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La création de la Bibliothèque royale publique de la Cour de Portugal : une responsabilité partagée, 1796-1803

Maria Luísa CABRAL

Bibliothécaire de la Bibliothèque nationale (Lisbonne), retraitée

NdlR : Maria Luísa Cabral a défendu récemment une thèse de doctorat en Histoire moderne. Elle s’intéresse aux questions de l’histoire de la culture au XVIIIe siècle et, dans le cadre du projet Leituras e Formas de Escrita (Universidade Nova de Lisbonne, Faculté des Sciences sociales et humaines), elle développe une recherche autour du problème de la constitution de collections à la Bibliothèque royale publique de la Cour.

L’histoire de la Bibliothèque Royale Publique de la Cour (Lisbonne)1 a souvent été centrée sur la figure de Frei Manuel do Cenáculo Vilas Boas (1724-1814) et sur l’importante donation de livres, manuscrits et monnaies qu’il a faite à la Bibliothèque Royale entre 1796 et 1797. Ce fait historique, non exempt de quelques contradictions, a été exagéré par une grande figure de la bibliothéconomie portugaise comme celle de Raul Sangreman Proença (1884-1941)2, lequel n’a pas hésité à établir une relation directe entre cette donation et la création de la Bibliothèque royale publique. Or, l’histoire de la Bibliothèque royale ne s’explique pas par une donation, tout comme elle ne s’évalue pas en l’isolant du contexte politique de l’époque pour la faire exclusivement relever d’une initiative individuelle : il est indispensable d’approfondir les liens tissés entre les acteurs, les événements et la conjoncture générale.

Des acteurs et des événements qui doivent mériter un peu de notre attention pour, d’abord, les présenter, ensuite, pour relater les faits et, finalement, pour introduire quelques nouvelles données qui, selon nous, altèrent le tableau traditionnel de l’histoire de la Bibliothèque royale publique de la Cour, et qui apportent une nouvelle lumière sur l’histoire des bibliothèques au Portugal. La révision des sources permet d’interpréter différemment le cas de la Bibliothèque royale et les circonstances dans lesquelles elle a été projetée, et de la considérer comme marquant une véritable rupture entre deux temps – celui du passé et celui de l’avenir – dans l’histoire des bibliothèques portugaises. Dans le texte qui suit, nous chercherons à définir clairement le profil de la Bibliothèque royale, en maintenant l’équilibre indispensable entre la mention des faits les plus marquants et une certaine contention narrative.

Il n’existe pas de raisons pour penser qu’au Portugal, les bibliothèques se faisaient rares dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. En se basant sur les témoignages écrits des voyageurs étrangers qui parcouraient alors le pays, on note qu’ils ne faisaient pas, en général, une évaluation favorable ni de la quantité, ni de la qualité des bibliothèques existantes : ils ont reconnu être face à une réalité distincte de celle à laquelle ils étaient habitués, quel que soit l’aspect analysé, mais cette reconnaissance n’est accompagnée d’aucune explication. Les raisons pour un témoignage aussi partiel doivent être encore identifiées, mais il semble étonnant d’observer à quel point les verdicts d’autant de personnalités coïncident. Pour ces voyageurs, le Portugal était une destination aussi exotique que le Moyen-Orient. Parmi les descriptions les plus rigoureuses, nous signalons celle d’Adrien Balbi3 qui, même si elle est plus tardive, reste très partielle en ce qui concerne les bibliothèques.

Or, l’étude des sources – en particulier des nombreux catalogues de librairies – offre une information abondante qui contredit la vision négative présentant les bibliothèques au Portugal comme rares et/ou mal fournies. Cette affirmation ne traduit pas la réalité, bien que d’autres paramètres restent encore à vérifier, par exemple les pratiques de lecture. Par conséquent, comme il y avait des bibliothèques, il y avait naturellement derrière elles leurs propriétaires et d’autres personnalités qui étaient préoccupées par leur enrichissement et leur utilisation. Nous verrons comment ce problème est évalué lors de la reconstruction qui a suivi le tremblement de terre de 1755. La Bibliothèque royale ne naît pas de rien.

Sans approfondir cette problématique, il faut rappeler ici, pour des raisons de contextualisation historique, l’existence de quatre grandes bibliothèques nées de la volonté du roi D. João V (1689-1750) ou très protégées par lui, et antérieures à la Bibliothèque royale. Désignées par la formule de « quadrilatère stratégique »4, il s’agit de la Bibliothèque de l’Université de Coimbra (1716), dite Joanina, de celle du couvent de Mafra (1730), de celle des Oratoriens (remontant au XVIIe siècle) et de la Bibliothèque royale5 – entendons, la bibliothèque privée du roi, qui existe depuis la fin du Moyen Âge, qui est installée dans le Palais royal, près du Tage, et pour laquelle D. João V n’a jamais ménagé ni ses efforts, ni son financement. Devenue légendaire, cette première Bibliothèque royale a malheureusement disparu avec le tremblement de terre de 1755.

La Bibliothèque de l’Université de Coimbra, dont la gestion a constitué pendant longtemps la plus grande préoccupation de ses responsables, réunit dès lors toutes les conditions pour devenir la grande bibliothèque publique qui faisait défaut Portugal à la fin du XVIIIe siècle. Coimbra disposait non seulement d’une infrastructure exceptionnelle, même si elle avait besoin d’une rénovation, mais aussi d’un bibliothécaire remarquable, António Ribeiro dos Santos6. Pourtant, il a été décidé de créer une nouvelle bibliothèque à Lisbonne, près du pouvoir central. Quand l’édit de création de la Bibliothèque royale publique est publié, le 29 février 1796, il ne s’agissait pas seulement de parer au manque d’une bibliothèque publique : l’édit concrétisait un projet à caractère politique, et la Bibliothèque avec l’appui du souverain, venait occuper une place aux côtés des autres organes de pouvoir, contribuant elle aussi à la construction de l’État moderne. La reine D. Maria I (1734-1816) n’a pas hésité à appeler à Lisbonne, en 1795, António Ribeiro dos Santos, en lui donnant les pleins pouvoirs pour organiser la nouvelle bibliothèque publique : sa mission est d’abord d’évaluer la bibliothèque de la Real Mesa Censória7, et de proposer les mesures en vue de la création d’une bibliothèque publique. Son Rapport8 sur la bibliothèque de la Mesa Censória est remarquable pour sa précision et sa lucidité, que ce soit au niveau du diagnostic ou des recommandations. Sans désigner encore le projet de bibliothèque publique, comme l’Édit le fera un an plus tard, il regroupe les différentes forces œuvrant pour le projet royal que la Bibliothèque royale publique de la Cour représentait. L’intervention de Ribeiro dos Santos illustre le premier moment de sa relation avec la Bibliothèque royale publique, relation qui se prolongera sur plus de vingt ans.

Cette même année 1796 voit en outre l’intervention de Frei Manuel do Cenáculo en faveur de la Bibliothèque royale. Proposer une biographie de cette personnalité est une tâche aussi complexe que sa vie fut variée. Né à Lisbonne dans un milieu modeste, Manuel do Cenáculo9 reçoit sa première éducation chez les Oratoriens10, dont la maison est célèbre par la qualité des enseignants et du cursus proposé, la bibliothèque, le laboratoire de physique et les autres instruments scientifiques, sans oublier l’atelier d’imprimerie. Puis Cenáculo passe par le Couvent de Notre-Dame de Jésus du Tiers-Ordre de la Pénitence de Saint-François (Lisbonne), où ses contacts ont été nombreux avec la bibliothèque, comme il le raconte lui-même11. Entré ensuite au Collège de Saint-Pierre (Université de Coimbra), il y poursuit ses études, et témoignera à nouveau de la qualité de l’enseignement reçu : se référant à son maître Frei Pedro José Esteves, il explique qu’il défendait « les idées libres » au détriment des « idées emprisonnées », et souligne l’importance de l’enseignement de Frei Joaquim de S. José, Provincial de l’Ordre et responsable de la bibliothèque du Collège de Saint-Pierre, qu’il fréquente régulièrement. Il est bien évidemment probable qu’il connaît la bibliothèque de l’Université proprement dit. Cette familiarité avec les bibliothèques sera une constante tout au long de sa vie, et explique sans doute son attachement au projet et à l’institution de la Bibliothèque royale publique.

De Coimbra, où il enseignait depuis 1746, Cenáculo accompagne Frei Joaquim de S. José au Chapitre général des Franciscains à Rome en juin 1750 : ce voyage sera d’une importance capitale dans sa formation. Si le Journal de Frei Joaquim12 ne précise malheureusement pas la liste des bibliothèques et académies que les voyageurs ont inévitablement visitées à Madrid, Turin, Bologne et surtout Rome, Cenáculo se référera toujours à l’expérience de son voyage comme ayant marqué une période très riche qui lui « a donné des milliers d’idées »13. Plus de vingt ans plus tard, en 1768, il participera nouveau au Chapitre général de l’ordre, cette fois à Valence d’Espagne. Un déplacement plus court, bien qu’il ait fait un détour pour visiter la bibliothèque de l’Escorial (nous le savons grâce à une lettre) et qu’au retour, trois mois plus tard, il soit allé visiter les couvents franciscains de Grenade et de Séville dans le cadre de ses nouvelles fonctions de Provincial de l’ordre. Cenáculo ne quitte dès lors plus le pays, mais il fait de multiples références à ces deux voyages, en nous faisant comprendre leur importance dans sa formation. Le second voyage n’a pas été le moins marquant : Cenáculo était un homme mûr et, à Valence, il a rencontré de grands intellectuels espagnols, surtout D. Gregório Mayans y Siscar, contacts dont il a su pleinement profiter14.

À côté des voyages, des rencontres et des visites, le travail de Cenáculo au sein de l’ordre et ses relations avec le gouvernement du marquis de Pombal ne sont pas sans importance. Toute la période qu’il a passée à la tête du Couvent de Jésus et les travaux de reconstruction qu’il y a coordonnés (plus ou moins entre 1768 et 1777) sont très importants. Il s’agissait de rétablir le couvent ruiné par le tremblement de terre de 1755 (alors que la situation avait été aggravée par l’incurie, vu que la reconstruction n’a commencé que treize ans après le séisme !) : la bibliothèque occupe une place de choix dans ce programme, et les descriptions qui en sont faites nous éclairent sur les préoccupations de Cenáculo dans ce domaine. Son zèle en faveur de la bibliothèque du couvent de Jésus est tel que nous pouvons, sans risque de nous tromper, la considérer comme sa propre bibliothèque, et comme l’œuvre de sa vie. À la fin de sa vie, en reconsidérant l’œuvre réalisée, ce fut là qu’il a été le plus près de concrétiser son projet de bibliothèque15.

En dehors de l’ordre, Cenáculo était très proche de Pombal16, qui l’a invité à le rejoindre, et leur collaboration n’a cessé qu’avec la fin politique du ministre, en 1777. Nous arrêtant seulement aux interventions de Cenáculo ayant une relation avec les bibliothèques, nous en soulignerons deux : d’une part, en 1772, en tant que président de la Real Mesa Censória, il élabore un rapport dans lequel il défend la création d’une bibliothèque publique, en se référant à l’utilité d’« une provision inextinguible de livres... »17 D’autre part, en 1773, il rédige un mémoire18, considéré par beaucoup comme la véritable pierre de fondation de la future Bibliothèque royale publique et que nous n’hésiterions pas aujourd’hui à considérer comme un véritable « cahier des charges », dans lequel il donne des indications précises sur la construction, l’architecture, les espaces, les fonctions, les attributions de ce que devrait être alors une bibliothèque publique – il n’avait jamais été aussi loin dans sa réflexion. Ce document concrétise dans une certaine mesure ce que Cenáculo avait tenté de mettre en place en tant que responsable de la Real Mesa Censória : organiser une bibliothèque, peut-être publique, à partir de fonds bibliographiques issus de diverses sources, confisqués pour des raisons d’ordre politique ou culturel (censure), et qui étaient en rapport direct avec les fonctions de la Real Mesa Censória.

Il semble donc bien que c’est à Cenáculo que reviendraient l’honneur et la primauté dans la création d’une bibliothèque publique au Portugal. Mais ce que nous savons par le rapport de 1795 signé par Ribeiro dos Santos est que le chaos régnait alors à la Real Mesa Censória, et qu’il ne restait rien de la bibliothèque : aucun ordre, aucun catalogue ni inventaire, aucune collection. En d’autres mots, Cenáculo a peut-être rêvé de constituer une bibliothèque publique, alors qu’il avait un certain pouvoir politique, mais il ne l’a pas fait. Par la suite, ce fut l’éloignement politique durant un quart de siècle, à Beja, bien loin de la cour, et, durant cette période, l’histoire a pris une autre direction. Sa vie durant, Cenáculo a par ailleurs réuni livres, manuscrits, pièces de monnaie, pièces archéologiques et muséologiques de tout type, rendant impossible de distinguer a posteriori goût personnel et préoccupations patrimoniales. Il avait commencé très jeune à acheter des livres, et quand il avait besoin d’argent pour acheter des ouvrages trop onéreux mais dont il ne pouvait pas se passer, il en vendait d’autres qu’il considérait comme superflus. Sa correspondance, soit quelque sept mille lettres19, témoigne des contacts fréquents avec des libraires, mais aussi des difficultés à payer malgré l’obsession d’acquérir.

Quand son action politique est interrompue à Lisbonne, en 1777 (avec la mort du roi D. José, le ministre Pombal et tous ses partisans sont écartés), Cenáculo vient à Beja occuper effectivement la charge épiscopale à laquelle il avait été nommé en 1770 – Beja est une petite ville du sud, d’accès difficile, et qui restait relativement isolée20. Le rôle de l’évêque est alors très important en faveur d’une des zones les plus pauvres du Portugal : il fonde notamment à Beja un séminaire avec une bibliothèque, bibliothèque qu’il fournit avec les livres qu’il avait déjà et avec d’autres qu’il achetait sans limites. Dans le même temps, il conserve des liens avec l’extérieur, et le palais épiscopal s’impose comme un lieu de visite et d’échanges obligatoire : il pouvait s’agir de voyageurs, comme James Murphy21, d’intellectuels espagnols, comme Perez-Bayer22 ou les frères Mohedano23, ou encore de correspondants, comme l’abbé Correia da Serra24, Joaquim José da Costa e Sá25 ou António Ribeiro dos Santos26, pour n’en citer que quelques-uns.

Enfin, e Beja, Cenáculo suivait ce qui se passait à la cour et, quand le moment est arrivé, il a été particulièrement attentif à la création de la Bibliothèque royale publique. Contactant, par le biais de tiers, António Ribeiro dos Santos, désigné comme directeur de la nouvelle institution, il lui propose à la fin de 1796 le don d’un ensemble très important, livres, manuscrits et pièces de monnaie, et l’opération se poursuivra en plusieurs phases jusqu’à la fin de 1797. Nous témoignons donc ici d’une des contributions les plus décisives dans la création et la consolidation de la Bibliothèque royale publique de la Cour, avec l’engagement d’un érudit du XVIIIe siècle qui non seulement a été attentif au projet, mais lui a apporté sa propre participation. En ce qui concerne les propres collections de Cenáculo, les envahisseurs français de l’armée de Junot ont, sous le commandement du général Louis-Henri Loison (1771-1816), complètement saccagé son musée en 180827.

Cependant les bibliothèques représentent bien plus qu’un simple rassemblement de livres, même rares et précieux : elles supposent une organisation adaptée à la mission que l’on attend d’elles – et l’édit de 1796 précisait celle de la Bibliothèque royale publique. Cette organisation a ici un visage et un nom, celui d’António Ribeiro dos Santos (1745-1818). Des brosses nécessaires pour nettoyer salles et couloirs à l’huile d’éclairage, des meubles de la Real Mesa Censória à réparer d’urgence aux raretés à acquérir et à protéger, des horaires d’ouverture au recrutement des employés, du classement méthodique des collections aux acquisitions à faire, des règlements à édicter à la répartition des collections dans les salles, tout cela, entre 1795 et 1816, est pris en charge par António Ribeiro dos Santos : un travail énorme et très solide, dont l’importance n’a pas, jusqu’à aujourd’hui, été suffisamment soulignée ni reconnue.

Les premiers fonds de livres constituant la Bibliothèque royale publique provenaient de la Real Mesa Censória (les deux institutions étaient voisines, sur le Terreiro do Paço à Lisbonne), mais la désorganisation totale a imposé à Ribeiro dos Santos de tout reprendre à la base. La présence de livres très précieux à la Real Mesa Censória était reconnue, mais personne n’y avait accès. Ribeiro dos Santos regrette l’absence d’un catalogue ou d’un inventaire qui lui permettrait, dit-il dans son rapport de 1795, de savoir ce qui était entré dans l’institution et quelle en avait été la destination. Cette question de la richesse de la Real Mesa Censória et des intentions réelles de Cenáculo à cet égard a été très débattue28 mais, sans minimiser le rôle de Cenáculo dans le projet de Bibliothèque royale publique, nous pensons qu’il convient de le réévaluer. La Bibliothèque royale publique ne correspond pas à un projet individuel et d’ailleurs, dans une lettre de 1808 à Ribeiro dos Santos, Cenáculo souligne le rôle majeur de celui-ci pour le succès final.

L’une des caractéristiques de Ribeiro dos Santos a été le dynamisme qu’il a apporté à la direction de la Bibliothèque, comme en témoigne sa volonté d’enrichir les fonds de livres. Sur la base de ce qui était déjà disponible dans les collections, et grâce aux informations recueillies sur les nouveautés données à Londres, La Haye, Paris, Copenhague, Madrid ou Rome, il sélectionnait avec soin ce qui pouvait intéresser la jeune institution : nous sommes devant un véritable plan d’acquisitions, tourné vers l’avenir et visant à constituer la Bibliothèque comme un outil scientifique incontournable. Si l’idée initiale semble venir du directeur, sa mise en œuvre exigeait pourtant l’appui du pouvoir politique, notamment du ministre dont dépendait la Bibliothèque. La localisation de la Bibliothèque au sud de l’Europe (donc à l’écart des principaux circuits de la librairie), et la faiblesse des ressources financières constituaient des obstacles majeurs. La solution n’est pas totalement nouvelle, puisque D. João V y avait déjà recouru pour acheter des livres pour Coimbra, pour Mafra, et surtout pour sa propre Bibliothèque royale : il s’agit d’utiliser les réseaux et les services des diplomates portugais résidant dans les cours étrangères, et ceux des commerçants et négociants portugais établis dans les grandes villes d’Europe. Un véritable réseau est ainsi mis en place, la réaction des commerçants et négociants apparaissant comme tout particulièrement remarquable par leur totale disponibilité et leur volonté de servir la Bibliothèque. Ribeiro dos Santos développe de 1801 à 1803 une activité particulièrement soutenue pour entretenir des correspondances, concernant aussi bien les informations (liste de titres à acquérir) que les envois de livres. Mais, par la suite, l’initiative finit par avorter, en partie parce que la guerre avec l’Espagne entraîna la diminution des sommes disponibles, et la suspension des commandes.

Ribeiro dos Santos a organisé l’intégration des œuvres qu’il avait trouvées à la Real Mesa Censória dans les installations attribuées à la Bibliothèque royale. Il a ensuite évalué et négocié l’entrée des fonds des Théatins. Plus tard, il a été confronté à la proposition de Cenáculo d’acquérir un ensemble si précieux d’œuvres qu’il a difficilement cru que la chance vienne frapper à sa porte. Les lettres envoyées par Ribeiro dos Santos à Beja ne cachaient pas la surprise, le contentement et l’admiration : il ne s’agissait pas seulement de dire oui ou non, mais d’évaluer des raretés éditoriales, l’intérêt de chaque titre, l’absence des titres offerts à la Bibliothèque Royale et dans les autres bibliothèques portugaises. Tout le travail a été exécuté par Ribeiro dos Santos, qui ne souhaitait pas le déléguer. Pour savoir exactement si tel ou tel titre était intéressant, il était indispensable de connaître les fonds existant : les instruments de recherche manquaient et le plus efficace était vraiment la connaissance des livres qu’ avait le bibliothécaire lui-même. Outre ce savoir bibliophilique, Ribeiro dos Santos dominait une vaste information sur les bibliothèques, sur l’histoire et sur d’autres domaines des humanités : les listes par lui élaborées sont la preuve la plus évidente d’un esprit très bien informé, ce qui est confirmé par le choix des cent cinquante manuscrits qu’il a voulu réunir pour les léguer, à sa mort, à la Bibliothèque royale, ce qui a effectivement eu lieu29. La Bibliothèque de Coimbra avait laissé échapper un bibliothécaire unique, mais Lisbonne et le royaume avaient gagné un bibliothécaire pour le futur.

À partir d’une bibliothèque « empilée surtout sur des planchers » – l’expression est de Ribeiro dos Santos30 –, grâce à l’aide de négociants et de diplomates et à la générosité de donateurs individuels31, la Bibliothèque royale publique commençait à prendre forme. Si nous rapprochons le travail de Ribeiro dos Santos et l’engagement de Cenáculo, nous comprenons que nous sommes devant un projet qui n’était pas individuel, mais devant une initiative qui a rassemblé rapidement une volonté publique significative. Ribeiro dos Santos a obéi à un ordre royal et l’a exécuté à la perfection. Jamais on ne lui a attribué la responsabilité de l’idée, et il ne l’a jamais réclamée, malgré un texte des années 177732 où il défend la création d’une bibliothèque publique. De son côté, Cenáculo a laissé quelques écrits où il a effleuré la question de la création d’une bibliothèque publique, et ces écrits ont été interprétés comme étant précurseurs de la défense d’une telle institution. Nous défendons ici une interprétation différente : ayant considéré que 1772 ou 1773 étaient, en soi, des dates un peu tardives au sein du XVIIIe siècle, nous avons choisi la reconstruction de Lisbonne qui a suivi le tremblement de terre (1755) comme marque décisive dans la vie collective portugaise. À l’occasion de cette date, il se serait peut-être trouvé l’opportunité de penser un peu au-delà des solutions urbanistiques : nous avons donc essayé d’identifier dans cette période des témoignages sur l’intérêt d’une bibliothèque publique.

La problématique autour de la reconstruction de Lisbonne est un sujet fascinant, encore plus quand on vient de Lisbonne, et elle a été très étudiée. Les recherches de José-Augusto França33 et plus récemment, le travail de Rossa34 sont des classiques qui ne sauraient être laissés de côté, et auxquels nous joindrons l’œuvre de Cristóvão Aires35. Tous citent comme principal responsable des plans de reconstruction de la capitale, l’ingénieur-chef du royaume Manuel da Maia (1677-1768), et insistent sur son pragmatisme et sur sa capacité de réalisation. Ils se réfèrent aux rapports que Manuel da Maia a soumis à l’appréciation de Pombal, dont le premier le 4 décembre 175536. Un mois après la tragédie, on vivait des horreurs à Lisbonne, la désorientation était totale et seuls la lucidité et le sang-froid de Manuel da Maia et de Pombal sont parvenu à surmonter ce qui se semblait insurmontable. Le rapport – Dissertation, comme il a été nommé – a éveillé notre intérêt ; nous n’étions certes pas devant un document inconnu (il avait été publié aussi bien par Aires que par França), mais sa lecture attentive, à la recherche d’autres éléments que ceux purement urbanistiques, a révélé une préoccupation de Maia, selon nous surprenante, que ce soit pour sa teneur ou pour les implications qu’elle entraîne. Nous transcrivons :

Je dois aussi rappeler que, dans le nouveau palais royal on pourra constituer une Bibliothèque publique pour éviter la juste observation de ne pas en avoir une à la cour de Portugal (...). Et pour le double duquel il y a aussi une grande précision, on choisira un site séparé.

Cet extrait ne laisse aucun doute sur les intentions de Manuel da Maia – il est vrai qu’elles ne se concrétiseront pas, mais elles étaient prémonitoires, et assez précoces par rapport aux idées qui circulaient. Mais le plus intéressant dans cet extrait concerne le fait que, dans le Portugal du XVIIIe siècle, l’idée faisait son chemin, suivant laquelle il fallait accompagner ce qui se passait en Europe. L’importance de ce petit texte a échappé à França comme à Aires, plus préoccupés par les aspects urbanistiques et architectoniques, mais nous pensons qu’elle est indiscutable. Ainsi, et relativement au texte relatif à la responsabilité de Cenáculo en 1772, nous voici obligés de remonter dix ans ans en arrière pour identifier une première référence à la nécessité de doter le pays d’un équipement aussi important que celui représenté par la Bibliothèque royale publique de la Cour.

La préoccupation par rapport au manque d’une bibliothèque publique n’était donc pas exclusive à un groupe d’érudits, mais le problème se posait au-delà de ce cercle plus exigeant – et qui donne raison à ce nous avons affirmé d’abord sur l’existence de bibliothèques, de propriétaires et de connaisseurs de livres au Portugal. C’est là un vaste domaine de réflexion, mais il est intéressant de comprendre comment l’entente et la clarification autour de la création de la Bibliothèque royale publique de la Cour va ouvrir d’autres perspectives et offrir d’autres axes de recherche.

Dans ce qui était présenté d’abord comme un projet individuel, nous reconnaissons donc la participation de figures provenant d’autres secteurs, avec des formations et des exigences bien différentes, et c’est ainsi que va se former une bibliothèque véritablement tournée vers l’extérieur, au service du public. Les sources ne sont pas abondantes et surtout on méconnaît jusqu’à aujourd’hui les documents d’ordre théorique, sur ce qu’est et à quoi sert une bibliothèque. Les bibliothèques portugaises ont toujours souffert de ce manque de théorisation et si les personnalités mentionnées ici, comme Cenáculo ou Ribeiro dos Santos, connaissaient les auteurs français comme Gallois, Debure ou Naudé – dont les œuvres et les enseignements sont souvent cités –, elles ne s’inquiétaient pas de coucher sur le papier et de systématiser leur propre pensée en matière de bibliothèques. Peut-être ne trouvaient-elles dans cet exercice ni avantage, ni nécessité. Quelques documents subsistent, de la main de Ribeiro dos Santos, mais ils sont rares et trop éliptiques. D’ailleurs, l’existence d’autres institutions à caractère culturel ou scientifique, comme l’Académie royale de l’histoire portugaise (1720)37, l’Académie des sciences de Lisbonne (1779)38 ou la Maison littéraire de l’Arco do Cego (1799)39, révèlent qu’il régnait une certaine effervescence culturelle dans la capitale à la fin du XVIIIe siècle, et que la Bibliothèque royale n’y était pas la seule instance.

La Bibliothèque royale, créée par l’édit de 1796, était une institution proche du pouvoir politique, et placée sous la tutelle du ministre du Royaume, le ministre le plus proche du roi. À la fin du XVIIIe siècle, l’histoire du Portugal était particulièrement complexe. D’une part, la reine D. Maria I essayait de rétablir l’ordre qui régnait avant le règne de son père, D. José Ier. Celui-ci s’était totalement appuyé sur Pombal, ce qui avait provoqué de nombreuses rivalités entre certains membres de la noblesse ou de l’Église. Lorsque D. José meurt et que Pombal est écarté, ceux qui avaient été opprimés et qui se sentaient lésés, ont rapidement essayé de subvertir l’ordre établi et d’influencer la reine afin qu’elle restaure les droits perdus40. La reine D. Maria a commencé à montrer des signes de faiblesse et, peu à peu, elle a cédé le pouvoir à son fils D. João, le prince régent, qui devait monter sur le trône avec le titre de D. João VI, le roi qui a assuré la transition du Brésil de colonie à pays indépendant. Cependant, à Lisbonne autour de 1805, les problèmes liés à l’Espagne sont nombreux, de même que ceux liés à l’Angleterre et à la France, à cause de l’absence d’une stratégie politique clairement assumée, et la situation empire quand le danger d’invasion napoléonienne commence à émerger. Ces années très difficiles ont pourtant constitué pour la Bibliothèque royale une période en or. Fondée en 1796, elle jouissait de la forte sympathie de la reine et du prince régent ; elle avait à sa tête un homme bien préparé et très intelligent ; elle a alors capté d’importantes donations (celle de Cenáculo est la plus célèbre, non pas la seule), et a eu l’énorme avantage de dépendre d’un ministre du Royaume cultivé, esprit très ouvert et attentif à l’Europe, ancien ministre plénipotentiaire du Portugal à Turin, très actif, et qui faisait passer le « service royal » avant sa propre vie. C’est ainsi qu’entre Ribeiro dos Santos et le ministre du Royaume, D. Rodrigo de Sousa Coutinho, premier comte de Linhares (1755-1812), s’est développée une synergie aux résultats très positifs, et qui a énormément bénéficié à la Bibliothèque royale publique.

De fait, D. Rodrigo de Sousa Coutinho a été l’autre grand responsable du succès de la Bibliothèque royale publique. Sa biographie a croisé, dans sa jeunesse, celle de Cenáculo qu’il reverra plus tard et, en tant que ministre, il a travaillé avec Ribeiro dos Santos au développement de la Bibliothèque royale, même si durant une période trop courte (de novembre 1801 à septembre 1803). S’ils avaient travaillé plus longtemps, on n’imagine pas quel aurait été le niveau de qualité atteint par la Bibliothèque royale ! Nous connaissons des épisodes notables relatifs à cette rencontre, que nous devons passer ici sous silence, mais d’autres doivent être rappelés pour mieux comprendre l’intervention de D. Rodrigo.

D. Rodrigo de Sousa Coutinho41, d’ascendance noble, a reçu une bonne éducation et a appris, très tôt, à l’exemple de son père et de Sebastião José de Carvalho e Melo, son parrain, ce qu’était le « service royal ». Gouverneur d’Angola pendant plusieurs années, son père a été ensuite nommé ambassadeur à Madrid. D. Rodrigo, en l’absence prolongée de son père, a été parfaitement éduqué par sa grand-mère. Il a étudié à Lisbonne, au Collège des Nobles42, il a fréquenté la cour, en particulier, le prince D. José Francisco43, et, plus tard, il a étudié à Coimbra. Au Collège des Nobles, à la cour et à Coimbra, il s’est fait des connaissances et des amis qui l’ont marqué et qu’il a conservés toute sa vie. Il s’est particulièrement distingué dans l’étude des mathématiques, ce qui se révélera important quand il sera ministre. Il démarre très jeune dans la vie diplomatique : en 1778, il est nommé ministre plénipotentiaire à Turin, et il remplira cette fonction pendant dix-huit ans, malgré quelques périodes passées à Lisbonne. Ce séjour a été déterminant : ce sont les contacts, les nouveautés, les questions sociales et économiques, qu’il étudie obstinément, en produisant des rapports et des mémoires qu’il envoyait continuellement au Portugal, toujours avec la préoccupation d’être à la hauteur du « service royal ». Il envoyait aussi de nombreux prototypes de machines au prince D. José Francisco, qui s’enorgueillissait de son cabinet de physique et en montrait avec enthousiasme les pièces aux visiteurs44.

D. Rodrigo organise sa bibliothèque personnelle à Turin, et nous pouvons aujourd’hui encore en consulter le catalogue45 : une bibliothèque exclusivement scientifique ou technique, mis à part un exemplaire de la Bible et un autre du Coran. Il y avait plusieurs livres de voyages, mais aucun titre de littérature en dehors des Lusiades. Les œuvres qui constituaient la bibliothèque ont été éditées au moment où D. Rodrigo était à Turin, et la plupart étaient en langue originale, le nombre de titres en portugais restant très réduit. Il n’est pas pertinent ici de faire une étude minutieuse sur cette bibliothèque, mais ces lignes de force sont déjà suffisantes pour comprendre la plupart des futures interventions de son propriétaire.

D. Rodrigo de Sousa Coutinho rentre à Lisbonne au début de l’année 1796, pour occuper un poste au gouvernement où il se distingue rapidement. Les affaires autour de la Bibliothèque royale publique ne le concernaient pas, mais il est très probable qu’il les a accompagnées ou qu’il s’y soit engagé rapidement : l’un de ces dossiers concerne la donation de Cenáculo, à l’occasion de laquelle il fallait régler la question du paiement des objets que celui-ci envoyait pour la Bibliothèque royale. Ribeiro dos Santos n’a pas négligé cette question, comme en témoigne clairement la correspondance échangée entre les deux hommes. À partir de novembre 1801, l’autorité de D. Rodrigo Sousa Coutinho sur la Bibliothèque royale devient officielle, et de sa première rencontre avec Ribeiro dos Santos, date une communion d’intérêts et de volontés qui se révélera très bénéfique pour la consolidation de l’institution. Sousa Coutinho était certes très entreprenant, mais il a trouvé un interlocuteur à sa hauteur, avec une énergie identique et avec la même volonté d’avancer en la personne de Ribeiro dos Santos.

L’entrée de la donation Cenáculo date de la gestion de Sousa Coutinho, qui a conclu le processus. La question de l’acquisition de nouveautés et la correspondance littéraire que Ribeiro dos Santos établit avec des commerçants et des diplomates, est soutenue par Sousa Coutinho. Le ministre du royaume se souciait des titres à acheter et, plus d’une fois, il a donné des instructions directes à Ribeiro dos Santos, pour acquérir un certain ouvrage ou un périodique – les périodiques l’intéressaient tout particulièrement, parce qu’il en savait l’intérêt scientifique. Autant de caractéristiques de l’ouverture de la Bibliothèque royale publique à la modernité : même si les chiffres peuvent paraître insignifiants, il convient de se référer aux habitudes anciennes, et à l’absence presque complète de périodiques.

Le temps où ces deux acteurs principaux ont travaillé ensemble a été très court – on ne peut que le regretter –, mais celui qui consulte les notes de Ribeiro dos Santos, observe clairement sa volonté de construire une bibliothèque moderne, avec le souci d’acquérir des éditions récentes et actualisées. Avec ce projet, nous voici bien au-delà du simple rêve d’un érudit. Les arguments de Cenáculo ont fait leur chemin, certes dans un environnement qui leur était propice et qui avait commencé à exister vingt ans plus tôt sous la plume de Manuel da Maia, puis sous celle de Ribeiro dos Santos avec son Sobre as bibliotecas em Portugal. S’ajoute la circonstance très heureuse d’avoir disposé, en la personne de Ribeiro dos Santos, de quelqu’un qui connaissait très bien les besoins d’une bibliothèque, et qui avait une grande capacité d’organisation. Et, pour finir, Sousa Coutinho siégeait au gouvernement, lui qui était une figure de politicien dynamique et ambitieux, et qui souhaitait une autre destinée pour la Bibliothèque royale publique.

En fait, entre 1795 et 1803, la Bibliothèque est passée d’une situation de complète désorganisation à un projet de bibliothèque moderne, prévoyant d’intégrer et de développer des collections qui se destinaient véritablement à soutenir un autre type de service public. Cette préoccupation généralisée s’est reflétée dans la création d’autres institutions royales, visant toutes à soutenir le pouvoir politique et toutes responsables de la construction de l’État moderne.

Édit de création de la Bibliothèque royale publique de la Cour, 29 février 1796 (Biblioteca Nacional de Portugal, AHBN CR/01/Cx 01, doc. 02, f. 1).

Le Palais royal au Terreiro do Paço (Lisbonne), où la Bibliothèque royale privée du roi était installée. Elle a disparue avec le tremblement de terre en 1755, justifiant l’intervention de Maia (1). La Real Mesa Censória sera aussi abritée, plus tard, dans le même édifice, et Cenáculo a essayé d’ y organiser la bibliothèque (2). Le logement de la Bibliothèque royale publique de la Cour a profité de l’espace et des livres laissés par la Mesa Censória, mais les aménagements définitifs seront l’œuvre de Ribeiro dos Santos, avec l’aide de Sousa Coutinho (3). Reconstitution d’après l’étude de Cristina Dias (2012 : cf. Bibliographie).

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Abréviations

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1 En portugais, Real Biblioteca Pública da Corte (RBPC).

2 Cette information n’étant pas centrale pour le thème en discussion, nous dirons seulement et rapidement que Proença a été le bibliothécaire le plus savant et le plus actif que la Bibliothèque nationale ait eu au XXe siècle. On lui doit, entre autres, la création du Catalogue collectif des bibliothèques, et l’édition de la revue Anais das Bibliotecas e Arquivos, essentielle pour la formation de générations de bibliothécaires. Pour l’imaginaire des bibliothécaires portugais, Proença et Cenáculo sont des figures sans pareilles, et qui se situent au même niveau.

3 Adrien Balbi, Essai statistique sur le Royaume de Portugal et d’ Algarve..., 2004 (1re éd. 1822). Nous renvoyons in fine pour l’ensemble des références bibliographiques.

4 António Filipe Pimentel, « A Biblioteca da Universidade e os seus espaços », 2009.

5 Les études de Carlos Alberto Ferreira (1940 et 1958) continuent à être les plus riches.

6 Sur le personnage de Ribeiro dos Santos, consulter José Esteves Pereira (2005, 2006). Cf. Sources et bibliographie.

7 La Real Mesa Censória (1768-1787) avec quelques changements jusqu’à 1821) est responsable de la circulation des livres et des idées au Portugal : aucun livre ne pouvait être imprimé ni vendu sans avoir sa permission. L’étude de Maria Adelaide Marques (1963) reste fondamentale pour comprendre la complexité historique de l’institution.

8 António Ribeiro dos Santos, Relatório..., 1795.

9 La biographie la plus complète de Cenáculo reste celle rédigée par Jacques Marcadé (1978), lecture obligatoire pour qui s’intéresse au personnage et à son œuvre.

10 Les études d’António Banha de Andrade sur les Oratoriens, de Rómulo de Carvalho sur l’enseignement au Portugal au XVIIIe siècle, et de Sebastião José da Silva Dias sur le Portugal et la culture européenne sont les meilleures références à ce sujet.

11 Conformément aux transcriptions faites par Álvaro Neves (1911).

12 Ce voyage est depuis le XVIIIe siècle considéré comme marquant un tournant dans la vie et dans l’œuvre de Cenáculo. La collecte bibliographique de toutes ces références et l’attribution de l’œuvre à Frei Joaquim ont été l’objet d’une étude de Maria Luísa Cabral (2011).

13 Une des références les plus fascinantes que Cenáculo fait à son voyage à Rome, figure dans Memórias Históricas e Appendix..., 1794.

14 Sur ces contacts, les études de Marie-Hélène Piwnik (1977, 1978-1979, 1983, 1984, 1986) sont indispensables, et complètent la nombreuse information antérieure et dispersée.

15 Parmi les études sur Cenáculo, le travail de Francisco Vaz (2013) détaille l’action de Cenáculo à la bibliothèque du couvent de Jésus, tandis que Neves (1911) met à disposition un précieux recueil de sources.

16 Sebastião José de Carvalho e Melo, comte d’Oeiras et marquis de Pombal, ministre tout-puissant du roi D. José Ier de 1750 à 1777. Ses mesures énergiques pour la reconstruction de Lisbonne après 1755, l’expulsion des Jésuites en 1759 et l’action implacable contre la noblesse, dans la perspective d’un pouvoir monarchique absolu, l’ont rendu célèbre et craint de tous.

17 Rapport de la Real Mesa Censória, Sobre o estabelecimento dos Estudos Menores..., 1772.

18 Faz-se indispensável... (1773).

19 La correspondance de Cenáculo a été répertoriée pour la première fois par Armando Nobre de Gusmão (1944-1956), mais ce Catálogo n’est pas exhaustif. Récemment, un relevé plus large a été préparé par Francisco Vaz, Os livros e as bibliotecas... (2009). Il est indispensable d’y ajouter les études de Piwnik déjà citées, qui révèlent la correspondance conservée dans les archives de Valence.

20 Sur son action et intervention pastorale en Alentejo, les travaux de Marcadé sont indispensables.

21 Voyageur anglais qui a laissé deux œuvres importantes sur le Portugal, dont l’une (1798) mentionne les travaux de Cenáculo.

22 Bibliothécaire du roi d’Espagne, lui aussi très intéressé par des questions de patrimoine : Piwnik (1983).

23 Franciscains, avec lesquels Cenáculo a eu des contacts et a discuté des questions de formation religieuse : Piwnik (1977 et 1978-1979).

24 Très actif à l’Académie des sciences, et défenseur d’une plus grande ouverture à l’extérieur. L’étude classique est ici celle de Cristóvão Aires (1927).

25 Latiniste, homme de confiance de D. Rodrigo de Sousa Coutinho, très proche de Cenáculo mais aussi de Ribeiro dos Santos, et intermédiaire dans la négociation qui a précédé la donation de Cenáculo à la Bibliothèque royale.

26 Juriste, bibliothécaire, premier directeur de la Bibliothèque royale publique de la Cour.

27 Épisode raconté par Cenáculo lui-même (1887).

28 Voir les études de Manuela D. Domingos sur la défense de Cenáculo en tant que premier mentor de l’idée d’une bibliothèque publique, selon une interprétation que nous ne partageons pas.

29 Avec les cotes COD 4583 à COD 4732 (œuvres ARS 1 a 150) dans la collection de codices de la BnP.

30 Relatório..., 1795.

31 Même si les donations étaient plus ou moins liées à des intérêts plus immédiats...

32 António Ribeiro dos Santos, Sobre as bibliotecas em Portugal, ca. 1777.

33 José Augusto França, Lisboa Pombalina e o Iluminismo..., 1977.

34 Walter Rossa, Além da Baixa..., 1998.

35 Cristóvão Aires, Manuel da Maia e os engenheiros militares portugueses..., 1910.

36 Manuel da Maja, 1ª Dissertação..., 1755.

37 Isabel Ferreira da Mota, A Academia Real da História..., 2003.

38 Cristóvão Aires, Para a história da Academia..., 1927.

39 A Casa Literária do Arco do Cego..., 1999.

40 Période désignée dans l’historiographie portugaise par le terme de Viradeira.

41 L’étude la plus exhaustive sur D. Rodrigo de Sousa Coutinho est celle d’Andrée Mansuy Diniz Silva (2002).

42 Institution créée pour l’éducation des jeunes nobles : voir, Rómulo de Carvalho (1959).

43 D. José Francisco, prince de la Beira (1761-1788), héritier de la couronne, fils aîné de D. Maria (future reine D. Maria I) et petit-fils de D. José. Ayant eu comme précepteur Frei Manuel do Cenáculo mais décédé prématurément, il est remplacé dans la ligne de succession par le prince D. João, son frère et futur D. João VI. C’est dans le cercle du prince D. José Francisco que D. Rodrigo connaît Cenáculo, connaissance qui sera rappelée en 1797 quand, en tant que ministre du Royaume, il doit récompenser Cenáculo pour la donation que celui-ci venait de faire à la Bibliothèque royale publique de la Cour.

44 Les écrits de William Beckford, écrivain anglais qui a visité Lisbonne à plusieurs reprises et qui était introduit auprès de la noblesse et de la royauté, et les descriptions du marquis de Bombelles, ambassadeur français, signalent l’existence de ce cabinet de physique et les raretés que le prince accumulait.

45 ANTT, Arquivo da Casa de Linhares.