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Émile Benveniste et le rôle du « sens »

Titre tchèque original : « Emile Benveniste a Úloha Smyslu ». Thèse dirigée par Petr A. Bílek, Université Charles de Prague, soutenue à Prague, le 26 juin 2017. Composition du jury : Zdeněk Hrbata (Président), Jakub Češka, Josef Hrdlička, Anežka Kuzmičová, Vladimír Papoušek, Jiří Pelán, Martin Pokorný, 306 pages.

Eva KRÁSOVÁ

Université Charles, Prague

Eva.Krasova@ff.cuni.cz

La thèse Emile Benveniste et le rôle du « sens » est la première étude monographique tchèque consacrée entièrement à la pensée et à la vie d’Emile Benveniste. Le rôle que la notion de « sens » joue dans les théories du linguiste français est notre point de départ. Nous suivons l’approche méthodologique de l’« historiographie des sciences du langage » (Koerner 1999 : 183) et de la génétique des textes linguistiques (Fenoglio, Chepiga, Eguchi & Lefebvre 2012 : 330) en poursuivant l’examen de l’œuvre de Benveniste d’une manière strictement chronologique et génétique.

La première partie, intitulée « La linguistique de la langue », vise à étudier les sources de la pensée de Benveniste. Pour familiariser le lecteur avec la problématique, nous présentons dans le premier chapitre la notion de système chez notre auteur. Cette notion (plutôt que celle de « structure ») – concept clé du structuralisme naissant – permet d’aborder des questions pertinentes pour le développement ultérieur de la pensée de Benveniste. L’idée de système chez Benveniste présente certaines caractéristiques spécifiques :

1. La notion de « structuralisme », qui joue à la fois le rôle d’amorce et de thèse à critiquer, n’est pas vraiment délimitée par une définition ; elle n’est souvent précisée que par des références intertextuelles. La situation est compliquée par l’essor du structuralisme « littéraire » en France dans les années 1960 et son interaction avec le structuralisme « linguistique » original ;

2. La notion de « système » est conçue à l’aide de l’opposition entre « science des langues » et « science de la langue » mise en place par Ferdinand de Saussure (Benveniste 1963 : 19). Etant donné que la distinction n’est pas formulée explicitement dans le texte du Cours de linguistique générale (Godel 1957 : 53-54), il faut souligner le caractère tout à fait original de l’approche benvenistienne de la pensée de Saussure.

3. Le système linguistique, en tant que « structure » (Benveniste 1963 : 21), présente certains traits importants : il est (1) divisé en unités qui (2) forment des discours ; il est (3) génératif et (4) hiérarchisé, il est aussi (5) relatif (défini seulement par ses relations internes) ; il est enfin (6) une totalité, (7) synchronique et (8) formelle. Nous discutons les problèmes qui découlent de cette liste, notamment la collision entre (1) et (6) au sujet de la notion de segmentation et la nécessité conséquente de redéfinir la thèse de la relativité radicale des valeurs linguistiques. Puis nous évoquons le thème de l’« inconscience » du système linguistique (« montrer au linguiste ce qu’il fait », Laplantine 2011 : 65) et la notion de « scientificité », qui est liée à la construction de celle de système.

Dans le deuxième chapitre (« Origine et contexte »), nous nous tournons vers trois sources de la pensée benvenistienne que nous identifions avec les trois « Ecoles » de linguistique de l’entre-deux-guerres en Europe (nous soulignons que ce choix n’est pas fait a priori, mais qu’il est le résultat d’une recherche préliminaire) :

1. En tant que base scientifique de Benveniste, l’école dite « de Paris » est certainement la source la plus importante. Nous mentionnons le problème de la fondation des sciences de l’homme dans la pensée française et sa relation au positivisme (Tosel 1999 : 5). Nous discutons ensuite les liens entre la conception de la sociologie chez Emile Durkheim (2009) et la conception diachronique et évolutive de la notion de système chez Antoine Meillet, figure emblématique de la jeunesse de Benveniste (Meillet 1965 : 1-18).

2. Pour ce qui est de Prague, nous commençons par présenter et organiser les faits fondamentaux concernant la relation de Benveniste avec l’école éponyme (voir aussi Koblížek & Krásová 2019), puis nous montrons les similarités entre le holisme et l’organicisme des « Russes de Prague » (Sériot 1994 : 24) et l’approche évolutive d’A. Meillet. A l’aide de l’étude d’Ernst Cassirer intitulée « Structuralism in Modern Linguistics » (1945), nous découvrons finalement des parallèles entre la pensée téléologique de l’école de Prague et les textes de Benveniste des années 1960.

3. En ce qui concerne Copenhague, nous traitons notamment le premier numéro de la revue Acta linguistica et ses textes programmatiques (Brøndal 1939). Dans l’analyse de l’article de Benveniste « La nature du signe linguistique » (1939), nous trouvons certaines insuffisances (l’interprétation des textes du Cours, la confusion entre la chose et le concept de la chose, la notion de substance ; v. Bouquet 1997 : 117) et nous suggérons que les concepts de bases utilisés par Benveniste trouvent leur source d’inspiration dans la pensée de L. Hjelmlsev.

Dans le troisième chapitre de la première partie, intitulé « La perspective du sens », nous présentons le rôle crucial que la perspective du « sens » – illustrée pour la première fois dans l’article « Niveaux de l’analyse linguistique » (1964) – joue dans la pensée de Benveniste (et nous suggérons la possibilité d’un dialogue avec le principe hjelmslevien de symétrie du signe linguistique, qui est exprimée par la formule une forme = une fonction).

La deuxième partie de ma thèse, dont l’intitulé dit « La linguistique du discours », est divisée en deux sections. La première présente les éléments de la théorie du langage de Benveniste, la seconde en opère une critique.

Dans la première section (« Sémantique, la science du discours ») nous inférons que dans ses textes, Benveniste discerne deux acceptions de la notion de « sens » : sens1 « signification » (Benveniste 1967 : 222), « signifiance » (Benveniste 1969 : 45), qui est binaire (« le mot a/n’a pas de sens ») et est un corrélat du signe comme unité fondamentale du mode sémiotique du langage ; sens2 (« ce que le locuteur veut dire », Benveniste 1967 : 225), qui est un corrélat de la phrase (l’unité la plus haute du mode sémantique) et qui n’est pas une simple somme des sens1 des signes qui composent la phrase. Dans ce système, le rôle de la phrase (qui est « une création indéfinie, variété sans limite », Benveniste 1964 : 129) est crucial. Dans le système des « Niveaux de l’analyse linguistique » (1964), la phrase se situe au dernier niveau, mais en réalité, elle ne peut pas avoir le statut de « niveau » parce qu’elle se laisse seulement décomposer en constituants, et ne fonctionne pas elle-même comme un signe. D’un point de vue terminologique, ce rôle de « phrase » est donné par le terme « discours ». Son aspect définitoire est la prédication. Le discours et une expression de la langue dans la communication vivante, le mode sur lequel la langue fait ce qu’elle a pour tâche : « servir à vivre » (Benveniste 1967 : 217). Ainsi s’ouvre un nouveau domaine de recherche sur le langage, l’étude de la « langue en action », soit le sémantique au sens benvenistien. Le discours est le siège de l’articulation de la subjectivité. Certains types de signes (les déictiques, notamment) servent à rattacher le discours au monde par le moyen de l’autoréférence, plus précisément au sujet qui l’a prononcé. Benveniste définit ensuite le temps verbal et la personne verbale comme moyens principaux de l’appropriation.

Les thèmes établis sont systématisés dans l’étude « La forme et le sens dans le langage » (1967), où Benveniste discerne deux modes d’être de la langue : « la langue comme sémiotique » et « la langue comme sémantique » (p. 224). Pour chacun d’entre eux, il établit un ensemble de descriptions et la manière dont la forme et le sens existent en eux-mêmes : pour le mode sémiotique, c’est ce que nous avons décrit comme sens 1 ; le mode sémantique correspond au sens 2. Le caractère définitoire de la langue, « signifier », est présenté comme nécessairement réalisé dans le mode sémantique, ce qui confirme sa primauté.

Dans l’esprit de l’idée saussurienne de sémiologie, Benveniste présente, à la conférence de sémiotique de Varsovie de 1968, la théorie de la hiérarchie des systèmes, qui applique le modèle du signe aux relations entre systèmes sémiotiques et établit la relation interprétantinterprété (Benveniste 1969 : 54). L’affirmation de la position suprême de la langue mène à la thèse que la langue pourrait être la source du sens plutôt que son intermédiaire (Benveniste 1970a : 97).

La relation entre sémiotique et sémantique peut être résumée ainsi :

SÉMIOTIQUESÉMANTIQUE
signediscours
construction abstraiteréalisation concrète
atemporelconsidère le temps
à l’intérieur de la langueà l’extérieur de la langue
la référence n’est pas pertinenteréférence
étudie le communétudie le concret
rapports paraigmatiquesrapports syntagmatiques
reconnaître/reconnaîtrecomprendre

Le second chapitre de la deuxième partie de la thèse comporte une critique de la théorie présentée.

1. On peut concevoir deux relations possibles entre les modes sémiotique et sémantique : 1) un potentiel et sa réalisation, 2) deux réalisations d’un potentiel. La première s’avère fondée par l’influence de R. Jakobson et L. Hjelmslev, tandis que la seconde est typique de la pensée tardive de Benveniste et de son dialogue avec le poststructuralisme naissant. Cependant, en général, l’évolution de la pensée de Benveniste n’est pas orientée de l’une de ces approches vers la seconde : il les alterne simultanément, parfois dans le même paragraphe. La même confusion est patente chez Jakobson.

2. Nous examinons ensuite le développement de la conception de la relation entre mode sémiotique et mode sémantique. Les textes des années 1950 montrent que la sémantique était originellement conçue comme une branche de la syntaxe ou de la lexicologie (Benveniste 1951a, ff. 90-94 et ff. 110-112 ; Redard 1949/1950, ff. 17-18 ; Benveniste 1950 : 154, 1954 : 289).

3. J.L. Austin et Ch.S. Peirce sont éliminés comme possibles sources d’inspiration ; en revanche, l’impact du « Groupe sémantique américain » est souligné (Benveniste 1951a, ff. 90-94).

4. La relation avec le linguiste tchèque Vladimír Skalička1 est aussi à considérer. Les études de Skalička sur la spécificité de la phrase datent d’avant la période pendant laquelle il était en contact avec Benveniste, mais les études sur ce sujet qui exploitent le terme d’« énunciation » (expression propre à Skalička, avec cette orthographe) apparaissent pendant cette période (Skalička 1935, 1937). De plus, l’étude de Skalička « The need for linguistics of “la parole” » (1948), que Benveniste a certainement lu (voir Benveniste 1951b), contient des réflexions sur les niveaux linguistiques qui présentent de similitudes évidentes avec celles de Benveniste. La différence principale avec la conception du discours de Benveniste est que Skalička ne distingue pas le niveau de la phrase des niveaux plus bas (il n’y a pas de « hiatus », comme chez Benveniste), et la phrase reste donc, pour Skalička, un phénomène de langue, non de parole (voir Koblížek & Krásová 2019).

La troisième partie (« Le Dédoublement ») développe certains thèmes benvenistiens ; le premier chapitre (« L’Evénement ») propose une réflexion sur la conception benvenistienne de l’articulation temporelle du sujet.

1. Dans « Les relations de temps dans le verbe français » (Benveniste 1959), Benveniste discerne deux plans d’énonciation : le discours et l’histoire. Le premier attache le discours à la situation, prend en considération les acteurs de la communication et ses expressions typiques sont la première ou la deuxième personne verbale ; le second objective ce dont on parle, et se caractérise par la troisième personne. Dans la majorité de ses travaux, Benveniste déclare que c’est la langue qui forme notre expérience (une variante de l’hypothèse Sapir-Whorf). En revanche, dans les conceptions purement structuralistes, la question de l’articulation linguistique serait plutôt dépendante des concepts de synchronie et de diachronie ; le système de la langue est compris comme un élément stabilisant (= synchronie) d’un développement évanescent et insaisissable (= diachronie). Ce système est en fait une manière de concevoir une stabilité dans un changement continu. Le système est donc toujours plutôt un « modèle » qu’une réalité (voir Lévi-Strauss 1962 : 307).

2. Pour Benveniste, à l’origine, l’articulation n’est pas temporelle : la continuité du sujet est assurée par l’expression linguistique « je ». Nous discutons la plausibilité de cette thèse en utilisant des passages sur la certitude sensible dans la Phénoménologie de l’Esprit de G.W.F. Hegel (1941 : 81-92), qui apparemment constitue le fondement de la réflexion de Benveniste. Par sa nature, la linguistique ne peut s’organiser que comme science générale et c’est pourquoi la thèse de Benveniste selon laquelle le sujet parlant s’articule lui-même dans un discours particulier est à notre avis problématique.

3. Cette autoréflexivité n’est même pas nécessaire dans la vie du langage. En fait, on trouve des expressions autoréflexives dans les deux modes d’énonciation (discours et histoire), mais elles sont implicites dans le cas de l’histoire. La vraie question est de savoir pourquoi il faut poser un mode « objectivant » du langage.

Le deuxième chapitre de la troisième partie (« L’écriture ») développe cette question à l’aide de quelques réflexions de Jacques Derrida.

1. Nous étudions la critique du texte de Benveniste « Catégories de pensée et catégories de langue » (1958) opérée par J. Derrida dans « Le supplément de copule » (1972a : 209-246). Derrida tente de réfuter la primauté de la langue sur l’être telle qui est affirmée par Benveniste. Même si Benveniste déclare son relativisme linguistique, il tend à un universalisme qui est un écho du marxisme de l’époque, comme l’a très bien montré J.-Cl. Milner (2002 : 125-133). Cette attitude n’est enfin qu’un procédé de construction de la « mythologie blanche ». La primauté de la langue ne peut pas être soutenue de cette manière.

2. Les leçons de Benveniste sur l’écriture de 1969 sont en fait une réaction à « La pharmacie de Platon » de Derrida (1972b) et « L’écriture avant la lettre », première partie de son ouvrage De la grammatologie (1967 : 9-142). Benveniste abandonne le problème au point où Derrida commence à le traiter. Pour Benveniste, l’écriture est une vraie expression du système de la langue, liée nécessairement à la nature de l’homme (Fenoglio 2016 : 26). En revanche, avec sa notion d’archi-écriture, Derrida montre que le principe que les linguistes décrivent comme propre à l’écriture est en fait un principe propre à chaque système de signes. La différence est dans son fondement. La critique du logocentrisme révèle le mythe du signifiant transcendantal, qui a été créé par le mécanisme de « l’écriture » : l’écriture fonctionne comme un truchement matériel pour saisir ce qui s’évanouit (= l’événement). Créer une trace signifie présupposer la « réoccurence » et donc poser l’événement comme un événement. Les réflexions sur la forme et le sens que nous avons faites dans la première et deuxième partie nous aident à comprendre la notion derridienne de trace et de chute de la chose au signe. La critique benvenistienne de Ch.S. Peirce dans « Sémiologie de la langue » (1969) est clairement une réaction à Derrida. Elle se distingue par la notion de différence : chez Derrida, elle est une relation entre deux éléments pareillement vagues, et c’est pourquoi elle est le principe d’une sémiose infinie ; chez Benveniste, elle est la différence entre le signe et la chose, et elle met fin à une régression infinie. Il faut comprendre les notions de « dehors » et de « dedans » chez Benveniste, et la manière dont il les intervertit. Son idée de la langue comme siège de la production du sens (« machine à produire du sens », Benveniste 1970a : 97) est le résultat de l’application de cette opposition à son propre système originel. Derrida joue donc un rôle important dans le développement de la pensée benvenistienne à partir de 1964, date à laquelle Benveniste commence à retravailler l’idée de la linguistique du discours, ce qui est rendu possible par l’approche de « deux réalisations d’un potentiel ».

Le dernier chapitre de la troisième partie (« La Poésie ») considère l’application des idées de Benveniste à la littérature. Nous nous focalisons sur l’intervention possible de Benveniste dans la naissance de l’analyse structurale du récit. L’opération d’application des catégories grammaticales au récit, que Roland Barthes prononce dans son texte programmatique « Introduction à l’analyse structurale des récits » (1966 : 4) est analogue au schéma benvenistien de la relation entre les systèmes sémiologiques et le mécanisme de la genèse du sens dans le langage. Ce schéma, qui peut être retrouvé chez Barthes dans Mythologies (1957 : 828), est implicitement présent chez Benveniste dès 1939, dans « La nature du signe linguistique ». De nombreux concepts présents chez Barthes sont clairement d’origine benvenistienne. Or, l’application de la structure de la phrase au récit est problématique : le fait que le « discours » soit composé de phrases ne fonde pas la nécessité d’une similitude structurale. Nous sommes ici témoins d’un bricolage intellectuel.

Nous analysons ensuite la nature du rapport entre E. Benveniste et Tzvetan Todorov, qui arrive à Paris en 1964 et commence à suivre les cours de linguistique générale de Benveniste (Todorov 2012 : 180). La possibilité d’une inspiration commune est suggérée dans l’œuvre de Iouri Tynianov, membre fondateur de l’école formaliste russe. Sur la base de documents épistolaires (Todorov 1968, 1969), on peut déduire que la discussion avec Todorov a encouragé Benveniste à travailler sur la notion d’énonciation, et que cela s’est passé à l’époque de la genèse du texte essentiel « L’appareil formel de l’énonciation » (1970b). L’identification de l’axe paradigmatique avec la relation sémiologique du signifiant et du signifié, qui a lieu chez Benveniste à partir de 1964, est aussi présente chez Todorov (1965, et surtout 1975). Nous montrons que la théorie du « langage poétique » chez Benveniste peut être considérée comme le résultat de la même confusion.

L’œuvre d’Emile Benveniste est une métonymie du développement de la théorie du langage au XXe siècle. Elle représente toutes ses phases importantes et, dans plusieurs cas, Benveniste lui-même est un agent de ce développement. L’évaluation exacte de son influence dépendra d’une recherche génétique plus profonde.

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1 Membre du Cercle linguistique de Prague, specialiste des langues finno-ougriennes et fondateur du Département de Phonologie et Phonétique à l’Université Charles de Prague, V. Skalička (1909-1991) est l’auteur d’une riche et articulée théorie typologique des langues. Cf. aussi CFS 70 (2017) : 197-198.

Bibliographie

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TOSEL, André (1999), « Remarques historiques sur la notion de système », Philosophique 2, p. 81-88 [en ligne : http://journals.openedition.org/philosophique/245].