire systématique des ressources naturelles du pays :
Elle formera un cabinet d’histoire naturelle, où seront rassemblées les productions et les diverses curiosités de la Pologne, terres de toutes les espèces et pour tous les usages, sables, pierres de tous les genres, soufres et bitumes, sels, métaux et minéraux, plantes et animaux particuliers dans ces climats, etc. [...] la Compagnie fera imprimer une notice des lieux, où l’on trouve certaines curiosités, comme je l’avois fait pour le canton de Berne (...). Tous ceux qui se trouveront avoir quelques curiosités, excités par ces exemples, apporteraient leur tribut et la nation aurait bientôt un dépôt où chacun viendrait s’instruire109.
Bertrand compare ce cabinet au Museum Britannicum de Londres, dont l’embryon est issu de l’achat des collections de Hans Sloane à ses exécuteurs testamentaires par décision du Parlement britannique. Il s’engage à former lui-même le cabinet de Varsovie et à vendre le sien pour le prix de 500 ducats afin qu’il y soit réuni110. Parallèlement, l’Académie tâchera d’obtenir de l’évêque de Kiev Józef Załuski qu’il lui remette la bibliothèque qu’il a rassemblée avec son frère Andrzej, la plus grande collection de livres francophones de Pologne, un fonds encyclopédique riche de quelque 180 000 volumes au moment de son ouverture au public à Varsovie en 1747 :
Cette bibliothèque serait rangée systématiquement, on en dresserait deux catalogues, l’un méthodique, l’autre alphabétique. Ils seraient imprimés. La bibliothèque serait ouverte à certains jours de la semaine. Sans tous ces arrangements, la bibliothèque la plus précieuse est un trésor enfoui profondément sous terre, entièrement ignoré et inutile111.
Implicitement ici, explicitement ailleurs, un parallèle s’établit entre bibliothèque et cabinet d’histoire naturelle :
Un cabinet arrangé seulement avec simétrie, pour le coup d’œil, plaît par la régularité, mais n’instruit pas : il satisfait la vue, et non la raison : c’est comme dans l’arrangement d’une grande bibliothèque si l’on n’avait égard qu’à la reliure et au format112.
Une bibliothèque qui ne s’ouvre pas au public ni ne divulgue la richesse de ses fonds par le biais d’un catalogue imprimé est comme un trésor de richesses naturelles qui demeure inutile tant qu’on en ignore jusqu’à l’existence souterraine. De même qu’il faut mettre au jour, faire connaître et exploiter les matières enfouies dans le sein de la terre pour les rendre utiles à l’homme par l’artisanat et l’industrie, il faut répandre « dans tous les ordres des citoyens et des sujets » les lumières renfermées dans les livres, car l’instruction est la seule voie qui puisse conduire une nation à la perfection. Si la bibliothèque divulgue les productions de l’esprit, le cabinet d’histoire naturelle diffuse la connaissance des ressources naturelles locales qui peuvent augmenter la richesse de l’État et le bien-être de la communauté. Dans la même perspective de circulation des savoirs, l’Académie devra s’adjoindre les services d’un libraire-imprimeur qui « puisse faire venir les livres nécessaires à bon marché et qui imprime les livres convenables pour le pays, et tout ce que la Compagnie voudra publier113 ».
Promu président perpétuel de l’Académie et directeur de l’une de ses trois classes, le département de l’Industrie, de l’Économie et de l’Histoire naturelle114, Bertrand se voit contraint de quitter le pays en 1768 par la dégradation de la situation politique qui prélude au premier partage de la Pologne quatre ans plus tard. L’Académie qu’il avait rêvée sur le papier ne verra pas le jour.
Une bibliothèque et un cabinet d’histoire naturelle sont comme deux pièces d’un même dispositif pédagogique. Culture et nature s’y répondent. Tous deux joignent l’utile à l’agréable : ces réservoirs de ressources savantes ont une visée à la fois récréative et didactique. Tous deux trahissent le même souci de l’ordonné : obéissant à un classement méthodique, leur disposition matérielle est subordonnée à un ordre intellectuel. Tous deux aboutissent à un catalogue dont le système de classification régit l’arrangement spatial des objets qu’il organise. Tous deux sont des lieux de savoir et de sociabilité nés de la réunion de fragments de collections privées. Par le jeu de leurs correspondances, ils en viennent à échanger leurs propriétés : les livres sont un ensemble d’artificialia patiemment collectés, et le cabinet de naturalia, un livre en permanence ouvert.
En 1773, renonçant à ses activités agronomiques, la Société économique d’Yverdon prend le nom de Société littéraire et se donne pour mission la gestion de la bibliothèque publique qu’elle a fondée dix ans plus tôt. L’une des premières tâches que la nouvelle institution se donne est d’élaborer un système de classification, de ranger les livres dans un ordre systématique et de dresser un catalogue méthodique des collections115 qui doit faire pendant au catalogue alphabétique dont Élie Bertrand, souscripteur à vie et boursier de la Société littéraire pendant dix ans, est chargé d’établir et de faire imprimer une nouvelle mouture quelques mois plus tard116. Le même principe systématique préside à l’organisation intellectuelle, à l’ordonnancement matériel et l’inventaire de la collection. Ces deux catalogues, dont l’un est manuscrit et l’autre imprimé, sont destinés à des publics et à des usages différents : le registre méthodique est un outil à usage interne qui doit aider les bibliothécaires dans la gestion des fonds, et notamment pour le récolement, tandis que le catalogue alphabétique est l’interface entre les lecteurs et la collection. Par leur système de classement, ces deux catalogues sont aux yeux de Bertrand, qui catalogue les objets comme on catalogue les livres, les pendants bibliothéconomiques de l’« Essai de la minérographie, et de l’hydrographie du canton de Berne » et de l’« Essai de minérographie du canton de Berne, systématiquement rangée » :
Nous avons rangé dans le précédent catalogue, selon l’ordre alphabétique des lieux, les divers fossiles du canton de Berne [...] Nous avons cru devoir ajouter ici un indice systématique de ces matières que l’on tire du sein de la terre dans notre patrie...117
LA DISPOSITION DES LIEUX
À la fin de 1773, la Bibliothèque de la Société littéraire s’installe au second étage de la maison de ville d’Yverdon, bâtie à neuf. Dans les plans de la distribution intérieure de cet édifice dessinés par l’architecte yverdonnois Béat de Hennezel en 1766, la Bibliothèque et son cabinet occupent la même pièce au second étage, dans l’angle nord-ouest du bâtiment, en façade, du côté de la place Pestalozzi. Il s’agit de la chambre des compagnies, une salle d’apparat (l’actuelle salle des débats) que le Conseil louait notamment pour des bals et des ventes aux enchères118. Sans doute la commission du Conseil chargée du dossier dut-elle s’insurger de voir le local de la Bibliothèque ouvert à des activités administratives, commerciales ou récréatives qui ne garantissaient pas la sécurité de ses collections, car, quinze jours plus tard, une pièce séparée est prévue pour le cabinet de curiosités, dans l’angle nord-ouest du bâtiment, en façade, du côté de la place Pestalozzi119. Le Conseil approuve cette répartition, selon laquelle un vestibule spacieux (de 35 × 20 pieds), desservi par un escalier, s’interpose entre le cabinet de curiosités, d’une surface de 486 pieds carrés, et la Bibliothèque120. Au bout du compte, la Bibliothèque n’obtient pas de pièce à part pour abriter ses collections d’objets à la maison de ville puisqu’au début de 1782 elle prie en vain le Conseil de faire construire dans le vestibule un cabinet jouxtant la Bibliothèque121.
Dans la grande enquête sur les « moyens littéraires » de la Suisse qu’il lance en 1799, le ministre des Arts et Sciences de la toute nouvelle République helvétique, Philippe Albert Stapfer, lie intimement bibliothèques et cabinets de curiosités. Cet inventaire des ressources pédagogiques embrasse aussi bien les livres que les productions de la nature ou les machines et instruments scientifiques :
Y a-t-il des cabinets d’histoire naturelle, de raretés quelconques ou renfermant des produits de l’art qui soyent attenant aux salles des bibliothèques ou qui dépendent de ces instituts – mode et origine de leur établissement – sources de leur entretien – qui en a l’inspection...
La réponse que la direction de la bibliothèque d’Yverdon fournit à cette enquête nous apprend que la disposition ordonnée des spécimens trouvait son pendant dans un catalogue systématique qui a disparu, que souci de symétrie et horror vacui présidaient à l’aménagement intérieur du cabinet, destiné à la fois à éveiller la curiosité et à instruire, et qu’à cette date les objets étaient tous entrés par voie de don ou de legs :
Comme nous n’avons dans la maison commune [l’Hôtel de Ville] qu’une seule chambre qui n’a que la place nécessaire pour les livres, le cabinet est renfermé dans trois grandes armoires garnies de layettes [rayons] où chaque pièce est renfermée en ordre, suivant un catalogue systématique qui en indique le nom et les caractères. Les pièces, trop grandes pour être dans ces layettes, sont ou suspendues ou placées dans des étagères aux trumeaux ou faux trumeaux de la salle, d’une manière symétrique. Une plus grande place rendroit cette partie beaucoup plus intéressante et instructive. Il seroit à désirer que les nouvelles authorités en sentissent l’avantage plus que le Conseil qu’ils remplaceront ne l’a fait.
On n’a pas été jusqu’à présent dans le cas de faire aucune dépense pour l’établissement et l’entretien de ce cabinet. On a reçu ce qu’on a donné, les bibliothécaires ont la clef des armoires, et les montrent aux curieux qui demandent à voir ce qu’elles renferment122.
Les seuls minéraux étaient peut-être arrangés selon la dernière classification élaborée par Bertrand123. Pour la disposition générale du cabinet, la direction de la bibliothèque pouvait s’inspirer d’un ouvrage paru à Paris en 1764 et contrefait par Fortuné Barthélemy de Félice à Yverdon en 1768-1769. En effet, dans l’article « Histoire naturelle » de son Dictionnaire raisonné et universel d’histoire naturelle, Valmont de Bomare, qui possède à Paris un « beau cabinet contenant les trois règnes » dans lequel il dispense des cours publics d’histoire naturelle trois fois par semaine124, élabore un programme complet pour l’aménagement d’un cabinet d’histoire naturelle, qu’il qualifie d’« abrégé de la nature entière ». La distribution géographique des objets, qui colonisent toutes les surfaces disponibles – non seulement les murs, les trumeaux, les dessus de porte, et les embrasures des portes et croisées, mais aussi le sol et le plafond –, répond à un classement méthodique, doublé d’un souci esthétique de symétrie. Le cabinet idéal comprendrait une pièce par règne de la nature, une armoire par classe et des tiroirs divisés en cassetins – comme la casse d’un typographe –, pour les familles ou les espèces, en vertu d’un système de compartimentation concentrique. L’auteur ne se contente pas d’énumérer les spécimens à exposer dans chacune des catégories, il décrit encore le mobilier, détaille la mise en scène des pièces les plus remarquables sur « de petits gradins en amphithéâtre », destinés à faire admirer ce que l’abbé Pluche appelait « le spectacle de la nature », et prodigue des conseils pour l’entretien et la conservation. Au droguier, à l’herbier, au plumier, au coquillier, au médaillier, etc., se mêlent instruments de physique, ethnographica, objets d’art et livres d’histoire naturelle illustrés, mais l’ordre apparent ne saurait dissimuler une impression de pêle-mêle125.
CONCLUSION
Pour Bertrand, la connaissance de la nature n’est pas un but en soi : sa finalité est utilitaire. La description et la structuration du règne minéral visent sa domestication et son exploitation. L’accumulation d’un savoir scientifique est subordonnée à l’utilité publique, à l’accroissement du bien-être de la collectivité. Le naturaliste étudie son environnement naturel pour en découvrir les ressources et dévoiler le potentiel économique qu’elles recèlent. Il est un rouage essentiel de la prospérité de l’État, car les résultats de ses observations sur le terrain favorisent les progrès de l’agronomie et de l’industrie. Mais son rôle est autant pédagogique qu’économique. S’il tente d’organiser méthodiquement le désordre apparent de la nature, reflet de l’ordre divin, c’est pour faciliter l’enseignement et l’apprentissage des propriétés et des usages de ses composants. Il se donne pour devoir civique la diffusion, par ricochet, des connaissances utiles dans toutes les couches de la population, en publiant ses découvertes sous forme de catalogue, de dictionnaire ou de traité élémentaire, en procédant à des inventaires des ressources naturelles locales, dont il collecte, décrit et classe des échantillons, et en contribuant à la constitution d’instances publiques du savoir par des contributions savantes, par des cours ou des démonstrations, et par le don de ses collections de livres et d’objets à la collectivité.
Au moment où Bertrand lègue son cabinet de curiosités à la Bibliothèque publique d’Yverdon en 1797, la Société économique n’est plus depuis un quart de siècle déjà. Pour l’essentiel, les minéraux de cette donation sont des fossiles stricto sensu, « qui ne servent qu’à l’agrément, ou à la curiosité », et par la collecte desquels le donateur avoue ailleurs avoir commencé de former son premier cabinet dans sa jeunesse, avant d’étendre son attention aux minéraux utiles126. Son testament se garde d’assigner une fonction didactique à ce legs, qui n’a pour but que de « prévenir la dispersion, et par là même la nullité de son cabinet d’histoire naturelle ». Par ailleurs, il ne lègue pas ses livres à la Bibliothèque d’Yverdon. Son testament stipule en effet qu’ils seront vendus aux enchères, et que le bénéfice de la vente sera partagé entre ses héritiers. Mais jusqu’en 1773 ses travaux et ses collections auront témoigné de sa volonté de fonder l’étude de l’histoire naturelle sur trois piliers qu’unit leur souci de diffuser les connaissances utiles dans l’intérêt du public – société savante, bibliothèque publique et cabinet de curiosités.
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1 « Depuis dix ans, on néglige les médailles et les antiquités : mais on multiplie singulièrement les cabinets d’histoire naturelle » (Encyclopédie d’Yverdon, s. v. curiosité, art. de Paul-Joseph Vallet, t. 12 (1772), p. 580). Je cite l’Encyclopédie d’Yverdon de préférence à celle de Paris, bien qu’elle soit plus tardive, non seulement parce qu’Élie Bertrand en a rédigé de nombreux articles, mais aussi parce qu’elle en comporte d’inédits, comme celui-ci.
2 Krzysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux, Paris, Venise : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1987, p. 145.
3 Id., pp. 266-267.
4 1740, un abrégé du monde : savoirs et collections autour de Dezallier d’Argenville, sous le dir. d’Anne Lafont, Lyon, Fage, 2012, p. 11.
5 [Jean-Georges Pillichody], Projet pour une bibliothèque publique dans la ville d’Yverdon, [Yverdon], [F.-B. de Félice], 1763, in-4, Bibliothèque publique d’Yverdon (ci-après BPY), BPY 626 (1). Voir Thierry Dubois, « Un aspect de la sociabilité lettrée dans le Pays de Vaud à la fin de l’Ancien Régime : la fondation des bibliothèques publiques d’Yverdon et de Morges », dans Revue historique vaudoise, t. 120 (2012), pp. 241-260.
6 Marc Weidmann, « Un pasteur naturaliste du XVIIIe siècle : Élie Bertrand (1713-1797) », dans Revue historique vaudoise, t. 94 (1986), pp. 63-108. Le diplôme d’indigénat de Bertrand est conservé au Musée d’Yverdon.
7 « Régître de la Bibliothèque publique d’Yverdon, contenant, dans l’ordre alphabétique, les noms et titres de ses bienfaiteurs et de ses souscripteurs à vie, commencé en 1763. Donné par Mr Pillichody docteur en droit, châtelain de Baulmes, vice-directeur de la Société œconomique d’Yverdon, etc., etc. » (BPY 3091), p. 23 (BPY 1001 et 2270) ; Kennard B. Bork, « Élie Bertrand (1713-1797) sees God’s order in nature’s record : the 1766 Recueil de divers traités sur l’histoire naturelle », dans Earth Sciences History, t. 10 (1991), pp. 73-88.
8 Voir n. 109.
9 Gabriel Naudé, Advis pour dresser une bibliothèque, éd. par Bernard Teyssandier, Paris, Klinck-sieck, 2008, pp. 306-309.
10 Voir Danielle Buyssens, « Le premier musée de Genève », « La Bibliothèque étant un ornement public... ». Réforme et embellissements de la Bibliothèque de Genève en 1702, éd. par Danielle Buyssens et Thierry Dubois, Genève, Bibliothèque publique et universitaire ; Chêne-Bourg, Georg, 2002, pp. 91-131 (p. 120) ; Marc J. Ratcliff et Anthony Turner, « La vie éphémère d’un cabinet de curiosités », dans Mémoires d’instruments, une histoire des sciences et des savants à Genève (1559-1914), éd. par Marc J. Ratcliff et Laurence-Isaline Stahl Gretsch, Genève, Suzanne Hurter, 2011, pp. 78-83.
11 Marc-Théodore Bourrit, Itinéraire de Genève, Lausanne et Chamouni, À Genève, chez J. E. Didier, et chez les principaux libraires de l’Europe, 1791, in-12, p. 354 ; François-Jacques Durand, Statistique élémentaire ou essai sur l’état géographique, physique et politique de la Suisse, À Lausanne, chez Durand, Ravanel et Compe, 1795-1796, 4 t. in-8, t. 4, pp. 398-400.
12 Roland Kaehr, Le Mûrier et l’épée : le cabinet de Charles Daniel de Meuron et l’origine du musée d’Ethnographie à Neuchâtel, Neuchâtel, Musée d’Ethnographie, 2000, surtout pp. 115-127 ; du même auteur, « Cabinets de curiosité(s) ou cabinets d’histoire naturelle ? Le cas de la collection de Charles Daniel de Meuron », Collections et pratiques de la collection en Suisse au XVIIIe siècle, Genève, Slatkine, 2007, pp. 439-450 ; Michel Schlup, Bibliophiles et mécènes : deux siècles de donations à la Bibliothèque de Neuchâtel, Neuchâtel, Bibliothèque publique et universitaire, 2006, pp. 21-42.
13 Des descriptions de ces cabinets se trouvent dans : [Johann Gerhard Reinhard Andreae], Briefe aus der Schweiz nach Hannover geschrieben, in dem Jare 1763, 2e éd., Zürich und Winterthur, bei Joh. Caspar Füebli Sohn, 1776, in-8, t. 1, pp. 263-266 (Deluc) ; Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, La Conchyliologie ou Histoire naturelle des coquilles de mer, d’eau douce, terrestres et fossiles, 3e éd., À Paris, chez Guillaume Debure fils aîné, 1780, 3 t. in-4, t. 1, pp. 399-401 (Deluc) et pp. 841-842 (De Saussure) ; Jean Bernoulli, Lettres sur différens sujets, écrites pendant le cours d’un voyage par l’Allemagne, la Suisse, la France méridionale et l’Italie, en 1774 et 1775, À Berlin, chez G. J. Decker, 1777, 2 t. in-8, t. 2, pp. 1-6 (De Saussure) et pp. 19-31 (Deluc), qui cite la lettre d’Andreae. Dezallier d’Argenville décrit une cinquantaine de cabinets se trouvant en Suisse, dont un seul dans le Pays de Vaud, celui d’Élie Bertrand (t. 1, pp. 398-412 et 841-843).
14 Marcel S. Jacquat, « Une page régionale d’histoire des sciences relue récemment : Abraham Gagnebin (1707-1800) et son cabinet de curiosités à La Ferrière », Bulletin de la Société neuchâteloise des sciences naturelles, t. 123 (2000), pp. 23-26.
15 Élie Bertrand, Essai sur les usages des montagnes, avec une lettre sur le Nil, À Zuric, chés Heidegguer et comp., 1754, in-8, p. 209 (BPY 303).
16 Giovanni Arduino, cité par Pomian, ouvr. cité, p. 271.
17 Bork, ouvr. cité, p. 79 (ma traduction).
18 Bertrand à Albert de Haller, Berne, 25.3.1764 (Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne (ci-après BBB), Mss. h. h. XVIII, pp. 43-47, cité par Weidmann, ouvr. cité, p. 80).
19 Voltaire conseille à Bertrand d’accepter l’offre de l’électeur palatin et de saisir l’occasion par les cheveux (The Complete Works of Voltaire, éd. par Théodore Besterman et al ., t. 111, Banbury, The Voltaire Foundation, 1973, D11716, 21.2.1764, et D11640, 13.1.1764). Voici ce que nous apprennent les papiers de Giuseppe Garampi, préfet des archives secrètes du Vatican et de celles du château Saint-Ange, lors de son second voyage en Allemagne en 1764 : « Von anderen Mitteilungen, die er in Mannheim erhielt, notierte sich Garampi [...] der Kurfürst habe aus dem Museum des Herrn Bertrand in Berne die Versteinerungen, die Mineralien und die Meerpflanzen um den Preis von 1200 fl. gekauft » (Friedrich von Weech, Römische Prälaten am deutschen Rhein, Neujahrsblätter der Badischen historischen Kommission, neue Folge, Heidelberg, Carl Winter’s Universitätsbuchhandlung, t. 1 (1898), p. 45). Après avoir cité la lettre de Bertrand à Haller où il est question de l’électeur palatin, Weidmann (ouvr. cité, p. 80), parle par erreur du grand électeur de Saxe, en reprenant les informations de Louis-Edouard Roulet (Voltaire et les Bernois, La Chaux-de-Fonds, 1950, p. 68), mais l’électeur de Saxe n’a que douze ans en 1764. Gottlieb Emanuel von Haller écrit au sujet de la première collection du naturalise vaudois : « Ist größtentheils an den Churpfälzischen Hof verkauft worden » (Bibliothek der Schweizer Geschichte, Bern, in der Hallerschen Buchandlung, 1785-1788, 7 t. in-8, n° 1085, t. 1, p. 339).
20 Frédéric-Samuel Ostervald, « Mémoire sur la vie de Monsieur Élie Bertrand », Archives cantonales vaudoises (ci-après ACV), P SVG, G 27, p. 23 (exemplaire corrigé de la main de Bertrand et muni de son ex-libris gravé).
21 « Régître... », ouvr. cité, p. 25.
22 Jean-Daniel Bourgeois à Jean-Charles Bertrand, Yverdon, 24.11.1764, BPY 4184 (12).
23 Jean-Charles Bertrand [à Jean-Daniel Bourgeois], [Berne, 16.11.1764], BPY 4184 (8).
24 « Registre de la Bibliothèque d’Yverdun, t. 1 (1761-1827) » (ci-après RAY), BPY, non coté, p. 52, 6.12.1764. Dans la section réservée aux manuscrits, le premier catalogue imprimé de la Bibliothèque indique laconiquement : « Cabinet des curiosités de l’histoire naturelle avec le Catalogue et le Museum Bertrandi » ([Jean-Georges Pillichody], Catalogue des livres de la Bibliothèque d’Yverdon..., Yverdon, [F.-B. de Félice], [1765], in-8, p. 43, BPY 2464/1765/1 (2)).
25 « Régître », ouvr. cité, p. 25 ; RAY, p. 54, 3.1.1765.
26 Jean-Daniel Bourgeois à Jean-Charles Bertrand, minute, Yverdon, 25.12.1764, BPY 4184 (13).
27 Dezallier d’Argenville, ouvr. cité, t. 1, p. 402.
28 ACV, Homologations de testaments, Yverdon (1790-1798), Bg 120/7, p. 196, testament du 7.11.1796, notaire François-Louis Bezencenet (je remercie Pascal Delvaux de m’avoir signalé ce document).
29 RAY, p. 158, 9.3.1799.
30 « C’est six cents numéros de non-valeurs », note Rochat, parlant des fossiles, en septembre 1881 (« Bibliothèque d’Yverdon, Inventaire des collections, septembre 1881 », registre non coté, Musée d’Yverdon, p. 135). Cet inventaire comprend 299 minéraux, 122 roches et 1205 fossiles, classés selon le système qu’Armand Dufrénoy expose dans son Traité de minéralogie (1845). Bertrand a donné la moitié des fossiles et plus de la moitié des minéraux que la collection comporte à cette date. Je remercie Patricia Brand, collaboratrice scientifique au Musée d’Yverdon, de m’avoir guidé dans l’exploration de cette collection.
31 « Régître... », ouvr. cité, pp. 21, 27, 28, 86, 151, 157, 227, 228, 336, 337 et 371 ; RAY, p. 64, 5.12.1765 ; pp. 81-82, 4.2.1768 ; p. 118, 1.6.1775 ; p. 128, 1.12.1779 ; pp. 131-132, 11.12.1781 ; p. 133, 10.1.1782.
32 Id., p. 82, 1765. La balance, la boussole et l’abaque chinois se trouvent toujours au Musée d’Yverdon, dépourvus de numéros d’inventaire (Roland Kaehr, « Le Musée d’Yverdon-les-Bains », Collections ethnographiques en Suisse, Berne, Société suisse d’ethnologie, 1979-1984, 2 t., t. 2, pp. 353 et 363).
33 Id ., t. 2, pp. 353 et 361 ; Christian F. Feest, « Early Woodlands Material at the Musée d’Yverdon », Three Centuries of Woodlands Indian Art : A Collection of Essays, sous la dir. de J. C. H. King et de C. F. Feest, Altenstadt, ZKF Publishers, ERNAS Monographs 3 (2007), pp. 16-31.
34 Musée d’Yverdon, MY.EPM.Is.29. Ce globe est daté et signé dans un cartouche « George Adams junior, Fleet Street, London, 1779 ». Voir John R. Millburn, Adams of Fleet Street, Instrument Makers to King George III, Aldershot, Ashgate Publishing Group, 2000.
35 Musée d’Yverdon, MY.EPM.Is.30 (reproduit dans Bratún, ouvr. cité, fig. 2, p. 222).
36 Feest, ouvr. cité, p. 16.
37 [Mme de Gauthier], Voyage d’une Française en Suisse et dans la Franche-Comté, depuis la Révolution, Londres [i. e. Neuchâtel], [s. n.], 1790, 2 t. in-8, t. 2, pp. 146-147. Le texte cité par Mme de Gauthier est tiré du Dictionnaire géographique, historique et politique de la Suisse de Vincent Bernard Tscharner et de Gottlieb Emmanuel von Haller, À Neuchâtel, chez J. P. Jeanrenaud et Compagnie, 1775, 2 t. in-8, t. 2, pp. 254-255.
38 François Robert, Voyage dans les XIII cantons suisses, les Grisons, le Vallais, et autres pays et États alliés ou sujets des Suisses, À Paris, chez Belin, 1789, 2 t. in-8, t. 2, p. 77 ; Johann Gottfried Ebel, Manuel du voyageur en Suisse, Zurich, chez Orell, Füssli et Compagnie, 1805, 4 t. in-8, t. 4, p. 415 ; Gabriel-Antoine Miéville, Coup d’œil historique et statistique sur le canton de Vaud, À Lausanne, chez L. Knab, 1816, in-8, p. 107.
39 Jacques Joseph de Fabry, Voyage d’un amateur des arts en Flandre, dans les Pays-Bas, en Hollande, en France, en Savoye, en Italie, en Suisse, fait dans les années 1775-76-77-78, À Amsterdam, [s. n.], 1783, 4 t. in-12, t. 1, p. 323.
40 Encyclopédie d’Yverdon, s. v. minéralogie, t. 28 (1773), p. 704.
41 Bertrand, Dictionnaire universel des fossiles propres et des fossiles accidentels, contenant une description des terres, des sables, des sels, des soufres, À La Haye, chez Pierre Gosse junior et Daniel Pinet, 1763, 2 t. in-8, t. 1, p. VI (BPY 301) ; Dezallier d’Argenville, Histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties principales, l’oryctologie, qui traite des terres, des pierres, des métaux, des minéraux et autres fossiles, À Paris, chez De Bure l’aîné, 1755, in-4.
42 Ephraim Chambers et al., A Supplement to Mr Chambers’s Cyclopaedia, or, Universal Dictionary of Arts and Sciences, London, Innys et al., 1753, 2 t. in-fol., t. 2, s. v. oryctology. La référence citée à cet endroit est le « Discursus praeliminaris de philosophia in genere » de la Philosophia rationalis sive Logica (1728) de Christian Wolff (1679-1754) : « Pars physicae, quae de fossilibus tractat, Oryctologia vocatur. Est itaque Oryctologia scientia fossilium » (§ 81, p. 36).
43 Bertrand, Dictionnaire, ouvr. cité, s. v. fossiles, t. 1, p. 240.
44 Bertrand, id., t. 1, p. XI.
45 Bertrand, id., t. 1, p. 240 ; t. 2, p. 110.
46 Eliae Bertrandi... Museum, Bernae, apud Abraham Wagner, filium, [1763], in-8, pp. 3 et 6 (BPY 3058 (4), BPY 5414 (1) et (2)).
47 Bertrand, Essai, ouvr. cité, p. 73 ; Dezallier d’Argenville, Oryctologie, ouvr. cité, pp. VIII, 39 et 72 ; Chambers, Cyclopaedia, or, Universal Dictionary of Arts and Sciences, London, Knapton et al., 1728, 2 t., t. 1, p. 81.
48 « Je pourrai peut-être avec le tems donner un catalogue raisonné des principaux écrivains, qui ont travaillé sur les fossiles et qui m’ont servi de guides » (Bertrand, Dictionnaire, ouvr. cité, t. 1, p. XI). Dezallier donne un tel catalogue dans la première partie de son Oryctologie, ouvr. cité, pp. 1-36.
49 « Il amassoit insensiblement un cabinet d’histoire naturelle, dont il publia le catalogue abrégé en latin et en français à Berne en 1752 » (Ostervald, « Mémoire... », ouvr. cité, p. 9). Aucun exemplaire de ce premier catalogue n’a été retrouvé. Peut-être y a-t-il eu confusion, en l’occurrence, avec le catalogue de 1758, qui n’est pas daté dans l’édition séparée de 1764 (voir n. 48).
50 Bertrand, Mémoires sur la structure intérieure de la Terre, À Zuric, chez Heidegger et compagnie, 1752, in-8, pp. 22-37, 91-95 et 100-108. Voir Marguerite et Albert V. Carozzi, « Elie Bertrand’s changing theory of the earth », Archives des sciences, t. 37 (1984), pp. 265-300.
51 Bertrand, Essai, ouvr. cité, pp. 204-290 ; « Index realis mineralogiae Bernensis, sive catalogus, nova methodo institutus, quae in ditione Bernensi effodiuntur », dans : Id., pp. 405-412. De même, Dezallier d’Argenville a publié un inventaire des fossiles de France, Enumerationis fossilium, quae in omnibus Galliae provinciis reperiuntur, tentamina (1751), dont il a donné une traduction française, sous le titre d’« Essai sur l’histoire naturelle des fossiles qui se trouvent dans toutes les provinces de France », à la fin de la troisième partie de son Oryctologie, ouvr. cité, pp. 387-532.
52 « Musaei Eliae Bertrandi Conspectus », dans Nouvelle bibliothèque germanique, t. 22/2 (1758), pp. 442-448 ; Id ., dans Estratto della letteratura europea (texte en latin seulement, bien que la revue s’imprime en italien), t. 2 (1758), pp. 275-282 (BPY 1283) ; Id ., dans Excerptum totius Italicae nec non Helveticae literaturae, 1762/2, pp. 253-268 (BPY 1300/8) ; Bertrand, Museum, ouvr. cité (voir n. 46). Dans l’Estratto, une note liminaire en italien (p. 275) précise que Bertrand travaille à grands frais depuis vingt ans à réunir son riche cabinet et une note finale en latin (p. 282) indique qu’il doit sa collection de fossiles italiens à la générosité du médecin et botaniste turinois Carlo Allioni. Dans les deux dernières éditions, sans doute imprimées par la Société typographique de Berne, le texte et le matériel typographique sont les mêmes, mais la composition est différente. Deux ans après la vente du premier cabinet de Bertrand, ce texte reparaît, sous le titre de « Catalogue du cabinet d’histoire naturelle de M. E. Bertrand », dans Recueil de divers traités sur l’histoire naturelle de la terre et des fossiles, À Avignon, chez Louis Chambeau, 1766, in-4, pp. 497-508 (BPY 308), ouvrage dédié au roi de Pologne Stanislas Auguste.
53 « Dissertatio de belemnitibus ex helmento lithorum genere », dans Excerptum totius Italicae nec non Helveticae literaturae, 1759/2, pp. 159-175 ; « Dissertatio de amianto », dans Excerptum, ouvr. cité, 1760/4, pp. 139-160 ; « Mémoire abrégé et pratique sur la formation du salpêtre », Mémoires et observations recueillies par la Société œconomique de Berne (ci-après M. & O.), 1760/4, pp. 855-862.
54 Bertrand, Élémens d’oryctologie ou distribution méthodique des fossiles, À Neuchâtel, de l’Imprimerie de la Société typographique, 1773, in-8 (BPY 1211).
55 Catalogue très-abrégé des curiosités naturelles qui composent le cabinet des deux frères Gagnebin, de la Ferrière en Erguël, évêché de Bâle en Suisse, que l’on pourra négocier en faveur des amateurs de l’histoire naturelle, et dans lequel on trouvera abondamment de quoi former un cabinet curieux et considérable, [S. l.], [s. n], [1765], 45 p., Porrentruy, Archives de l’Ancien Evêché de Bâle, U 36 (photocopies).
56 Bertrand, Museum, ouvr. cité ; Essai, ouvr. cité, pp. 215 et 405-412 ; Dictionnaire, ouvr. cité, t. 1, pp. 240-241 ; Encyclopédie d’Yverdon, s. v. fossiles, t. 20 (1773), pp. 290-302 (en particulier, pp. 298-299) ; Elémens, ouvr. cité, pp. 5-9.
57 Dezallier d’Argenville, Oryctologie, ouvr. cité, pp. 37-94.
58 Encyclopédie d’Yverdon, s. v. minéraux, t. 28 (1773), p. 707 ; Johann Gottschalk Wallerius, Minéralogie ou Description générale des substances du règne minéral, À Paris, chez Durand et Pissot, 1753, 2 t. in-8, dont l’édition originale a paru en suédois en 1747.
59 Bertrand, Dictionnaire, ouvr. cité, t. 1, p. V.
60 Encyclopédie d’Yverdon, s. v. histoire naturelle, t. 23 (1773), p. 327.
61 Bertrand, Dictionnaire, ouvr. cité, t. 1, p. IX.
62 Encyclopédie d’Yverdon, s. v. fossiles, art. de Bertrand, t. 20 (1773), pp. 291-292.
63 Id., s. v. minéraux, t. 28 (1773), p. 709.
64 Id., s. v. cabinet d’histoire naturelle, t. 6 (1771), pp. 626-627.
65 Bertrand, Dictionnaire, ouvr. cité, t. 1, p. XII.
66 Id., t. 1, p. XXX.
67 Id., t. 1, pp. XIV-XV.
68 Encyclopédie d’Yverdon, s. v. curiosité, t. 12 (1772), p. 580.
69 Bertrand, Elémens, ouvr. cité, pp. XXXVIII-XXXIX. Le même credo s’exprime dans l’épître dédicatoire, pp. [III-IV]. Ailleurs, il dit de l’histoire naturelle : « Ce devroit être la science des enfans, qui apprendroient à connoître le monde en y entrant, et c’est par les yeux, qu’on les attacheroit à ces connoissances si utiles dans la vie civile et domestique » (Recueil, ouvr. cité, p. 498).
70 Encyclopédie d’Yverdon, s. v. histoire naturelle, t. 23 (1773), p. 327.
71 Bertrand, Essai, ouvr. cité, p. 209.
72 Encyclopédie d’Yverdon, s. v. minéralogie, t. 28 (1773), p. 705. L’article histoire naturelle dit de même : « ... les descriptions les plus exactes, les observations les plus fines, les systêmes les plus ingénieux ne donnent pas une idée aussi juste des productions de la nature que la présence des objets réels [...] il faut avoir vu la nature elle-même ». Le curieux qui découvre les objets d’un cabinet doit ensuite en lire la description et l’histoire dans des livres avant d’aller les observer dans le sein de la nature, enfin boucler la boucle en reprenant les livres avant de rentrer dans le cabinet (id., t. 23 (1773), pp. 327-328).
73 Bertrand, Dictionnaire, ouvr. cité, t. 1, pp. XXX-XXXI.
74 Bertrand, Essai, ouvr. cité, p. 214. Le Dictionnaire oryctologique se donne dans sa préface comme « assurément d’un grand secours pour former avec choix, ranger avec ordre, ou visiter avec fruit un cabinet de fossiles » (ouvr. cité, t. 1, p. XII). Même affirmation dans : Ostervald, « Mémoire... », ouvr. cité, p. 27.
75 Bertrand, Dictionnaire, ouvr. cité, t. 1, p. VII.
76 Bertrand, Essai sur l’art de former l’esprit, ou premiers élémens de la logique, À La Haye, et se vend à Lyon, chez G. Regnault, 1764, in-8 ; « Traité de physique », manuscrit autographe, 5 vol. in-4, s. d. (BPY 3733).
77 Bertrand, Elémens, ouvr. cité, pp. VII et IX.
78 Bertrand, Recueil, ouvr. cité, p. 438.
79 Bertrand, Elémens, ouvr. cité, p. X.
80 Encyclopédie d’Yverdon, t. 23 (1773), p. 325.
81 Béla Kapossy, « Le prix de la liberté : idéologie républicaine et finances publiques à Berne au XVIIIe siècle », dans De l’ours à la cocarde : régime bernois et révolution en Pays de Vaud (1536-1798), Lausanne, Payot, 1998, pp. 143-161 (en particulier pp. 151-161).
82 Bertrand, Élémens, ouvr. cité, p. VI.
83 M. & O., 1762/1, pp. LVIII-LIX, 2.3.1761.
84 [Élie Bertrand], « Tableau de questions sur les principaux objets de l’agriculture, des arts et du commerce, relativement à la Suisse », M. & O., 1762/1, pp. [1]-51. Il a paru d’abord à la suite de : [Vincent Bernard Tscharner], Projet pour l’établissement de quelques sociétés correspondantes pour l’avancement de l’agriculture, des arts et du commerce, À Berne, chez Abraham Wagner fils, 1761, in-8, pp. 11-59. C’est dans son « Projet pour l’établissement d’une académie des sciences et des arts utiles à Varsovie en 1766 » qu’Élie Bertrand révèle qu’il est l’auteur de ce « Tableau » anonyme qu’au printemps de 1761 il joignit à la lettre circulaire invitant les notables des villes du Pays de Vaud à fonder des Sociétés économiques correspondantes de celle de Berne (Marek Bratún, Elie Bertrand a Polska, Wrocław, Oficyna Wydawnicza ATUT, 2013, p. 165).
85 « De la nature particulière du terroir et des productions intérieures de la terre », dans « Tableau... », ouvr. cité, pp. 11 et 16-19.
86 Bertrand, Élémens, ouvr. cité, pp. X-XI ; Nicolas-Maximilien Bourgeois, « Mémoire sur la terre à foulons en général, et sur celle de la ville d’Yverdon en particulier », dans : M. & O., 1765/3, pp. [247]-278.
87 À l’époque, on distingue les manufactures, soit « ce qui se fait à l’aide des mains seules et de la tissure », des fabriques qui, « outre le service des mains, exigent le feu, le marteau, et divers instrumens » (François-Jacques Durand, Statistique élémentaire ou essai sur l’état géographique, physique et politique de la Suisse, À Lausanne, chez Durand, Ravanel et Compe, 1795-1796, 4 t. in-8, t. 4, p. 58).
88 Bertrand, Élémens, ouvr. cité, pp. V-VI (c’est Bertrand qui souligne).
89 Bernoulli, ouvr. cité, t. 1, p. 272, qui cite Andreae, ouvr. cité, p. 185 ; Erasmus Ritter, « Description relative au dessein et au développement d’une machine pour arracher les gros arbres, et les troncs avec leurs racines, inventée par Pierre Sommer, paysan du canton de Berne », M. & O., 1760/1, pp. 175-182 ; Martin Stuber, « Zum Bäume ausreissen – Peter Sommer und sein Hebezeug », dans Martin Stuber et al., éd., Kartoffeln, Klee und kluge Köpfe. Die Ökonomische und Gemeinnützige Gesellschaft des Kantons Bern ÖGG (1759-2009), Bern 2009, pp. 63-66. L’un des deux comtes Mniszech a fait présent à la Société économique de Berne d’un modèle de la charrue de l’abbé Matthieu Auroux des Pommiers (M. & O., 1768/1, p. XIX, 9.5.1767). Quant à l’agronome lyonnais Mathieu Thomé, il était l’inventeur d’un semoir à blé dont la Société économique de Vevey avait fait l’expérience (M. & O., 1766/1, p. XXI, 12.10.1765).
90 Bertrand, Élémens, ouvr. cité, p. XXXIV.
91 Bertrand, Recueil, ouvr. cité, pp. [489-490].
92 Pomian, ouvr. cité, p. 250.
93 Bertrand, Élémens, ouvr. cité, pp. XXXVIII-XXXIX. Le même credo s’exprime dans l’épître dédicatoire, pp. [III-IV].
94 Bertrand, « Projet pour l’établissement d’une académie... », dans Bratún, ouvr. cité, pp. 164-165 ; Bertrand, « Indice des lieux du canton de Berne où l’on trouve des fossiles et des eaux remarquables », dans Essai, ouvr. cité, pp. 299-355.
95 Louis Bourguet, Traité des pétrifications, À Paris, chez Briasson, 1742, in-4, 1re partie, p. 126. La collection léguée par Bertrand en 1797 comptait par exemple cinquante échantillons de carbonate de chaux et trente-trois de quartz hyalin, d’après l’inventaire dressé par Louis Rochat en 1881 (voir n. 30).
96 Bernoulli, ouvr. cité, t. 1, pp. 272-273.
97 Id ., t. 1, p. 272, qui cite Andreae, ouvr. cité, lettre XXXI, p. 185.
98 Encyclopédie d’Yverdon, s. v. cabinet d’histoire naturelle, t. 6 (1771), p. 629.
99 Bernoulli, ouvr. cité, t. 1, pp. 270-271. Cet auteur est le seul à signaler la présence d’antiquités dans les collections de Bertrand.
100 RAY, p. 118, 1.6.1775 ; « Régître... », ouvr. cité, p. 371.
101 Nouvelles de divers endroits (Gazette de Berne), 21.9.1768.
102 Bertrand, Essai, ouvr. cité, pp. 209-210.
103 J’emprunte ce concept, dérivé d’un mot grec signifiant « bienfaiteur », à Pomian, ouvr. cité, pp. 300-301, qui distingue quatre modèles de création des musées publics.
104 Voir n. 24.
105 « Régître... », ouvr. cité, pp. 23-24.
106 Élie Bertrand à Jean-Daniel Bourgeois, Berne, 14.5.1763, BPY 4184 (5).
107 BPY 317.
108 « Régître... », ouvr. cité, pp. 23-24 et 29-33.
109 Bertrand, « Projet pour l’établissement d’une académie... », dans Bratún, ouvr. cité, pp. 164-165.
110 Élie Bertrand, « Propositions présentées au Roy », Wiśniowiec, 12.7.1768, annexées à une lettre de Stanislas Auguste, roi de Pologne, à Élie Bertrand, Varsovie, 28.7.1768, de même que la « Copie d’un article de la lettre du Roy à Me la Grande Chambellane du 6 août 1768 », dans lequel le Roi écrit : « J’ai aprouvé toutes ses conditions » (archives de la famille van Ravenswaay-Rouffaer, La Haye, Centraal Bureau voor Genealogie). Transcrit dans Bratún, ouvr. cité, p. 196.
111 Bratún, ouvr. cité, pp. 166-167.
112 Ostervald, « Mémoire... », ouvr. cité, p. 66.
113 Id., p. 168 ; « Idée sur l’établissement d’une librairie à Varsovie », dans : Id ., pp. 177-179.
114 Bertrand, « Propositions... », dans Bratún, ouvr. cité, p. 196.
115 RAY, p. 97, 22.5.1773.
116 RAY, p. 107, 9.12.1773.
117 Bertrand, Recueil, ouvr. cité, p. 489. Ces deux inventaires (pp. 435-486 et 487-496) avaient paru précédemment dans l’Essai, ouvr. cité, pp. 291-355 et 405-412.
118 Dans les manuaux du Conseil, il est plusieurs fois question de la « grande salle de la maison de ville » où l’on donne des bals, par exemple Archives communales d’Yverdon (ci-après ACY), Aa 80, p. 5, 31.1.1774 ; p. 181, 5.11.1774.
119 ACY, Ac 1, p. 326, 21.7.1766, voir plan n° 39.
120 ACY, Ac 1, p. 328, 22.7.1766 ; p. 389-390, 21.07.1766 ; Aa 74, p. 70, 23.7.1766 ; Monique Fontannaz se fourvoie donc lorsqu’elle situe la Bibliothèque au-dessus du poêle du Conseil, dans la pièce qui fait aujourd’hui office de salle de la Municipalité (L’Hôtel de Ville d’Yverdon et son logis, Guides des monuments suisses, n° 466, Berne, Société d’histoire de l’art en Suisse, 1990, p. 24).
121 RAY, p. 133, 10.1.1782.
122 RAY, pp. 154 et 158-159, 9.3.1799.
123 Après le transport à la Bibliothèque des minéraux légués par le naturaliste, la Direction déclare qu’elle « pourvoira à la manière de les classer » (RAY, p. 152, 30.5.1798).
124 Almanach du voyageur à Paris, À Paris, chez Hardouyn [et] Gattey, 1785, in-8, pp. 132 et 188.
125 Jacques-Christophe Valmont de Bomare, Dictionnaire raisonné et universel d’histoire naturelle, Yverdon, [F.-B.-de Félice], 1768-1769, 12 t. in-8, t. 5, pp. 458-475 (BPY 414). Auparavant cet auteur avait publié une Minéralogie, ou nouvelle exposition du règne minéral, À Paris, chez Vincent, 1762, 2 t. in-8, ouvrage que Bertrand connaissait et qui divise les minéraux en dix classes.
126 Bertrand, Dictionnaire, ouvr. cité, p. XXIX.