Colloque CISPELS
Rome, 17-19 septembre 2018
On connaît l’importance du rôle joué par la SHESL en France et ailleurs, ainsi que l’action prolongée et fructueuse de revues telles que Histoire Épistémologie Langage ou Historiografia Linguistica, mais contrairement à cette tradition, il n’existe en Italie aucune société spécifiquement consacrée à l’histoire des idées linguistiques et sémiotiques, et la seule revue consacrée à ce domaine, Blityri, a une histoire assez brève (mais néanmoins très intéressante). Toutefois récemment s’est mise en place une coordination de plusieurs sociétés italiennes (dont les sociétés de Philosophie du langage et d’Études sémiotiques, les sociétés de Linguistique et de Glottologie, et d’autres encore) sous le curieux acronyme de CISPELS (Coordinamento Intersocietario per la Storia del PEnsiero Linguistico e Semiotico). L’une des premières taches de cette nouvelle entité a été de contribuer à l’organisation d’ICHoLS 2020 (International Conference on the History of the Language Sciences), manifestation qui était prévue à Milan, mais qui a été ajournée en raison de la situation sanitaire causée par le COVID-19. CISPELS rassemble plusieurs chercheuses et chercheurs de différentes universités et de différents secteurs, avec des intérêts eux-mêmes divers. La conférence fondatrice a donné une idée de la manière dont ce réseau pourrait fonctionner.
Suite également à la réussite des journées de 2016 consacrées à l’École romane de linguistique (pour un compte rendu des actes, cf. ici section VII) le colloque à eu lieu dans la Villa Mirafiori de Rome, siège du Département de Philosophie où Tullio De Mauro et Lia Formigari avaient enseigné pendant de nombreuses années, et l’organisation de ces journées a été assumée par le LABSIL (LABoratorio di Storia delle Idee Linguistiche) dirigé par Stefano Gensini et Marina De Palo.
N’ayant pas de thématique spécifique, ce colloque a réduit les séances plénières (il n’y en eu que lors de l’ouverture), pour consacrer le reste du temps à huit sessions parallèles, dont certaines étaient plus denses au plan temporel où spatial (p. ex. 1A, consacré à la réflexion philosophico-linguistique ancienne et médiévale, et 2B, consacré à l’histoire de la pensée linguistique en Italie aux XIXe et XXe siècles), et d’autres davantage centrées sur un point de vue disciplinaire (sections plus linguistiques, plus sémiotiques, etc.), néanmoins toujours intéressantes (et dans ce cas, comme l’on sait, la problématique surgit toujours des superpositions)1.
Une bonne partie de l’histoire de la philosophie (et pas seulement de la philosophie du langage) a été traitée : d’Aristote aux stoïciennes, d’Augustin à Spinoza, de Port-Royal à l’Illuminisme. Il en est allé de même s’agissant de la linguistique, qui était présente à la fois dans ses aspects techniques et dans une perspective historique (ces deux angles d’attaque étant souvent liés). La sémiotique moderne était (très) présente dans sa dimension linguistico-structurale (Saussure, Hjelmslev, Benveniste, Jakobson, Greimas, Prieto), mais Peirce n’était évoqué que par l’intermédiaire d’Umberto Eco.
Les actes de ce Colloque sont riches de 26 contributions, et leur publication est prévue pour 2021 chez l’éditeur romain Aracne sous le titre Il linguaggio e le lingue tra teoria e storia.
Une petite réflexion pour conclure. Ceux qui ont l’habitude d’assister aux colloques de philosophie du langage et de sémiotique en Italie ont retrouvé à l’occasion du Colloque CISPELS de nombreux savant(e)s des plus connu(e)s et des plus solides, ce qui témoigne de la réussite du colloque et d’une caractéristique précise du panorama italien des études linguistiques, philosophico-linguistiques et sémiotiques, que je me risquerai à formuler ainsi : s’il n’y a pas d’accent sur la dimension historique en tant qu’étiquette d’un secteur ou d’une perspective particulière de recherche, c’est en réalité parce que cette attention et cette perspective se retrouvent presque partout, voire même bien plus souvent que dans d’autres traditions.
C’est pourquoi nous espérons sincèrement qu’indépendamment des événements actuels et des initiatives individuelles (la collaboration entre les organisateurs d’ICHoLS 2021 apparaît aujourd’hui moins étroite qu’auparavant), le parcours de dialogue et de coordination des études d’histoire des idées linguistiques initié par l’institution du CISPELS (et par ce grand colloque) se poursuivra dans le temps et portera des fruits toujours meilleurs.
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1 Le programme et les résumés des contributions sont disponibles au lien suivant : https://web.uniroma1.it/storiaideelinguistiche/convegno-cispels/1-convegno-nazionale-cispels.