Vers une image nouvelle de la réception du CLG (1916) en Italie
1. La linguistique italienne d’avant 1950 est-elle asaussurienne ?
Maurice Leroy (1909-1990), dans Les grands courants de la linguistique (1964 [19631]), créa un nouvel adjectif pour qualifier la recherche linguistique italienne d’avant 1950 :
Cet état d’esprit « asaussurien » nous apparaît bien comme une des caractéristiques marquantes de l’école italienne de linguistique. Pour rendre moins opérants la force de persuasion et l’incontestable charme intellectuel qui se dégagent de l’œuvre de Ferdinand de Saussure, il fallait la pensée prestigieuse, l’autorité spirituelle, la force expressive qui furent le lot de Benedetto Croce ; car tel fut son destin que même en linguistique, domaine qu’il ne fit qu’effleurer et à l’aspect technique duquel il resta toujours étranger, l’impulsion qu’il avait imprimée donna naissance à de nouvelles façons d’envisager les faits qui firent que son pays, en ces cinquante derniers années, occupa une place de choix dans l’histoire de la recherche. (Leroy, 1964 : 136)
Il est évident que l’affirmation de Leroy est trop nette, mais il faut considérer que le but du linguiste belge était « de donner, sous une forme concise, un aperçu d’ensemble des grands courants de la linguistique moderne et non de faire le récit détaillé […] des péripéties qui en ont marqué ou en marquent le développement » (Leroy, 1964 : VII). Ce que relève cette affirmation est l’extranéité des linguistes italiens au mainstream de l’époque, plus ou moins incapables d’avoir une position théorique qui ne s’alignât pas sur les idées de Croce ou de Saussure. Toutefois, la citation de Leroy constitue pour nous le couronnement d’une sorte de mythe relatif à la linguistique italienne d’avant 1950, mythe alimenté aussi par les linguistes italiens qui, dans les années soixante, ont établi une opposition entre « structuralistes » (nouvelle génération de linguistes qui sans être structuralistes prennent en considération les courants de linguistique générale) et « linguistes asaussuriens ». Il s’agit d’étiquettes qui ont été données par des adversaires et qui ne se réfèrent pas à des courants. À titre d’exemple de cette opposition, on peut mentionner deux affirmations de Carlo Tagliavini (1903-1982) dans Storia della linguistica. La première concerne les recherches structuralistes de Luigi Heilemann (1911-1988), probablement le linguiste plus structuraliste d’Italie avec Gianfranco Contini (1912-1990) :
L. Heilemann […] e segue, con oculata moderazione, la scuola di linguistica strutturale” (Tagliavini, 1970 : 362, c’est nous qui soulignons)
La deuxième a trait à l’institution en Italie de la chaire de linguistique générale, que Tagliavini n’hésite pas à qualifier de structuraliste :
Dal 1968 sono poi state istituite delle nuove cattedre di “Linguistica generale” (nome che indica piuttosto la ‘Linguistica strutturale’) (Tagliavini, 1970 : 401) 1
À l’opposé on trouve la proposition par laquelle Tullio De Mauro (1932-2017) a choisi de conclure l’addendum au CLG/D sur la linguistique italienne, Saussure in Italia :
Les jours de l’« assaussurisme » chronique de la linguistique italienne sont-ils désormais comptés ? (De Mauro, CLD/D 1972 Ed. Fr : 376 ; 19703 Ed. It. : XXXII) 2
L’image-mythe de la linguistique italienne jusqu’aux années cinquante est donc celle d’une recherche qui n’est pas intéressée par la systématicité des langues, et que ne séduisent pas les aspects théoriques ; elle nous donne l’image de linguistes plutôt passionnés par les aspects individualistes, esthétiques et historiques, plus fascinés par la dialectologie et par la géographie linguistique3.
Récemment, beaucoup d’essais en Italie ont commencé une opération de relecture historiographique de la linguistique italienne d’avant 1950, qui donne une image plus complexe et variée de la recherche linguistique de l’époque ; dans cette perspective la distinction entre saussurien et asaussurien est inappropriée et trompeuse ; il est probablement plus utile et fructueux de chercher à voir si les linguistes italiens étaient intéressés par les aspects généraux du langage, même s’ils ne faisaient pas partie de cercles ou d’écoles structuralistes nées autour des années trente du XXe siècle.
Cet essai veut contribuer à cette relecture d’une manière double. Il s’agit d’un côté de redessiner la carte de la réception italienne de la première édition du Cours de linguistique générale (1916), qui jusqu’à aujourd’hui est demeurée restreinte au seul compte rendu de B. Terracini (1886-1968) paru dans le Bolletino di filologia classica, année XXV, numéro 7/8 (1919) ; on montre que pour la réception italienne il faudrait considérer trois textes (§ 2) dont un inconnu jusqu’ici, duquel on donne une analyse plus détaillée (§ 3) 4. Enfin, deuxième point, on présente un aperçu des essais qui ont contribué à cette relecture historiographique. Étant donné que la plupart ont été publiés dans des volumes peu accessibles au public francophone, nous croyons qu’il est utile d’offrir une synthèse de ces recherches.
2. La réception du CLG (1916) en Italie
Sofia, Swiggers 2016 décrivent la première réception du CLG en fonction de la nationalité de l’auteur des comptes rendus ou des articles de journaux ; du point de vue quantitatif les Suisses et les Français sont les plus nombreux, suivis par la réception « germanique » – à laquelle les auteurs rattachent le compte rendu d’O. Jespersen –, l’Italie se trouve en dernière position, avec le seul compte rendu de Terracini (1919).
Tous les critères de classification ont un certain degré d’arbitraire, mais pour la réception d’ouvrages, particulièrement ceux qui sont importants pour l’histoire de la linguistique, comme le CLG, il faudrait regarder aussi le lieu de diffusion de la revue où un compte rendu a été publié, c’est-à-dire qu’au critère de la nationalité de l’auteur d’un compte rendu il faudrait aussi ajouter la nationalité d’origine et de diffusion des revues et des journaux, car les lecteurs de revues et de journaux jouent un rôle important pour la réception, peut-être plus important que pour d’autres supports. En ce qui concerne la réception du CLG en Italie, par exemple, il faudrait tenir compte du fait qu’un des trois articles d’A. Meillet (1866-1936) dédiés au CLG entre 1916 et 1917 a été publié dans Scientia (Rivista di scienza) Organo internazionale di sintesi scientifica. Il s’agit d’une revue d’inspiration positiviste qui promouvait la diffusion de la connaissance dans les différents domaines scientifiques, contre la spécialisation extrême. La revue avait été fondée par un groupe d’intellectuels italiens et en 1917 elle était largement diffusée en l’Europe. Meillet lui-même dans sa correspondance avec Ch. Bally (1865-1947) se réfère à Scientia en la qualifiant de « revue italienne » :
Je suis heureux que vous soyez content de mon compte rendu de Saussure. Je serai obligé d’en faire deux autres, l’un pour la Revue critique (il est fait), l’autre pour Scientia (la revue italienne). Je ne doute pas que la 2e édition ne vienne assez vite. Le livre répond à un besoin. (Lettre d’Antoine Meillet à Charles Bally, 25.11.1916 ; Amacker, 1990 : 111)
Il faut ajouter un troisième texte dans le cadre de la réception italienne du CLG qui, à ma connaissance, n’a jamais été mentionné comme texte relié à la réception italienne du CLG. Il s’agit d’une notule critique de Pier Gabriele Goidànich (1868-1953) parue dans Archivio Glottologico Italiano (AGI), dans le numéro XVIII de 1914-1918-1922, qui est le deuxième numéro dirigé par Goidànich de la plus importante revue de linguistique italienne, fondée en 1873 et dirigée jusqu’en 1902 par G.I. Ascoli (1829-1907).
On va revenir sur le contenu de ces textes, mais il faut d’abord faire deux remarques concernant l’image de la réception du CLG en Italie. Il est probable que la notule de Goidànich est tombée dans l’oubli parce qu’elle n’est pas un vrai compte rendu ; elle se trouve dans une rubrique dédiée aux Sintesi linguistiche (synthèses linguistiques) concernant une proposition méthodologique pour la recherche linguistique (voir § 3). La deuxième remarque concerne le côté quantitatif de la réception italienne, qui ne se limite pas au seul compte rendu de Terracini mais comporte trois textes de taille et de style variés ; de ce point de vue les réceptions italienne et germanique sont similaires, au moins si l’on s’en tient aux critères de Sofia, Swiggers 2016. Du point de vue quantitatif la réception italienne du CLG n’est donc dépassée que par la Suisse et la France.
Le premier compte rendu, selon l’ordre chronologique de publication, à avoir été mis à la disposition du public italien est le texte de Meillet publié dans le numéro LXIV, volume XXII (1917) de Scientia. Il s’agit du second volume de l’année5 ; le deuxième est celui de Terracini dans le Bollettino di filologia classica, compte rendu plus long et détaillé que le précédent ; enfin on a la notule critique de Goidànich, qui est difficilement datable, car le numéro XVIII des AGI indique sur la couverture une période de huit ans : 1914-1918-1922. On peut cependant penser qu’elle porte sur la première édition du CLG, parce que Goidànich se réfère à la pagination de la première édition et parce que le numéro XVIII des AGI était achevé lorsque la deuxième édition du CLG a été publiée (1922).
En ce qui concerne le contenu, les trois textes sont très différents par le style et les points soulevés par les auteurs.
Le compte rendu de Meillet est composé de trois paragraphes dédiés respectivement à une courte présentation de l’activité et de la renommée scientifique de Saussure pendant sa vie, au travail de collation des notes des étudiants des cours de linguistique générale réalisé par Bally et Sechehaye et à la présentation de trois concepts du CLG : la distinction entre la parole, « qui est un fait saisissable, enregistrable », et la langue, « chose sociale qui ne se réalise nulle part complètement » ; la distinction entre synchronie et diachronie « (c’est ce qui on appelle d’ordinaire linguistique historique) » ; le concept de valeur, central dans le CLG, sur lequel Meillet conclut :
Presque à chaque page on trouvera des vues saisissantes ; ainsi, page 169 et suivantes, il est montré qu’un signe linguistique n’a pas de valeur en lui-même, mais seulement par opposition avec d’autres signes, et finalement apparaît la formule, très juste, mais inattendue, que, dans la langue, il n’y a que des différences. Ce livre ouvrira des vues à toutes les personnes qui s’intéressent à la linguistique ; toutes devront le méditer. (Meillet, 1917 : 152)
En ce qui concerne le compte rendu de Terracini, nous nous limitons à signaler les points les plus importants car il existe des analyses très détaillées de ce texte6 ; il s’agit d’un compte rendu qui dans la première partie présente les points les plus importants du CLG : distinction langue/parole, synchronie/diachronie, rapports associatifs et syntagmatiques, description du signe linguistique et, d’une manière moins développée, concepts d’arbitraire, de linéarité et de valeur. Vers la moitié du compte rendu, Terracini se livre à une critique centrée sur le rôle du sujet parlant dans le CLG, que l’auteur trouve peu valorisé à la fois sur le plan de la description des langues et sur celui des changements. Venier 2016 propose une comparaison entre les comptes rendus du CLG par Meillet (1916), Schuchardt (1917) et Terracini (1919). Elle considère l’analyse du linguiste italien comme la meilleure des trois sur deux points : la présentation du CLG est plus précise (par exemple, le signe linguistique n’est pas discuté par Meillet ni par Schuchardt) et l’approche de Terracini est centrée sur une discussion théorique du cadre de linguistique générale du CLG :
In sintesi, ci troviamo dinnanzi a una linguistica della parole ancora da fare, e a una linguistica della langue possibile ma intesa come “linguistica esterna”, come grammatica descrittiva. Le posizioni di Terracini, contrariamente a quelle degli altri due recensori, tendono non tanto al bilancio riguardo alla singola opera di Saussure, cioè riguardo al Cours come singolo libro, quanto piuttosto ad una disamina più generale della situazione della linguistica in quegli anni. L’evidenza della lettura delle altre recensioni, attestata dalla puntualità dei rimandi alle questioni dai primi due sollevate, è risolta in una prospettiva più generale, in una visione più complessa e insieme più ampia ed aperta. (Venier, 2016 : 730).
3. La notule de Goidànich dans Archivio Glottologico Italiano
À la page 362 du numéro XVIII des AGI, il y a un court article intitulé « Ancora delle sintesi linguistiche (Rivendicazione di metodi critici alla scuola italiana) », qui commence ainsi :
Nel Cours de linguistique générale di Ferdinando de Saussure, messo piamente insieme su appunti di scuola dai suoi Scolari Ch. Bally e A. Sechehaye, professore il primo e libero docente il secondo all’Università di Ginevra, a pag. 137, al quesito se i mutamenti riguardino le parole o soltanto i suoni, l’insigne Maestro ginevrino risponde “la réponse n’est pas douteuse: dans néphos, méthu, serpō, etc., c’est un certain phonème, une sonore aspirée indo-européenne qui se change en sourde aspirée, c’est l’s initial du grec primitif qui se change en h, etc., et chacun de ces faits est isolé, indépendant des autres événements du même ordre, indépendant aussi des mots où il se produit” (Goidànich, 1914-1918-1922 : 362)
La critique de Goidànich n’est pas adressée à Saussure, ni au CLG ni au passage mentionné, mais il conteste le renvoi des éditeurs à Meillet et à l’école française de linguistique pour le point de départ de l’établissement d’une méthodologie linguistique :
Gli egregi colleghi ginevrini dicono, invero, “la linguistique actuelle s’efforce”, ecc., ma la citazione ch’essi fanno del solo Meillet potrebbe far sorgere nei lettori di un libro destinato a larga diffusione l’opinione che il merito di aver inaugurato questo metodo critico delle sintesi linguistiche nell’esame dei fatti glottologici spetti alla scuola francese, laddove esso va attribuito completamente alla scuola italiana, e precisamente, mi si permetta di dirlo, al modesto autore di queste righe. Gli egregi colleghi ginevrini non ànno che a vedere la mia Prefazione al vol. XVII dell’ “Archivio Glottologico Italiano”, ed esaminare i miei lavori antecedenti ivi citati a p. xxxvi sg., in cui io ò applicato e raccomandato questo metodo. (Goidànich, 1914-1918-1922 : 363)
Dans le numéro XVII des AGI, le premier qui soit dirigé par Goidànich, le linguiste d’origine istrienne avait donné la ligne éditoriale qu’il entendait suivre dans une préface composée de trois parties ; dans la troisième en particulier il explique brièvement la méthodologie de Sintesi linguistiche : il s’agit davantage de recherches appliquées que d’une profonde réflexion théorique. Il s’agit de considérer les langues – et/ou les dialectes – comme des systèmes (ce terme n’est pas utilisé par Goidànich), de partir des connaissances existantes pour l’analyse des phénomènes linguistiques particuliers :
Nella mia modesta attività scientifica, e fino dai primordi di essa, mi sono proposto, come una ragione e una via sicura nell’indagine glottologica, questa, delle sintesi linguistiche; e il metodo l’ho trovato utile per me e per la mia scuola. Mi spiego chiaramente in che esso consista. Supponiamo che s’abbia da fare una ricerca storica nel campo morfologico di una lingua di cui si conosca il periodo attuale o l’ultimo periodo storico e di cui si conosca anche approssimativamente per la comparazione con altre lingue affini il periodo originario, e s’ignorino invece i periodi intermedi; si supponga inoltre che, come suole avvenire, l’ultimo periodo sia molto discosto dalla condizione primitiva. In tali condizioni, molte forme singolari possono avere più d’una interpretazione, possono reputarsi continuatrici di forme originarie, o analogiche sull’una od altra forma storica o preistorica. Ora in ricerche di questo genere si procederà a casaccio, assolutamente come a tentoni nel buio, se non si terranno razionalmente presenti alla memoria tutti i paradigmi e via via le inevitabili vicende di tutti essi insieme, prodotte man mano dalle mutazioni dei paradigmi singoli in conseguenza di alterazioni fonetiche della lingua che si studia. (Goidànich, 1910-1911-1913 : XXXVI)
L’auteur conseille vivement à ses collègues et à ses élèves l’application de cette méthode dans les recherches phonétiques, morphologiques et de géographie linguistique. Le linguiste italien reproche donc à Bally et Sechehaye7 de n’avoir pas considéré la contribution de l’école italienne de linguistique à l’établissement d’une méthode linguistique.
Un autre point à relever est que la critique de Goidànich ne concerne pas un aspect théorique ; au contraire, celui-ci est d’accord avec le passage mentionné du CLG ; par contre il est intéressant de voir qu’il s’agit d’un passage sur les lois phonétiques qui dans le CLG est rédigé de manière affirmative, avec une référence aux recherches de Meillet mentionnées dans la note par Bally et Sechehaye, alors que dans les notes des étudiants, il apparaît que Saussure n’avait pas caché ses doutes aux étudiants sur cette question8 :
CLG | A. Riedlinger (II cours) | F. Bouchardy |
1571 La vraie question est de savoir si les changements phonétiques atteignent les mots ou seulement les sons ; 1572 la réponse n’est pas douteuse : dans néphos, méthu, ánkhō, etc., c’est un certain phonème, une sonore aspirée indo-européenne qui se change en sourde aspirée, c’est l’s initial du grec primitif qui se change en h, etc., 1573 et chacun de ces faits est isolé, indépendant des autres événements du même ordre, indépendant aussi des mots où il se produit (l) (1) 1575 Il va sans dire que les exemples cités ci-dessus ont un caractère purement schématique ; la linguistique actuelle s’efforce avec raison de ramener des séries aussi larges que possible de changements phonétiques à un même principe initial ; c’est ainsi que M. Meillet explique toutes les transformations des occlusives grecques par un affaiblissement progressif de leur articulation (voir Mém.de la Soc. de Ling. IX, p. 163 et suiv.). | 1571 C’est là qu’on a vu le <noeud> de la question ; mais il n’est pas là, il est dans la question des unités : faut-il les concevoir comme s’appliquant à telles (ou telles). unités ou non ? [= 1556] <Il n’y a pas de loi si on ne peut indiquer une quantité de faits individuels qui s’y rattachent ;> <mais> si on va au fond de la loi phonétique, <il n’est pas dit qu’on ait à envisager la chose ainsi.> On dit : tous les mots sont frappés. On commence par faire une armée de mots ; <on suppose> que les mots sont des individus <tout faits>, et on dit <qu’>ils sont frappés par la loi. Mais est-ce bien les mots qui sont ces unités du /[83] phénomène phonétique ? <cf. I [R 1.51 = 2244] Introduction au changement phonétique : il est absurde de dire qu’un élément est régi par une loi>. | 157l Le noeud n’est pas là. On se dispute à côté. C’est encore la question des unités. Il s’agit d’examiner si les lois <s’appliquent> à telles <ou telles> unités ou non. Si l’on va au fond de la loi phonétique, il n’est pas dit qu’on <ait à, envisager la chose ainsi>. On commence par dire que les mots sont les unités, mais les mots sont-ils les unités en phonétique ? 1572 <Nous pouvons nous faire une idée très sensible des lois phonétiques autrement que sur le papier. Dans une région, on faussera le a : on dira se fôcher (fâcher). Est-ce des mots qui sont frappés ou bien est-ce l’unité seule a (comme dans la corde du piano) ?> 1573 [éd.] |
1576 C’est naturellement à ces faits généraux, là où ils existent, que s’appliquent en dernière analyse ces conclusions sur le caractère des changements phonétiques (Ed.). | 1572Nous pouvons nous faire une idée très sensible des lois phonétiques <autrement que sur le papier>. Dans une région, on faussera l’a: on dira se fôcher pour se fâcher. [1571] Est-ce des mots qui sont frappés ou bien est-ce <un son> comme dans l’exemple de la corde de harpe <l’a, c’est-à-dire : une seule unité !> ? 1573 [éd.] |
On peut donc dire que sur ce point Saussure avait des doutes, mais que Bally et Sechehaye ont été plus affirmatifs et que Goidànich était d’accord avec les éditeurs.
Pour ce qui nous concerne ici, il est utile de reprendre la première partie de la préface de Goidànich au volume XVII, lorsque celui-ci explique la ligne scientifique adoptée par les AGI sous sa direction. Si Goidànich a mis au centre des AGI les recherches esthétiques et individuelles, il a contrebalancé celles-ci par la dimension sociale et par la systématicité des recherches spécifiquement linguistiques :
Si dice : l’arte dev’essere l’espressione sincera genuina immediata dell’intuizione artistica. E sta bene.
Ma, se è vero che l’essenza dell’arte sta nel suo contenuto ideale di bellezza, non è men vero che essa ha nascimento solo per divenire un fatto sociale e solo nella società trova il suo respiro di vita; il poeta solo quando non è contento dell’opera sua ne fa sacrifizio e dispettoso sacrifizio al Dio del Fuoco. (Goidànich, AGI XVII : VI-VII) 9.
4. Intégration à l’histoire de la linguistique italienne dans la première moitié du XXe siècle
Trois autres éléments pourraient contribuer à mieux comprendre la réception du CLG en Italie :
1) une enquête sur les mentions et les références au CLG entre 1916 et 1950 dans les publications linguistiques italiennes ;
2) l’usage des concepts du CLG dans les cours de linguistique dans les universités italiennes ou éventuellement le rapport entre ceux-ci et les idées du CLG ;
3) les relations des linguistes italiens avec la linguistique européenne et internationale, en particulier avec l’École de Genève et avec l’école française.
Au sujet du point 1) il existe un essai de Carlucci (2015) pour la période 1916-1936, dans lequel l’auteur récolte une vingtaine de textes où on peut trouver des références plus ou moins étendues au CLG, auxquelles nous avons ajouté deux autres textes (si on accepte de considérer le texte de Meillet pour Scientia comme appartenant à la réception italienne). Mancini (2014) est utile pour avoir un aperçu des références au CLG en Italie jusqu’aux années cinquante, mais il s’agit d’un essai qui est plutôt consacré au point 3) de notre liste.
Pour ce qui concerne le point 2), c’est-à-dire le poids des idées du CLG dans l’enseignement linguistique en Italie, il faut dire qu’il n’existe pas encore de synthèse sur ce point, mais seulement des recherches centrées sur un savant ou une personnalité. Afin de montrer l’importance de cet aspect pour une représentation plus concrète de la réception du CLG en Italie, nous donnons trois exemples différents de liens entre les idées saussuriennes et l’enseignement linguistique en Italie.
Antonio Gramsci (1891-1937), avant son virage politico-marxiste (1919) définitif, aurait pu devenir linguiste ; élève estimé de Matteo Bartoli (1873-1949) à l’Université de Turin, il a approfondi ses études linguistiques comme jeune étudiant entre 1910 et 1918 et il a aussi rédigé la brochure du cours de Glottologia (a.a. 1912-1913) pour le cours universitaire de Bartoli10. Gramsci connaissait certainement Meillet (V. Schirru 2011) et durant la période 1929-1935 il a aussi étudié le CLG (Carlucci, 2011). Sa connaissance de la première édition du CLG est moins avérée, et doit être vérifiée, mais en raison de la similarité entre certains passages de la réflexion de Gramsci étudiant à Turin et la distinction saussurienne entre synchronie et diachronie, à laquelle s’ajoute le fait que Bartoli cite déjà le CLG dans un article de 1917, Carlucci (2010) avance l’hypothèse que Gramsci avait déjà lu le CLG dans la première édition et avant 1918. On ajoute que Gramsci, à Turin, était en contact avec Terracini (Carlucci 2011 et Schirru 2011) et qu’il a suivi le cours universitaire de L. Valmaggi, directeur du Bollettino di Filologia Classica, auquel Ch. Bally a envoyé un exemplaire du CLG pour le compte rendu qu’a rédigé Terracini en 1919.
Le cas de l’enseignement de Luigi Ceci (1859-1927) à l’université de Rome est intéressant car celui-ci ne mentionne pas directement le CLG, mais la reconstruction de son parcours scientifique par F. Dovetto (1998, v. aussi Ceci, 2005 et Dovetto, 2017) nous montre plusieurs similarités avec la conception du linguiste genevois :
Nelle dispense è ampiamente presente anche l’attenzione per la dimensione sociale del linguaggio in termini che richiamano molto da vicino la scuola francese (Meillet), senza però che venga perso di vista il problema della creatività linguistica. In particolare, diversamente da Meillet che considerava l’apprendimento del linguaggio da parte del bambino come un semplice prodotto dell’imitazione, Ceci ritenne che si trattasse piuttosto di ri-creazione, un’imitazione, cioè, ma con qualcosa in più: è un apertura nei confronti dell’azione creativa dell’individuo. (Dovetto, 1998 : 30)
Anti-crocien, indépendant par rapport aux positions linguistiques d’Ascoli, reconnu par De Mauro (1996) comme le fondateur d’une tradition d’études linguistiques à l’université de Rome, Ceci a transmis – surtout dans ses cours universitaires – sa conception linguistique, dans laquelle les questions sur les rapports entre éléments individuels et sociaux sont parmi les plus discutées avec celles qui concernent la signification, qui prennent une place de plus en plus centrale dans son parcours scientifique et dans son enseignement universitaire.
Bruno Migliorini (1896-1975) était un linguiste de renommée internationale au point qu’il était mentionné parmi les possibles traducteurs du CLG en italien par la veuve Bally (V. Cosenza, 2018) et il était le protagoniste, parmi d’autres, du proto-structuralisme italien (Mancini 2014) ; il a fait ses études universitaires à Venise et Padoue, mais il a soutenu sa thèse – Nomi propri di persona nel vocabolario comune – à l’université de Rome en 1919 sous la direction de L. Rossi, L. Ceci et C. De Lollis :
In essa il M. affrontava le motivazioni e i procedimenti antonomastici e metonimici che portano alla formazione di appellativi a partire da nomi individuali e familiari. Si trattava di un settore del lessico che, sulla base di un’ampia documentazione tratta dalle lingue classiche e moderne e dai dialetti romanzi, era analizzato per la prima volta in modo sistematico nelle sue varie sfaccettature, così da evidenziare la complessa stratificazione, saggiata alla luce di mature e chiare concezioni semantiche e lessicologiche e delle più valide e aggiornate teorie della lingua: fra l’altro, vi si utilizzavano già gli innovativi concetti esposti da F. de Saussure nel Cours de linguistique générale del 1916. La tesi, accresciuta di materiali e attentamente rielaborata, fu alla base del volume Dal nome proprio al nome comune (Genève 1927) che conferì al M. notorietà internazionale. (Fanfani, 2010)
Les directeurs de la thèse de Migliorini étaient à l’époque directeurs (ou collaborateurs) de la revue La Cultura mentionnée par De Mauro (1980) comme un des lieux les plus avancés et les plus attentifs aux nouveautés linguistiques internationales.
Il nous semble évident que ces exemples montrent que les idées du CLG étaient connues et répandues dans le milieu académique italien, mais il ressort aussi de ces derniers que les questions théoriques générales relatives au langage retenaient l’attention des linguistes italiens.
Enfin, sur le point 3), c’est-à-dire sur la relation entre les linguistes italiens et le contexte linguistique international, particulièrement avec les écoles structuralistes, nous renvoyons à M. Mancini 2014 et R. Sornicola 201811. Les essais de Mancini et Sornicola traitent la période allant de1928 à 1950, et ils se situent donc au-delà des limites temporelles de cet article ; toutefois de ces deux essais il ressort que la linguistique italienne n’était pas à l’écart des discussions de linguistique générale, pas plus que des mouvements structuralistes si centraux dans la période considérée par les auteurs. Mancini (2014) montre la présence d’un proto-structuralisme en Italie en analysant les travaux de G. Devoto (1897-1974), B. Migliorini, A. Pagliaro (1898-1973), B. Terracini et bien d’autres ; d’autre part, Sornicola (2018), en analysant les mêmes auteurs que Mancini, montre le rapport complexe entre les philosophies du langage historiciste et structuraliste, qui s’entremêlent dans la recherche théorique sur le langage dans l’Italie de l’époque.
Il est évident, d’après cette courte présentation, qu’aujourd’hui il y a en Italie une tendance à la reconsidération historiographique de la recherche linguistique italienne avant 1950 ; le lecteur aura en effet remarqué que presque toutes nos références se restreignent aux publications des dix dernières années (2010-2019). Avant de passer à la conclusion, nous nous permettons d’ajouter un dernier élément ayant trait à la relation entre idées saussuriennes et linguistique italienne. À partir des années soixante, les personnalités scientifiques de Ch. Bally et A. Sechehaye ont acquis l’image de savants dévoués à la défense du CLG contre les critiques et ils ont perdu l’image de savants autonomes par rapport au CLG12. Or, entre 1931 et 1932, l’école de Genève publie la troisième édition du CLG (1931) et la première édition de Linguistique générale et linguistique française de Charles Bally (1932) : deux linguistique générale pour la même école en une année ! Dernièrement, D. Gambarara (2018) et, sur les rapports associatifs, G. Basile (2017), ont remarqués le rôle si central de Bally pour la linguistique italienne13.
Conclusion
Il est évident que qualifier d’asaussuriste la linguistique italienne d’avant 1950 n’est pas soutenable, car on a vu que la réception du CLG a été importante en Italie. Peut-on dire que la linguistique italienne de l’époque est saussurienne ? Absolument pas. L’influence de la philosophie du langage de Croce est grande, mais on ne peut pas considérer la réflexion théorique des linguistes italiens comme l’application d’une philosophie du langage, bien au contraire : en l’état actuel des recherches il semble que les linguistes italiens n’ont jamais accepté un courant sans critique. Le CLG n’a certainement pas été considéré immédiatement comme une œuvre fondatrice par les linguistes italiens ; les linguistes italiens n’ont non plus adhéré pieusement au paradigme structuraliste. L’activité des linguistes italiens sur le terrain, à la fois des langues anciennes et géographique-dialectal, a fonctionné, peut-être, comme un bouclier contre certains dogmes de la philosophie du langage de Croce et de la vulgate du CLG.
La recherche en linguistique générale en Italie nous apparaît tendue vers le rapport complexe entre activité langagière du sujet parlant et système de la langue, ce dernier étant conçu comme une réalité historique mobile, avec une attention spécifique portée aux stratifications sociolinguistiques et aux variations dialectales et locales par rapport à l’établissement d’une langue nationale. Le nœud du sujet parlant en tant que point de convergence entre l’activité langagière et le système langue est abordé par Terracini dans Lingua libera e libertà linguistica (1963, Langue libre et liberté linguistique), il correspond à peu près aux neuf points qui caractérisent la linguistique italienne selon De Mauro (1980 : 11-12). Cette thématique, également centrale aujourd’hui, est abordée par De Palo (2016) du point de vue historique et Fadda (2017), qui étudie le concept du « sentiment de la langue » à partir de Saussure. Dans cette perspective il faudrait considérer les relations entre les linguistes italiens et l’école de Genève (premièrement Bally et Sechehaye) et les linguistes suisses, les rapports avec les linguistes français, les similarités et les différences avec les linguistes allemands et les connexions avec les autres courants de la linguistique. Il faudrait revenir sur la linguistique italienne d’avant 1950 non seulement pour des raisons historiographiques, mais aussi pour leur apport théorique ; on devrait commencer à prendre de plus en plus en considération leur contribution aux discussions de linguistique générale d’avant 1950.
Bibliographie
Abréviations
CLG SAUSSURE, Ferdinand de (19161), Cours de linguistique générale, publié par Ch. Bally et A. Sechehaye avec la collaboration d’A. Riedlinger, Paris-Lausanne, Payot.
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1 Tullio De Mauro a été le titulaire de la première chaire de linguistique générale en Italie, créée à l’Université de Palerme en 1967. Un autre élément de complexité pour la reconstruction de la linguistique italienne est l’intitulé des chaires de linguistique liées aux aspects généraux du langage.
2 De Mauro sera moins péremptoire dans la suite de sa carrière (v. De Mauro, 1980).
3 Sur les deux derniers points, c’est-à-dire la dialectologie et la géographie linguistique, il est au moins approprié de les définir comme des thématiques saussuriennes, étant donné que dans le CLG il y a des parties dédiées à ces sujets. Il faut ajouter que les publications des notes des étudiants des cours de Saussure sur la linguistique générale ont montré à quel point il s’agissait de thématiques centrales pour Saussure.
4 Nous renvoyons à Carlucci 2015 pour un panorama des références à Saussure en Italie entre 1916 et 1936, panorama que nous espérons enrichir avec cette contribution.
5 La publication de Scientia est semestrielle et les volumes donnent aussi l’indication du numéro, qui correspond approximativement aux mois de l’année. Le compte rendu de Meillet se trouve dans le numéro LXIV, qui correspond au huitième mois de 1917 ; il a donc probablement été accepté par la revue au mois d’août 1917. Le compte rendu de Meillet dans Scientia est consultable sur le site web https://amshistorica.unibo.it/periodici.php.
6 Pour une analyse détaillée du compte rendu du CLG de Terracini, nous renvoyons à Venier 2016 et à Sornicola 2018 (spécifiquement le § 5). Nous faisons de même pour ce qui concerne le rôle qu’a joué le CLG dans la pensée de Terracini. Sur des positions semblables dans la linguistique italienne des années vingt et trente, cf. Gambarara (2018).
7 Dans le cadre de la linguistique italienne de l’époque, il nous semble remarquable que Goidànich ne mentionne pas la linguistique allemande dans sa discussion relative à l’établissement d’une méthodologie linguistique et qu’il fasse référence à l’école française et attaque Bally et Sechehaye.
8 Les citations du tableau sont tirées de l’édition critique du Cours de linguistique générale de R. Engler (1967/1968-1974 : 1571-1573) ; les renvois sont indiqués par le numéro des paragraphes attribués par Engler.
9 On manque ici de place pour une analyse détaillée, mais s’il est vrai que dans cette préface la recherche esthétique-littéraire gagne une place de premier rang, celle-ci est contrebalancée par la nécessité de suivre les méthodes scientifiques de la linguistique. Il faut ajouter aussi que dans le panorama académique italien il avait une distinction nette entre philologie littéraire et philologie linguistique, séparation qui a été favorisée aussi par l’intervention politique d’Ascoli (pour une première reconstruction sur ce point voir Lucchini, 1990). On pourra donc lire ce texte comme la tentative de Goidànich de réunir les deux côtés de la philologie.
10 La bibliographie relative à Gramsci est très vaste, celle qui concerne Gramsci linguiste est plus récente mais aussi vaste. Dans le cadre de cet article nous nous limitons à signaler les essais récents de Carlucci (2010, 2011 et 2015) et Schirru (2011, 2017) où on peut trouver d’autres références bibliographiques.
11 Il faut ajouter aussi les volumes dirigés par S. Gensini et M. De Palo (2017 et 2018a), dont nous rendons compte dans le présent volume des Cahiers (v. section VII).
12 Par exemple, à notre connaissance, De Mauro dans ses travaux cite Bally et Sechehaye seulement en tant qu’éditeurs du CLG.
13 Le même point est remarqué par d’autres (De Palo, 2016 ; Mancini 2014). Nous nous permettons d’annoncer un notre travail en préparation sur les rapports entre Charles Bally et les linguistes italiens entre 1899 et 1950.