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De la bibliothèque savante à la bibliothèque publique : collections et lecteurs à Venise au XVIIIe siècle

Antonella BARZAZI

Université de Padoue

Grande capitale du livre dans l’Europe de l’Ancien Régime, Venise représente un milieu caractéristique pour une étude de l’évolution du rôle « public » des bibliothèques entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Le cas vénitien semble en effet, sous plus d’un aspect, aller à contre-courant de la tendance qui s’est dessinée en France, ainsi que dans d’autres contextes italiens.

La première moitié du XVIIe avait vu le déclin progressif des bibliothèques des religieux de Venise et assisté à la dispersion de la plupart des livres du clergé régulier, un patrimoine exceptionnel, constitué à la fois d’ouvrages imprimés et manuscrits, qui nous est bien connu grâce à la grande quantité d’inventaires rédigés entre 1599 et 1601, conformément aux dispositions de l’index établi par le pape Clément VIII1. Les causes de cette crise étaient multiples. La stagnation du commerce des livres, l’incurie des autorités locales et centrales des ordres religieux, l’accumulation même des collections, fragmentées en un grand nombredegroupesdevolumesconservésdanslescellules des moines, avaient contribué, de différentes manières, à la désagrégation d’un réseau de bibliothèques très dense, profondément inscrit dans le tissu culturel de la ville2. Par contre, la bibliothèque d’État de Saint Marc, la seule collection dite officiellement « publique » à Venise, était restée limitée à sa fonction de bibliothèque-écrin, dépositaire de manuscrits précieux, mais difficilement accessible aux chercheurs3. La suppression, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, de certaines congrégations de chanoines réguliers, particulièrement riches en livres, et un incendie éclaté en 1687 dans la bibliothèque de Sant’Antonio di Castello, dotée d’un fonds extraordinaire de manuscrits grecs et hébreux, avaient marqué symboliquement le naufrage de l’ancien patrimoine.

Cependant, tandis que disparaissaient diverses collections des ordres réguliers, d’autres communautés religieuses commençaient, au cours des dernières décennies du XVIIe siècle, à restaurer, voire à reconstruire intégralement leurs propres bibliothèques. Il s’agissait de travaux onéreux, qui se déroulaient dans le cadre d’une redistribution globale des espaces monastiques et conventuels. Les vieux locaux, datant du Moyen Âge et de la Renaissance, et meublés de simples pupitres, étaient définitivement éliminés. Cette rupture avec les structures précédentes allait instaurer à Venise une typologie différente, dont on voit généralement l’archétype italien dans l’Ambrosiana de l’archevêque de Milan Federico Borromeo, c’est-à-dire une vaste salle équipée de rayonnages muraux divisés en deux niveaux, inférieur et supérieur. Les livres y étaient répartis par matière, à l’aide d’ornements fonctionnels : des bustes en bois ou des médaillons gravés, représentant les grands hommes de la science, des lettres et des arts, qui constituaient des points de repères visuels pour les différentes disciplines représentées dans les collections4.

Cette phase est éminemment illustrée par le célèbre cartographe vénitien Vincenzo Coronelli. Dans sa série de gravures publiée, peu après l’an 1700, sous le titre Églises de Venise, il donne un aperçu des salles de trois des nouvelles bibliothèques, toutes œuvres du célèbre architecte vénitien Baldassare Longhena5. Celle, tout d’abord, des bénédictins de l’ordre du Mont Cassin de S. Giorgio Maggiore, une ancienne communauté qui comptait – traditionnellement – des moines appartenant à l’aristocratie vénitienne ; celle des dominicains de S.S. Giovanni e Paolo, un couvent également très ancien et bien enraciné dans le contexte politique de la ville ; celle, enfin, de Santa Maria della Salute, des somasques, congrégation se consacrant surtout – depuis le milieu du XVIIe siècle – à l’éducation des jeunes aristocrates6. Pendant les années suivantes la vague des reconstructions et des réaménagements des anciens locaux se propagerait dans plusieurs maisons religieuses encore.

Les communautés cherchaient à relancer, par ce biais, leur prestige et leur réputation. Elles exprimaient en même temps leur aspiration sincère à un renouvellement culturel et à une réforme des études, qui avait été encouragée par Rome depuis le pontificat d’Innocent XI. Les religieux ressentaient l’influence du message érudit de la congrégation de Saint-Maur : ils avaient bien en tête l’image de la bibliothèque idéale, telle qu’elle figure dans le Traité des études monastiques de Mabillon, nettement positive et anti-scolastique, tournée vers les sources et les classiques7. Les solides rayonnages muraux des nouvelles bibliothèques vénitiennes accueillaient en effet des éditions patristiques, des collections de conciles, des histoires ecclésiastiques et profanes, des répertoires biographiques et chronologiques, géographiques et juridiques, ainsi que les œuvres des grands écrivains et des poètes de l’antiquité et de la Renaissance.

Pendant que ce mouvement se manifestait dans les milieux religieux, la bibliothèque suscitait un vif intérêt aussi auprès du patriciat vénitien. Au cours des opérations de restructuration qui concernent de nombreux palais de la noblesse dans la seconde moitié du XVIIe siècle, des locaux sont destinés expressément à la conservation des livres et à la lecture. On observe alors toute une gamme de possibilités, récemment documentée par les recherches de Dorit Raines sur l’univers social et symbolique du groupe dirigeant8. L’option la plus pratiquée reste celle de la grande salle dans les parties du palais réservées à la vie sociale, solution préférée – par exemple – par la famille Pisani pour sa bibliothèque achevée au cours des années 1720 et bientôt une des plus imposantes parmi les collections aristocratiques. Mais on observe aussi d’autres solutions, plus originales : un édifice à part, placé dans le jardin – selon le modèle adopté au début du XVIIIe siècle par la famille Zane et, dans les années 1740, par le doge érudit Marco Foscarini –, ou parfois une tourelle située dans une aile extérieure de la maison. À l’intérieur d’une tourelle un patricien passionné d’astronomie, Girolamo Correr, avait placé, vers la fin du XVIIe siècle, ses livres et un observatoire astronomique9.

La bibliothèque n’occupait pas auparavant une place aussi centrale dans les demeures aristocratiques : la libraria (constituée essentiellement d’une collection de manuscrits) figurait parmi les différents éléments qui contribuaient à la magnificence du palais, outre le jardin, la collectionde tableaux et d’œuvres de l’antiquité. Les inventaires du XVIe siècle et du début du XVIIe nous présentent la bibliothèque domestique comme une réalité composite, physiquement répartie dans différents locaux. Elle abritait, en plus d’un nombre variable de manuscrits et de livres imprimés, diverses sortes de manuscrits récents, destinés plus proprement aux archives, que les membres de la famille consultaient pour se préparer aux tâches politiques et administratives qui les attendaient10. À ce genre de collection sont venus s’ajouter à partir de la fin du XVIIe siècle le modèle et l’organisation de la bibliothèque érudite, avec un local unique, muni d’étagères en bois sculpté, avec un grand nombre de volumes, couvrant le plus possible les différentes disciplines. La librairie devenait autonome par rapport aux archives de la famille et à la collection des œuvres d’art et des antiquités, tout en maintenant avec elles un lien étroit.

Comme pour les ordres réguliers, l’affirmation de cette nouvelle structure était dictée par des motivations hétérogènes, liées à la conjoncture difficile de la seconde moitié du XVIIe siècle. À partir des années 1640, la République s’était engagée dans un conflit épuisant avec les Turcs, marqué par la perte de l’île de Candie et par la conquête vénitienne de la Morée, rendue cependant à l’Empire ottoman en 1715. Cette longue période de guerre avait enclenché des dynamiques inconnues jusque-là de la classe dirigeante. En premier lieu, le patriciat avait accueilli en son sein de riches familles d’origine marchande, en échange de fortes sommes d’argent, tandis que les groupes de la petite et moyenne noblesse, qui s’étaient distingués sur les champs de bataille du Levant, avaient acquis davantage de poids11. Dans ce contexte, l’attention que l’on portait alors à la bibliothèque s’inscrivait en fait dans la recherche d’emblèmes de gloire et de signes de distinction de la part des familles plus anciennes et bien ancrées dans l’exercice du pouvoir. Par ailleurs, elle exprimait aussi l’aspiration – ressentie à plusieurs niveaux de la pyramide aristocratique – à une formation culturelle plus efficace, mieux adaptée aux défis que devait relever un petit état comme Venise, dans une Europe dominée par la France de Louis XIV : une formation qui s’éloignait donc du paradigme humaniste traditionnel et qui s’ouvrait davantage aux sciences expérimentales, au droit et aux langues européennes, en favorisant une approche plus concrète de l’histoire et de la géographie12. La bibliothèque dessinée par l’érudition – fondamentalement encyclopédique – était à même de répondre à ces exigences en offrant un cadre de qualité, dans lequel il était possible d’ordonner une gamme de plus en plus vaste et articulée de disciplines et de connaissances.

Au début du XVIIIe siècle les jalons qui allaient mener à un profond tournant avaient donc été posés. Toutefois le nouveau réseau de bibliothèques conventuelles et aristocratiques qui va se constituer ne semble pas encore chargé d’une fonction précise dans la ville. En 1694, le philologue allemand Jakob Tollius, en 1698, Bernard de Montfaucon lui-même, en visite à Venise, sont déçus par l’hostilité que leur témoigne le conservateur de la bibliothèque de Saint Marc. Quant aux bénédictins de San Giorgio et aux dominicains de Santi Giovanni e Paolo, ils ne leur réservent pas un meilleur accueil et les empêchent même d’étudier certains manuscrits13. Il est vrai que les relations avec les étrangers pouvaient être alors influencées par les conjonctures politiques et diplomatiques. Mais, peu de temps après, Apostolo Zeno, le plus grand érudit vénitien du XVIIIe siècle, exprimera aussi un jugement des plus négatifs sur les collections vénitiennes. Dans une lettre de janvier 1701, il écrivait en effet à Giovan Mario Crescimbeni, gardien de l’Arcadia romaine : « J’envie l’usage que vous faites de vos si nombreuses bibliothèques publiques. Ici nous n’en avons même pas une14. »

L’expression de « bibliothèque publique » nefaisait pasallusionicià leur nature institutionnelle spécifique, mais se référait exclusivement à leur disponibilité réelle pour les savants et les études. L’univers de Rome, caractérisé par une large présence de bibliothèques ecclésiastiques et cardinalices, paraissait en net contraste avec celui de Venise15.

À l’époque Zeno travaillait depuis quelques années déjà à réunir sa propre bibliothèque, destinée à se développer au fur et à mesure qu’il avançait dans ses études, dans ses relations culturelles, dans ses contacts avec le monde des libraires et de la typographie vénitienne, qui s’acheminait alors vers une phase d’expansion rapide. Fondateur en 1710, avec Scipione Maffei et le naturaliste et médecin Antonio Vallisneri, du Giornale de’ letterati d’Italia, il passera plus d’une décennie (1718-1730), en qualité de poète de cour, à Vienne, où il aura l’occasion d’assimiler les principes de la culture bibliographique du monde germanique et d’entrer dans les circuits des foires du livre et des ventes à l’encan de l’Europe du Nord16. Grâce à des opérations incessantes d’achat et d’échange de volumes et de collections entières, menées aussi bien avec les libraires qu’avec les milieux savants italiens, il pourra constituer une des collections vénitiennes les plus importantes du XVIIIe siècle, très riche en ouvrages de référence pour la recherche historico-documentaire et littéraire, en dictionnaires et en répertoires, en actes académiques, en périodiques italiens et étrangers, et en manuscrits précieux.

Cette bibliothèque en expansion constante a eu vite fait de devenir un point de repère pour les milieux savants vénitiens et italiens. Les lettres échangées par Zeno avec ses nombreux amis et correspondants en témoignent nettement : le propriétaire fournit des informations, il effectue des contrôles, il compare des éditions et des exemplaires. Et dans les notes écrites sur les pages de gardes et de titre de certains de ses livres, aujourd’hui conservés à la Marciana, on peut reconnaître la main de divers « élèves » de Zeno, devenus ensuite bibliothécaires de collections religieuses et domestiques17. Le profil d’une bibliothèque se dessine ainsi devant nos yeux, lieu de rencontres et d’échanges intellectuels, d’élaboration et d’apprentissage de pratiques relatives au catalogage et à la bibliographie. Une bibliothèque personnelle, instrument de travail de son propriétaire, mais en même temps partagée avec un groupe plus large de savants et de chercheurs. En 1715, dans son éloge funèbre en l’honneur de Giuseppe Valletta écrit pour le Giornale de’ letterati d’Italia, Zeno avait célébré le savant avocat napolitain pour son talent naturel et son inclination au mécénat, ainsi que « pour la librairie de premier ordre constituée pour le bénéfice commun plus que pour son propre usage »18. Deux ans plus tard, au moment de son départ pour Vienne, il veillera à ce que ses amis et ses correspondants puissent, même en son absence, continuer à consulter ses livres, qu’il avait déposés chez son demi-frère Andrea Cornaro à Venise19.

Zeno est à la fois un érudit d’envergure européenne et un passionné par l’histoire de sa patrie. Membre d’une famille d’ascendance patricienne, il est en même temps étroitement lié au monde des religieux, surtout par le biais de son frère Pier Caterino, prêtre de la congrégation des somasques. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’il soit devenu un maître aux yeux des bibliothécaires des ordres religieux ainsi que des maisons de l’aristocratie et que la « Libraria zeniana » se soit imposée comme le modèle le plus concret et le plus influent pour le développement du réseau des collections vénitiennes.

Au sein d’un jeu complexe de renvois entre projets intellectuels et ambitions declasse,entreengagementpourl’éruditionetsociabilitémondaine,le processus ébauché à la fin du XVIIe siècle donnera lieu au tissu très dense des bibliothèques privées et conventuelles de la Venise du siècle suivant. Vers 1750, dans une ville qui comptait 3 500 patriciens (hommes et femmes, religieux compris) sur environ 140 000 habitants, étaient disséminées plusieurs dizaines de collections, dont certaines vraiment considérables. Les œuvres possédées par les deux plus grandes bibliothèques, celle des somasques de S. Maria della Salute et celle des camaldules de S. Michele sur l’île de Murano (le monastère où travaillaient les adeptes les plus convaincus en Italie du paradigme de l’histoire monastique de Mabillon20), s’élevaient à presque 30 000 unités bibliographiques. La bibliothèque de Zeno, qui dépassait les 17 500 volumes, était comparable à celle des franciscains de S. Francesco della Vigna, riche de 11 000 œuvres. Quelques milliers de titres étaient conservés dans la collection des Pisani, la plus importante des bibliothèques de la noblesse, célèbre pour ses sections d’érudition biblique et patristique. Avec celle-ci rivalisait en outre un bon nombre d’autres collections appartenant au groupe dirigeant et aux maisons des réguliers21.

Malgré les spécificités relevant de la physionomie doctrinale des ordres religieux et des divers intérêts des patriciens disposés à se consacrer à la constitution d’une bibliothèque, ces collections présentaient des traits communs. Il s’agissait, tout d’abord, de bibliothèques « générales », qui visaient à fournir un cadre représentatif de la production accumulée dans les différentes disciplines. Il s’agissait, ensuite, de bibliothèques « savantes », qui accordaient donc moins de place – par rapport à celles du XVIIe siècle – à l’édification, à la distraction et à l’information pratique et professionnelle, et qui excluaient les genres étrangers à la « haute » culture. Ces structures complexes nécessitaient, en outre, la présence de bibliothécaires – des membres de la communauté dans le cas des religieux, des érudits, en général des ecclésiastiques, employés à cet effet, dans celui des bibliothèques privées – qui soient en mesure de juger de la qualité des œuvres et des éditions, d’établir des catalogues à la hauteur de la dimension atteinte par les fonds, de formuler des plans d’acquisition raisonnés. Placées sous la conduite des bibliothécaires, les collections vénitiennes s’imposaient comme un pivot du marché du livre : non seulement elles achetaient un nombre considérable d’ouvrages, mais elles promouvaient des échanges et des trocs de volumes au sein de cercles plus vastes, qui dépassaient largement les limites de la ville22. Enfin – pour revenir à notre thème – elles s’ouvraient de plus en plus régulièrement au monde extérieur. La série des épisodes négatifs, des résistances et des refus, qui s’était poursuivie jusqu’à l’aube du XVIIIe siècle, touchait à sa fin. Entre les années 1730 et 1740, bon nombre de correspondances, d’épîtres dédicatoires, de préfaces, de mémoires attestent que les bibliothèques vénitiennes s’insèrent dans un réseau d’informations plus étendu, que l’accès à leurs salles va devenir plus facile et plus habituel pour tout un public de chercheurs et de savants, vénitiens et étrangers, appartenant à des milieux sociaux et culturels homogènes, dans lesquels les bibliothécaires et les propriétaires reconnaissent les citoyens d’une même patrie : la république des lettres23.

Nous sommes loin d’une notion de service public, telle qu’elle sera mise en place à partir du siècle suivant. La « communication des livres » – « une règle du monde des bibliothèques » au XVIIIe siècle, comme l’a définie Françoise Waquet24– est favorisée à Venise, en fait, par maints facteurs : la tradition de disponibilité profondément enracinée auprès des institutions religieuses ; la volonté de l’aristocratie de renforcer, par le biais d’un mécénat bien visible, sa propre identité de groupe dirigeant ; le sens pleinement humaniste du partage des livres, inhérent aux bibliothèques privées25.Mais l’aspiration à une bibliothèque ouverte et accueillante repose également sur une autre idée, centrale dans l’érudition de ce siècle et qui domine par exemple le travail de collectionneur d’Apostolo Zeno : c’est l’idée de la collection de livres comme instrument culturel essentiel, clé pour accéder au monde du savoir et à sa complexité, comme lieu d’expériences autodidactes alternatives, parfois plus efficaces que les offres de formation proposées par les institutions scolaires. À ce propos, le cas de la grande librairie des somasques de S. Maria della Salute, organisée en riches sections littéraires, historiques, bibliographiques et scientifiques, semble fort significatif. En 1746 Jacopo Stellini, un somasque vénitien d’un certain renom, professeur de morale à l’Université de Padoue, écrivait, comme il en avait l’habitude, au bibliothécaire de la Salute, qui se consacrait depuis quelques années à un plan d’achat systématique d’œuvres relatives à la physique moderne et à la pensée anglaise, de classiques du droit naturel et de périodiques savants. En faisant l’éloge du travail de son confrère, Stellini cherchait à en exprimer les critères et l’esprit. La bibliothèque, soutenait-il, fournirait dorénavant

une aide des plus appréciables à ceux qui, n’ayant pas de direction, voudront se plonger dans la connaissance des œuvres et des auteurs fondamentaux pour les études qu’ils auront décidé de mener26.

Le réseau des collections privées et des réguliers avait donc endossé des responsabilités que la bibliothèque « publique » de Saint Marc n’assumait toujours pas. Certes, vers la moitié du XVIIIe siècle, la bibliothèque d’État enregistrait un enrichissement considérable de son patrimoine, tandis que la méfiance habituelle de ses bibliothécaires le cédait à une attitude plus aimable27. Mais les acquisitions privilégiaient, selon la tradition, les fonds des manuscrits grecs et latins et l’ensemble des instruments bibliographiques et philologiques pour leur étude. La Marciana, tiendra à souligner en 1826 son futur bibliothécaire Pietro Bettìo, n’avait jamais eu besoin d’une grande quantité de livres « modernes », justement parce que les librairies domestiques et des ordres réguliers, largement accessibles, en étaient amplement pourvues28. Toutefois, le rôle de référence que ces collections jouaient – un rôle de vaste envergure et nettement reconnu – ne sera accompagné d’aucun changement au niveau de leurs statuts. En effet, au milieu du XVIIIe siècle, le phénomène de l’institutionnalisation des bibliothèques privées et des ordres religieux, qui était monnaie courante en France depuis au moins un siècle, n’était pas inconnu en Italie. Pendant ces années-là précisément, le gouvernement de la maison de Lorraine avait promu à Florence l’ouverture de la Magliabechiana et de la Marucelliana, devenues propriétés de la ville29. Dans l’État vénitien de Terre Ferme lui-même avait également été fondée, en 1707, la Bertoliana de Vicence, à partir des livres qu’un célèbre juriste et conseiller de la République avait légués à la municipalité, tandis que deux collections d’évêques, la Patriarcale de Udine et la Queriniana de Brescia, avaient été inaugurées comme institutions publiques, respectivement en 1711 et en 175030.

Mais on ne voyait se profiler aucune opération de cette nature à Venise, comme si la richesse et la disponibilité informelle des bibliothèques existantes rendaient superflue toute initiative visant à en garantir l’existence autonome, en faveur et pour l’utilité des lecteurs, hors de la sphère d’un ordre religieux ou d’une famille du patriciat. Remarquable, à ce propos, l’affaire de la « libraria zeniana », la collection-symbole de toute une saison culturelle. En octobre 1750, un mois avant sa mort, Apostolo Zeno décide d’exécuter sa volonté de faire don de sa propre bibliothèque à un couvent auquel il était depuis longtemps particulièrement lié, celui des dominicains réformés de S. Maria del Rosario, où l’on pratiquait un austère rigorisme anti-jésuite31. Ce choix aurait pu être le prélude à des développements importants. Zeno, qui a déjà vendu son musée de médailles et de monnaies grecques et romaines à un noble allemand, se préoccupe du destin et de l’intégrité de sa librairie, le fruit le plus original de sa pratique de l’érudition. Mais – exception faite de l’interdiction de céder des volumes – il se limite, dans son testament, à des allusions fort générales au « bon usage » de ses livres ; il n’impose aucune obligation précise à la communauté, il n’institue pas de rente pour l’entretien de la bibliothèque, ni ne fait appel d’aucune manière à l’autorité du gouvernement vénitien32. Tellement que ce legs exceptionnel, transporté à S. Maria del Rosario sous les yeux du propriétaire, finira par rester longtemps inutilisé – presque un corps étranger à l’intérieur de la bibliothèque conventuelle –, entre une cause civile intentée aux dominicains par le demi-frère et héritier de Zeno et mille problèmes d’emplacement et de catalogage, insurmontables avec les seules forces des religieux.

Le décalage entre la situation vénitienne et celle que connaissaient d’autres réalités italiennes devait s’accentuer dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. En effet, les politiques de réformes suivies par les Habsbourg et la maison de Lorraine attribuaient alors une importance sans précédent aux bibliothèques et à leur usage. C’est ainsi qu’à Florence, entre les années 1760 et 1780, fut largement réaménagé le tissu des librairies des familles et des ecclésiastiques, qui était aussi riche que celui de Venise, tandis que certains fonds anciens et de différents ordres religieux supprimés allaient constituer une série de collections professionnelles et spécialisées à caractère médico-scientifique33. Dans la Lombardie de l’impératrice Marie-Thérèse, la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773 permettait de concrétiser des projets conçus depuis longtemps, axés sur les bibliothèques universitaires et, dans le cas de Milan, sur le centre d’études scientifiques de Brera. Une première vague de confiscation des patrimoines des couvents fera donc confluer leurs livres vers un nouveau réseau d’institutions locales, opérant au niveau régional34. La réorganisation des collections de cour faisait aussi partie intégrante des projets de réforme et des politiques culturelles dictées par les ducs de Modène et de Parme.

À Venise, en revanche, le débat sur les réformes scolaires, suite à l’abolition des jésuites et de quelques congrégations religieuses mineures, ne portait que très difficilement sur le thème des bibliothèques, et la République ne paraissait pas encline à adopter de politique à ce sujet. Le réseau mis en place à partir de la fin du XVIIe siècle occupait toujours la scène d’une manière presque exclusive et connaissait même une dernière phase de grand succès. Les sections traditionnelles de la bibliothèque savante continuaient leur expansion et s’adaptaient à abriter, dans l’esprit de la vocation « universelle » originelle, des œuvres porteuses de savoirs nouveaux : des textes clés des Lumières du XVIIIe siècle, des écrits sur le commerce et sur l’économie, ainsi que des ouvrages techniques et scientifiques. Dans les bibliothèques du patriciat et des réguliers on expérimentait les critères bibliographiques plus rigoureux et le nouveau goût pour les collections et la bibliophilie alors en voie d’affirmation à l’échelle européenne35. Les bibliothécaires s’appliquaient à rédiger d’épais catalogues établis par ordre alphabétique d’auteurs, basés sur le dépouillement des œuvres écrites à plusieurs mains et des miscellanées, et ils réservaient une attention particulière aux manuscrits et aux incunables, groupés dans des fonds à part. Moins sensibles, par rapport à la première moitié du siècle, aux grands projets intellectuels et à la valeur proprement culturelle du livre, ils développaient ainsi la dimension technico-professionnelle de leur métier, en dépit des contraintes imposées par leur condition de religieux ou d’employés d’une maison patricienne36. La bibliothèque confirmait en même temps son rôle d’emblème de prestige social et culturel, profondément enraciné dans l’univers sociopolitique de Venise et dans l’image de la ville37. Et les salles des couvents et des palais de l’aristocratie accueillaient avec une libéralité croissante, souvent selon des horaires établis, les usagers habituels : des ecclésiastiques et des nobles cultivés, des experts en antiquités locales, voire des étudiants et des enseignants d’humanités grecques et latines, de philosophie et de théologie38. Le seul modèle de la bibliothèque ouverte au public restait ainsi celui de la collection savante. Un modèle fort expérimenté, mais qui n’était plus capable de répondre aux requêtes d’autres genres et d’autres structures qui lui venaient des nouvelles catégories de lecteurs, aussi bien professionnels qu’amateurs.

À partir de 1784 certains groupes de manuscrits et d’incunables, ayant appartenu à des couvents mineurs supprimés ou placés sous un plus strict contrôle par la République, passeront à la bibliothèque de Saint Marc. L’initiative du gouvernement vénitien, avec ses dispositions tardives à l’avantage de la Marciana, préfigurait la dissolution à venir d’un patrimoine en livres que le manque de destinations et de projets et le lien exclusif avec le privilège aristocratique et ecclésiastique avaient rendu très vulnérable. En même temps débutait la série des ventes des collections domestiques39.

Ce ne sera qu’après la chute de la République que la faillite du mécénat patricien, privé de ses fondements politiques, et la suppression des congrégations religieuses opérée par le gouvernement napoléonien, feront sortir du circuit régulier-aristocratique une quantité extraordinaire de livres. Les fragments des collections confisquées – devenues des « biens nationaux » – et de celles mises aux enchères, réintégreront au début du XIXe siècle la bibliothèque d’État et les nouvelles institutions de l’ancienne capitale et du royaume d’Italie, au prix toutefois de dispersions massives. La fin du vieux système des bibliothèques de Venise s’accompagnera du déclin de l’hégémonie absolue de la collection savante. Le réseau florissant des bibliothèques du XVIIIe siècle était par contre allé rejoindre entre-temps le mythe de la patrie disparue : il allait être célébré par les apologistes de la République comme haut témoignage de la civilisation vénitienne et d’une organisation culturelle polycentrique et éclatée, promue par un groupe dirigeant passionné par le savoir et par sa diffusion40.

La bibliothèque de S. Giorgio Maggiore (bénédictins du Mont-Cassin). Vincenzo Coronelli, Singolarità di Venezia e del Serenissimo suo Dominio divise in più parti, XII, Chiese di Venezia [entre 1700 et 1709].

La bibliothèque de S. Maria della Salute, établie à la fin du XVIIe siècle par le Général de la Congrégation des Somasques, le Vénitien Giovanni Girolamo Zanchi. Vincenzo Coronelli, Singolarità di Venezia e del Serenissimo suo Dominio divise in più parti, XII, Chiese di Venezia [entre 1700 et 1709].

La bibliothèque du couvent dominicain à SS. Giovanni e Paolo. Vincenzo Coronelli, Singolarità di Venezia e del Serenissimo suo Dominio divise in più parti, XII, Chiese di Venezia [entre 1700 et 1709].

La bibliothèque de la famille Pisani. Reproduction dans S. Aurelii Augustini hipponensis episcopi Opera, tome I, Venetiis, J. B. Albrizzi, 1729.

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1 R. Rusconi, « Les bibliothèques des ordres religieux en Italie vers 1600 à travers l’enquête de la Congrégation de l’Index. Problèmes et perspectives de recherche », dans Les Religieux et leurs livres à l’époque moderne, Actes du colloque de Marseille – E.H.E.S.S. – 2 et 3 avril 1997, sous la dir. De B. Dompnier, M.-H. Froeschlé-Chopard, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2000, pp. 145-160. « Libri, biblioteche e cultura degli ordini regolari nell’Italia moderna attraverso la documentazione della Congregazione dell’Indice », dans Atti del Convegno Internazionale, Macareta, 30 maggio-1 giugno 2006, éd. R. M. Borraccini e R. Rusconi, Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 2006.

2 M. Zorzi, « La circolazione del libro a Venezia nel Cinquecento : biblioteche private e pubbliche », dans Ateneo Veneto, CLXXVII (1990), p. 117-189. A. Barzazi, « Ordini religiosi e biblioteche a Venezia tra Cinque e Seicento », dans Annali dell’Istituto storico italo-germanico in Trento, XXI (1995), pp. 141-228.

3 M. Zorzi, La Libreria di San Marco. Libri, lettori e società nella Venezia dei Dogi, Milano, Mondadori, 1987, pp. 188-216. D. Raines, « Book Museum or Scholarly Library? The Libreria di San Marco in a Republican context », dans Ateneo Veneto, 197 (2010), pp. 31-50. L’autre « publica libraria » de la Sérénissime était la Bibliothèque Universitaire de Padoue, qui avait été destinée à l’achat et à la conservation de livres « modernes », mais qui ne gagnera jamais de fonction culturelle remarquable. T. Pesenti Marangon, La Biblioteca universitaria di Padova dalla sua istituzione alla fine della Repubblica veneta (1629-1797), Padova, Antenore, 1979.

4 C’étaient des solutions courantes dans la tradition des bibliothèques européennes. Cf. C. Jolly, « Bâtiments, mobilier, décors », dans Histoire des bibliothèques françaises, Les bibliothèques sous l’Ancien Régime 1530-1789, sous la dir. de C. Jolly, Paris, Promodis-Edition du Cercle de la Librairie, 1988, pp. 361-371. Pour l’Ambrosiana et, plus généralement, pour la tradition iconographique des bibliothèques on peut se référer à A. Serrai, Storia della bibliografia, V, Trattatistica biblioteconomica, éd. par M. Palumbo, Roma, Bulzoni, 1993, pp. 201-233 et 265-294.

5 [Vincenzo Coronelli], Singolarità di Venezia e del Serenissimo suo Dominio divise in più parti, XII, Chiese di Venezia, [s.n.t., 1708]. Cf. A. Barzazi, Gli Affanni dell’erudizione. Studi e organizzazione culturale degli ordini religiosi a Venezia tra Sei e Settecento, Venezia, Istituto Veneto di scienze, lettere ed arti, 2004, pp. 59-62.

6 Les somasques tenaient différentscours scolaires dans leur maison de la Salute, mais ils servaient aussi comme précepteurs dans les familles du patriciat vénitien. A. Barzazi, Gli Affanni dell’erudizione, ouvr. cité, pp. 73-196.

7 A. Barzazi, « Una cultura per gli ordini religiosi: l’erudizione », dans Quaderni storici, 119 (2005), pp. 485-517. La centralité de la bibliothèque dans le débat culturel et dans la réorganisation des savoirs à la fin du XVIIe siècle est soulignée par M. Rosa, « I depositi del sapere : biblioteche, accademie, archivi », dans La Memoria del sapere. Forme di conservazione e strutture organizzative dall’antichità a oggi, éd. par Pietro Rossi, Roma-Bari, Laterza, 1988, en particulier pp. 188-196 ; pour le rôle du livre et des collections chez les Mauristes, cf. C. Jolly, « Les bibliothèques bénédictines », dans Histoire des bibliothèques françaises, ouvr. cité, pp. 29-43 ; et D.-O. Hurel, « Les Mauristes, consommateurs et producteurs de livres aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Les Religieux et leurs livres, ouvr. cité, pp. 177-194.

8 Cf. en particulier : D. Raines, « La biblioteca-museo patrizia e il suo “capitale sociale”. Modelli illuministici veneziani e l’imitazione dei nuovi aggregati », dans Arte, storia, cultura e musica in Friuli nell’età del Tiepolo, éd. C. Furlan et G. Pavanello, Udine, Forum, 1998, pp. 63-84, et ill.

9 C’était toutefois une option minoritaire, refusée dans le cas de la famille Zane ; sur la bibliothèque de Correr voir G. Benzoni, « La vita intellettuale », dans Storia di Venezia. Dalle origini alla caduta della Serenissima, VII, La Venezia barocca, éd. G. Benzoni et G. Cozzi, Roma, Istituto della Enciclopedia italiana, 1997, p. 887.

10 D. Raines, « La biblioteca-museo », art. cité, pp. 63-64. Ead., « L’archivio familiare strumento di formazione politica del patriziato veneziano », dans Accademie e Biblioteche d’Italia, LXIV (1996), pp. 5-38. Francesco Sansovino, Venetia città nobilissima (...) con aggiunta di tutte le cose notabili della stessa (...) dall’anno 1580 fino al presente 1663 da D. Giustiniano Martinioni, Venezia, Stefano Curti, 1663, pp. 370-379.

11 Cf. G. Cozzi, « Dalla riscoperta della pace all’inestinguibile sogno di dominio », dans Storia di Venezia, VII, La Venezia barocca, ouvr. cité, pp. 26-89. P. Del Negro, « La milizia », ibid ., pp. 509-531. Sur le thème des agrégations : D. Raines, « Pouvoir ou privilèges nobiliaires. Le dilemme du patriciat vénitien face aux agrégations du XVIIe siècle », dans Annales. Economies. Sociétés. Civilisations, 44 (1991), pp. 827-847. Ead., « Strategie d’ascesa sociale e giochi di potere a Venezia nel Seicento : le aggregazioni alla nobiltà », dans Studi veneziani [ci-après SV ], LI (2006), pp. 279-317.

12 A. Barzazi, « Patriziato e studi a Venezia nella seconda metà del Seicento : alla scuola dei somaschi », dans SV, XLIV (2002), pp. 37-89.

13 M. Zorzi, La Libreria di San Marco, ouvr. cité, pp. 237-238. F. Waquet, « La communication des livres dans les bibliothèques d’Ancien Régime », dans Le livre et l’historien. Études offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, Genève, Droz, 1997, pp. 371-380.

14 « Io vi invidio l’uso di cotante pubbliche biblioteche. Qui non ne abbiamo pur una. Mi conviene procurare ogni cosa a stento e con fatica ». Apostolo Zeno, Lettere, Venezia, Sansoni, 1785, I, pp. 105-106, 10 janvier 1701.

15 Voir l’introduction de M. I. Palazzolo à Le raccolte librarie private nel Settecento romano, fasc. monogr. de Roma moderna e contemporanea, 4 (1996), éd. M. I. Palazzolo et C. Ranieri, pp. 568-572. M. Rosa, « I depositi del sapere », ibid., pp. 186-188.

16 A. Barzazi, « Libertino o devoto? Apostolo Zeno nello specchio della sua biblioteca », dans Il « Giornale de’ letterati d’Italia » trecento anni dopo. Scienza, storia, arte, identità (1710-2010), atti del convegno, Padova-Venezia-Verona, 17-19 novembre 2010, éd. E. Del Tedesco, Pisa, Roma, Fabrizio Serra Editore, 2012, pp. 133-144. B. Dooley, Science, Politics and Society in Eighteenth-Century Italy. The « Giornale de’ letterati d’Italia » and its World, New York, London, Garland, 1991.

17 C’était le cas de Giannantonio Verdani et de Giovanni Degli Agostini, chargés respectivement des bibliothèques de la famille Soranzo et du couvent franciscain de S. Francesco della Vigna.

18 « Per l’insigne biblioteca non tanto in suo uso, che a comun beneficio da lui raccolta » (Giornale de’ letterati d’Italia, tome XXIV (1715), p. 50).

19 A. Zeno, Lettere, ouvr. cité, II, pp. 427-428 (à son frère Pier Caterino Zeno, de Pontebba, 17 août 1718) ; pp. 458 et 472 (à son demi-frère A. Cornaro, de Vienne, 31 déc. 1718 et 28 janv. 1719). F. Negri, La Vita di Apostolo Zeno, Venezia, Tipografia di Alvisopoli, 1816, pp. 174-175. La disponibilité de Zeno deviendra légendaire auprès des milieux savants du XVIIIe siècle : Cf. G. P. Romagnani, « Giovanni Battista Graser fra libri e biblioteche », dans Aufklärung cattolica ed età delle riforme : Giovanni Battista Graser nella cultura europea del Settecento, atti della giornata di studi, Rovereto, 6 mai 2003, éd. S. Luzzi, Rovereto, Accademia Roveretana degli Agiati, 2004, pp. 134-135.

20 A. Barzazi, Gli Affanni dell’erudizione, ouvr. cité, pp. 255-332.

21 Voir l’esquisse de M. Zorzi, La Libreria di San Marco, ouvr. cité, pp. 320-332.

22 A. Barzazi, « Dallo scambio al commercio del libro. Case religiose e mercato librario a Venezia nel Settecento », dans Atti dell’Istituto Veneto di scienze, lettere ed arti (Classe di scienze morali, lettere ed arti),156 (1997-1998), pp. 1-45.

23 Établie « à bénéfice public » pendant les années vingt du XVIIIe siècle, la bibliothèque de la famille Pisani était ouverte aux lecteurs, vers le milieu du siècle, trois jours par semaine. G. Moschini, Della letteratura veneziana del secolo XVIII, IV, Venezia, Palese, 1808, p. 51.

24 F. Waquet, « La communication des livres », art. cité, p. 379.

25 A. Nuovo, « Et amicorum : costruzione e circolazione del sapere nelle biblioteche private del Cinquecento », dans Libri, biblioteche e cultura degli ordini regolari nell’Italia moderna, ouvr. cité, pp. 105-127.

26 « Ella va preparando (...) un monumento eterno della sua prudenza e del suo buon gusto nella provvisione de’ libri, ed un aiuto amplissimo per chi, non avendo direzione, vuol internarsi nella cognizione degli autori e delle opere che dovrà scegliere per lo studio che si sarà determinato a fare ». La lettre de Stellini au bibliothécaire Paolo Bernardo (Padoue, 22 mars 1746), est publiée dans J. Stellini, Opere varie, VI, Padova, Penada, 1784, p. 74.

27 M. Zorzi, La Libreria di San Marco, ouvr. cité, pp. 243-283. L’Encyclopédie fera d’ailleurs figurer la Marciana parmi les bibliotaphes, les sépulcres des livres, à l’entrée homonyme.

28 M. Zorzi, La Libreria di San Marco, ouvr. cité, p. 320.

29 E. Chapron, « Ad utilità pubblica ». Politique des bibliothèques et pratiques du livre à Florence auXVIIIe siècle, Genève, Droz, 2009, pp.83-131.M.MannelliGoggioli, LaBiblioteca Magliabechiana : libri, uomini, idee per la prima biblioteca pubblica a Firenze, Firenze, Olschki, 2000.

30 Nel Friuli del Settecento: biblioteche, accademie e libri, éd. U. Rozzo, Udine, Arti grafiche friulane, 1996. Dalla Libreria del vescovo alla Biblioteca della città. Atti del convegno per il 250° anniversario della Biblioteca Queriniana (Brescia, 1 dicembre 2000), éd. E. Ferraglio et D. Montanari, Brescia, Grafo, 2001. Dans une autre ville-république patricienne, Gênes, un nouveau modèle de bibliothèque publique s’insérera dans le tissu des librairies privées et religieuses en 1757, avec la Franzoniana. A. Petrucciani, « Le biblioteche », dans Storia della cultura ligure, éd. D. Puncuh, III, Genova 2005 (Atti della Società ligure di storia patria, n.s., XLV, 2005), pp. 268-271.

31 F. Negri, La vita di Apostolo Zeno, ouvr. cité, pp. 375-377. A. Barzazi, Gli Affanni dell’erudizione, ouvr. cité, pp. 197-253.

32 « Avendo in tutto il corso della mia vita raccolta e unita con sommo studio e dispendio una non dispregevole libreria, ho desiderato e maturamente stabilito di lasciarla in mano di chi ne conosca il prezzo e sappia farne buon uso, e non permetta che ella vada, come per lo più suol farsi di somiglianti tesori, miseramente distratta e dispersa. A tale oggetto e fermamente persuaso di non poterla meglio, né in miglior mani collocare, ordino e voglio che essa mia libreria, cioè tutti i libri sì stampati, che manoscritti di mia ragione, e che in qualsivoglia modo appartener mi potessero, sia data subito e consegnata liberamente (...) ai sopranominati più volte RR. PP. Domenicani Osservanti su le Zattere, in caso che per anco non gli avessi a loro, come è mia intenzione, ceduti e donati in vita, acciocché ne rimangano subito dopo la mia morte assoluti e perpetui posseditori e padroni, senza poterli però mai, né meno in parte alienare, quando anche ne avessero dei duplicati, pregando la loro carità, a me pienamente ben nota, a titolo di grata corrispondenza di raccomandare al Signore l’anima mia. Son certo che ne faranno un cattalogo a parte assai più esatto di quello che io ne ho fatto stender da altri in gran parte, e da me pure continuato, ma imperfettamente, e che non dimeno esser potrà ad essi loro di qualche uso. Abbiano eglino similmente il mio ritratto dipinto bravamente dal Sig. Bartolameo Nazari in tela, da collocarsi e tenersi nella stanza della Libreria » (Biblioteca Nazionale Marciana, Cod. it X, 55 [6531], Actes judiciaires [imprimés] pour la possession de la bibliothèque de Zeno, pp. 13-14).

33 E. Chapron, « Ad utilità pubblica », ouvr. cité, pp. 187-261. R. Pasta, « La biblioteca aulica e le letture dei principi lorenesi », dans Vivere a Pitti. Una reggia dai Medici ai Savoia, éd. S. Bertelli et R. Pasta, Firenze, Olschki, 2003, pp. 351-387.

34 M. T. Monti, « Promozione del sapere e riforma delle istituzioni scientifiche nella Lombardia austriaca », dans La politica della scienza. Toscana e Stati italiani nel tardo Settecento, Atti del convegno di Firenze 27-29 gennaio 1994, éd. G. Barsanti, V. Becagli, R. Pasta, Firenze, Olschki, 1996, pp. 367-392. A. Nuovo, « La fondazione delle biblioteche teresiane in Lombardia : contributo ad una storia dei cataloghi », dans Storia in Lombardia, XI (1992), pp. 5-44. L. Zumkeller, Gli interventi culturali a Milano in epoca teresiana e l’istituzione della bilioteca di Brera, dans « Navigare nei mari dell’umano sapere ». Biblioteche e circolazione libraria nel Trentino e nell’Italia del XVIII secolo, Atti del convegno di studio (Rovereto 25-27 ottobre 2007), éd. G. Petrella, Trento, Provincia autonoma di Trento-Soprintendenza per i beni librari e archivistici, 2008, pp. 209-222.

35 D. Raines, « Dall’utile al glorificante. Il collezionismodilibriastampaaVenezianei secoli XVI-XVIII », dans Il Collezionismo a Venezia e nel Veneto ai tempi della Serenissima, éd. B. Aikema, R. Lauber, M. Seidel, Venezia, Marsilio, 2005, pp. 219-236. Sur le cas de Florence : E. Chapron, « Bibliothèques publiques et pratiques bibliophiliques au XVIIIe siècle : la collection d’incunables de la bibliothèque Magliabechiana de Florence », dans Revue française d’histoire du livre, n.s., 118-121 (2003), pp. 317-333. E. Chapron, « Pour une histoire des bibliothécaires italiens au XVIIIe siècle », dans Bibliothèque de l’École des chartes, 166 (2088), pp. 445-479.

36 M. Rosa, « Un médiateur dans la République des Lettres : le bibliothécaire », dans Commercium litterarium : la communication dans la République des lettres, 1600-1750, éd. H. Bots et F. Waquet, Amsterdam, Maarssen, 1994, pp. 81-99.

37 A. Barzazi, « Tra erudizione e politica : biblioteche a Venezia nel Settecento », dans Saperi a confronto nell’Europa dei secoli XIII-XIX, éd. M. P. Paoli, Pisa, Edizioni della Normale, 2009, pp. 117-135. À Gênes aussi, pendant le dernier quart du XVIIIe siècle, les collections de livres rares du patricien Giacomo Filippo Durazzo étaient perçues comme motif de gloire pour la famille, mais en même temps comme « ornement, sinon patrimoine de la ville ». A. Petrucciani, Gli incunaboli della biblioteca Durazzo, Genova, Società ligure di storia patria, 1988, p. 52. Cf. en outre, sur la bibliothèque des Durazzo, O. Raggio, Storia di una passione. Cultura aristocratica e collezionismo alla fine dell’ancien régime, Venezia, Marsilio, 2000.

38 La fréquentation, pendant les années soixante, des bibliothèquesdes couvents et de leurs bibliothécaires par Jacopo Morelli, jeune clerc séculier et futur bibliothécaire de la Marciana de 1778 à 1819, est attestée dans la Narrazione intorno alla vita e alle opere di don Jacopo Morelli de G. Moschini, qui introduit à J. Morelli, Operette, I, Venezia, Alvisopoli, 1820, pp. I-VIII.

39 M. Zorzi, La Libreria di San Marco, ouvr. cité, pp. 302-303 et 332-345. A. Barzazi, « Un tempo assai ricche e piene di libri di merito. Le biblioteche dei regolari tra sviluppo e dispersione », dans Alli 10 Agosto 1806:soppressione del monastero di San Giorgio, Atti del convegno di studi nel bicentenario, Venezia, 10-11 novembre 2006, éd. G. Vian, Cesena, Badia di S. Maria in Monte, 2011, pp. 71-91.

40 D. Raines, « La bibliothèque manuscrite de Giovanni Rossi : un gardien du passé vénitien et sa collection », dans Miscellanea Marciana, 5 (1990), p. 77-118.