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La théorie des champs lexicaux : un essai de sémantique saussurienne ?

Filomena DIODATO

Università di Roma « Sapienza »

filomena.diodato@uniroma1.it

L’idée de revisiter la relation entre Saussure et les néo-humboldtiens, Trier en particulier, surgit pendant le colloque Saussure et ses interprètes italiens, à Rome, en juin 2016, à l’occasion d’une rencontre avec Tullio De Mauro, qui m’invita à la présenter à ses Lundis linguistiques. D’ici se développa la relation que, d’accord avec De Mauro, je présentais le 16 janvier 2017, quand – hélas – De Mauro n’était plus là pour l’écouter. Que ce soit l’occasion d’exprimer toute ma gratitude à son égard.

1. La sémantique de Weisgerber et le champ de Trier

Les théoriciens des champs lexicaux Jost Trier et Leo Weisgerber sont habituellement définis comme des linguistes néo-humboldtiens. Néanmoins, le poids de la linguistique saussurienne a été déterminant sur le développement de la théorie sémantique de Weisgerber et sur la formulation du concept de champ lexical1, qui se situe dans le passage du saussurisme au structuralisme2, révélant les thèmes principaux et les contradictions de la sémantique structurale du XXe siècle.

En effet, le développement de la notion de champ chez les néo-humboldtiens aborde certaines incohérences de l’édition du Cours avec la tentative, parfois très contradictoire, de sauver une conception énergétique de la langue plus proche de la pensée de Humboldt ainsi que de la « voix authentique » de Saussure (De Mauro 2005 : IX).

En particulier, Weisgerber (1926, 1927, 1950), en poursuivant la notion de Sprachform, parvient à une vision relativiste très radicale, selon laquelle le langage, comme instrument cognitif, et la langue, comme création ethnique, sont les moyens qui donnent au système conceptuel sa forme particulière. Dans sa critique de la sémantique courante (la sémasiologie et l’onomasiologie du XIXe siècle), il soutient que le signe doit être considéré dans sa totalité, comme association du mot (signifiant) et du concept (signifié). Seul le signe ainsi défini peut se rapporter aux choses. La discipline centrale de sa théorie est la Begriffslehre, la science des concepts, conçue comme une science cognitive – singulièrement disjointe de la sémantique (science des signifiés) – qui a la tâche d’investiguer les contenus linguistiques, c’est-à-dire l’image du monde (Weltbild) que les locuteurs introjectent lors de l’acquisition de leur langue maternelle (Weisgerber 1950).

Chez Weisgerber, le signifié a une nature relationnelle et est identifié avec le contenu mental, donc, puisque la conceptualisation est une opération purement linguistique, par conséquent chaque langue établit les limites absolues de ce qu’on peut penser/dire3. De ce point de vue, la Begriffslehre semble sombrer dans un mentalisme radical – bien différent du psychologisme – que Saussure a évité en intégrant le temps et la masse parlante dans le mécanisme de la langue (§ 3).

A la suite de Weisgerber, Trier essaie d’éclaircir la notion de champ pour dépasser la confusion théorique et terminologique de la sémantique lexicale de son temps. Il renforce la notion humboldtienne de Weltansicht (vision du monde) par l’adoption du concept statique de Weltbild et, tout en balançant entre une perspective humboldtienne4 et la pensée la plus radicale de son collègue, il affirme que la langue crée une image complète et entière de la réalité, qui ne laisse pas de blancs pour les locuteurs d’une communauté linguistique5. La langue intervient sur la réalité en agissant sur les deux masses amorphes ; par conséquent, la classification linguistique génère les champs linguistico-conceptuels définis par le biais des propriétés de la totalité (Ganzheit) e de l’articulation (Gliederung) : le champ lexical est une totalité organisée dans laquelle les mots et les concepts se définissent réciproquement ; les mots articulent et couvrent le champ conceptuel comme les fragments d’une mosaïqué6, au point que le signifié existe seulement dans le champ7. Néanmoins, d’une perspective théorique l’hypothèse de Trier apparaît moins contraignante, car sa définition est motivée par des raisons d’ordre pratique et méthodologique8 liées à son refuse d’adopter au plan du signifié la méthode atomistique utilisée pour l’analyse phonologique9. Cela apparaît plutôt un indice de l’impasse, très familière à Saussure, de traiter en termes statiques un objet dynamique (Diodato 2019a).

2. Champ et système : langue-parole et synchronie-diachronie

La notion de champ est très répandue dans les sciences de la première partie du XXe siècle. Il s’agit d’une notion migrante (De Palo 2019a : 2 ; Nerlich et Clarke 2000 : 133), née en physique, développée en psychologie et en biologie. En linguistique, elle a eu une diffusion pandémique, car elle paraissait bien adaptée à décrire des phénomènes qui ont une nature systémique ou holistique, constitués d’un ensemble d’unités en relation entre elles (Ščur 1974 ; Herbermann 1995).

En omettant la question de la genèse de la notion de champ en linguistique10, je voudrais considérer ici le dialogue de Trier avec le Saussure du Cours, parce qu’il touche des points typiques de l’exégèse saussurienne, qui seront traités dans le contexte de la sémantique structurale des années suivantes. En particulier, sa réflexion sur la nature de la langue et sur l’organisation du lexique concerne les trois dichotomies langue-parole, synchronie-diachronie, syntagmatique-associatif, en posant des problèmes encore actuels relativement à la définition d’unité linguistique et surtout aux instruments à la disposition du linguiste pour l’analyse et la représentation du signifié (cf. Coseriu 1962).

2.1. Langue-parole, syntagmatique-associatif

Chez Trier, les champs lexicaux ne sont pas des instruments formels pour l’analyse du lexique. Autrement dit, ils ne sont pas des groupes de mots relevés par le linguiste dans un texte, mais des réalités linguistiques vivantes présentes dans l’esprit du locuteur comme partie de sa compétence lexicale11. En conséquence de l’hypothèse relativiste, selon laquelle les concepts sont purement linguistiques, l’analyse des champs permet d’observer la configuration de la structure conceptuelle et de pénétrer la conscience linguistique des locuteurs.

A cet égard, la théorie du linguiste allemand porte à une institutionnalisation de la notion saussurienne de rapport associatif, car les relations entre les mots ne sont pas laissées à la liberté du locuteur (« un mot quelconque peut toujours évoquer tout ce qui est susceptible de lui être associé d’une manière ou d’une autre », CLG/D p. 174), mais elles deviennent codées dans le patrimoine linguistique collectif.

En 1934, la question de la nature des champs lexicaux a fait l’objet d’une polémique très animée entre Trier et Porzig, qui a publié, dans la même année12, sa théorie du champ syntagmatique. Porzig conteste chez Trier l’arbitraire de la notion de champ paradigmatique, car les champs de Trier ne peuvent pas être identifiés selon des indices linguistiques sûrs. Leurs limites dépendent, en effet, du domaine lexical que le linguiste analyse ; de plus, la capacité de saisir les relations entre les mots peut varier beaucoup en fonction de la compétence lexicale des locuteurs. Par contre, les champs syntagmatiques sont in presentia et ont des limites bien définies, car il s’agit d’envisager la relation entre deux ou plusieurs lexèmes qui tendent à se présenter ensemble dans la chaîne parlée. Porzig (1934) soutient, donc, que ses champs sont fondés sur une relation sémantique essentielle ; par contre, ceux de Trier sont des faits de parole qui n’ont pas une existence autonome dans le système de la langue.

La réponse de Trier (1934) est très intéressante, car il reconnaît que les différences entre les concepts de champ cachent deux conceptions différentes de la langue. Selon Trier, la notion saussurienne de système explique que les signifiés et les relations entre les mots dérivent de la langue même. C’est dans le jeu des signes que le signifié d’un mot se définit, en acquérant sa valeur, bien que les signifiés et les relations lexicales soient moins visibles que celles syntagmatiques.

Le débat révèle, ainsi, que les champs paradigmatiques ne doivent pas être conçus comme des associations psychologiques individuelles. La connaissance de la structure du champ lexical est partie de la compétence linguistique, qui est collective et individuelle en même temps. Bien que la compétence lexicale présente toujours des asymétries, on ne peut pas nier l’existence de structures linguistiques codées dans la conscience collective (Trier 1934 : 171 ; Müller 1995 : 217).

La compétence lexicale, paradigmatique et syntagmatique, comprend sûrement un aspect holistique. Cependant, il n’est pas nécessaire de connaître toutes les propriétés structurales du système pour utiliser un mot de manière appropriée. Autrement dit, il n’est pas nécessaire de connaître parfaitement la structure d’un champ pour comprendre le signifié d’un mot seul, sauf à nier, entre autres, la possibilité de la communication et de la compréhension pour un cerveau limité quant à mémoire et à capacité de calcul comme c’est le cas pour le cerveau humain. Il suffit de rapporter convenablement les mots à leur champ (holisme local), c’est-à-dire aux autres mots avec lesquels ils sont en relation. Si on entend la compétence lexicale en termes de compétence symbolique (Deacon 1997), on entrevoit qu’elle ne concerne pas la mémorisation de couples mots-objets. La compétence lexicale doit permettre aux locuteurs de saisir, de manière suffisante à garantir la communication et la compréhension (De Mauro 1982 : 100-105), les relations que les signes entretiennent entre eux.

Par conséquent, en développant la notion saussurienne de système, Trier aborde un aspect fondamental de la compétence lexicale : le signifié est défini par la prise en compte des relations systémiques – paradigmatiques et syntagmatiques – entre les signes. La compétence symbolique précède, donc, la compétence référentielle13. De plus, on pourrait supposer que certaines relations soient reconnaissables au-delà d’une langue spécifique, ces relations étant déterminées par des forces cognitives universelles, donc par la faculté la plus générale du langage14.

2.2. Synchronie-Diachronie

La langue est un système dynamique, donc la structure des champs lexicaux est continuellement modifiée en raison de l’action inéluctable du temps (et de la masse parlante). Par conséquent, pour comprendre les changements sémantiques il faut adopter un point de vue synchronique, en analysant des portions de langue considérées comme non-fluctuantes (Trier 1931 : 13 ; Coseriu 1968).

Comme on le sait, par l’introduction de la distinction entre point de vue synchronique et point de vue diachronique, Saussure établit une répartition complémentaire, illustrée à travers la métaphore des échecs15 : « un état de jeu correspond à un état de langue. La valeur respective des pièces dépend de leur position sur l’échiquier, de même dans la langue chaque terme a sa valeur par opposition avec tous les autres termes » (CLG/D : 125-126). Chez Saussure, les changements linguistiques touchent des éléments isolés ; ils ne provoquent pas une rénovation du système : « jamais le système n’est modifié directement ; en lui-même il est immuable ; seuls certains éléments sont altérés sans égard à la solidarité qui les lie au tout » (CLG/D : 121). Donc, « pour passer d’un équilibre à l’autre, ou – selon notre terminologie – d’une synchronie à l’autre, le déplacement d’une pièce suffit ; il n’y a pas de remue-ménage général » (CLG/D : 126).

La revendication de la nature non téléologique – la cécité – des changements linguistiques justifie la conclusion de Saussure : « La linguistique synchronique s’occupera des rapports logiques et psychologiques qui reliant des termes coexistants et formant système, tels qu’ils sont aperçus par la même conscience collective. La linguistique diachronique étudiera au contraire les rapports reliant des termes successifs non aperçus par une même conscience collective, et qui se substituent les uns aux autres sans former système entre eux » (CLG/D : 140).

Le débat épineux sur la dichotomie saussurienne est officiellement ouvert suite à la publication de Thèse de 1929, quand les linguistes de Prague refusent la conception anti-téléologique du système, en soutenant que les modifications (phonologiques) se réalisent en fonction de la réorganisation du système lui-même. De Mauro (CLG/D : 451, n. 167), en donnant une interprétation circonstanciée de la dichotomie, reconnaît le lien entre l’arbitraire du signe et la méthode synchronique, car si « le signe est radicalement arbitraire dans ses deux composantes, signifiant et signifié, la seule raison qui détermine la configuration particulière d’un signifié ou d’un signifiant est le fait que les autres signifiés et les autres signifiants coexistant avec lui au sein du même système les délimitent ainsi et pas autrement ». La nature radicalement historique et sociale de la langue justifie, donc, la priorité de la méthode synchronique : « pour étudier un signe dans sa réalité de signe, il faut le considérer dans le système d’où il tire sa valeur » (ibidem).

Selon De Mauro, la tentative de dépasser la distinction saussurienne apparaît, cependant, caractérisée par un « certain degré d’équivoque » (ibidem), parce que les critiques mélangent deux problèmes théoriques très différents. Saussure maintient, en effet, une double perspective, en affirmant que la valeur d’une entité linguistique dépend du jeu synchronique dans le système dont elle fait partie et en évitant de sombrer dans une vision animiste, d’après laquelle les changements sont déterminés par des raisons non-arbitraires (CLG/D : 452, n. 176). Il refuse l’hypothèse selon laquelle les changements se produisent en fonction d’une réorganisation meilleure du système, mais il accepte une perspective anti-atomistique, c’est-à-dire l’idée que « les changements sont considérés dans leur liens réciproques, en tant que conditionnés par un système sur lequel ils ont une incidence » (ibidem). Donc, la perspective anti-atomistique et la possibilité d’une diachronie structurale ne sont pas en contradiction avec la distinction saussurienne entre les deux points de vue.

En acceptant la nécessite théorique de la distinction saussurienne, Trier critique aussi les méthodes atomistiques de la sémantique historique traditionnelle, parce que l’observation de l’évolution d’un seul mot ne donne pas la possibilité de comprendre les fluctuations du devenir linguistique. La diachronie, comme analyse des changements isolés, ne permet pas de comparer les structurations des différents champs lexicaux, les seules qui révèlent la conception du monde d’une certaine période.

Sur le plan méthodologique, il est nécessaire de reconstruire les systèmes synchroniques avant de faire la comparaison, car c’est seulement en synchronie qu’on peut saisir la valeur d’un signe. Cependant, il faut faire le pas que Saussure n’a pas fait, c’est-à-dire considérer le point de vue diachronique comme une méthode du système. D’ailleurs, le linguiste a l’obligation d’adopter une méthode scientifique qui lui permet d’analyser le flux du devenir linguistique, en considérant la nature abstraite et concrète des unités de la langue (Coseriu 1962 : 17) ; il doit, donc, trouver une stratégie pour marquer, dans le constant déroulement de la langue, les changements du lexique qui altèrent les sphères conceptuelles. Subséquemment, la méthode la plus convenable semble être la statique comparative16, une description des structures lexicales qui avance d’état en état, en contemplant le champ lexical comme unité de la langue aussi bien synchronique que diachronique.

3. L’antinomie du système et le « troisième principe » de la linguistique saussurienne

Si on affirme la nature radicalement arbitraire du signe et on accepte la notion de valeur, une théorie de la communication et de la compréhension doit aborder l’antinomie cachée derrière la définition de langue comme système serré de valeurs pures. Théoriquement, le problème de l’identité diachronique de Trier est une variation plus complexe du problème de l’identité synchronique (De Mauro 1965 : 149). C’est par les notions de système et de valeur qu’on peut identifier un mot prononcé deux fois comme le même mot. Ainsi, en diachronie, on peut comparer deux éléments seulement si on considère leurs valeurs relatives : pour dire qu’une entité linguistique est changée, on doit reconnaître que quelque chose est resté immuable (De Mauro 1972 : XI).

Öhman (1953 : 126), en critiquant la métaphore de la mosaïque et la plausibilité psychologique de la notion de champ lexical, affirme que « Trier investigates language as ergon or, in the Saussurean terminology, as langue rather than parole ». Cependant, cette observation se fonde sur un malentendu, car la distinction saussurienne entre langue et parole ne correspond pas à celle humboldtienne entre ergon et energeia. La langue n’est pas ergon, par conséquent un état de langue est toujours grouillant d’innovations et flottements qui rendent impossible la prévisibilité – la calculabilité – et l’établissement de cadres systémiques (De Mauro 2005 : XVIII). Subséquemment, la notion de valeur ne comporte pas la négation de la nature énergétique de la langue.

Quand Trier, en reprenant la métaphore de la mosaïque utilisée par Ipsen (1924), affirme que le manteau de mots couvre le champ conceptuel sans laisser de régions découvertes17, il définit au même temps le champ en reconnaissant la vitalité de la langue et sa nature historique et sociale : la langue gagne sa réalité sémantique seulement à travers l’individu et son parler ; néanmoins, le système est indépendant du locuteur empirique (cf. Coseriu 1962).

La méthode de Trier souffre de l’imperfection de ne pas saisir le flux du devenir linguistique, conséquence des nécessités du travail empirique, qui peut seulement simuler les limites du champ, en les supposant comme serrées et constantes, tandis qu’en réalité il y a toujours des chevauchements, des blancs et des zones de transition18. D’ailleurs, aucune méthode d’analyse ne peut capter la potentialité sémantique d’un signe, mais le linguiste doit tenter de saisir l’usage des mots dans un certain segment temporel, en approximant la nature énergétique de la Sprachform.

En résumé, selon Trier, la langue est energeia. Sa nature dynamique n’est pas en contradiction avec l’existence des structures lexicales : nier l’existence des champs signifie nier que la langue est un système. Si on considère les champs comme des constructions accidentelles au niveau de la parole, on doit conclure que le signe gagne son signifié pragmatiquement dans le contexte de l’acte linguistique individuel. Par contre, si on considère les champs comme des sous-systèmes de la langue, on doit sortir de la métaphore de la mosaïque, en expliquant comment les locuteurs communiquent et se comprennent même si leurs connaissances du système (et des sous-systèmes) ne sont pas symétriques.

En substance, l’antinomie que De Mauro (1965) relève dans la théorie saussurienne du système revient sur le tapis avec la notion de champ. Si le mystère du signifié oscille entre la dimension collective et systémique de la langue et les variations des langues individuelles dans les actes concrets de parole, les locuteurs ont une sorte de liberté conditionnée, car ils peuvent utiliser librement la langue entre les limites imposées par la communauté qui établit les normes (Coseriu 1962 : 98). Les actes énonciatifs cachent, donc, une systématicité latente et ne sont possibles que dans le système consacré par un sujet collectif (cf. Gambarara 2012).

Néanmoins, selon les critiques, le fait que la théorie du champ lexical, à l’instar de la sémantique structurale européenne postsaussurienne, se fonde sur une définition mentaliste de signifié limite son applicabilité comme méthode d’analyse lexicale. Pour cela, Lyons (1963), tout en appliquant la méthode de Trier, élimine son substrat métaphysique avec une définition empirique de champ basée sur la notion de signifié descriptif (Lyons 1977). Cependant, la critique de Lyons sous-estime l’approche de Trier, qui dénonce les psychologues, c’est-à-dire ceux qui supposent que la langue en tant que système et les champs lexicaux en tant que sous-systèmes vivent dans un troisième règne des substances intellectuelles.

La dimension mentaliste de la théorie de Trier est plutôt cognitive, non psychologique, ni métaphysique. De toute façon, elle n’interdit pas une interprétation empirique de la notion de champ, surtout si on considère qu’il formule sa théorie justement comme instrument d’analyse lexicale, en relevant les faiblesses de la sémantique diachronique de son époque. En plus, si on veut pénétrer la sémantique de Trier – sans évaluer les dérives relativistes qui, d’ailleurs, ont mené à identifier la théorie Trier-Weisgerber avec l’hypothèse de Sapir et Whorf – on peut conclure que la fertilité de sa suggestion repose dans la tentative de concilier deux définitions de signifié considérées incorrectement comme opposées.

D’un côté, la Wortfeldtheorie entends les contenus linguistiques comme narrow content, c’est-à-dire comme contenus mentaux individuels ; de l’autre, les contenus linguistiques sont aussi conçus comme wide content, parce que les signifiés se déterminent au dehors du cerveau individuel, grâce aux relations qui lient les signes entre eux (Kittay 1992 : 230). Selon la perspective saussurienne de De Mauro (1965 : 244), qui trouve une correspondance dans l’argument du langage privé de Wittgenstein (1953), c’est le langage (et la langue) qui donnent aux locuteurs les règles pour la détermination des signifiés. Dès lors, la théorie du champ lexical n’est pas mentaliste, si on entend ce terme dans sa valeur psychologique ou métaphysique ; au contraire, la notion de champ – comme celle de système – explique les entrelacs entre la dimension interne ou cognitive et la dimension sociale et institutionnelle, à savoir externe, du signifié (cf. Burge 1979).

Plus précisément, la théorie du champ montre que le principe du contraste, c’est-à-dire la définition de l’unité linguistique comme valeur, coexiste avec le principe de conventionalité (Clark 1987 ; Kittay 1992). L’enracinement de la langue dans la société atténue la conception de la langue comme système autosuffisant et serré. Donc, la définition de champ lexical comporte toujours la prévision d’une rétroaction constante entre langue et masse parlante, c’est-à-dire entre la langue et tout ce qui se passe dans le monde extralinguistique. De ce point de vue, le linguiste analyse toujours une langue fonctionnelle, n’oubliant pas que la langue vivante est un organisme historique, « un système de systèmes » (cf. Coseriu 1962 : 104).

A la différence des applications successives de la théorie des champs lexicaux, les réflexions de Trier pourraient conduire à une sémantique saussurienne, mais pas encore structuraliste, dans laquelle, à côté de la notion de langue comme système de valeurs pures, on découvre l’idée de la signification comme emploi (De Mauro 2005 : XVIII ; De Mauro 2007).

Par conséquent, la métaphore de la mosaïque doit être interprétée pleinement comme une métaphore, car le champ lexical – et le système entier de la langue – apparaît comme une mosaïque seulement quand on envisage une structure lexicale en elle-même dans un certain moment, sans tenir compte du flux temporel, sachant qu’en réalité dans la langue il y a toujours une pluralité simultanée de facteurs de variation.

C’est en raison de cette dialectique entre détermination et indétermination du langage (Garroni 1998) et par conséquent des structures lexicales que certains ont critiqué Trier pour avoir formulé une définition trop statique de champ, tandis que d’autres ont pris en défaut le manque de précision de sa notion.

A cet égard, Alinei (1974 : 214, n. 21) soutient que le champ de Trier est une structure non-analysée. Ne disposant pas de traits sémantiques19, Trier ne peut pas délimiter rigoureusement les structures lexicales, donc sa formulation de champ comme groupe de mots liés par relations sémantiques est destinée « à piétiner sur place ». Paradoxalement, c’est justement le refus de l’hypothèse de la symétrie du signe qui sauve la théorie de Trier des risques de réification de la structure de la langue comme un jeu algébrique qui élimine les locuteurs et le temps.

4. Conclusion

La difficulté de parvenir à une définition précise de champ lexical est, au bout du compte, déterminée par la conscience que les signifiés sont vagues, irréguliers et naturellement sujets à extensions et restrictions (Trier 1934 : 173). Toutefois, la variabilité propre de la langue n’évite pas que dans son tissu on puisse distinguer des zones de relative stabilité qui révèlent l’articulation linguistique d’une portion conceptuelle. De toute façon, la question si la théorie des champs lexicaux soit une dérivation légitime de la théorie saussurienne reste encore ouverte, car il faut, entre autres, éclaircir pleinement les hésitations de Saussure sur la notion de système. La notion de champ lexical peut être, au plus, fille du Saussure du Cours et de la vulgata des années Vingt et Trente.

Si la lecture du Cours de Weisgerber a été idéologiquement orientée et celle de Trier était trop pauvre en termes de perspective théorique, leur appel à la pensée de Humboldt a sûrement maintenu sur le tapis la dialectique entre energeia et ergon, même si elle n’a pas été explorée dans sa complexité. Par contre, les théories structuralistes20 ont été certainement moins saussuriennes, puisqu’elles portaient sur la notion de langue comme jeu algébrique ou sur la notion de système fonctionnel ou encore sur une définition partielle du signifié comme agglomérât de traits distinctifs purement linguistiques. Ces limites paraissent dépassées par les sémanticiens cognitifs21, qui, néanmoins, en déplaçant la conceptualisation hors du langage et de la langue, ont parfois sombré dans le réductionnisme opposé. Une perspective authentiquement saussurienne pourrait, donc, soutenir et une sémantique lexicale qui rend compte de l’indétermination du signifié et une sémantique cognitive qui considère la fonction cognitive propre du langage.

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1 Ces réflexions concernent la notion de champ lexical que Trier a développée entre 1931 et 1934 ; elles ne traitent pas la théorie et la classification des champs lexicaux de Weisgerber. Cependant, Trier adopte la théorie sémantique que Weisgerber a élaborée dans les années Vingt, en discutant certains des fondements théoriques du Cours.

2 Si la fertilité de la pensée saussurienne a été simplifiée (et banalisée) dans le paradigme structuraliste jusqu’aux années Soixante-dix du XXe siècle (Lepschy 1966), en faisant de Saussure un « structuraliste sans le savoir » (Mounin 1968), aujourd’hui on peut repenser le structuralisme en reliant les aspects les plus problématiques de la théorie saussurienne, qui se retrouvent, parfois de manière très contradictoire, dans la réception de Weisgerber et de Trier.

3 La théorie de Weisgerber présente sans aucun doute des contradictions théoriques liées à sa pensée idéologique et politique (Hutton 1999 ; Diodato 2019b).

4 Chez Humboldt, la langue, intrinsèquement dynamique, n’est pas encore une interprétation du monde ; elle est une vision, une condition de possibilité qui permet la construction d’une image et d’une conception du monde (Di Cesare 1991 : LVI).

5 « Denn jede Sprache ist dem Sein gegenüber ein Auswahlsystem, und zwar ein solches, das jeweils ein in sich vollkommen geschlossenes ganzheitliches Seinsbild schafft. Das Seinsbild einer Sprache ist ein Kontinuum, es enthält keine Lücken und blinden Flecke für den Sprachgenossen. Die Art nun, in welcher die Sprache dieses zwar lückenlose und ganzheitliche, dem absoluten Sein gegenüber aber auswählende, einschränkende und besondernde Seinsbild aufbaut, muß mit dem Begriff der Gliederung getroffen und beschrieben werden. Gliederung ist das allgemeinste und tiefste Wesenmerkmal aller Sprache (Humboldt) » (Trier 1934 : 145).

6 « Das es [le mot] im Gesamtfeld umgeben ist von bestimmt gelagerten Nachbarn, das gibt ihm die inhaltliche Bestimmtheit ; denn diese Bestimmtheit entsteht durch Abgrenzung gegen Nachbarn. Die Stelle an der es, von ihnen umdrangt, in dem grossen Mosaik des Zeichenmantels als kleiner Stein sitzt, entscheidet über seinen Gehalt, sie weist ihm zu, was für einen Teil aus dem Gesamtblock der fraglichen Bewustseinsinhalte es herausschneidet und zeichenhaft darstelt » (Trier 1931 : 3).

7 Trier (1931 : 6). Par contre la sémantique des frames défend l’hypothèse d’une structuration pré-linguistique ou pas seulement linguistique de la pensée (Nerlich et Clarke 2000 : 135).

8 « Trier (1968) emphasizes that the lexical field theory he developed emanated as much from the empirical difficulties encountered while doing historical meaning research as from his theoretical conviction, inspired by de Saussure and Weisgerber, that a different approach to semantics was necessary » (Geeraerts 2010 : 55).

9 Sur les tentatives d’assimiler l’analyse du signifié à celle du signifiant et sur les limites de la notion de phonème, v. Albano Leoni (2009).

10 Sur le développement de la notion linguistique de champ, cf. Geckeler (1971). Cf. aussi Nerlich et Clarke (2000), qui démontrent les connections entre la sémantique des champs et celle des frames, en distinguant trois périodes de développement : (1) post-Humboldtian field semantics, depuis Humboldt et après Saussure (1830-1916) ; (2) post-Saussurean and neo-Humboldtian field semantics, depuis Saussure (1916-1950) ; and (3) neo-Saussurean and structuralist field semantics (de 1960 à aujourd’hui).

11 « Kein ausgesprochenes Wort steht im Bewußtsein des Sprechers und Hörers so vereinzelt da, wie man aus seiner lautlichen Vereinsamung schließen könnte. Jedes ausgesprochene Wort läßt seinen Gegensinn anklingen. […] Neben und über ihr taucht eine Fülle anderer Worte auf, die dem ausgesprochenen begrifflich enger oder ferner benachbart sind. […] Sie bilden unter sich und mit dem ausgesprochenen Wort ein gegliedertes Ganzes, ein Gefüge, das man Wortfeld oder sprachliches Zeichenfeld nennen kann » (Trier 1931 : 1). Cette première définition « echoes Abel’s book on semantic opposites » (Nerlich et Clarke, 2000 : 130).

12 En 1934 Bühler présente la théorie des « deux champs » symbolique et déictique (De Palo 2019b), qui ne trouve pas d’espace dans la réflexion de Trier.

13 Cf. la distinction entre signification et désignation de Coseriu (1968 : 3).

14 Ce point peut encourager la rencontre entre la sémantique de champs et celle des frames (§ 3).

15 Il est bien connu que la différence entre le jeu des échecs et la langue est que le joueur a l’intention d’exercer une action sur le système alors que « la langue ne prémédite rien ; c’est spontanément et fortuitement que ses pièces à elles se déplacent – ou plutôt se modifient » (CLG/D : 127).

16 « Wenn nur im reinen Sein eines ruhenden oder als ruhend gedachten Sprachzustandes die Struktur von Feldern sichtbar wir, wenn nur hier sprachlich-begriffliche Gruppenbildungen und die Abhängigkeit der Wortbedeutungen voneinander überhaupt gesehnen werden, so wird Geschichte nur möglich sein als komparative Statik, d. h. als eine sprungweise von Querschnitt zu Querschnitt fortgehende, stets und immer von neuem das Gesamtfeld ins Auge fassende zeitlich rückwärts und vorwärts vergleichende Beschreibung » (Trier 1931 : 13).

17 Beaucoup de critiques ont concerné le principe de la Lückenlosigkeit, c’est-à-dire l’absence de lacunes dans un champ. Selon Geeraerts (2010 : 65), « Trier’s use of the mosaic image was not a happy one ». En réalité, la critique révèle un faux problème, car Trier entend souligner que le champ offre aux locuteurs une certaine organisation synchronique de la sphère conceptuelle qui peut changer dans le temps. Cependant, Geeraerts reconnaît que Trier envisage que certains champs ne sont pas mathématiquement définis, mais présentent des chevauchements et des blancs.

18 En soulignant les limites vagues et indéterminées des champs lexicaux, Gipper (1959) et Duchacek (1959) proposent de replacer la métaphore de la mosaïque avec celle de la constellation, qui anticipe le concept de prototype (Rosch 1978) aussi bien que les Idealized cognitive models de Lakoff (1987). Trier (1968) reconnaît d’avoir utilisé une métaphore inappropriée, en soutenant que la structure des champs peut être plus correctement illustrée par l’image de la constellation, mais il ne renonce pas à la conception de champ comme système synchronique d’où le signe tire sa valeur (Nerlich et Clarke 2000 : 136).

19 Pour un panorama introductif de la sémantique componentielle lié à la théorie des champs, Geeraerts (2010 : 70-80).

20 On ne peut pas parler du structuralisme linguistique comme d’un paradigme cohérent et unitaire (cf. De Palo 2016), par conséquent il faudrait évaluer singulièrement les théories du lexique définies structuralistes.

21 « Whereas structural field semantics went into the direction of cutting off any remaining links between lexical structures, conceptual structures and encyclopedic world knowledge, these links have been forcefully reinstated by modern frame semanticists » (Nerlich et Clarke 2000 : 139). Comme le structuralisme, la sémantique cognitive est une famille de théories très riche, qui comprend des visions parfois très différentes du signifié et de la relation entre langage, cognition, réalité et expérience.

Bibliographie

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