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Benveniste entre tradition et innovation : un cours au collège de France de 1939

Mariarosaria ZINZI

Università degli Studi di Firenze

mariarosaria.zinzi@unifi.it

Les recherches menant aux présents résultats ont bénéficié d’un soutien financier du septième programme-cadre de l’Union européenne (FP7/2007-2013 – MSCA-COFUND) en vertu de la convention de subvention n° 245743 – Programme de bourses post-doctorales Braudel-IFER-FMSH, en collaboration avec l’ITEM (ENS-CNRS), Institut des Textes et manuscrits Modernes.

Emile Benveniste est l’un des représentants les plus renommés de l’Ecole linguistique de Paris1. Dans l’œuvre de Benveniste on peut entrevoir l’empreinte du maître Antoine Meillet et l’influence du groupe qui s’est formé à son enseignement. En même temps, pourtant, on reconnaît l’originalité et l’autonomie d’élaboration de la pensée benvenistienne, qui dérive d’une aptitude à la problématisation. Dans cet article on se propose de montrer cette dialectique entre tradition et innovation à travers l’analyse du contenu de quelques fragments inédits de la production scientifique de Benveniste, à savoir des réflexions élaborées lors d’un cours donné au Collège de France en 1939 qui portent sur la catégorie du nombre et plus spécifiquement sur le duel. On se concentrera sur deux sujets spécifiques, notamment la définition du duel et les hypothèses concernant sa disparition.

1. Les données

Les manuscrits analysés appartiennent au Fonds Emile Benveniste déposé au Département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (désormais BnF) sous la cote Papiers d’Orientalistes (désormais Pap. Or.)2. Ils font partie d’un dossier qui comprend deux différentes cotes, notamment Pap. Or. 34, env. 333, une chemise avec le titre général « Le Duel » et Pap. Or. 38, env. 69, une chemise ayant deux titres : « Notes de cours Sorbonne »4 en haut à gauche et « Vocabulaire grec, parties rédigées chez Moïnfar »5 en haut à droite. L’enveloppe 33 de la cote Pap. Or. 34 est reliée avec les autres enveloppes de la même cote, par contre la chemise 69 de la cote Pap. Or. 38 est librement contenue dans une boîte. Le dossier se compose de feuillets de formes et dimensions différentes, qui ne sont pas rangés et dont le texte ne suit pas un ordre consécutif.

Les manuscrits contiennent pour la plupart des notes relatives à un cours donné par Benveniste au Collège de France en 19396. Des indices qu’on appellera internes et externes aux documents confirment qu’il s’agit de ce cours. Quant aux indices internes, on trouve dans les cartes des chiffres romains, vraisemblablement les indications de trois leçons, notamment :

— Pap. Or. 38, env. 69, f. 148, chiffre X : « Pourquoi certains mots ne s’emploient-ils qu’au singulier, d’autres qu’au pluriel ? » ;

— Pap. Or. 38, env. 69, f. 171 : chiffre VIII, concernant l’opposition de l’un et du multiple ;

— Pap. Or. 34, env. 33, f. 173 : chiffres IV : « Lecture et discussion des exemples de duel chez Homère » ; chiffre V : « Normalisation du duel en védique, sanskrit et slave ».

De plus, on trouve des renvois explicites aux leçons, à savoir :

— Pap. Or. 38, env. 69, f. 183 : « Dernière leçon » ;

— Pap. Or. 38, env. 69, f. 150 : « Les remarques de la dernière leçon »7.

Quant aux indices externes, le contenu du résumé du cours du mardi de linguistique générale8 de 1939 au Collège de France coïncide avec les sujets abordés dans les notes manuscrites :

Dans le cours du mardi9, on a posé le problème des catégories linguistiques10 et des modes de représentation auxquels elles répondent. Cette étude de linguistique générale a été traitée sur le plan de l’expression concrète. Nous avons examiné la catégorie du nombre, question dont les données tiennent à peu près dans l’opposition « singulier : pluriel » et dont la simplicité apparente dissimule un ensemble très complexe d’expressions distinctes. C’est par l’étude du duel, dans les diverses langues anciennes ou modernes où il survit, que nous avons introduit cette considération essentielle que le nombre grammatical est entièrement distinct du nombre lexical, et que la notion de comput est d’abord étrangère à l’expression morphologique du nombre. On y a apporté des confirmations tirées les unes des langues « primitives » (à propos desquelles la signification du « triel » et du « quatriel » a été discutée), les autres de l’histoire et de l’usage actuel des principales langues européennes, notamment du français11.

2. Les notes au cours de 1939

2.1. Définition de duel12

A lire les notes on remarque que le premier enjeu de Benveniste est de définir d’une façon claire la catégorie du nombre : elle ne s’épuise pas au couple singulier~pluriel et sa signification et sa réalisation linguistique ne sont pas universelles et communes à toutes les langues. Benveniste souligne que le passage du singulier au pluriel ne comporte pas à l’origine la somme ou bien la multiplication des unités, mais l’extension ou bien l’amplification d’un concept qui d’abstrait est devenu concret, de virtuel actuel du fait qu’il trouve une expression linguistique. Le terme grec pour pluriel, πληθυντικός, représente de façon claire l’idée d’extension :

Noter que, dans sa signification étymologique, pluralis (<πληθυντικός) ne fait pas allusion à une multiplicité, mais au fait d’accroître ce qui est tout différent. Donc c’est le « nombre d’accroissement ». Par lui-même il ne contient pas l’idée numérique13.

La complexité de la catégorie du nombre se révèle lorsque le couple singulier~pluriel ne suffit pas à l’exprimer et une langue crée et utilise des déclinaisons intermédiaires aux deux extrêmes pour définir des objets ou des idées qui se présentent en groupes de deux, trois ou quatre éléments :

La meilleure preuve que l’opposition singulier/pluriel n’est pas simple est qu’elle est rompue par des modalités intermédiaires : duel (et même triel, quatriel).

Est-elle constituée par étapes ? De un à deux, puis à trois… Naïf : pluriel est aussi ancien que duel.

Donc puisque le duel s’insère dans une opposition qui a l’air de s’imposer, c’est par là que nous commençons14.

Le duel aide Benveniste à démontrer la complexité de la catégorie du nombre, apparemment simple à concevoir. Il faut pourtant en rejeter la conception usuelle, qui identifie le duel à une représentation linguistique par laquelle on indique deux éléments distincts qui forment un couple. Le nombre grammatical est confondu avec le nombre lexical, du fait que le duel est souvent lié au numéral « deux » :

1. il est de mauvaise méthode de mettre en équivalence un procédé morphologique et une catégorie sémantique

2. les faits enseignent que l’addition de « deux » n’est nécessaire qu’aux stades les plus récents de l’emploi15.

L’emploi du numéral « deux » est tardif par rapport à la création du duel : il apparaît lorsque les formes de duel ont perdu leur motivation originaire et elles ont besoin d’une marque morphologique externe qui indique leur dualité. La nécessité de dégager le duel de l’expression du résultat d’un comput (1+1=2) est aussi soulignée par Meillet :

Quant au duel, à en juger par l’indo-iranien, les anciens textes des dialectes slaves et le vieil attique, il était de rigueur toutes les fois qu’il s’agissait notoirement de deux personnes ou de deux choses : sans doute véd. vṛ́kā, v. sl. vlĭka, v. att. λύκω ne signifient pas à eux seuls « deux loups » ; car le duel n’exprime pas le nombre par lui-même, et l’on ne peut employer ces formes sans les faire précéder du nom de nombre « deux » que si les interlocuteurs savent déjà qu’il s’agit de « deux loups » ; mais dans ce cas, et naturellement aussi là où le nom de nombre « deux » est exprimé, on ne rencontre pas d’autres formes que celles du duel (Meillet 1908 [1903] : 155).

Or, si « le duel n’exprime pas le nombre par lui-même », c’est-à-dire s’il n’exprime pas la somme de deux éléments qui vont en couple, qu’est-ce qu’il représente ? Benveniste affirme qu’il désigne une unité :

Le duel est l’unité de conjonction ou l’unité en moitiés. Soit un seul élément qui se présente partagé en moitiés, qu’on peut considérer séparément (les yeux), soit des <(sous-entendu deux)> éléments distincts <et symétriques> qu’on rapproche en une unité : les parents, Mitrā-varuṇā16.

On retrouve l’idée d’unité ou bien d’ensemble dans les réflexions de Gauthiot (1912 : 130), qui définit le duel comme un objet envisagé « dans son ensemble avec sa dualité comme étant l’un de ses caractères » : le duel ne codifie pas les deux éléments d’un couple, mais l’unité qu’ils composent. D’après Gauthiot (1912 : 131) :

Le duel ne désigne pas seulement […] l’objet nommé « en même temps qu’un autre du même genre », mais bien, dans tous les cas et quel que soit son emploi, une dualité d’objets appartenant à une seule et même classe. […] En indo-européen skr. akṣi, gr. ὄσσε, lit. akì ne signifient pas proprement « les deux yeux », ni « la paire d’yeux », ni même « l’œil et l’autre œil », mais « l’œil en tant que double » […].

Apparemment Benveniste élabore la définition de duel en s’appuyant sur les réflexions de Gauthiot : le duel n’est pas, à son avis, un mariage de deux éléments – qui restent pourtant distincts –, mais il représente et codifie une unité profonde, parce que l’un des deux éléments ne fonctionne pas et ne peut pas fonctionner sans l’autre :

Le nombre duel exprime essentiellement une unité. C’est une modalité catégorique de l’unité. Il y a l’unité indivise, substantielle : c’est le « singulier ». Il y a l’unité impliquant bipartition de la notion : c’est le « duel ». Il y a l’unité impliquant une multipartition de la notion : c’est le « pluriel ». Les termes « duel » et « pluriel » faussent la représentation de cette catégorie, en ce qu’ils portent sur les éléments sans égard à l’unité supérieure du concept qui les embrasse. Ils ont le caractère de ces désignations récentes, atomistiques, confondant l’application et le résultat avec la valeur et la fonction. L’erreur est la même dans les dénominations des cas, des genres, etc. Il faut briser le moule de ces termes pour répartir à nouveau leur substance.

On est dans l’erreur, dans la même erreur, en posant une équivalence ἵππω = δύω ἵπποι. C’est prendre les formes récentes, mécanisées, déformées, pour la fonction originelle. Le tour avec « deux » peut avoir un intérêt en explicitant la notion. Mais l’emploi de « deux » montre que la catégorie s’est vidée de sa valeur, n’est plus qu’une enveloppe vide, un procédé traditionnel. Il vise à justifier la catégorie par le tour en lequel elle se dépose et s’épuise. Si l’on a ajouté « deux », c’est que 1°) la forme originelle ne remplissait plus à elle seule sa fonction ; 2°) la forme originelle avait perdu une grande partie de sa valeur. Car <la langue> en vient à considérer la juxtaposition de deux comme justifiant l’emploi du duel. Alors le duel est ainsi détourné et, si l’on peut dire, vulgarisé. L’emploi du duel pour ce qui, aux yeux, apparaît comme formé de deux, n’est que la manifestation ultime et la réalisation concrète d’une représentation tout autrement orientée à l’origine. On en vient à considérer les deux parties, ou deux fois une unité, ou l’accouplement de deux unités distinctes comme le contenu de la représentation. Celle-ci est au contraire tendue vers l’appréhension unitaire d’un concept dont il importe peu que les éléments (deux en l’espèce) apparaissent ou non aux yeux. L’adjonction de « deux » au nombre duel est partout le symptôme d’une usure du duel et généralement la preuve de sa décadence commencée. « Deux » est un organe de substitution17.

Benveniste définit – ceci étant, à notre connaissance, une nouveauté – les représentations linguistiques du nombre comme une « modalité catégorique de l’unité » : tout est ramené à l’un, non en tant que nombre lexical, mais en tant que conception, idée unitaire d’une réalité exprimée par la langue. Tous les nombres grammaticaux peuvent se réduire à une sorte de phénoménologie de l’unité. Non plus l’un opposé au multiple, mais différentes déclinaisons de l’unité. L’idée de comput est à l’origine exclue de la catégorie du nombre grammatical : elle est une opération qui intervient lorsque le parlant essaie de faire de l’abstraction. Le duel est donc à l’origine l’expression de l’unité de deux éléments qui ne sont pas conçus comme individuellement distincts et ne peuvent être fonctionnels l’un sans l’autre. Benveniste reconnaît dans l’idée de duel, en tant qu’« expression primitive d’unité », une valeur mythique et religieuse, ceci étant une nouveauté par rapport aux travaux de l’Ecole de Paris :

En cela déjà et par sa nature même, cette manière d’appréhender et de dépeindre est foncièrement « mythique ». Elle convient à la figuration mythique du monde, des grands procès cosmiques, ou des luttes humaines, qui toujours, et partout, précède la description rationnelle ; elle est propre à cette manière synthétique et dynamique, qui ramasse le procès en un mouvement et fait jaillir d’un nœud compact d’actions emmêlées une vision qui est aussi une explication, tandis que la pensée rationnelle procédera plus tard par définitions et discriminations, pour une recherche toujours plus aiguë de l’individuel, du séparé, de l’unique. […] Le mythe confond dans un tumulte vivifiant ce que la science distinguera même si c’est pour unir : toujours pour abstraire et classer18.

La création et la disparition du duel sont ainsi connectées au progrès de la société et de l’esprit humain : le duel se détache de sa fonction originelle lorsque l’esprit commence à abstraire et à classer les notions. La question de la création de la catégorie du duel, de son emploi et de sa disparition touche la langue ainsi que la culture : le duel est attesté dans les langues les plus anciennement connues et dans des langues dites primitives (cela n’étant pas étonnant, vu que nombre d’objets autour de l’homme se présentent en couple, que ce soit un couple naturel ou artificiel)19, mais il a disparu de la plupart d’entre elles. L’anthropologue Lévy-Bruhl, qui est cité dans les travaux de Gauthiot (1912) et Vendryes (1937) et dans les notes de Benveniste, relève aussi la présence du nombre duel dans les langues des sociétés dites inférieures, qui reconnaissent l’unité à deux des paires d’objets, alors qu’elles ne comptent pas :

Pour elle [scil. la mentalité prélogique], le nombre ne se sépare pas nettement des objets nombrés. Ce qu’elle exprime dans le langage, ce ne sont pas les nombres proprement dits, ce sont des « ensembles-nombres », dont elle n’a pas isolé préalablement les unités. Pour se représenter la série arithmétique des nombres entiers, dans leur succession régulière, à partir de l’unité, il faudrait qu’elle eût détaché le nombre de ce dont il est le nombre. C’est précisément ce qu’elle ne fait pas. Elle se représente au contraire des collections d’êtres ou d’objets, qui lui sont familières à la fois par leur nature et par leur nombre, celui-ci étant senti et perçu, mais non abstraitement conçu (Lévy Bruhl 1951 [1912] : 219-220).

On retrouve encore une fois l’idée des ensembles, des objets qui ne sont représentés qu’en tant que collectivités, dont les éléments ne demandent pas à être comptés. En ce qui concerne le duel, la réflexion linguistique des représentants de l’Ecole de Paris et la réflexion anthropologique produisent des résultats assez similaires : le duel sera connecté à un stade primitif de la culture, où la langue exprime l’unité à deux des couples sans opérer le comput des éléments qui les composent. Cuny aussi, dans son travail portant sur le duel en grec (Cuny 1906), aboutit aux mêmes résultats :

le duel est le produit d’un état inférieur de la civilisation ; il n’existe que là où la civilisation ne s’est pas développée ou s’est développée récemment ; ailleurs on ne le constate que dans des périodes très anciennes et il disparaît à mesure que la culture se développe (Cuny 1906 : 5).

Gauthiot, en ce qui concerne le duel dans les langues finno-ougriennes, confirme cette idée : « rien aussi de plus conforme à la mentalité dite “inférieure”, à sa conception concrète des choses, à son ignorance de l’abstraction. Le nombre ne se sépare pas de l’objet, ni celui-ci de sa classe » (Gauthiot 1912 : 133).

2.2. La disparition du duel

La disparition du duel, Meillet le propose et ses élèves le confirment, serait strictement liée à la tendance vers l’abstraction de l’esprit humain, qui aboutira à la nécessité de nombrer les choses et de les définir par le moyen du numéral « deux », lorsqu’il s’agit d’un couple. Comme le souligne Vendryes (1937 : 125-126) :

Il s’agit en même temps d’un progrès de l’esprit dans le sens de l’abstraction, c’est-à-dire que l’élimination du duel est un fait de civilisation des mieux caractérisés. Meillet a bien souvent attiré l’attention sur ce fait, qu’il citait volontiers comme une des preuves les plus frappantes de l’action de la société sur la langue. Le duel s’élimine de toutes les langues qui deviennent des langues de civilisation, au fur et à mesure qu’elles le deviennent.

Benveniste donne les étapes du procédé par lequel l’usure et la disparition progressive du duel se réalisent :

Ce qui prépare le déclin du duel, c’est d’abord son épanouissement. Le duel étend son domaine de deux manières : 1°) au point de vue morphologique, par l’accord (article, nom, pronom, adjectif, verbe) – 2°) au point de vue de l’emploi, en devenant la transposition <l’équivalent> morphologique du numéral « deux ». C’est ce qui s’est produit en sanskrit et en slave, en attique. Emploi normalisé, mécanique, littéraire. […]

Le procédé même pour lequel le duel est étendu et systématisé en consomme la ruine : le duel devient le substitut du numéral ; il est dès lors condamné.

A) en général, une langue ne tolère pas que la même fonction soit dévolue à deux organes différents ; l’un doit disparaître.

B) dans le conflit entre morphologie et lexique pour une expression qui était devenue purement numérique et lexicale, il était fatal que l’expression lexicale – le nom de nombre – l’emportât.

C) la langue, dans son effort vers la simplification et l’adéquation de l’expression au concept, n’a plus que faire d’une catégorie dont le contenu s’est vidé, et qui trouble l’opposition simple, définitive, à deux termes : un/multiple. Dès lors que le « duel » signifie simplement « deux », il se déverse dans le pluriel. Son histoire est alors achevée20.

Dès que les langues commencent à créer des nouvelles formes de duel qui ne représentent pas une unité originaire, mais sont tout simplement caractérisées par la marque externe « deux », la catégorie est désormais lointaine de sa forme primitive. Comme le souligne Benveniste : « Dans la mesure où s’affirme une conception plus rationnelle des choses, dans cette mesure même le duel est condamné »21. Une exemplification du changement progressif de la fonction du duel est offerte par le texte homérique, dont Benveniste opère une analyse très soignée du chant A de l’Iliade, qui passe pour l’un des plus anciens22. Le texte homérique est abordé aussi par Meillet (1922) et Cuny (1906), qui affirme que :

l’état syntaxique de l’Iliade au point de vue du duel témoigne à la fois d’une époque préhistorique où ce nombre conservait encore ses emplois comme dans les plus vieilles inscriptions attiques et d’une époque, celle de la rédaction définitive du poème, à laquelle le duel avait cessé d’être employé dans la langue parlée des aèdes (Cuny 1906 : 499-500).

D’après Cuny, les formes du duel existaient dans les dialectes qui ont servi de base au texte homérique, et les aèdes, dont le dialecte ne connaissait plus de duel, l’employaient en suivant une tradition littéraire. L’opinion de Meillet ne s’éloigne pas des hypothèses de Cuny. Meillet observe qu’à l’époque où les poèmes homériques étaient composés le duel n’était plus employé régulièrement et le poète n’avait guère le sentiment du duel dans maintes formes : il l’utilisait soit pour des raisons métriques, soit pour des raisons expressives – dans le cas où il était question de « deux » –, soit enfin pour loger des formules. Le tour « deux » + pluriel, utilisé pour indiquer le couple, aurait contribué à l’épanouissement du duel. Pourtant, Meillet souligne que l’analyse des emplois du duel à elle seule ne permet pas d’affirmer si les parlers des poètes témoignaient encore de la présence du duel ou bien si le duel, étant désormais disparu, n’aurait une utilisation qu’exclusivement littéraire. Il suggère néanmoins que les flottements, qui se trouvent à plusieurs niveaux dans le texte homérique, existaient dans l’usage à des moments différents et que la langue littéraire les aurait accumulés afin de s’en servir pour sa commodité. Quant à la disparition du duel, Meillet confirme qu’elle est liée au progrès de la civilisation, le duel étant une classe « primitive », dont les exemples tirés des poèmes homériques témoignent de la présence de certaines formes dans la tradition littéraire :

Enfin la catégorie, relativement concrète, du duel tend à s’éliminer partout au fur et à mesure des progrès de la civilisation ; on a déjà noté ailleurs que le duel a disparu d’abord dans les parlers des cités coloniales, où la civilisation s’est développée le plus tôt, et où des mélanges de populations ont accéléré l’évolution grammaticale (Meillet 1922 : 50).

Benveniste approfondit l’explication de Meillet : il définit le duel comme une catégorie mythique23 et ajoute :

Dans la mesure où s’affirme une conception plus rationnelle des choses, dans cette mesure même le duel est condamné. Mais cette élimination peut suivre deux voies distinctes :

A) Disparition pure et simple. En Ionie, berceau de la pensée scientifique et rationnelle, où l’esprit s’affranchit sinon de la faculté mythique qui heureusement lui reste, mais de l’appareil et de la figuration mythologique, le duel disparaît sans traces. Hérodote « père de l’histoire », n’en a plus.

B) Mais en Attique où religion et mythe restent bien plus longtemps vivants, la matière impose avec elle certaines survivances, qui, aux mains des poètes, reprennent vigueur pour un temps24.

3. Quelques précédents aux réflexions de Benveniste

Le nombre duel suscite depuis longtemps des réflexions linguistiques. Comme le témoigne Vendryes (1937 : 116-117) :

Le nombre duel a fait l’objet de nombreux et importants travaux traitant des caractères de ce nombre en général ou de son développement dans telle ou telle langue particulière. En 1827, Wilhelm von Humboldt publiait un mémoire : Über den Dualis (reproduit au tome VI, 1re partie, des Gesammelte Schriften, Berlin, Behr, 1907), et l’on connaît les thèses de doctorat composées, à l’instigation d’Antoine Meillet, par M. Cuny sur le duel en grec (Paris, 1906) et par M. Tesnière sur le duel en slovène (Paris, 1925). Si approfondis, si complets qu’ils soient, ces travaux laissent toujours ouverte l’étude des vrais motifs qui expliquent la création et aussi la disparition de ce nombre. Il y a lieu de chercher à mettre en lumière ce que le nombre duel présente à la fois d’étrange dans son existence et de capricieux dans sa fortune.

L’intérêt autour de ce nombre grammatical est vaste et diversifié. Vendryes fait d’abord référence à la publication d’une conférence que Humboldt avait donnée ci-dessous en 1827 : le savant allemand avait comparé, dans un travail qui se proposait comme introductif à une œuvre plus complète sur le duel, les langues qui attestent de la présence de cette représentation particulière du nombre grammatical, en identifiant des caractéristiques typiques. De plus, il avait démontré que la présence du duel est commune à l’intuition (Gefühl) de l’homme primitif et au sens linguistique (Sprachsinn) des sociétés les plus cultivées (Humboldt 1828 : 18). Wackernagel (1926) avait aussi dédié une de ses Vorlesungen à l’étude du duel, notamment à sa présence ou son absence dans les langues indo-européennes. Il avait observé que le duel est attesté dans les phases primitives des langues et que les langues les plus anciennes témoignent de tous les emplois (à savoir nominales et verbales) du nombre qui va pourtant disparaître presque partout. Bien que Vendryes ne le cite pas, une section de la Vergleichende Syntax de Delbrück (1893) est aussi consacrée au duel25. Le linguiste offre principalement une définition et une description détaillée des emplois et des signifiés qui caractérisent le duel dans les langues indo-européennes qui en témoignent. A la fin, un paragraphe est aussi dédié à la question de la disparition du duel : Delbrück donne une explication du côté purement morpho-syntactique, en explicitant que, déjà à un stade primitif de la langue, des mots au duel pouvaient être liés aux adjectifs zwei « deux » ou beide « les deux ». Dès lors, duel et pluriel, utilisés sans problèmes après l’indication du nombre « deux », pouvaient être confondus, jusqu’à la disparition du premier. De plus, en ce qui concerne les formes au duel qui n’étaient pas précédées par une indication de nombre, Delbrück affirme que leur perte est due à la coprésence de phrases à un ou plusieurs sujets, ce qui conduisit au mélange des nombres grammaticaux26.

3.1. Sur le duel : l’Ecole de Paris et Benveniste

L’intérêt pour le duel a été instigué au sein de l’Ecole linguistique de Paris par Antoine Meillet : le maître, qui s’était intéressé au sujet (Meillet 1908, 1921, 1922)27, le proposait à ses élèves en tant que sujet de thèse (Cuny 1906 et Tesnière 1925) et stimulait le débat ci-dessous à l’intérieur de l’école. Tesnière écrit à ce propos (1925 : VII) dans la préface de sa thèse de doctorat :

On n’étonnera personne en disant que l’idée première de ce travail revient à M. A. Meillet. C’est que M. Meillet s’est toujours attaché à mettre en évidence, avec la finesse et la précision qui caractérisent sa méthode, l’étroite dépendance des faits linguistiques par rapport aux phénomènes sociaux ; plus qu’aucun autre linguiste, il a montré l’influence profonde exercée par le progrès de l’esprit humain et par sa marche vers l’abstraction sur le développement du langage et sur la disparition progressive des catégories concrètes. C’est ce qui explique l’attention particulière qu’il a toujours accordée à l’histoire du duel.

Tous les travaux qui concernent le duel, issus de l’école parisienne28, sont influencés par la méthode d’investigation de Meillet, dont les études de grammaire comparée étaient caractérisées par la volonté de plonger le fait linguistique dans son propre temps et dans son propre contexte social : bien que Meillet fût comparatiste dans l’acception traditionnelle du terme, il était convaincu de l’importance du caractère social de la langue pour expliquer le changement linguistique. Il reconnaissait des rapports entre le développement linguistique et les autres faits sociaux, qu’il s’agisse de périodes préhistoriques ou de langues historiquement attestées29, du fait que « la langue est un fait éminemment social » (Meillet 1921 : 16) qui n’existe pas en dehors des sujets qui la parlent. Meillet suggère que le duel appartient à une phase primitive de l’évolution des cultures et des langues, cela étant démontré par la présence du duel dans les langues indo-européennes les plus anciennement attestées. Dans l’article « Convergences des développements linguistiques »30 Meillet, en traitant des personnes du verbe au duel (nous deux, vous deux, eux deux), souligne que ces formes disparaissent presque partout suite à un progrès de civilisation qui tend à éliminer les formes demi-concrètes, afin de ne laisser subsister qu’une opposition évidente, à savoir le couple unité~pluralité. La disparition du duel serait donc une preuve du fait que les changements linguistiques sont étroitement liés au progrès de la culture.

L’intérêt de Meillet au duel aboutit à la compilation des deux thèses de Cuny (1906) et Tesnière (1925), la première dédiée au duel en grec ancien, la seconde au duel en slovène. L’investigation de Cuny démontre que le duel tend à disparaitre de tous les dialectes grecs, sauf l’attique, où il est régulièrement employé ; par contre, les emplois du duel dans les textes homériques ne sont pas constants, ni prédictibles. Quant au travail de Tesnière, il représente l’effort d’investiguer la présence et l’emploi du duel dans une langue moderne, à savoir le slovène, qui, parmi les langues de la famille slave, est pratiquement la seule à l’avoir gardé.

Après sa thèse, Cuny revenait en 1929 sur le sujet duel, en opérant une comparaison de ses emplois entre les langues du domaine indo-européen et les langues chamito-sémitiques – une toute première ébauche de cette comparaison était esquissée dans l’introduction de sa thèse : à cette occasion Cuny relevait que la présence de quelques phénomènes de persistance du duel dans le vieil-égyptien, langue de civilisation, pouvait constituer une objection au lien entrevu entre le degré de civilisation d’une culture et la présence du duel. Pourtant, Cuny relève que nous n’avons aucun document linguistique aussi ancien que pour cet idiome. L’investigation du duel est menée aussi pour les langues de la famille finno-ougrienne dans le travail de Gauthiot (1912), qui dédie sa recherche aux deux langues du groupe qui ont gardé le duel, à savoir le vogul et l’ostiak, qui sont aussi les moins évoluées. Finalement, dans une communication donnée à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1937, Vendryes revient sur le sujet duel, en donnant une vision d’ensemble sur son statut et son épanouissement progressif jusqu’à sa disparition.

Quel que soit le domaine linguistique, les résultats confirment le point de vue de Meillet, qui affirme que le duel est un phénomène propre aux langues primitives ou bien aux stades les moins évolués des langues, et qu’il est en régression ou a disparu lors du progrès de la civilisation.

4. Conclusions

Les théorisations de Benveniste sont bien enracinées dans la production de l’Ecole linguistique de Paris. Pourtant, on remarque qu’il problématise des conceptions qu’il considère simplistes, dans un effort critique dans le sens étymologique du terme, κρίνω signifiant tout d’abord séparer et ordonner. Il met en crise ce qui est considéré comme donné et fait du doute la clé de son investigation, afin de faire repartir à nouveau la réflexion. Comme l’a souligné Puech (1997 : 387-388) à propos des Problèmes de linguistique générale :

« Problèmes », « problématique » : s’il y a des styles de pensée, et si il y a un style de pensée proprement benvenistien, c’est bien celui de la « problématisation ». Il s’agit avant tout d’ouvrir des perspectives, de mettre en relation, de définir des points de vue et pour cela de ne pas se satisfaire des découpages disciplinaires certes éprouvés, mais aussi institués. De ce point de vue, les PLG ne manquent jamais une occasion de remettre en cause l’autosuffisance des savoirs linguistiques qui s’accordent d’emblée la consistance disciplinaire dont ils devraient au contraire apporter la preuve.

Des indices lexicaux dans les notes nous montrent le style critique de Benveniste : il remarque « noter », « naïf », « mauvaise méthode », il parle d’« erreur » lorsqu’il se dédie à la terminologie des catégories morphologiques, dont il dit : « Il faut briser le moule de ces termes pour répartir à nouveau leur substance »31. Il problématise le sujet abordé et il problématise aussi bien les idées bien enracinées dans la tradition linguistique, dont il reste, néanmoins, élève, que les idées des linguistes contemporains. Perrot (1984) a bien souligné ce besoin profond, chez Benveniste, de toujours poser les problèmes fondamentaux et sa tendance à chercher dans les travaux des linguistes de son temps les éléments positifs ou négatifs qui peuvent faire progresser la réflexion. Le cours de « Grammaire comparée » de 1939 dépasse la morphologie et la linguistique générale et historique et se meut à travers l’anthropologie. Benveniste montre une vocation encore plus forte que celle de son maître, à savoir un intérêt scientifique qui voit le lien indissoluble entre langue et culture. De plus, Benveniste comparatiste, bien qu’il soit intéressé par l’histoire des phénomènes linguistiques, ne peut pas se dégager d’une attention à la structure où tout se tient. Tout au long des notes au cours de 1939 il s’efforce de trouver une définition de nombre et de duel qui soit valable, « claire et constante » (CLG 155). Il se donne des indications de méthode, parmi lesquelles le syntagme saussurien est bien évident :

I. L’explication doit être unitaire. Donc ne pas faire de différences entre choses qui se comptent ou ne se comptent pas. <Il n’y a pas deux aspects de pluriel>

II. L’explication doit être totale : ne pas laisser certaines catégories dans la pénombre de dénomination vague : pluriel poétique.

III. L’explication doit être <se fonder> sur une représentation claire et constante […]32.

Déjà Tesnière soulignait la nouveauté représentée par Benveniste dans l’école des comparatistes :

Ce qu’il importe surtout de souligner, c’est que, contrairement aux comparatistes de l’école classique, pour qui seule la forme compte, M. Benveniste a le constant souci de la valeur fonctionnelle des morphèmes qu’il étudie. On sent, derrière chacun des raisonnements, une théorie générale du langage, et l’on constate avec joie que le comparatiste n’étouffe pas en lui le linguiste33.

L’étude de la langue est l’étude de l’homme et de ses rapports avec la réalité où il vit et dont il fait l’expérience. Le duel représente une exemplification évidente du lien entre langue et culture, sur lequel Benveniste s’interroge tout au long de son activité scientifique. Comme le linguiste le souligne (PLG I : 74) : « L’essor de la pensée est lié bien plus étroitement aux capacités des hommes, aux conditions générales de la culture, à l’organisation de la société qu’à la nature particulière de la langue ». La langue est le moyen à travers lequel la pensée trouve forme et signification. La création, le développement et la disparition du duel représentent matériellement le lien étroit entre langue et pensée : suite à une tendance de cette dernière vers l’abstraction, le duel cesse d’être nécessaire et signifiant, ce changement étant manifesté par sa disparition progressive.

Comme l’a dit plus récemment Fenoglio (2016 : 25), le travail de Benveniste montre « une profonde compréhension du langage et de la façon dont celui-ci est intrinsèquement lié à l’humain ». L’étude de la linguistique se constitue comme préalable à un renouvellement mutuel des sciences qui lui sont voisines et à la fondation, avec elles, d’une « science générale de la culture »34. L’approche du savant est donc en même temps critique et synthétique, sa tendance à la problématisation étant la clef de voûte d’une perspective de refondation de la discipline. Les manuscrits confirment l’attitude problématisante de Benveniste, qui apparait dans toutes les manifestations de sa vie scientifique : les cours, aussi bien que ses écrits et ses conférences, deviennent des lieux de lecture, d’interprétation et même de révision, participée et critique, des savoirs linguistiques.

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1 Bien que le syntagme « Ecole linguistique de Paris », ainsi que « Ecole française de linguistique » ou bien « Ecole de Paris », soient souvent utilisés pour désigner le courant de la linguistique socio-historique qui se développe en France au XXe siècle, ils ont soulevé des résistances. Comme l’a souligné Testenoire (2015), ladite école échappe à une définition stable. Pourtant ce qui unit les membres de ladite école est leur lien avec le maître, Antoine Meillet : dans cette contribution, dont le sujet spécifique est les réflexions autour du nombre duel issues des travaux des linguistes formés à l’enseignement d’Antoine Meillet à Paris, on utilisera le syntagme « Ecole linguistique de Paris » pour désigner ce milieu scientifique spécifique.

2 Les manuscrits laissés par Emile Benveniste ne se limitent pas au fonds gardé à la BnF : une partie d’entre eux est gardée aux Archives du Collège de France, une autre à la Bibliothèque de l’Université de Fairbanks en Alaska, et finalement la bibliothèque du linguiste est gardée à la Bibliothèque de l’Institut de linguistique de l’Université de Berne (Suisse). Pour plus de renseignements autour du Fonds Benveniste conservé à la BnF et de son histoire on renvoie à la description qu’en a donnée Brunet (2011).

3 Les documents sont identifiés par trois indications : le premier chiffre identifie la boîte ou bien le volume relié, « env. » indique l’« enveloppe », « f. » le numéro de folio. Toutes les indications correspondent à la numérotation des archivistes de la BnF.

4 Bien qu’ils portent le titre « Notes de cours Sorbonne », les documents ne contiennent pas de notes d’un cours donné à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes – dont le siège était à la Sorbonne –, les seuls cours probables étant, sur la base des indications temporelles que l’on peut tirer des feuillets, le cours de 1936/1937 portant sur la formation des noms en indo-européen ou celui de 1937/1938 portant sur les couples féminin/masculin, abstrait/concret.

5 Elève d’Emile Benveniste et entré au CNRS en 1966, Mohammad Djafar Moïnfar est directeur de recherche émérite depuis 2003. Dans le courant de l’année 1970, Carmelia Benveniste, en accord avec son frère, demande à M. Moïnfar de mettre de l’ordre dans la bibliothèque de Benveniste et dans ses papiers et archives (Moïnfar 1992 : 23). L’enveloppe Pap. Or. 38 env. 69 fait partie des manuscrits rangés par Moïnfar.

6 Les feuillets dont se composent les deux dossiers contiennent aussi des notes évidemment postérieures à 1939 : certains documents sont datés (par exemple, on trouve un billet de la Loterie suisse datant de 1944) et Benveniste fait référence à des ouvrages publiés après 1939 (il cite Grammaire homérique de Pierre Chantraine, datant de 1942).

7 Pour plus de renseignements voir aussi Zinzi (2017).

8 Le cours de Grammaire comparée au Collège de France se développait sur deux jours par semaine : il se composait du cours du lundi, consacré à un sujet de linguistique historique indo-européenne, et du cours du mardi, qui était d’habitude dédié à un problème de linguistique générale.

9 Italique dans l’original.

10 Italique dans l’original.

11 Annuaire du Collège de France, 1939 : 145.

12 Tout texte manuscrit est donné en transcription linéarisée ; le ratures ont été éliminées de la transcription. Les crochets signalent des passages que l’on n’a pas transcrits et les chevrons des intégrations de la main de Benveniste. Les manuscrits dont on offre la transcription dans cet article, qui sont déjà cités dans un précédent article où l’on souligne les possibilités offertes par les archives de Benveniste (Zinzi 2017), feront aussi l’objet d’une prochaine publication, focalisée sur le cours de 1939 au Collège de France.

13 Pap. Or. 38, env. 69, f. 136.

14 Pap. Or 38, env. 69, f. 158 ; le est une intégration de notre main.

15 Pap. Or, 34, env. 33, f. 164.

16 Pap. Or. 34, env. 33, f. 132.

17 Pap. Or. 34, env. 33, f. 135-135v.

18 Pap. Or. 38, env. 69, f. 117.

19 « […] nombre d’objets autour de nous se présentent sous forme de couples qui sont autant d’ensembles. Ce peut-être aussi bien des objets naturels que des objets combinés par l’industrie ou même des objets invisibles que l’imagination a créés. C’est pour ces objets que le duel a dû exister avant tout » (Vendryes 1937 : 121).

20 Pap. Or. 34, env. 33, f. 152-153.

21 Pap. Or. 34, env. 33, f. 154.

22 Pap. Or. 34, env. 33, f. 179-191. Benveniste polémique sur la « manière toute mécanique de procéder à l’analyse des emplois » qui « en a complètement faussé l’appréciation » (Pap. Or. 34, env. 33, f. 178).

23 Pap. Or. 34, env. 33, f. 154.

24 Pap. Or. 34, env. 33, f. 154.

25 Delbrück (1893: 133-146).

26 « Was den nicht mit zwei und beide verbundenen Dual betrifft, so führte das Nebeneinanderstehen von Sätzen mit einem und mit mehreren Subjekten (z.B. er hebt, sie heben die Hände empor) leicht zu einer Vermischung der Numeri und damit zur Aufsaugung des Duals » (Delbrück 1893 : 146).

27 Dans le Bulletin de la Société de linguistique de Paris de 1905 (procès-verbal de la séance du 18 mars 1905), une communication de Meillet où le maître lie la disparition du duel au développement de la civilisation est aussi attestée.

28 Cf. Cuny (1906, 1929), Gauthiot (1912), Meillet (1922), Tesnière (1925), Vendryes (1937).

29 « Qu’il s’agisse de périodes préhistoriques, ou de langues historiquement attestées, toute explication linguistique comporte la considération de faits multiples, et l’on ne peut comprendre l’évolution d’une langue qu’en tenant compte des situations historiques et des conditions sociales où cette langue s’est développée » (Meillet 1920 : VII).

30 Meillet (1921 : 61-75). L’article comparut pour la première fois dans Revue philosophique 85 (1918), pp. 97-110.

31 Voir § 2.1.

32 Pap. Or. 38, env. 69, f. 138.

33 Lucien Tesnière, « Séance du samedi », Bulletin de la faculté des lettres de Strasbourg, 1937, 15e année, n° 5, Strasbourg, pp. 177-183, cité par Moïnfar (1992 : 18-19).

34 Puech (1997 : 390).

Bibliographie

Abréviations

CLG Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, publié par Ch. Bally et A. Sechehaye, avec la collaboration d’A. Riedlinger, Paris, Payot, 1916.

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Etudes

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Sources documentaires

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Ecole pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques, Paris, Melun Imprimerie administrative.

Fonds Emile Benveniste, Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits (archives et manuscrits).

Revue de la Bibliothèque nationale de France 2007, n° 27, Paris, Bibliothèque nationale de France.